Responsabilité parentale et indemnisation des préjudices : un cas de chute à l’école

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Responsabilité parentale et indemnisation des préjudices : un cas de chute à l’école

Accident survenu à l’école

Le 17 décembre 2018, un enfant, [I] [F], a subi une chute dans la cour de récréation de l’école élémentaire [7] à [Localité 6]. Cet incident s’est produit alors qu’il participait à une partie de football avec d’autres élèves, dont [A] [O], qui est tombé sur lui.

Demande de responsabilité

La mère de l’enfant, Mme [L] [S], a engagé une procédure pour établir la responsabilité de [A] [O] et de ses parents, M. et Mme [O]. Elle a demandé une expertise médicale et la communication des informations d’assurance de [A] [O]. L’expertise a été ordonnée le 8 mars 2023 et le rapport a été déposé le 1er juin 2023.

Assignation en justice

Le 9 février 2024, Mme [L] [S] a assigné la Caisse primaire d’assurance maladie (Cpam) de l’Eure, ainsi que les parents de [A] [O] et la société Allianz Iard, pour obtenir réparation du préjudice subi par son fils. La Cpam n’a pas constitué avocat, et l’ordonnance de clôture a été rendue le 3 juin 2024.

Demandes d’indemnisation

Dans ses conclusions, Mme [L] [S] a demandé une indemnisation totale de 11 100 euros pour divers préjudices, y compris des souffrances endurées et des préjudices esthétiques. Elle a également demandé une indemnité de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Réponse des défendeurs

Les défendeurs, représentés par M. et Mme [O] et la société Allianz Iard, ont proposé une évaluation des préjudices beaucoup plus basse, totalisant environ 7 000 euros. Ils ont également demandé le débouté des demandes de Mme [L] [S] au titre de l’article 700.

Responsabilité des parents

Le tribunal a confirmé que les parents de [A] [O] étaient responsables du dommage causé par leur fils, conformément à l’article 1242 alinéa 4 du code civil. Cependant, la responsabilité personnelle de [A] [O] n’a pas été engagée.

Évaluation des préjudices

Le tribunal a évalué les préjudices subis par [I] [F] en tenant compte des blessures et des souffrances endurées. Les montants des indemnités ont été fixés pour le déficit fonctionnel temporaire, les souffrances, le préjudice esthétique temporaire, ainsi que pour le déficit fonctionnel permanent.

Décision du tribunal

Le tribunal a condamné in solidum M. et Mme [O] ainsi que la société Allianz Iard à verser des indemnités à Mme [L] [S] pour le préjudice subi par [I] [F]. Les défendeurs ont également été condamnés aux dépens de l’instance et à verser une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

5 novembre 2024
Tribunal judiciaire d’Évreux
RG n°
24/00685
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

TRIBUNAL JUDICIAIRE D’ EVREUX

CHAMBRE CIVILE

MINUTE N° : 2024/
N° RG 24/00685 – N° Portalis DBXU-W-B7I-HSUV
NAC : 65A Demande en réparation des dommages causés par un mineur ou un majeur, formée contre les parents ou la personne contrôlant son mode de vie ou son activité
Le

1 CE + 1 CCC à Me EUDE (4)

1 CCC à Me ASBIRE
CIVIL – Chambre 1

JUGEMENT DU 05 NOVEMBRE 2024

DEMANDEUR :

Monsieur [I] [F], représenté par Madame [L] [S], administratrice légale
né le [Date naissance 3] 2010 à [Localité 8] (45)
demeurant [Adresse 4]
Représenté par Me Jean-michel EUDE, avocat au barreau de l’EURE

DEFENDEURS :

La CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE
Dont le siège social se situe au demeurant [Adresse 2]
N’ayant pas constitué avocat

Monsieur [A] [O], représenté par ses parents, Monsieur et Madame [C] [O]
demeurant [Adresse 5]
Représenté par Me Marc ABSIRE, avocat au barreau de ROUEN

Monsieur [C] [O], demeurant [Adresse 5]
Représenté par Me Marc ABSIRE, avocat au barreau de ROUEN

Madame [Y] [O], demeurant [Adresse 5]
Représentée par Me Marc ABSIRE, avocat au barreau de ROUEN

Compagnie d’assurance ALLIANZ IARD
Dont le siège social se situe au [Adresse 1]
Représentée par Me Marc ABSIRE, avocat au barreau de ROUEN

JUGE UNIQUE : Marie LEFORT Président

Statuant conformément aux articles 801 et suivants du code de procédure civile.

GREFFIER : Christelle HENRY

N° RG 24/00685 – N° Portalis DBXU-W-B7I-HSUV – jugement du 05 novembre 2024

AUDIENCE :

En application de l’article 779 al 3 du code de procédure civile, le dépôt du dossier au greffe a été autorisé et fixé au 03 Septembre 2024

Conformément à l’article 786-1 du code de procédure civile, l’avocat a été avisé du nom du juge amené à délibérer et de la date à laquelle le jugement sera rendu, soit le 05 Novembre 2024

JUGEMENT :

– au fond,
– réputé contradictoire, rendu publiquement et en premier ressort,
– mis à disposition au greffe
– rédigé par Marie LEFORT
– signé par Marie LEFORT, première vice-présidente et Christelle HENRY, greffier

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Le 17 décembre 2018, [I] [F] né le [Date naissance 3] 2010 a été victime d’une chute dans la cour de récréation au sein de l’école élémentaire [7] à [Localité 6] où il était scolarisé.

Sa mère, Mme [L] [S], en sa qualité de représentant légal, a recherché la responsabilité de [A] [O], scolarisé dans la même école, considérant que ce dernier était à l’origine de la chute, étant tombé de tout son poids sur fils à l’occasion d’une partie de football.

C’est dans ces conditions que [L] [S] a saisi le juge des référés de ce tribunal aux fins de voir ordonner une expertise médicale de son fils et la condamnation sous astreinte de Mme [O] en sa qualité de représentante légale de [A] [O], à communiquer le nom et les coordonnées de son assureur de responsabilité civile.

L’expertise médicale a été ordonnée suivant ordonnance du 8 mars 2023.

L’expert désigné, le Docteur [V], a déposé son rapport le 1er juin 2023.

Par acte en date du 9 février 2024, [I] [F] représenté par sa mère Mme [L] [S] a fait assigner la Caisse primaire d’assurance maladie (Cpam) de l’Eure, M. [C] [O] et Mme [Y] [O] en leur nom personnel et en qualité de représentant légal de leur fils [A] [O] ainsi que la société Allianz Iard aux fins de les voir déclarer responsables du préjudice subi par [I] [F] en application de l’article 1242 alinéa 4 du code civil et de les condamner à réparation.

La Cpam de l’Eure n’a pas constitué avocat.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 3 juin 2024.

N° RG 24/00685 – N° Portalis DBXU-W-B7I-HSUV – jugement du 05 novembre 2024

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Dans son assignation valant conclusions, Mme [S] ès qualités demande au tribunal de condamner in solidum [A] [O], M. et Mme [O] et la société Allianz Iard à lui payer la somme de 11 100 euros en réparation de l’ensemble du préjudice subi selon les postes des suivants :
– 150 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire total,
– 450 euros au titre du déficit fonctionnel partiel,
– 4 000 euros au titre des souffrances endurées,
– 1 500 euros au titre du préjudice esthétique temporaire,
– 3 000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent,
– 2 000 euros au titre du préjudice esthétique permanent.

Elle réclame également une indemnité de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens de l’instance et que le présent jugement soit déclaré commun et opposable à la Cpam de l’Eure.

Elle soutient que [A] [O] est à l’origine de la chute de son fils [I] [F] et qu’il est constant que l’intéressé cohabitait avec ses parents au moment des faits de sorte que l’action fondée sur l’article 1242 alinéa 4 du code civil est bien fondée.

Elle sollicite la réparation du préjudice sur le fondement du rapport d’expertise judiciaire.

Dans leurs dernières conclusions récapitulatives notifiées par Rpva le 2 avril 2024, [A] [O] représenté par ses parents M. et Mme [O], M. [C] [O] et Mme [Y] [O] en leur nom personnel et la société Allianz Iard demandent au tribunal de liquider le préjudice de [I] [F] en relation avec la chute dont il a été victime le 17 décembre 2018 selon les modalités et les montants suivants :

– 138 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire total,
– 414 euros au titre du déficit fonctionnel partiel à 25 %,
– 2 800 euros au titre des souffrances endurées,
– 1 200 euros au titre du préjudice esthétique temporaire,
– 3 000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent,
– 1 500 euros au titre du préjudice esthétique permanent.

Ils sollicitent le débouté des demandeurs de leurs demandes formulées au titre de l’article 700 de procédure civile et qu’il soit statué de droit quant aux dépens.

1. Sur la responsabilité

Pour rappel, l’action en réparation est fondée uniquement sur l’article 1242 alinéa 4 du code civil selon lequel le père et la mère, en tant qu’ils exercent l’autorité parentale, sont solidairement responsables du dommage causé par leurs enfants mineurs habitant avec eux.

En l’espèce, les défendeurs ne contestent pas que par son action, [A] [O] a causé la chute de [I] [F] et que la responsabilité de ses parents M. et Mme [O] est engagée.

M. et Mme [O] seront donc déclarés responsables du dommage subi par [I] [F] conformément aux dispositions légales susvisées et seront condamnés solidairement à réparation.

En revanche, la responsabilité personnelle de [A] [O] n’étant pas recherchée en application de l’article 1240 du code civil, il n’y pas lieu de le déclarer responsable et de le condamner à titre personnel.

2. Sur les préjudices

La victime a droit à réparation intégrale de son préjudice sans qu’il ne résulte pour elle ni perte ni profit.

En l’espèce, il est constant que la chute de [I] [F] face contre terre a occasionné à celui-ci les blessures suivantes :

une plaie de la lèvre supérieure ayant nécessité une suture,une fracture des dents 11 et 12 avec perte de la sensibilité pulpaire,un traumatisme crânien sans perte de connaissance avec contusion cutanée frontale droite et temporale droit,des dermabrasions de la main droite.
Aux termes de son rapport d’expertise, le Docteur [V] a déterminé et évalué les préjudices comme suit :

– déficit fonctionnel total du 17 décembre au 22 décembre 2018,
– déficit fonctionnel partiel à 25 % jusqu’au 26 février 2019,
– souffrances endurées : 2/7,
– Préjudice esthétique temporaire : 3/7,
– consolidation au 27 février 2019,
– déficit fonctionnel permanent : 2 %,
– préjudice esthétique définitif : 1/7,
– soins futurs à envisager concernant les dents fracturées.

Déficit fonctionnel temporaire (DFT)

Il s’agit d’indemniser l’incapacité fonctionnelle subie par la victime du jour du dommage jusqu’à la consolidation ainsi que la perte de qualité de vie, et la gêne dans les actes de la vie courante.

Il ressort des pièces produites et notamment du certificat médical initial et du rapport d’expertise judiciaire, qu’à la suite de l’accident, [I] [F] a été conduit à l’infirmerie avant d’être pris en charge à l’hôpital où il a été pratiqué une suturation sous anesthésie locale ainsi que la pose d’un pansement dentaire. [I] [F] est rentré à son domicile le jour même et a consulté un dentiste. Selon sa mère, il serait resté huit jours sans parler, ne communiquant que par écrit. Il a subi une gêne alimentaire à la mastication pendant une durée de 15 jours. Il a repris ses activités scolaires normalement à l’issue des vacances au mois de janvier 2019. Les soins dentaires ont été réalisés en février 2019 après une radiographie.

Au regard de la nature et de l’étendue du déficit fonctionnel, la proposition des défendeurs sur la base de 23 euros par jour sera retenue.

Le préjudice sera donc indemnisé comme suit :

– 138 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire total (23 euros x 6 jours) ;
– 414 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire partiel (23 euros x 25 % x 72 jours)
TOTAL = 552 euros.

Souffrances endurées (SET)

Il s’agit des souffrances tant physiques que morales subies par la victime pendant la maladie traumatique jusqu’à la consolidation.

Ces souffrances ont été évaluées en expertise à 2/7.

Au vu des éléments rapportés ci-avant, le préjudice sera évalué à la somme de 3 000 euros.

Préjudice esthétique temporaire

Il s’agit d’indemniser l’altération de l’apparence physique entre l’accident et la consolidation.

En l’espèce le traumatisme facial subi (plaie de la lèvre droite suturée – absence des dents 11 et 12) et l’évaluation faite par l’expert justifient une indemnisation à hauteur de 1 200 euros.

Déficit fonctionnel permanent

Il s’agit d’indemniser la réduction définitive du potentiel physique résultant de l’atteinte à l’intégrité anatomo-physiologique outre les séquelles d’ordre cognitif et psychologique.

En l’espèce, ce déficit évalué à 2 % est en rapport avec la présence d’un bourrelet muqueux en regard de la dent 12 et une appréhension à croquer. Sinon, l’ouverture buccale est normale et l’ensemble des activités de la vie courante sont possibles.

Compte tenu de ces éléments et de l’âge de la victime au moment de la consolidation (9 ans) et conformément à l’accord des parties sur ce point, le préjudice sera évalué à 3 000 euros.

Préjudice esthétique permanent

Il s’agit de réparer l’atteinte esthétique définitive.

En l’espèce, l’atteinte correspond au bourrelet muqueux de la lèvre supérieure droite.

Ce préjudice a été qualifié de très léger et sera justement indemnisé par l’allocation d’une somme de 1 500 euros.

M. et Mme [O] solidairement, et leur assureur, la société Allianz Iard qui ne conteste pas sa garantie, seront condamnés in solidum au paiement de ces sommes.

3.Sur les frais du procès

M. et Mme [O] solidairement et la société Allianz Iard seront condamnés in solidum aux dépens de l’instance en ce compris les frais d’expertise judiciaire et de la procédure de référé conformément à l’article 696 du code de procédure civile et à payer Mme [S] ès qualités une indemnité de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal,

Condamne in solidum Monsieur [C] [O] et Madame [Y] [O] solidairement et la société Allianz Iard à payer à Mme [L] [S] prise en sa qualité de représentante légale de son fils mineur [I] [F] les sommes suivantes en réparation du préjudice subi par celui-ci à la suite de l’accident dont il a été victime le 17 décembre 2018 :
– 138 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire total,
– 414 euros au titre du déficit fonctionnel partiel,
– 3 000 euros au titre des souffrances endurées,
– 1 200 euros au titre du préjudice esthétique temporaire,
– 3 000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent,
– 1 500 euros au titre du préjudice esthétique permanent.

DÉBOUTE Madame [L] [S] ès qualités du surplus de ses demandes indemnitaires,

CONDAMNE in solidum Monsieur [C] [O] et Madame [Y] [O] solidairement et la société Allianz Iard aux dépens de l’instance en ce compris les frais d’expertise judiciaire et les dépens de l’instance en référé,

CONDAMNE in solidum Monsieur [C] [O] et Madame [Y] [O] solidairement et la société Allianz Iard à payer à Mme [L] [S] prise en sa qualité de représentante légale de son fils mineur [I] [F] une indemnité de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

DÉCLARE le jugement commun à la Caisse primaire d’assurance maladie de l’Eure,

RAPPELLE que l’exécution provisoire est de droit.

En foi de quoi le présent jugement a été signé par la présidente et la greffière.

La greffière La présidente
Christelle HENRY Marie LEFORT


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