Responsabilité et expertise médicale : enjeux d’indemnisation après un accident de la circulation.

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Responsabilité et expertise médicale : enjeux d’indemnisation après un accident de la circulation.

L’Essentiel : Madame [I] [N] épouse [E] et la société GROUPAMA PARIS VAL DE LOIRE ont assigné l’AGENT JUDICIAIRE DE L’ETAT et le FONDS DE GARANTIE DES ASSURANCES OBLIGATOIRES suite à un accident de la circulation survenu le 7 octobre 2021. Elles ont demandé une expertise judiciaire médicale et des indemnités provisionnelles. L’AGENT JUDICIAIRE a accepté l’expertise mais contesté les provisions, tandis que le FONDS a demandé l’irrecevabilité de l’assignation. Le tribunal a jugé la demande d’expertise prématurée, rejetant ainsi les demandes d’expertise et de provision, chaque partie devant supporter ses propres frais.

Contexte de l’affaire

Madame [I] [N] épouse [E] et la société GROUPAMA PARIS VAL DE LOIRE ont assigné l’AGENT JUDICIAIRE DE L’ETAT et le FONDS DE GARANTIE DES ASSURANCES OBLIGATOIRES devant le tribunal judiciaire de Paris, demandant une expertise judiciaire médicale suite à un accident de la circulation survenu le 7 octobre 2021.

Demandes des parties

Les demanderesses ont sollicité une mission d’expertise, ainsi que des indemnités provisionnelles de 5000 € pour Madame [I] [N] épouse [E] et de 3516 € pour GROUPAMA, en plus de frais au titre de l’article 700 du code de procédure civile. En réponse, l’AGENT JUDICIAIRE DE L’ETAT a exprimé son accord pour l’expertise mais a contesté les demandes de provision, tandis que le FONDS DE GARANTIE a demandé l’irrecevabilité de l’assignation.

Accident et jugement correctionnel

L’accident a impliqué le véhicule de Monsieur [O] [V], qui a été condamné par le tribunal judiciaire d’Évry pour plusieurs infractions, y compris conduite sans permis et délit de fuite. Un appel a été interjeté, mais les suites de cette procédure ne sont pas connues.

Position des défendeurs

L’AGENT JUDICIAIRE DE L’ETAT ne conteste pas la demande d’expertise mais remet en question la responsabilité de l’État, tandis que le FONDS DE GARANTIE soutient que l’A.J.E. doit prendre en charge les conséquences de l’accident, invoquant la loi du 5 juillet 1985.

Décision du tribunal

Le tribunal a jugé que la demande d’expertise était prématurée, car la question de la responsabilité des défendeurs devait être tranchée au préalable. Les demandes d’expertise et de provision ont donc été rejetées.

Conséquences financières

Chaque partie a été condamnée à supporter ses propres dépens et frais irrépétibles, conformément aux dispositions du code de procédure civile. La décision a été rendue exécutoire de plein droit par provision.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conditions pour ordonner une expertise judiciaire en référé ?

L’article 145 du code de procédure civile stipule que « s’il existe un motif légitime de conserver et d’établir avant tout procès la preuve des faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, des mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, notamment en référé. »

Cette disposition permet au juge des référés d’ordonner une expertise judiciaire si un motif légitime est établi.

Il est important de noter que l’application de cet article ne préjuge en rien de la recevabilité ou du bien-fondé des demandes qui pourraient être formulées ultérieurement, ni de la responsabilité des parties impliquées dans la procédure.

Dans le cas présent, bien que l’accident de la circulation soit reconnu, la question de la responsabilité des défenderesses n’a pas été tranchée, ce qui rend la demande d’expertise prématurée.

Quelles sont les implications de l’article 700 du code de procédure civile dans cette affaire ?

L’article 700 du code de procédure civile dispose que « la partie qui perd le procès peut être condamnée à payer à l’autre partie une somme au titre des frais irrépétibles. »

Dans cette affaire, les demanderesses ont sollicité une indemnité au titre de cet article, mais le tribunal a décidé que chaque partie supporterait ses propres dépens.

Cela signifie que, malgré la demande de Madame [I] [N] et de la société GROUPAMA, le juge a estimé qu’aucune des parties n’avait droit à une indemnisation pour les frais irrépétibles, en raison de la nature et de la solution du litige.

Ainsi, l’application de l’article 700 a été écartée, et chaque partie a été condamnée à supporter ses propres frais.

Quelles sont les conséquences de l’irrecevabilité des demandes formées contre le F.G.A.O. ?

Les articles L421-1 et R421-15 du code des assurances précisent que le F.G.A.O. ne peut être condamné à indemniser les victimes que dans des conditions strictes.

Dans cette affaire, le F.G.A.O. a soutenu que les conditions édictées par l’article R421-14 n’étaient pas réunies, ce qui a conduit à la demande de déclarer irrecevables les demandes formées à son encontre.

Si le tribunal déclare ces demandes irrecevables, cela signifie que les demanderesses ne pourront pas obtenir d’indemnisation de la part du F.G.A.O., ce qui pourrait avoir un impact significatif sur leur droit à réparation.

En conséquence, le F.G.A.O. pourrait être mis hors de cause, et les conséquences de l’accident seraient alors à la charge de l’A.J.E., si la responsabilité de l’État était établie.

Comment le tribunal a-t-il tranché sur la question des dépens ?

L’article 491, alinéa 2 du code de procédure civile précise que « le juge des référés statue sur les dépens. »

De plus, l’article 696 du même code indique que « la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie. »

Dans cette affaire, le tribunal a décidé que chaque partie supporterait ses propres dépens, ce qui signifie qu’aucune des parties n’a été condamnée à payer les frais de l’autre.

Cette décision est conforme à la pratique en matière de référé, où le juge peut choisir de ne pas imposer les dépens à la partie perdante, en tenant compte des circonstances de l’affaire.

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

N° RG 24/55037 – N° Portalis 352J-W-B7I-C5LPY

N° : 2

Assignation du :
15 Juillet 2024

[1]

[1] 3 Copies exécutoires
délivrées le:

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ
rendue le 25 novembre 2024

par Géraldine CHARLES, Première Vice-Présidente adjointe au Tribunal judiciaire de Paris, agissant par délégation du Président du Tribunal,

Assistée de Larissa FERELLOC, Greffier.
DEMANDERESSES

Madame [I] [N] épouse [E]
[Adresse 2]
[Localité 5]

La Société GROUPAMA PARIS VAL DE LOIRE
[Adresse 1]
[Localité 6]

représentées par Maître Patrice GAUD de la SELARL GAUD MONTAGNE, avocats au barreau de PARIS – #P0430

DEFENDERESSES

L’ AGENT JUDICIAIRE DE L’ETAT
[Adresse 8]
[Localité 4]

représentée par Maître Renaud LE GUNEHEC de la SCP NORMAND & ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS – #P0141

Le FGAO – FONDS DE GARANTIE DES ASSURANCES OBLIGATOIRES DE DOMMAGES
[Adresse 3]
[Localité 7]

représentée par Maître Van VU NGOC de l’AARPI CABINET LABERIBE & VU NGOC AVOCATS, avocats au barreau de PARIS – #E1217

DÉBATS

A l’audience du 14 Octobre 2024, tenue publiquement, présidée par Géraldine CHARLES, Première Vice-Présidente adjointe, assistée de Larissa FERELLOC, Greffier,

Nous, Président,

Après avoir entendu les conseils des parties,

Vu les actes délivrés le 15 juillet 2024, par lesquels Madame [I] [N] épouse [E] et la société GROUPAMA PARIS VAL DE LOIRE ont assigné devant le président du tribunal judiciaire de Paris, statuant en référé, l’AGENT JUDICIAIRE DE L’ETAT et LE FONDS DE GARANTIE DES ASSURANCES OBLIGATOIRES, aux fins de voir notamment ordonner une mission d’expertise judiciaire médicale.

Vu les conclusions déposées et soutenues à l’audience du 14 octobre 2024, Madame [I] [N] épouse [E] et la société GROUPAMA PARIS VAL DE LOIRE, représentées par leur conseil, qui demandent au juge des référés :
– ordonner une mission d’expertise judiciaire médicale,
– condamner, à titre principal, L’AGENT JUDICIAIRE DE L’ETAT (A.J.E.) à verser :
. à Madame [I] [N] épouse [E] une indemnité provisionnelle de 5000 €
. à la société GROUPAMA PARIS VAL DE LOIRE la somme provisionnelle de 3516 €
. à Madame [I] [N] épouse [E] et à la société GROUPAMA la somme de 2000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile et assumer les entiers dépens d’instance
-condamner, à titre subsidiaire, LE FONDS DE GARANTIE DES ASSURANCES OBLIGATOIRES (F.G.A.O.) à verser :
. à Madame [I] [N] épouse [E] une indemnité provisionnelle de 5000 €
. à la société GROUPAMA PARIS VAL DE LOIRE la somme provisionnelle de 3516 €
. à Madame [I] [N] épouse [E] et à la société GROUPAMA la somme de 2000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile et assumer les entiers dépens d’instance.

Vu les conclusions déposées et soutenues à l’audience du 14 octobre 2024, L’AGENT JUDICIAIRE DE L’ETAT (A.J.E.), représenté par son conseil, qui demande au juge des référés :
-lui « donner acte » de ce qu’il ne s’oppose pas à l’organisation d’une mesure d’expertise, formulant à cet égard toutes protestations et réserves d’usage,
-débouter les demanderesses de leur demande de provision ;
-débouter les demanderesses de leurs demandes formées sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
-réserver les dépens.

Vu les conclusions déposées et soutenues à l’audience, LE FONDS DE GARANTIE DES ASSURANCES OBLIGATOIRES (F.G.A.O.), représenté par son conseil, qui demande au juge des référés :
– déclarer irrecevable l’assignation délivrée au F.G.A.O. par Madame [I] [N] épouse [E] et la société GROUPAMA, les conditions édictées par l’article R421-14 du code des assurances n’étant pas réunies,
– déclarer irrecevables les demandes de condamnation du F.G.A.O. formées à titre subsidiaire comme contraires aux dispositions des articles L421-1 et R421-15 du code des assurances,
– sous réserve de la régularisation de la procédure par les demanderesses à l’égard de Monsieur [O] [V], donner acte au F.G.A.O. de son intervention volontaire,
– condamner l’A.J.E. à prendre en charge les conséquences dommageables de l’accident, sans recours contre le F.G.A.O. , compte tenu du caractère subsidiaire de ses obligations,
– ordonner la mise hors de cause du F.G.A.O.,
très subsidiairement, en tout état de cause, débouter les demanderesses de l’ensemble de leurs demandes de condamnation formée à l’encontre du F.G.A.O.,
– rappeler que le F.G.A.O. ne peut être condamné, à quelque titre que ce soit, conformément aux dispositions de l’article R421-15 du code des assurances, la décision ne pouvant que lui être déclarée opposable.

Conformément à l’article 446-1 du code de procédure civile, pour plus ample informé de l’exposé et des prétentions des parties, il est renvoyé à l’assignation introductive d’instance et aux écritures déposées et développées oralement à l’audience.

La date de délibéré a été fixée au 25 novembre 2024.

DISCUSSION

A titre liminaire, il convient de rappeler qu’une demande de « constater », de « dire et juger » ou de « donner acte » ne constitue pas, sauf exception, la formulation d’une prétention au sens de l’article 30 du code de procédure civile.

Sur la demande d’expertise

Il résulte des dispositions de l’article 145 du code de procédure civile que s’il existe un motif légitime de conserver et d’établir avant tout procès la preuve des faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, des mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, notamment en référé.

L’application de ce texte n’implique aucun préjugé sur la recevabilité et le bien fondé des demandes formées ultérieurement ou sur la responsabilité des personnes appelées comme partie à la procédure ni sur les chances du procès susceptible d’être engagé.

Au cas présent, il ressort des pièces de la procédure que Madame [I] [N] a été victime, le 7 octobre 2021, à [Localité 9] (91), d’un accident de la circulation dans lequel est impliqué le véhicule de Monsieur [O] [V] qui l’a percutée à l’arrière alors qu’elle se trouvait stationnée à un feu tricolore.

Par jugement correctionnel rendu le 2 décembre 2021, le tribunal judiciaire d’Évry a condamné Monsieur [O] [V] pour les faits de conduite d’un véhicule sans permis, délit de fuite après accident par conducteur de véhicule terrestre à moteur, conduite d’un véhicule en ayant fait usage de substances ou plantes classées comme stupéfiants, refus d’obtempérer à une sommation de s’arrêter dans des circonstances exposant directement autrui à un risque de mort ou d’infirmité, en état de récidive légale, détention non autorisée de stupéfiants, en répression, l’a condamné à une peine de trois ans d’emprisonnement ainsi qu’à une amende de 300 €.

De la lecture du jugement correctionnel, il ressort qu’un appel principal général a été interjeté par le condamné le 14 décembre 2021, complété d’un appel incident du ministère public le même jour quant au dispositif pénal, éléments non évoqués par les parties à la présente instance. Les suites de cette procédure d’appel ne sont pas connues.

Le tribunal correctionnel a, par ailleurs, déclaré recevable la constitution de partie civile de Madame [I] [N] épouse [E], renvoyant l’affaire sur intérêts civils à une audience ultérieure. La chambre des intérêts civils du tribunal judiciaire d’Évry a rendu le 15 juin 2023 un jugement de désistement d’instance, à la demande de la partie civile.

L’AGENT JUDICIAIRE DE L’ETAT (A.J.E.), qui ne conteste pas le bien-fondé de l’action civile menée par Madame [I] [N] épouse [E], en vertu des dispositions de l’article 426 du code de procédure pénale, ne s’oppose pas à sa demande d’expertise judiciaire au vu de la nature des faits et en application des dispositions de la loi du 5 juillet 1985 bien qu’il considère que la responsabilité de l’Etat, du fait de l’implication d’un véhicule de police, n’est pas démontrée, à ce stade de l’instance.

LE FONDS DE GARANTIE DES ASSURANCES OBLIGATOIRES (F.G.A.O.) soutient l’analyse des demanderesses, à titre principal, considérant qu’il appartient à l’A.J.E. de prendre en charge les conséquences de l’accident du fait de l’implication d’un véhicule de police dans sa survenance, et ce, en application de l’article 1er de la loi du 5 juillet 1985.

Sur ce,

Si le motif légitime est caractérisé par l’accident de la circulation dont a été victime Madame [I] [N] épouse [E], le 7 octobre 2021, en tant que conductrice de son propre véhicule, assuré par la GROUPAMA PARIS VAL DE LOIRE, son droit à indemnisation est contesté, tant par l’A.J.E. qui met en question l’existence d’une quelconque obligation susceptible d’être mise à la charge de l’État, en l’absence de démonstration de l’implication du véhicule de police dans la survenance directe de son dommage, que par le F.G.A.O., qui sollicite l’irrecevabilité de l’assignation délivrée par les demanderesses à son encontre tout en demandant sa mise hors de cause s’il est donné acte de son intervention volontaire.

Ainsi, dans ces conditions, la demande d’expertise est prématurée, il convient que la question de la responsabilité des défenderesses soit préalablement tranchée au fond.

Les demandes d’expertise médicale de la victime, et, de provision tant pour Madame [I] [N] épouse [E] que pour la société GROUPAMA PARIS VAL DE LOIRE seront donc rejetées.

Sur les autres demandes

En droit, l’article 491, alinéa 2 du code de procédure civile, précise que le juge des référés statue sur les dépens. L’article 696 du même code dispose que la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.

Au vu de la nature et de la solution du litige, il sera dit que chaque partie supportera la charge de ses propres dépens outre celle de ses frais irrépétibles au sens de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Statuant par ordonnance de référé, par mise à disposition au greffe, après débats en audience publique, par décision contradictoire et en premier ressort ;

Déboutons Madame [I] [N] épouse [E] et la société GROUPAMA de l’ensemble de leurs demandes ;

Disons que chaque partie supportera la charge de ses propres dépens de l’instance en référé et de ses frais irrépétibles ;

Rappelons que la présente ordonnance est exécutoire de plein droit par provision.

Fait à Paris le 25 novembre 2024

Le Greffier, Le Président,

Larissa FERELLOC Géraldine CHARLES


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