L’Essentiel : Le 13 mai 2013, un fonctionnaire a acquis un vélo dans un magasin, assuré par une compagnie d’assurance. Le 20 mai, une défaillance technique a causé un accident, entraînant un préjudice corporel à l’acheteur. Le 18 mars 2015, la compagnie d’assurance a versé une provision à la victime. Après un refus d’indemnité complémentaire, la victime a saisi le juge des référés. Le 1er octobre 2018, le juge a désigné un expert pour évaluer le préjudice. Un protocole d’accord a été conclu le 30 décembre 2020, impliquant l’État, qui a ensuite émis des titres de perception contestés par la compagnie d’assurance.
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Contexte de l’AffaireLe 13 mai 2013, un fonctionnaire a acquis un vélo dans un magasin Decathlon, assuré par une compagnie d’assurance. Le 20 mai 2013, une défaillance technique a entraîné un accident, causant un préjudice corporel à l’acheteur. Indemnisation InitialeLe 18 mars 2015, la compagnie d’assurance a versé une provision de 31 211,40 euros à la victime pour ses préjudices extra-professionnels, tout en réservant le préjudice professionnel en attente d’informations supplémentaires. Refus de Proposition et Saisine du TribunalLe 25 janvier 2017, la compagnie d’assurance a proposé une indemnité complémentaire de 35 190 euros, que la victime a refusée. Le 28 juin 2018, la victime a saisi le juge des référés pour obtenir une provision et une expertise sur son préjudice professionnel. L’État a été impliqué dans la procédure. Décision du Juge des RéférésPar ordonnance du 1er octobre 2018, le juge des référés a rejeté la demande de provision et d’expertise sur le préjudice professionnel, désignant un expert pour évaluer l’aggravation du préjudice de la victime. Protocole d’Accord et Titres de PerceptionLe 30 décembre 2020, un protocole d’accord a été conclu entre la victime, le magasin Decathlon et la compagnie d’assurance. L’État a émis trois titres de perception le 28 janvier 2021, totalisant 136 142,94 euros, pour les rémunérations et charges patronales liées à l’accident. Contestation des Titres par la Compagnie d’AssuranceLe 6 mai 2021, la compagnie d’assurance a contesté ces titres devant le tribunal administratif, qui a déclaré son incompétence en raison de la nature privée de la créance. Par la suite, la compagnie a assigné l’État devant le tribunal judiciaire de Paris. Rejet de la PrescriptionLe 9 octobre 2023, le juge de la mise en état a rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription soulevée par la compagnie d’assurance. Demandes de la Compagnie d’AssuranceDans ses conclusions du 3 janvier 2024, la compagnie d’assurance a demandé le débouté de l’État et une réduction de sa responsabilité à 60 % des sommes dues, tout en sollicitant une indemnité de 7 000 euros pour frais de justice. Demandes de l’ÉtatL’Agent judiciaire de l’État a demandé le paiement de 84 762,45 euros pour pertes de gains professionnels, 51 380,49 euros pour charges patronales, et d’autres indemnités, soutenant que la compagnie d’assurance avait reconnu la responsabilité de son client. Motivations du TribunalLe tribunal a rappelé que la transaction entre la victime et la compagnie d’assurance était inopposable à l’État, car celui-ci n’avait pas été invité à y participer. Il a également rejeté la contestation de l’imputabilité de l’accident par la compagnie d’assurance, qui avait précédemment reconnu cette responsabilité. Décision Finale du TribunalLe tribunal a condamné la compagnie d’assurance à verser à l’État 84 762,45 euros pour pertes de gains professionnels et 51 380,49 euros pour charges patronales, assortis d’intérêts. La demande d’indemnité forfaitaire de gestion a été rejetée, et la compagnie a été condamnée aux dépens et à payer 3 000 euros pour frais de justice. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelle est la portée de l’inopposabilité de la transaction intervenue le 30 décembre 2020 ?La transaction intervenue entre la victime, le vendeur et l’assureur le 30 décembre 2020 est inopposable à l’Etat, conformément à l’article L. 825-8 du code général de la fonction publique. Cet article stipule que « le règlement amiable pouvant intervenir entre le tiers et le fonctionnaire ou ses ayants droit ne peut être opposé à la personne publique qu’autant que celle-ci a été invitée à y participer par tout moyen permettant de s’assurer que la personne a été régulièrement notifiée, son silence, deux mois après la notification de cette invitation, le rendant définitif ». En l’espèce, l’Etat n’a pas été invité à participer à cette transaction, ce qui rend celle-ci inopposable à l’Etat. Ainsi, le moyen soulevé par la société [Localité 7] insurance PLC à cet égard doit être rejeté. Quelles sont les conséquences de la contestation des titres exécutoires émis le 28 janvier 2021 ?La société [Localité 7] insurance PLC conteste les titres exécutoires émis par l’Etat en se fondant sur l’article L. 825-1 du code général de la fonction publique. Cet article précise que « l’Etat, les collectivités territoriales et les établissements publics à caractère administratif disposent de plein droit contre le tiers responsable du décès, de l’infirmité ou de la maladie d’un agent public, par subrogation aux droits de ce dernier ou de ses ayants droit, d’une action en remboursement de toutes les prestations versées ou maintenues à l’agent public ou à ses ayants droit et de toutes les charges qu’ils ont supportées à la suite du décès, de l’infirmité ou de la maladie ». La société [Localité 7] insurance PLC conteste principalement l’imputabilité de l’accident à son assuré, la société Decathlon France, mais cette contestation est infondée. En effet, l’assureur a reconnu à plusieurs reprises l’imputabilité de l’accident, notamment par le versement d’une provision et une proposition d’indemnisation. Ainsi, la contestation de l’imputabilité doit être rejetée, et l’Etat est fondé à recouvrer les sommes dues sur le fondement de l’article L. 825-1. Comment se justifie le montant des sommes dues par l’assureur à l’Etat ?Le montant des sommes dues par la société [Localité 7] insurance PLC à l’Etat se fonde sur les prestations versées à la victime, conformément à l’article L. 825-1 du code général de la fonction publique. L’Agent judiciaire de l’Etat a justifié avoir versé à la victime un total de 136 142,94 euros, se décomposant en 84 762,45 euros au titre de la perte de gains professionnels et 51 380,49 euros au titre des charges patronales. Ces montants sont corroborés par des états récapitulatifs des créances, non contestés par l’assureur. Ainsi, l’Etat est légitime à demander le remboursement de ces sommes, et la société [Localité 7] insurance PLC doit être condamnée à les verser. Quelles sont les implications de la demande d’intérêts au taux légal ?La demande d’intérêts au taux légal est fondée sur l’article 1231-6 du code civil, qui stipule que « les dommages et intérêts dus à raison du retard dans le paiement d’une obligation de somme d’argent consistent dans l’intérêt au taux légal, à compter de la mise en demeure ». Dans ce cas, la société [Localité 7] insurance PLC s’oppose à l’application des intérêts, arguant que la demande n’a pas été reprise dans le dispositif des conclusions. Cependant, la créance de l’Etat n’est pas indemnitaire, mais porte sur le paiement d’une somme d’argent, ce qui justifie l’application des intérêts à compter de la demande en paiement. Ainsi, les condamnations doivent être assorties des intérêts au taux légal à compter du 6 novembre 2023 jusqu’à complet paiement. Quelles sont les conditions d’octroi de l’indemnité forfaitaire de gestion ?L’indemnité forfaitaire de gestion est régie par l’article 2 du décret n°98.255 du 31 mars 1998, qui prévoit que « l’Etat perçoit une indemnité forfaitaire à la charge du tiers responsable dont le montant est déterminé, sur la base de ces prestations ». Dans cette affaire, l’Agent judiciaire de l’Etat a demandé cette indemnité, mais la société [Localité 7] insurance PLC conteste son paiement, arguant que l’accident n’est pas survenu dans l’exercice des fonctions de la victime. L’Agent judiciaire de l’Etat n’ayant pas produit de preuve démontrant que l’accident était lié à l’exercice des fonctions de la victime, la demande d’indemnité forfaitaire doit être rejetée. Qui est responsable des frais du procès ?La responsabilité des frais du procès est régie par l’article 696 du code de procédure civile, qui stipule que « la partie perdante est condamnée aux dépens ». En l’espèce, la société [Localité 7] insurance PLC a été déboutée de ses demandes, ce qui entraîne sa condamnation aux dépens de l’instance. De plus, en application de l’article 700 du code de procédure civile, le juge peut condamner la partie perdante à payer à l’autre partie une somme pour les frais exposés. Il est donc équitable de condamner la société [Localité 7] insurance PLC à verser 3 000 euros à l’Etat au titre de l’article 700. |
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]
[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le :
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1/1/1 resp profess du drt
N° RG 22/14461 – N° Portalis 352J-W-B7G-CYLW6
N° MINUTE :
Assignation du :
30 Novembre 2022
JUGEMENT
rendu le 05 Février 2025
DEMANDERESSE
[Localité 7] INSURANCE PLC société étrangère immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de PARIS sous le numéro 484 373 295, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège.
[Adresse 1]
[Localité 5]
Représentée par Me Jean-didier MEYNARD, avocat postulant au barreau de PARIS, vestiaire #P0240, et par Me Ghislaine JOB RICOUART, avocat plaidant au barreau de MARSEILLE, [Adresse 2] – [Localité 3]
DÉFENDEUR
L’AGENT JUDICIAIRE DE L’ETAT
Ministère de l’Economie et des Finances
Direction Des Affaires Juridiques – Sous-Direction du Droit Privé
[Adresse 6]
[Localité 4]
Représenté par Me Fabienne DELECROIX, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #R0229
MINISTÈRE PUBLIC
Monsieur Etienne LAGUARIGUE de SURVILLIERS,
Premier Vice-Procureur
Décision du 05 Février 2025
1/1/1 resp profess du drt
N° RG 22/14461 – N° Portalis 352J-W-B7G-CYLW6
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Monsieur Benoit CHAMOUARD, Premier vice-président adjoint
Président de formation,
Madame Marjolaine GUIBERT, Vice-présidente
Madame Valérie MESSAS, Vice-présidente
Assesseurs,
assistés de Madame Marion CHARRIER, Greffier
DÉBATS
A l’audience du 08 Janvier 2025
tenue en audience publique
Madame Marjolaine GUIBERT a fait un rapport de l’affaire.
JUGEMENT
Prononcé par mise à disposition
Contradictoire
en premier ressort
Le 13 mai 2013, M. [Y] [R], fonctionnaire, a acheté un vélo dans un magasin Decathlon, assuré par la société [Localité 7] insurance PLC. Le 20 mai 2013, la pédale droite de son vélo s’est arrachée du pédalier et il a été victime d’un accident lui occasionnant un préjudice corporel.
Le 18 mars 2015, la société [Localité 7] insurance PLC, ayant réservé le préjudice professionnel dans » l’attente d’informations « , a versé à M. [R] une provision d’un montant de 31 211,40 euros au titre de l’indemnisation de ses préjudices extra-professionnels.
Le 25 janvier 2017, la société [Localité 7] insurance PLC a proposé de régler à M. [R] la somme complémentaire de 35 190 euros.
Cette proposition a été refusée par M. [R], qui a saisi le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris par acte du 28 juin 2018 aux fins d’obtenir une provision et que soit ordonnée une expertise pour évaluer son préjudice professionnel ainsi que l’aggravation de ses préjudices. L’Etat a été appelé dans la cause par M. [R] et a pu faire valoir ses observations.
Par ordonnance du 1er octobre 2018, le juge des référés a rejeté la demande de provision et la demande d’expertise portant sur le préjudice professionnel de M. [R] et a désigné le Docteur [V] aux fins de déterminer l’éventuelle aggravation du préjudice de M. [R].
A la suite du dépôt du rapport d’expertise, M. [R], la société Decathlon France et la société [Localité 7] insurance PLC ont conclu un protocole d’accord transactionnel le 30 décembre 2020.
L’Etat a émis trois titres de perception le 28 janvier 2021 sous les références ADCE 2600003906, ADCE 21 2600003939 et ADCE 21 2600003941 pour un montant total de 136 142,94 euros correspondant aux rémunérations et charges patronales versées à la suite de l’accident du 20 mai 2013 pendant les périodes d’indisponibilité de M. [R].
Contestant ces trois titres, la société [Localité 7] insurance PLC a saisi le 6 mai 2021 le tribunal administratif de Paris. Ce dernier, constatant que les titres de perceptions litigieux portaient sur une créance de nature privée, s’est déclaré matériellement incompétent par ordonnance du 21 octobre 2022.
Par acte extrajudiciaire du 30 novembre 2022, la compagnie d’assurances [Localité 7] insurance PLC a fait assigner l’Etat, représenté par l’Agent judiciaire de l’Etat, devant le tribunal judiciaire de Paris aux fins de contester ces trois titres de perception émis le 28 janvier 2021.
Par ordonnance du 9 octobre 2023, le juge de la mise en état a rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription soulevée par la société [Localité 7] insurance PLC.
Dans ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 3 janvier 2024, la compagnie d’assurances [Localité 7] insurance PLC demande au tribunal de débouter l’Etat de ses demandes et de juger que le jugement à intervenir emportera pour elle décharge de l’obligation de payer la somme de 136 142,94 euros.
Subsidiairement, elle demande que le tribunal juge que les prétentions de l’Etat en ce qu’elles tendent au paiement par la société [Localité 7] insurance PLC de la somme de 136 142,94 euros en exécution des trois titres de perception émis le 28 janvier 2021 ne pourront excéder 60 % de ces sommes, soit 81 685,76 euros, dès lors que seul 60 % du préjudice de M. [R] est en lien avec l’accident.
Elle demande que l’Etat soit débouté de sa demande formée au titre des intérêts ou de l’indemnité forfaitaire de gestion, et sollicite sa condamnation à lui payer la somme de 7 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
Dans ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 6 novembre 2023, l’Agent judiciaire de l’Etat demande au tribunal de condamner la société [Localité 7] insurance à lui verser la somme de 84 762,45 euros au titre de la perte des gains professionnels actuels et futurs, 51 380,49 euros au titre des charges patronales, 1 162 euros au titre de l’indemnité forfaitaire de gestion, 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens.
Il soutient que la société [Localité 7] insurance PLC, assureur de la société Decathlon France, a reconnu la responsabilité de son client en l’indemnisant dès 2015, que la transaction intervenue à cette date et en son absence ne lui est pas opposable et qu’il est bien fondé à recouvrer son entière créance sur le fondement de l’article L. 825-8 du code général de la fonction publique.
S’agissant du poste des pertes de gains professionnels, il considère que l’assureur ne peut valablement lui opposer un éventuel état antérieur de la victime non démontré par les expertises réalisées, que le rapport d’expertise établit le lien entre l’aggravation constatée et les périodes d’indisponibilité ou de mi-temps thérapeutique et qu’il dispose par conséquent d’une action directe et subrogatoire contre l’assureur à hauteur des sommes de 84 762,45 euros au titre du traitement brut versé et de 51 380,49 euros au titre des charges patronales réglées, à majorer des intérêts à compter de la notification des dernières conclusions en application de l’article 1231-6 du code civil, outre la somme de 1 162 euros au titre de l’indemnité forfaitaire de gestion prévue par l’article L. 376-1 du code de la sécurité sociale.
Le ministère public, partie jointe, n’a pas conclu.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il est expressément renvoyé à leurs dernières écritures, dans les conditions de l’article 455 du code de procédure civile.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 22 janvier 2024.
En application de l’article 768 du code de procédure civile, le tribunal ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions.
Il est rappelé que l’ensemble des demandes des parties qui ne tendent pas à ce que soit tranché un point litigieux et qui se trouvent dépourvues de tout effet juridictionnel, telles que celles visant à voir » dire et juger » ou » constater » ou » donner acte « , ne constituent pas des prétentions au sens de l’article 4 du code de procédure civile. Il ne sera donc pas statué sur celles-ci dans le présent jugement, et elles ne donneront pas davantage lieu à mention dans le dispositif.
Sur l’inopposabilité de la transaction du 30 décembre 2020
Aux termes de l’article L. 825-8 du code général de la fonction publique, » le règlement amiable pouvant intervenir entre le tiers et le fonctionnaire ou ses ayants droit ne peut être opposé à la personne publique qu’autant que celle-ci a été invitée à y participer par tout moyen permettant de s’assurer que la personne a été régulièrement notifiée, son silence, deux mois après la notification de cette invitation, le rendant définitif « .
En application de cet article, la transaction intervenue entre M. [R], la société Decathlon France et la société [Localité 7] insurance PLC le 30 décembre 2020, sans que l’Etat soit invité à y participer et comportant par essence des concessions réciproques, est inopposable à l’Etat, et le moyen contraire doit être rejeté.
Sur la contestation des titres exécutoires émis le 28 janvier 2021
Aux termes de l’article L. 825-1 du code général de la fonction publique, » l’Etat, les collectivités territoriales et les établissements publics à caractère administratif disposent de plein droit contre le tiers responsable du décès, de l’infirmité ou de la maladie d’un agent public, par subrogation aux droits de ce dernier ou de ses ayants droit, d’une action en remboursement de toutes les prestations versées ou maintenues à l’agent public ou à ses ayants droit et de toutes les charges qu’ils ont supportées à la suite du décès, de l’infirmité ou de la maladie « .
Pour s’opposer au paiement des titres exécutoires émis par l’Etat, la société [Localité 7] insurance PLC conteste à titre principal l’imputabilité de l’accident à la société Decathlon France, et subsidiairement le quantum des sommes pouvant lui être réclamées au titre de l’article L. 825-1 du code général de la fonction publique.
– Sur l’imputabilité de l’accident à la société Decathlon France
Si la société [Localité 7] insurance PLC conteste, à la page 12 de ses dernières écritures, l’imputabilité de l’accident survenu le 20 mai 2013 à son assuré, force est de constater qu’elle a préalablement reconnu ladite imputabilité à plusieurs reprises, et notamment :
* par le versement le 18 mars 2015 d’une provision de 31 211,40 euros à M. [R] au titre de l’indemnisation des préjudices extra-professionnels résultant de l’accident du 20 mai 2013 ;
* par sa proposition du 25 janvier 2017 de lui régler une indemnité complémentaire de 35 190 euros, refusée par M. [R] ;
L’ordonnance de référé du 1er octobre 2018 confirme en sa page 3 que » [Localité 7] insurance PLC, assureur de Decathlon, a accepté de prendre en charge son préjudice « .
Cette imputabilité est en outre attestée par les rapports médicaux versés aux débats, notamment celui du Docteur [J] [N], sur lequel la société [Localité 7] insurance PLC s’est fondée pour verser la provision du 18 mars 2015, et aux termes duquel » le 20 mai 2013, en pédalant sur un nouveau vélo acheté, Monsieur [R] a fait une chute lorsque la pédale s’est débricolée » (page 7 du rapport d’expertise du 14 mars 2015).
Dans ces conditions, la contestation tardive de l’imputabilité de l’accident à son assuré désormais soulevée par la société [Localité 7] insurance PLC doit être rejetée.
– Sur le quantum des sommes dues
* Sur la demande de prise en charge de 60 % du poste des pertes de gains professionnels initiaux
Pour s’opposer à la prise en charge de l’entier préjudice subi par M. [R], la société [Localité 7] insurance PLC invoque une prédisposition de la victime en raison d’une rupture du tendon d’Achille en 2010, et sur les conclusions du Docteur [N], expert amiable désigné à sa demande, lequel indiquait le 14 mars 2015 : » On considère que l’accident est responsable des préjudices initiaux avant consolidation, c’est à dire intervention, séjours en rééducation et souffrances endurées, et après consolidation, l’accident est responsable pour 60 % imputable « .
Pour autant, en vertu d’une jurisprudence constante, la Cour de cassation rappelle que » le droit de la victime à obtenir l’indemnisation de son préjudice corporel ne saurait être réduit en raison d’une prédisposition pathologique lorsque l’affection qui en est issue n’a été provoquée ou révélée que par le fait dommageable » (Civ 2, 19 mai 2016, n° 15-18.784).
Or, en l’espèce, si la rupture du tendon d’Achille de M. [R] en 2010 n’est pas contestable, le Docteur [G], chirurgien orthopédiste consulté en qualité de sapiteur et ayant examiné M. [R] le 27 janvier 2015, écrit le 18 février 2015 que » l’activité a été reprise fin novembre 2010 avec un bon résultat d’après Monsieur [R], reprise d’activités physiques normale » (page 1 du rapport du 18 février 2015).
En l’absence de tout élément médical produit par la société [Localité 7] insurance PLC démontrant que M. [R] n’aurait pas effectivement bénéficié d’une récupération fonctionnelle complète avant l’accident du 20 mai 2013, il doit être considéré que les effets néfastes de cette pathologie ne se sont révélés qu’à l’issue du fait dommageable imputable à l’assuré de la société [Localité 7] insurance PLC, de sorte que le droit à indemnisation de la victime ne saurait être réduit au titre d’un état antérieur jusque-là asymptomatique.
Le moyen visant à réduire le droit à indemnisation de la victime à 60 % du poste » perte de gains professionnels » doit dès lors être rejeté.
* Sur l’aggravation des préjudices
Le Docteur [V], expert judiciaire désigné afin d’évaluer l’aggravation du préjudice subi par M. [R] depuis la consolidation de son état fixée au 5 septembre 2014, note que » la réalité de cette aggravation est attestée par la nécessité d’une nouvelle intervention chirurgicale en mars 2015 et les hospitalisations durant la période » (page 19 du rapport d’expertise du 31 octobre 2019).
Il retient le lien entre ladite aggravation et l’accident du 20 mai 2013, et propose que l’aggravation soit prise en compte à partir du 6 septembre 2014, lendemain de la date de consolidation du rapport du Docteur [N], et retient :
– une date de consolidation au 20 août 2016, date de la reprise du travail;
– un DFTT du 25 mars 2015 au 28 mars 2015 ;
– un DFTP de 20 % du 6 septembre 2014 au 24 mars 2015, de 50 % du 29 mars 2015 au 29 avril 2015, de 50 % du 30 avril 2015 au 22 juin 2015, de 20 % du 23 juin 2015 au 30 août 2015, de 50 % du 31 août 2015 au 2 octobre 2015, et de 15 % du 31 octobre 2015 à la consolidation du 20 août 2016 (page 26 du rapport d’expertise) ;
Il indique à la page 9 de son rapport que M. [Y] [R] a été en arrêt de travail du 20 août 2013 au 19 août 2016, puis qu’il est, à compter du 20 août 2016, en mi-temps thérapeutique durant un an.
Ce rapport démontre le lien de causalité entre le sinistre et l’aggravation du préjudice corporel de M. [R], de sorte que l’Etat est légitime, sur le fondement de l’article L. 825-1 du code général de la fonction publique, à exercer son recours contre la société [Localité 7] insurance PLC, assureur de la société Decathlon.
L’agent judiciaire de l’État justifie, par la production de l’état récapitulatif des créances, charges patronales et traitements brut et de l’état récapitulatif des indemnités pour sujétions particulières versées à M. [R], non contestés par la société [Localité 7] insurance PLC, avoir versé à ce dernier à la suite du sinistre la somme totale de 136 142,94 euros entre le 20 août 2013 et le 19 août 2017 se décomposant comme suit :
– 79 929,45 euros au titre du traitement brut et 4 833 euros au titre d’indemnités pour sujétions particulières, soit la somme totale de 84 762,45 euros au titre de la perte de gains professionnels actuels et futurs;
– 51 380,49 euros au titre des charges patronales ;
Il convient dès lors, en application de l’article L. 825-1 précité, de condamner la société [Localité 7] instance PLC à payer à l’Etat, pris en la personne de l’Agent judiciaire de l’État, la somme de 84 762,45 euros au titre de la perte de gains professionnels et la somme de 51 380,49 euros au titre des charges patronales versées.
Sur le report des intérêts au taux légal
Aux termes de l’article 1231-6 du code civil, » les dommages et intérêts dus à raison du retard dans le paiement d’une obligation de somme d’argent consistent dans l’intérêt au taux légal, à compter de la mise en demeure. Ces dommages et intérêts sont dus sans que le créancier soit tenu de justifier d’aucune perte « .
La société [Localité 7] insurance PLC s’oppose à ce que ces sommes soient assorties des intérêts au taux légal à compter des dernières conclusions de l’Agent judiciaire de l’Etat au motif que celui-ci ne forme cette demande que dans les motifs de ses conclusions du 6 novembre 2023, sans les reprendre dans leur dispositif.
Cependant, la créance du tiers payeur n’est pas indemnitaire, mais porte sur le paiement d’une somme d’argent, de sorte qu’elle produit intérêts au jour de la demande en paiement.
En application de l’article 1231-6 du code civil et malgré l’absence de demande en ce sens dans le dispositif des conclusions du défendeur, il convient dès lors d’assortir les condamnations précitées des intérêts au taux légal à compter du prononcé des conclusions de l’Agent judiciaire de l’État notifiées le 6 novembre 2023 et jusqu’à complet paiement.
Sur l’indemnité forfaitaire de gestion
Aux termes de l’article 2 du décret n°98.255 du 31 mars 1998, » en contrepartie des frais qu’il engage pour obtenir le remboursement, en application des articles 29 à 32 de la loi du 5 juillet 1985 susvisée, des prestations énumérées au II de l’article 1er de l’ordonnance du 7 janvier 1959 susvisée qu’il a versées soit à l’un de ses agents victime d’un accident survenu dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions et imputable en tout ou partie à un tiers, soit aux ayants droit de cet agent, l’Etat perçoit une indemnité forfaitaire à la charge du tiers responsable dont le montant est déterminé, sur la base de ces prestations, dans les conditions définies au sixième alinéa de l’article L. 454-1 du code de la sécurité sociale « .
La société [Localité 7] insurance PLC s’oppose au paiement de cette indemnité, au motif, notamment, que l’Agent judiciaire de l’Etat ne démontre pas que l’accident serait survenu dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice des fonctions de M. [R].
L’Agent judiciaire de l’Etat, sur lequel repose la charge de la preuve en application de l’article 9 du code de procédure civile, ne répondant pas à ce moyen et ne produisant aucune pièce démontrant que l’accident de vélo dont a été victime M. [R] serait bien survenu à l’occasion de l’exercice de ses fonctions, doit être débouté de cette demande d’indemnité forfaitaire.
Sur les frais du procès
Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.
La société [Localité 7] insurance PLC est condamnée aux dépens de l’instance.
En application de l’article 700 du code de procédure civile, dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou la partie perdante à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a lieu à condamnation.
Il est équitable de condamner la société [Localité 7] insurance PLC à payer à l’Agent judiciaire de l’Etat la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Le Tribunal, statuant après débats en audience publique, par jugement contradictoire rendu en premier ressort par mise à disposition au greffe,
DÉBOUTE la société [Localité 7] insurance PLC de ses demandes ;
CONDAMNE la société [Localité 7] insurance PLC à payer à l’Etat, pris en la personne de l’Agent judiciaire de l’Etat, la somme de 84 762,45 euros au titre de la perte de gains professionnels et la somme de 51 380,49 euros au titre des charges patronales versées, assorties des intérêts au taux légal à compter du 6 novembre 2023 et jusqu’à complet paiement;
DÉBOUTE l’Etat, pris en la personne de l’Agent judiciaire de l’Etat, de sa demande de condamnation au paiement d’une indemnité forfaitaire de gestion ;
CONDAMNE la société [Localité 7] insurance PLC aux dépens ;
CONDAMNE la société [Localité 7] insurance PLC à payer à l’Etat, pris en la personne de l’Agent judiciaire de l’Etat, la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Fait et jugé à Paris le 05 Février 2025
Le Greffier Le Président
Marion CHARRIER Benoit CHAMOUARD
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