Responsabilité et indemnisation suite à un accident de vélo : enjeux et conséquences financières

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Responsabilité et indemnisation suite à un accident de vélo : enjeux et conséquences financières

L’Essentiel : Le 13 mai 2013, un fonctionnaire a acquis un vélo dans un magasin, assuré par une compagnie d’assurance. Le 20 mai, une défaillance technique a causé un accident, entraînant des blessures pour l’acheteur. En mars 2015, la compagnie d’assurance a versé une provision à l’acheteur. Après un refus d’indemnité complémentaire, l’acheteur a saisi le tribunal. Le juge a rejeté sa demande d’expertise. Un protocole d’accord a été conclu en décembre 2020, entraînant des titres de perception émis par l’État. La compagnie d’assurance a contesté ces titres, mais le tribunal a confirmé sa responsabilité et condamné la compagnie à verser des sommes à l’État.

Contexte de l’Affaire

Le 13 mai 2013, un fonctionnaire a acquis un vélo dans un magasin Decathlon, assuré par une compagnie d’assurance. Le 20 mai 2013, une défaillance technique a provoqué un accident, entraînant des blessures corporelles pour l’acheteur.

Indemnisation Initiale

Le 18 mars 2015, la compagnie d’assurance a versé une provision de 31 211,40 euros à l’acheteur pour compenser ses préjudices non professionnels, tout en réservant le préjudice professionnel en attente d’informations supplémentaires.

Refus de Proposition et Saisine du Tribunal

Le 25 janvier 2017, la compagnie d’assurance a proposé une indemnité complémentaire de 35 190 euros, que l’acheteur a refusée. En conséquence, il a saisi le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris le 28 juin 2018 pour obtenir une provision et demander une expertise sur son préjudice professionnel.

Décision du Juge des Référés

Par ordonnance du 1er octobre 2018, le juge a rejeté la demande de provision et d’expertise concernant le préjudice professionnel, désignant un expert pour évaluer l’aggravation du préjudice de l’acheteur.

Protocole d’Accord et Titres de Perception

Suite à un rapport d’expertise, un protocole d’accord a été conclu le 30 décembre 2020 entre l’acheteur, le magasin Decathlon et la compagnie d’assurance. L’État a ensuite émis trois titres de perception le 28 janvier 2021, totalisant 136 142,94 euros, pour couvrir les rémunérations et charges patronales liées à l’accident.

Contestation des Titres par la Compagnie d’Assurance

La compagnie d’assurance a contesté ces titres devant le tribunal administratif de Paris, qui a déclaré incompétent en raison de la nature privée de la créance. Le 30 novembre 2022, la compagnie a assigné l’État devant le tribunal judiciaire de Paris pour contester les titres.

Rejet de la Prescription

Le 9 octobre 2023, le juge a rejeté la fin de non-recevoir basée sur la prescription soulevée par la compagnie d’assurance. Dans ses conclusions du 3 janvier 2024, la compagnie a demandé à être déchargée de l’obligation de payer la somme de 136 142,94 euros.

Demandes de l’État

L’Agent judiciaire de l’État a demandé le paiement de 84 762,45 euros pour pertes de gains professionnels, 51 380,49 euros pour charges patronales, et d’autres indemnités. Il a soutenu que la compagnie d’assurance avait reconnu la responsabilité de son client en indemnisant l’acheteur dès 2015.

Motivations du Tribunal

Le tribunal a rappelé que la transaction entre l’acheteur et la compagnie d’assurance était inopposable à l’État, car celui-ci n’avait pas été invité à y participer. Il a également rejeté la contestation de l’imputabilité de l’accident par la compagnie d’assurance, qui avait précédemment reconnu cette responsabilité.

Décision Finale

Le tribunal a condamné la compagnie d’assurance à verser à l’État 84 762,45 euros pour pertes de gains professionnels et 51 380,49 euros pour charges patronales, avec intérêts au taux légal à partir du 6 novembre 2023. La demande d’indemnité forfaitaire de gestion a été rejetée, et la compagnie a été condamnée aux dépens et à payer 3 000 euros à l’État pour les frais de justice.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la portée de l’inopposabilité de la transaction intervenue le 30 décembre 2020 ?

La transaction intervenue entre la victime, le vendeur et l’assureur le 30 décembre 2020 est inopposable à l’Etat, conformément à l’article L. 825-8 du code général de la fonction publique.

Cet article stipule que « le règlement amiable pouvant intervenir entre le tiers et le fonctionnaire ou ses ayants droit ne peut être opposé à la personne publique qu’autant que celle-ci a été invitée à y participer par tout moyen permettant de s’assurer que la personne a été régulièrement notifiée, son silence, deux mois après la notification de cette invitation, le rendant définitif ».

En l’espèce, l’Etat n’a pas été invité à participer à cette transaction, ce qui entraîne son inopposabilité.

Ainsi, le moyen soulevé par la société [Localité 7] insurance PLC à cet égard doit être rejeté.

Quelles sont les conséquences de la contestation des titres exécutoires émis le 28 janvier 2021 ?

La société [Localité 7] insurance PLC conteste les titres exécutoires émis par l’Etat en se fondant sur l’article L. 825-1 du code général de la fonction publique, qui dispose que « l’Etat, les collectivités territoriales et les établissements publics à caractère administratif disposent de plein droit contre le tiers responsable du décès, de l’infirmité ou de la maladie d’un agent public, par subrogation aux droits de ce dernier ou de ses ayants droit, d’une action en remboursement de toutes les prestations versées ou maintenues à l’agent public ou à ses ayants droit et de toutes les charges qu’ils ont supportées à la suite du décès, de l’infirmité ou de la maladie ».

La société [Localité 7] insurance PLC conteste principalement l’imputabilité de l’accident à son assuré, la société Decathlon France, alors qu’elle a précédemment reconnu cette imputabilité par le versement d’une provision et une proposition d’indemnisation.

Cette contestation est donc tardive et doit être rejetée, car l’imputabilité a été reconnue à plusieurs reprises par l’assureur.

Comment se justifie le montant des sommes dues par l’assureur à l’Etat ?

L’Agent judiciaire de l’Etat justifie le montant des sommes dues par la société [Localité 7] insurance PLC en se fondant sur l’article L. 825-1 du code général de la fonction publique, qui permet à l’Etat d’exercer un recours contre le tiers responsable pour le remboursement des prestations versées à la victime.

Les sommes réclamées se décomposent comme suit :

– 84 762,45 euros au titre de la perte de gains professionnels actuels et futurs ;
– 51 380,49 euros au titre des charges patronales.

Ces montants correspondent aux indemnités versées à la victime suite à l’accident, et sont justifiés par des états récapitulatifs de créances non contestés par la société [Localité 7] insurance PLC.

Quels sont les effets de la demande d’intérêts au taux légal sur les sommes dues ?

Selon l’article 1231-6 du code civil, « les dommages et intérêts dus à raison du retard dans le paiement d’une obligation de somme d’argent consistent dans l’intérêt au taux légal, à compter de la mise en demeure ».

Dans ce cas, la société [Localité 7] insurance PLC s’oppose à ce que les sommes dues soient assorties d’intérêts au motif que la demande d’intérêts n’a pas été reprise dans le dispositif des conclusions de l’Agent judiciaire de l’Etat.

Cependant, la créance du tiers payeur n’étant pas indemnitaire, elle produit des intérêts au jour de la demande en paiement.

Ainsi, les condamnations seront assorties des intérêts au taux légal à compter du 6 novembre 2023, date de notification des dernières conclusions, jusqu’à complet paiement.

Quelles sont les conditions d’octroi de l’indemnité forfaitaire de gestion ?

L’indemnité forfaitaire de gestion est régie par l’article 2 du décret n°98.255 du 31 mars 1998, qui précise que « en contrepartie des frais qu’il engage pour obtenir le remboursement, en application des articles 29 à 32 de la loi du 5 juillet 1985, des prestations qu’il a versées à l’un de ses agents victime d’un accident survenu dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions, l’Etat perçoit une indemnité forfaitaire à la charge du tiers responsable ».

Dans cette affaire, l’Agent judiciaire de l’Etat n’a pas démontré que l’accident survenu à la victime était lié à l’exercice de ses fonctions.

En conséquence, la demande d’indemnité forfaitaire de gestion doit être rejetée, car la charge de la preuve incombe à l’Agent judiciaire de l’Etat, qui n’a pas produit de pièces suffisantes à cet égard.

Qui est responsable des frais du procès ?

Conformément à l’article 696 du code de procédure civile, « la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie ».

Dans cette affaire, la société [Localité 7] insurance PLC, ayant été déboutée de ses demandes, est condamnée aux dépens de l’instance.

De plus, en application de l’article 700 du code de procédure civile, le juge peut condamner la partie perdante à payer à l’autre partie une somme pour couvrir les frais exposés et non compris dans les dépens.

Il a été jugé équitable de condamner la société [Localité 7] insurance PLC à verser 3 000 euros à l’Agent judiciaire de l’Etat au titre de l’article 700.

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le :

1/1/1 resp profess du drt

N° RG 22/14461 – N° Portalis 352J-W-B7G-CYLW6

N° MINUTE :

Assignation du :
30 Novembre 2022

JUGEMENT
rendu le 05 Février 2025

DEMANDERESSE

[Localité 7] INSURANCE PLC société étrangère immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de PARIS sous le numéro 484 373 295, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège.
[Adresse 1]
[Localité 5]

Représentée par Me Jean-didier MEYNARD, avocat postulant au barreau de PARIS, vestiaire #P0240, et par Me Ghislaine JOB RICOUART, avocat plaidant au barreau de MARSEILLE, [Adresse 2] – [Localité 3]

DÉFENDEUR

L’AGENT JUDICIAIRE DE L’ETAT
Ministère de l’Economie et des Finances
Direction Des Affaires Juridiques – Sous-Direction du Droit Privé
[Adresse 6]
[Localité 4]

Représenté par Me Fabienne DELECROIX, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #R0229

MINISTÈRE PUBLIC

Monsieur Etienne LAGUARIGUE de SURVILLIERS,
Premier Vice-Procureur

Décision du 05 Février 2025
1/1/1 resp profess du drt
N° RG 22/14461 – N° Portalis 352J-W-B7G-CYLW6

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Monsieur Benoit CHAMOUARD, Premier vice-président adjoint
Président de formation,

Madame Marjolaine GUIBERT, Vice-présidente
Madame Valérie MESSAS, Vice-présidente
Assesseurs,

assistés de Madame Marion CHARRIER, Greffier

DÉBATS

A l’audience du 08 Janvier 2025
tenue en audience publique
Madame Marjolaine GUIBERT a fait un rapport de l’affaire.

JUGEMENT

Prononcé par mise à disposition
Contradictoire
en premier ressort

EXPOSE DU LITIGE

Le 13 mai 2013, M. [Y] [R], fonctionnaire, a acheté un vélo dans un magasin Decathlon, assuré par la société [Localité 7] insurance PLC. Le 20 mai 2013, la pédale droite de son vélo s’est arrachée du pédalier et il a été victime d’un accident lui occasionnant un préjudice corporel.

Le 18 mars 2015, la société [Localité 7] insurance PLC, ayant réservé le préjudice professionnel dans  » l’attente d’informations « , a versé à M. [R] une provision d’un montant de 31 211,40 euros au titre de l’indemnisation de ses préjudices extra-professionnels.

Le 25 janvier 2017, la société [Localité 7] insurance PLC a proposé de régler à M. [R] la somme complémentaire de 35 190 euros.
Cette proposition a été refusée par M. [R], qui a saisi le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris par acte du 28 juin 2018 aux fins d’obtenir une provision et que soit ordonnée une expertise pour évaluer son préjudice professionnel ainsi que l’aggravation de ses préjudices. L’Etat a été appelé dans la cause par M. [R] et a pu faire valoir ses observations.

Par ordonnance du 1er octobre 2018, le juge des référés a rejeté la demande de provision et la demande d’expertise portant sur le préjudice professionnel de M. [R] et a désigné le Docteur [V] aux fins de déterminer l’éventuelle aggravation du préjudice de M. [R].

A la suite du dépôt du rapport d’expertise, M. [R], la société Decathlon France et la société [Localité 7] insurance PLC ont conclu un protocole d’accord transactionnel le 30 décembre 2020.

L’Etat a émis trois titres de perception le 28 janvier 2021 sous les références ADCE 2600003906, ADCE 21 2600003939 et ADCE 21 2600003941 pour un montant total de 136 142,94 euros correspondant aux rémunérations et charges patronales versées à la suite de l’accident du 20 mai 2013 pendant les périodes d’indisponibilité de M. [R].

Contestant ces trois titres, la société [Localité 7] insurance PLC a saisi le 6 mai 2021 le tribunal administratif de Paris. Ce dernier, constatant que les titres de perceptions litigieux portaient sur une créance de nature privée, s’est déclaré matériellement incompétent par ordonnance du 21 octobre 2022.

Par acte extrajudiciaire du 30 novembre 2022, la compagnie d’assurances [Localité 7] insurance PLC a fait assigner l’Etat, représenté par l’Agent judiciaire de l’Etat, devant le tribunal judiciaire de Paris aux fins de contester ces trois titres de perception émis le 28 janvier 2021.

Par ordonnance du 9 octobre 2023, le juge de la mise en état a rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription soulevée par la société [Localité 7] insurance PLC.

Dans ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 3 janvier 2024, la compagnie d’assurances [Localité 7] insurance PLC demande au tribunal de débouter l’Etat de ses demandes et de juger que le jugement à intervenir emportera pour elle décharge de l’obligation de payer la somme de 136 142,94 euros.
Subsidiairement, elle demande que le tribunal juge que les prétentions de l’Etat en ce qu’elles tendent au paiement par la société [Localité 7] insurance PLC de la somme de 136 142,94 euros en exécution des trois titres de perception émis le 28 janvier 2021 ne pourront excéder 60 % de ces sommes, soit 81 685,76 euros, dès lors que seul 60 % du préjudice de M. [R] est en lien avec l’accident.
Elle demande que l’Etat soit débouté de sa demande formée au titre des intérêts ou de l’indemnité forfaitaire de gestion, et sollicite sa condamnation à lui payer la somme de 7 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 6 novembre 2023, l’Agent judiciaire de l’Etat demande au tribunal de condamner la société [Localité 7] insurance à lui verser la somme de 84 762,45 euros au titre de la perte des gains professionnels actuels et futurs, 51 380,49 euros au titre des charges patronales, 1 162 euros au titre de l’indemnité forfaitaire de gestion, 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens.

Il soutient que la société [Localité 7] insurance PLC, assureur de la société Decathlon France, a reconnu la responsabilité de son client en l’indemnisant dès 2015, que la transaction intervenue à cette date et en son absence ne lui est pas opposable et qu’il est bien fondé à recouvrer son entière créance sur le fondement de l’article L. 825-8 du code général de la fonction publique.
S’agissant du poste des pertes de gains professionnels, il considère que l’assureur ne peut valablement lui opposer un éventuel état antérieur de la victime non démontré par les expertises réalisées, que le rapport d’expertise établit le lien entre l’aggravation constatée et les périodes d’indisponibilité ou de mi-temps thérapeutique et qu’il dispose par conséquent d’une action directe et subrogatoire contre l’assureur à hauteur des sommes de 84 762,45 euros au titre du traitement brut versé et de 51 380,49 euros au titre des charges patronales réglées, à majorer des intérêts à compter de la notification des dernières conclusions en application de l’article 1231-6 du code civil, outre la somme de 1 162 euros au titre de l’indemnité forfaitaire de gestion prévue par l’article L. 376-1 du code de la sécurité sociale.

Le ministère public, partie jointe, n’a pas conclu.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il est expressément renvoyé à leurs dernières écritures, dans les conditions de l’article 455 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 22 janvier 2024.

MOTIVATION

En application de l’article 768 du code de procédure civile, le tribunal ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions.

Il est rappelé que l’ensemble des demandes des parties qui ne tendent pas à ce que soit tranché un point litigieux et qui se trouvent dépourvues de tout effet juridictionnel, telles que celles visant à voir  » dire et juger  » ou  » constater  » ou  » donner acte « , ne constituent pas des prétentions au sens de l’article 4 du code de procédure civile. Il ne sera donc pas statué sur celles-ci dans le présent jugement, et elles ne donneront pas davantage lieu à mention dans le dispositif.

Sur l’inopposabilité de la transaction du 30 décembre 2020

Aux termes de l’article L. 825-8 du code général de la fonction publique,  » le règlement amiable pouvant intervenir entre le tiers et le fonctionnaire ou ses ayants droit ne peut être opposé à la personne publique qu’autant que celle-ci a été invitée à y participer par tout moyen permettant de s’assurer que la personne a été régulièrement notifiée, son silence, deux mois après la notification de cette invitation, le rendant définitif « .

En application de cet article, la transaction intervenue entre M. [R], la société Decathlon France et la société [Localité 7] insurance PLC le 30 décembre 2020, sans que l’Etat soit invité à y participer et comportant par essence des concessions réciproques, est inopposable à l’Etat, et le moyen contraire doit être rejeté.

Sur la contestation des titres exécutoires émis le 28 janvier 2021

Aux termes de l’article L. 825-1 du code général de la fonction publique,  » l’Etat, les collectivités territoriales et les établissements publics à caractère administratif disposent de plein droit contre le tiers responsable du décès, de l’infirmité ou de la maladie d’un agent public, par subrogation aux droits de ce dernier ou de ses ayants droit, d’une action en remboursement de toutes les prestations versées ou maintenues à l’agent public ou à ses ayants droit et de toutes les charges qu’ils ont supportées à la suite du décès, de l’infirmité ou de la maladie « .

Pour s’opposer au paiement des titres exécutoires émis par l’Etat, la société [Localité 7] insurance PLC conteste à titre principal l’imputabilité de l’accident à la société Decathlon France, et subsidiairement le quantum des sommes pouvant lui être réclamées au titre de l’article L. 825-1 du code général de la fonction publique.

– Sur l’imputabilité de l’accident à la société Decathlon France

Si la société [Localité 7] insurance PLC conteste, à la page 12 de ses dernières écritures, l’imputabilité de l’accident survenu le 20 mai 2013 à son assuré, force est de constater qu’elle a préalablement reconnu ladite imputabilité à plusieurs reprises, et notamment :

* par le versement le 18 mars 2015 d’une provision de 31 211,40 euros à M. [R] au titre de l’indemnisation des préjudices extra-professionnels résultant de l’accident du 20 mai 2013 ;

* par sa proposition du 25 janvier 2017 de lui régler une indemnité complémentaire de 35 190 euros, refusée par M. [R] ;

L’ordonnance de référé du 1er octobre 2018 confirme en sa page 3 que  » [Localité 7] insurance PLC, assureur de Decathlon, a accepté de prendre en charge son préjudice « .

Cette imputabilité est en outre attestée par les rapports médicaux versés aux débats, notamment celui du Docteur [J] [N], sur lequel la société [Localité 7] insurance PLC s’est fondée pour verser la provision du 18 mars 2015, et aux termes duquel  » le 20 mai 2013, en pédalant sur un nouveau vélo acheté, Monsieur [R] a fait une chute lorsque la pédale s’est débricolée  » (page 7 du rapport d’expertise du 14 mars 2015).

Dans ces conditions, la contestation tardive de l’imputabilité de l’accident à son assuré désormais soulevée par la société [Localité 7] insurance PLC doit être rejetée.

– Sur le quantum des sommes dues

* Sur la demande de prise en charge de 60 % du poste des pertes de gains professionnels initiaux

Pour s’opposer à la prise en charge de l’entier préjudice subi par M. [R], la société [Localité 7] insurance PLC invoque une prédisposition de la victime en raison d’une rupture du tendon d’Achille en 2010, et sur les conclusions du Docteur [N], expert amiable désigné à sa demande, lequel indiquait le 14 mars 2015 :  » On considère que l’accident est responsable des préjudices initiaux avant consolidation, c’est à dire intervention, séjours en rééducation et souffrances endurées, et après consolidation, l’accident est responsable pour 60 % imputable « .

Pour autant, en vertu d’une jurisprudence constante, la Cour de cassation rappelle que  » le droit de la victime à obtenir l’indemnisation de son préjudice corporel ne saurait être réduit en raison d’une prédisposition pathologique lorsque l’affection qui en est issue n’a été provoquée ou révélée que par le fait dommageable  » (Civ 2, 19 mai 2016, n° 15-18.784).

Or, en l’espèce, si la rupture du tendon d’Achille de M. [R] en 2010 n’est pas contestable, le Docteur [G], chirurgien orthopédiste consulté en qualité de sapiteur et ayant examiné M. [R] le 27 janvier 2015, écrit le 18 février 2015 que  » l’activité a été reprise fin novembre 2010 avec un bon résultat d’après Monsieur [R], reprise d’activités physiques normale  » (page 1 du rapport du 18 février 2015).

En l’absence de tout élément médical produit par la société [Localité 7] insurance PLC démontrant que M. [R] n’aurait pas effectivement bénéficié d’une récupération fonctionnelle complète avant l’accident du 20 mai 2013, il doit être considéré que les effets néfastes de cette pathologie ne se sont révélés qu’à l’issue du fait dommageable imputable à l’assuré de la société [Localité 7] insurance PLC, de sorte que le droit à indemnisation de la victime ne saurait être réduit au titre d’un état antérieur jusque-là asymptomatique.

Le moyen visant à réduire le droit à indemnisation de la victime à 60 % du poste  » perte de gains professionnels  » doit dès lors être rejeté.

* Sur l’aggravation des préjudices

Le Docteur [V], expert judiciaire désigné afin d’évaluer l’aggravation du préjudice subi par M. [R] depuis la consolidation de son état fixée au 5 septembre 2014, note que  » la réalité de cette aggravation est attestée par la nécessité d’une nouvelle intervention chirurgicale en mars 2015 et les hospitalisations durant la période  » (page 19 du rapport d’expertise du 31 octobre 2019).

Il retient le lien entre ladite aggravation et l’accident du 20 mai 2013, et propose que l’aggravation soit prise en compte à partir du 6 septembre 2014, lendemain de la date de consolidation du rapport du Docteur [N], et retient :
– une date de consolidation au 20 août 2016, date de la reprise du travail;
– un DFTT du 25 mars 2015 au 28 mars 2015 ;
– un DFTP de 20 % du 6 septembre 2014 au 24 mars 2015, de 50 % du 29 mars 2015 au 29 avril 2015, de 50 % du 30 avril 2015 au 22 juin 2015, de 20 % du 23 juin 2015 au 30 août 2015, de 50 % du 31 août 2015 au 2 octobre 2015, et de 15 % du 31 octobre 2015 à la consolidation du 20 août 2016 (page 26 du rapport d’expertise) ;
Il indique à la page 9 de son rapport que M. [Y] [R] a été en arrêt de travail du 20 août 2013 au 19 août 2016, puis qu’il est, à compter du 20 août 2016, en mi-temps thérapeutique durant un an.
Ce rapport démontre le lien de causalité entre le sinistre et l’aggravation du préjudice corporel de M. [R], de sorte que l’Etat est légitime, sur le fondement de l’article L. 825-1 du code général de la fonction publique, à exercer son recours contre la société [Localité 7] insurance PLC, assureur de la société Decathlon.

L’agent judiciaire de l’État justifie, par la production de l’état récapitulatif des créances, charges patronales et traitements brut et de l’état récapitulatif des indemnités pour sujétions particulières versées à M. [R], non contestés par la société [Localité 7] insurance PLC, avoir versé à ce dernier à la suite du sinistre la somme totale de 136 142,94 euros entre le 20 août 2013 et le 19 août 2017 se décomposant comme suit :

– 79 929,45 euros au titre du traitement brut et 4 833 euros au titre d’indemnités pour sujétions particulières, soit la somme totale de 84 762,45 euros au titre de la perte de gains professionnels actuels et futurs;

– 51 380,49 euros au titre des charges patronales ;

Il convient dès lors, en application de l’article L. 825-1 précité, de condamner la société [Localité 7] instance PLC à payer à l’Etat, pris en la personne de l’Agent judiciaire de l’État, la somme de 84 762,45 euros au titre de la perte de gains professionnels et la somme de 51 380,49 euros au titre des charges patronales versées.

Sur le report des intérêts au taux légal

Aux termes de l’article 1231-6 du code civil,  » les dommages et intérêts dus à raison du retard dans le paiement d’une obligation de somme d’argent consistent dans l’intérêt au taux légal, à compter de la mise en demeure. Ces dommages et intérêts sont dus sans que le créancier soit tenu de justifier d’aucune perte « .

La société [Localité 7] insurance PLC s’oppose à ce que ces sommes soient assorties des intérêts au taux légal à compter des dernières conclusions de l’Agent judiciaire de l’Etat au motif que celui-ci ne forme cette demande que dans les motifs de ses conclusions du 6 novembre 2023, sans les reprendre dans leur dispositif.

Cependant, la créance du tiers payeur n’est pas indemnitaire, mais porte sur le paiement d’une somme d’argent, de sorte qu’elle produit intérêts au jour de la demande en paiement.

En application de l’article 1231-6 du code civil et malgré l’absence de demande en ce sens dans le dispositif des conclusions du défendeur, il convient dès lors d’assortir les condamnations précitées des intérêts au taux légal à compter du prononcé des conclusions de l’Agent judiciaire de l’État notifiées le 6 novembre 2023 et jusqu’à complet paiement.

Sur l’indemnité forfaitaire de gestion

Aux termes de l’article 2 du décret n°98.255 du 31 mars 1998,  » en contrepartie des frais qu’il engage pour obtenir le remboursement, en application des articles 29 à 32 de la loi du 5 juillet 1985 susvisée, des prestations énumérées au II de l’article 1er de l’ordonnance du 7 janvier 1959 susvisée qu’il a versées soit à l’un de ses agents victime d’un accident survenu dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions et imputable en tout ou partie à un tiers, soit aux ayants droit de cet agent, l’Etat perçoit une indemnité forfaitaire à la charge du tiers responsable dont le montant est déterminé, sur la base de ces prestations, dans les conditions définies au sixième alinéa de l’article L. 454-1 du code de la sécurité sociale « .

La société [Localité 7] insurance PLC s’oppose au paiement de cette indemnité, au motif, notamment, que l’Agent judiciaire de l’Etat ne démontre pas que l’accident serait survenu dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice des fonctions de M. [R].

L’Agent judiciaire de l’Etat, sur lequel repose la charge de la preuve en application de l’article 9 du code de procédure civile, ne répondant pas à ce moyen et ne produisant aucune pièce démontrant que l’accident de vélo dont a été victime M. [R] serait bien survenu à l’occasion de l’exercice de ses fonctions, doit être débouté de cette demande d’indemnité forfaitaire.

Sur les frais du procès

Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.

La société [Localité 7] insurance PLC est condamnée aux dépens de l’instance.

En application de l’article 700 du code de procédure civile, dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou la partie perdante à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a lieu à condamnation.

Il est équitable de condamner la société [Localité 7] insurance PLC à payer à l’Agent judiciaire de l’Etat la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

Le Tribunal, statuant après débats en audience publique, par jugement contradictoire rendu en premier ressort par mise à disposition au greffe,

DÉBOUTE la société [Localité 7] insurance PLC de ses demandes ;

CONDAMNE la société [Localité 7] insurance PLC à payer à l’Etat, pris en la personne de l’Agent judiciaire de l’Etat, la somme de 84 762,45 euros au titre de la perte de gains professionnels et la somme de 51 380,49 euros au titre des charges patronales versées, assorties des intérêts au taux légal à compter du 6 novembre 2023 et jusqu’à complet paiement;

DÉBOUTE l’Etat, pris en la personne de l’Agent judiciaire de l’Etat, de sa demande de condamnation au paiement d’une indemnité forfaitaire de gestion ;

CONDAMNE la société [Localité 7] insurance PLC aux dépens ;

CONDAMNE la société [Localité 7] insurance PLC à payer à l’Etat, pris en la personne de l’Agent judiciaire de l’Etat, la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Fait et jugé à Paris le 05 Février 2025

Le Greffier Le Président
Marion CHARRIER Benoit CHAMOUARD


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