Responsabilité et gestion des risques liés à la végétation en milieu électrique

·

·

Responsabilité et gestion des risques liés à la végétation en milieu électrique

L’Essentiel : Le 21 janvier 2013, un pin appartenant à M. et Mme [Y] est tombé sur une ligne électrique de la SA RTE, causant des dommages importants. Deux jours plus tard, un huissier a constaté les dégâts, et RTE a demandé à M. [Y] de déclarer le sinistre à son assureur. En janvier 2015, RTE a réclamé 46.241,17 euros HT à l’assureur, mais les échanges n’ont pas abouti. Le 11 janvier 2018, RTE a assigné les consorts [Y] et leur assureur en justice pour établir leur responsabilité. Le tribunal a finalement condamné les consorts à rembourser les frais de réparation.

Contexte de l’Affaire

Le 21 janvier 2013, un pin appartenant à M. [X] [Y] et Mme [Z] [Y] est tombé sur une ligne électrique à haute tension exploitée par la SA Réseau de Transport d’Electricité (RTE), causant des dommages significatifs, notamment la section d’un câble.

Constatation du Sinistre

Deux jours après l’incident, la société RTE a mandaté un huissier pour constater les dégâts. Par la suite, elle a informé M. [Y] de la nécessité de déclarer le sinistre à son assureur.

Réparations et Demandes de Remboursement

Des réparations temporaires ont été effectuées par RTE entre le 21 et le 24 mars 2013. En janvier 2015, RTE a demandé le remboursement de 46.241,17 euros HT à l’assureur de M. [Y], mais a ensuite découvert que l’assureur était la SA GROUPAMA-MISSO, avec qui les échanges n’ont pas abouti.

Procédure Judiciaire

Le 11 janvier 2018, RTE a assigné M. [X] [Y], Mme [Z] [Y] et GROUPAMA-MISSO devant le tribunal de grande instance de Bordeaux, cherchant à établir la responsabilité des consorts [Y] pour les dommages causés à la ligne électrique.

Interventions Volontaires

Mme [Z] [Y] est décédée en 2020, et son fils a pris sa place dans la procédure. La FEDERATION NATIONALE DES SYNDICATS FORESTIERS DE FRANCE (FRANSYLVA) et le SYNDICAT DES SYLVICULTEURS DU SUD-OUEST ont également demandé à intervenir dans l’affaire.

Demandes de RTE

RTE a demandé au tribunal de reconnaître la responsabilité des consorts [Y] et de les condamner à rembourser les frais de réparation, en plus d’intérêts et de frais de justice.

Réponses des Défendeurs

Les consorts [Y] et leur assureur ont contesté la responsabilité, arguant que RTE avait pris un risque en ne coupant pas l’arbre et en ne respectant pas ses obligations d’entretien. Ils ont également demandé une expertise pour évaluer les réparations.

Arguments de FRANSYLVA et du SYSSO

FRANSYLVA et le SYSSO ont soutenu que RTE devait respecter des normes de sécurité concernant la gestion de la végétation autour des lignes électriques et ont demandé des réparations pour les préjudices subis.

Responsabilité et Faute

Le tribunal a examiné la responsabilité des consorts [Y] en tant que gardiens de l’arbre et a rejeté les arguments de force majeure et de faute de RTE, concluant que les consorts [Y] étaient responsables des dommages causés.

Montant des Réparations

RTE a demandé le remboursement des travaux provisoires et définitifs. Le tribunal a accordé le remboursement des travaux provisoires, mais a rejeté la demande pour les travaux définitifs, considérant qu’ils constituaient une amélioration non justifiée.

Décision Finale

Le tribunal a condamné les consorts [Y] et leur assureur à verser à RTE la somme de 46.241,17 euros pour les réparations, tout en rejetant les autres demandes de RTE et en condamnant les défendeurs aux dépens.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conséquences juridiques du travail dissimulé dans cette affaire ?

Le travail dissimulé est régi par les articles L. 8221-1 et suivants du Code du travail. Selon l’article L. 8221-5, « est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur […] de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales ».

Dans cette affaire, M. [G] a été reconnu comme victime de travail dissimulé pour la période du 25 juillet 2016 au 21 octobre 2016. Le tribunal correctionnel a déclaré l’employeur coupable de cette infraction, ce qui a permis à M. [G] de revendiquer une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire, conformément à l’article L. 8223-1 du Code du travail.

Ainsi, M. [G] a droit à une indemnité pour travail dissimulé, qui a été fixée à 10 363 euros, en tenant compte de son salaire mensuel brut reconstitué. Cette décision souligne l’importance de la déclaration des salariés et des obligations de l’employeur en matière de cotisations sociales.

Comment la faute inexcusable de l’employeur a-t-elle été établie ?

La faute inexcusable de l’employeur est définie par l’article L. 452-1 du Code de la sécurité sociale, qui stipule que « lorsqu’un accident du travail est causé par une faute inexcusable de l’employeur, la victime a droit à une indemnisation complémentaire ».

Dans cette affaire, le tribunal a jugé que l’accident de M. [G] était la conséquence d’une faute inexcusable de l’employeur, en raison de la mise à disposition d’un équipement de travail sans information ou formation adéquate, ainsi que de l’absence de mesures de sécurité appropriées.

L’employeur a ainsi manqué à son obligation de sécurité, prévue par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du Code du travail, qui imposent à l’employeur de prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé des travailleurs.

Cette reconnaissance de la faute inexcusable a permis à M. [G] de bénéficier d’une indemnisation complémentaire pour les préjudices subis en raison de l’accident du travail.

Quelles sont les implications de la requalification du CDD en CDI ?

La requalification d’un contrat à durée déterminée (CDD) en contrat à durée indéterminée (CDI) est régie par les articles L. 1242-1 et L. 1242-2 du Code du travail. Selon l’article L. 1242-1, « le contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire ».

Dans cette affaire, le tribunal a constaté que M. [G] avait été engagé sans contrat écrit et qu’il avait effectivement travaillé pour l’employeur avant la signature du CDD. En conséquence, le CDD a été requalifié en CDI, ce qui a permis à M. [G] de revendiquer des droits liés à un contrat à durée indéterminée, notamment en matière d’indemnités de rupture.

Cependant, le tribunal a infirmé la demande de M. [G] concernant l’indemnité de requalification, considérant que les demandes additionnelles n’étaient pas en lien suffisant avec les demandes originaires. Cela souligne l’importance de la formalisation des contrats de travail et des conséquences juridiques qui en découlent.

Quelles sont les obligations de l’employeur en matière de sécurité au travail ?

Les obligations de l’employeur en matière de sécurité au travail sont énoncées dans les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du Code du travail. L’article L. 4121-1 stipule que « l’employeur est tenu de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs ».

Ces mesures incluent des actions de prévention des risques professionnels, des actions d’information et de formation, ainsi que la mise en place d’une organisation et de moyens adaptés. L’employeur doit également respecter les principes généraux de prévention, tels que l’évaluation des risques et l’adaptation du travail à l’homme.

Dans cette affaire, l’employeur a été reconnu coupable de manquement à son obligation de sécurité, ce qui a conduit à la condamnation au paiement de dommages-intérêts à M. [G]. Cette décision rappelle l’importance pour les employeurs de respecter leurs obligations en matière de sécurité afin de protéger la santé et la sécurité de leurs salariés.

6EME CHAMBRE CIVILE
SUR LE FOND

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BORDEAUX
6EME CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT DU 08 Janvier 2025
58E

RG n° N° RG 18/01058 – N° Portalis DBX6-W-B7C-R4KJ

Minute n°

AFFAIRE :

S.A. RTE
C/
[X] [Y], [Z] [Y], Société GROUPAMA – MISSO
INTER VOLONT
Fédération NATIONALE DES SYNDICATS DE FORESTIERS PRIVES, Syndicat DES SYLVICULTEURS DU SUD-OUEST

Grosse Délivrée
le :
à Avocats : Me Mathieu BONNET-LAMBERT
Me Benoît COUSSY
Me Marc GIZARD
la SCP RSGN AVOCATS

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Lors des débats, du délibéré et de la mise à disposition :

Madame Louise LAGOUTTE, vice-président,
Madame Fanny CALES, juge,
Madame Rebecca DREYFUS, juge,

greffier présente lors des débats et de la mise à disposition : Madame Elisabeth LAPORTE,

DEBATS:

A l’audience publique du 06 Novembre 2024,

JUGEMENT:

Contradictoire
En premier ressort
Par mise à disposition au greffe

DEMANDERESSE

S.A. RTE prise en la personne de son représentant légal domicilié es qualités audit siège
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 11]

représentée par Maître Stéphane RUFF de la SCP RSGN AVOCATS, avocats au barreau de TOULOUSE, Me Mathieu BONNET-LAMBERT, avocat au barreau de BORDEAUX

DEFENDEURS

Monsieur [X] [Y] agissant tant à titre personnel qu’es qualités d’ayant droit de Madame [Y] [Z]
[Adresse 2]
[Localité 6]

représenté par Me Marc GIZARD, avocat au barreau de BORDEAUX

Madame [Z] [Y]
Née le 18/05/1929 [Localité 6] (33) et décédée
Le 18/06/2020 en cours de procédure

représentée par Me Marc GIZARD, avocat au barreau de BORDEAUX

GROUPAMA – MISSO, caisse d’assurance mutuelle prise en la personne de son représentant légal domicilié es qualités audit siège
[Adresse 4]
[Localité 5]

représentée par Me Marc GIZARD, avocat au barreau de BORDEAUX

PARTIES INTERVENANTES

Fédération NATIONALE DES SYNDICATS DE FORESTIERS PRIVES prise en la pmersonne de son président en exercice domicilié es qualités audit siège
[Adresse 8]
[Localité 9]

représentée par Me Marc GIZARD, avocat au barreau de BORDEAUX

Syndicat DES SYLVICULTEURS DU SUD-OUEST pris en la personne de son président en exercice domicilié es qualités audit siège
[Adresse 7]
[Localité 5]

représentée par Me Benoît COUSSY, avocat au barreau de BORDEAUX

EXPOSÉ DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE

Le 21 janvier 2013, un pin planté sur une parcelle cadastrée section OA n°[Cadastre 10] commune [Localité 6] et appartenant à M. [X] [Y] et à Mme [Z] [Y] est tombée sur la ligne 63.000 volts [Localité 12]-[Localité 13] exploitée par la SA Réseau de Transport d’Electricité (ci-après dénommée RTE). La chute de ce pin a occasionné de nombreux dégâts et notamment la section du câble de la ligne au niveau de la portée 41-42.

Le 23 janvier 2013, la société RTE dépêchait un huissier de justice sur place aux fins de constat.

Par courrier du 11 février 2013, la SA RTE a informé M. [Y] du sinistre et lui a demandé de déclarer le sinistre à son assureur afin qu’un expert puisse être missionné.

Des réparations étaient effectuées par la société RTE entre le 21 mars 2013 et le 24 mars 2013 sur les lieux aux fins de remise en état de marche de la ligne à haute tension.

Par courrier du 6 janvier 2015, elle a demandé à la société GROUPAMA CENTRE ATLANTIQUE, qu’elle pensait être l’assureur de M. [Y], le remboursement de la somme de 46.241,17 euros HT au titre des travaux de remise en état de la ligne endommagée. Ayant appris par la suite que l’assureur était la SA GROUPAMA-MISSO, les échanges se sont poursuivis en vain pour la prise en charge du sinistre.

Par acte d’huissier délivré le 11 janvier 2018, la SA RTE a fait assigner M. [X] [Y], Mme [Z] [Y] et la SA GROUPAMA-MISSO devant le tribunal de grande instance de Bordeaux pour voir déclarés les consorts [Y] responsables de la dégradation de la ligne électrique et obtenir le remboursement de son préjudice.

La société GROUPAMA-MISSO a fait faire un constat d’huissier par Maître PEYCHEZ en date du 08 mars 2019.

Mme [Z] [Y] est décédée le [Date décès 3] 2020, laissant pour héritier son fils [W] [X] [Y], lequel a déclaré se substituer à sa mère dans ses conclusions notifiées le 02 avril 2021.

Par conclusions notifiées le 30 mars 2021, la FEDERATION NATIONALE DES SYNDICATS FORESTIERS DE FRANCE (FRANSYLVA) a déclaré intervenir volontairement à l’instance à titre accessoire.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 22 janvier 2021, GROUPAMA-MISSO, et M. [X] [Y] ont saisi le juge de la mise en état d’une demande d’expertise et d’une injonction de produire à ce titre certains documents. Ces demandes étaient rejetées par ordonnance du juge de la mise en état du 04 mai 2021.

EXPOSÉ DES DEMANDES

Par conclusions récapitulatives notifiées le 06 mai 2024 par voie électronique, la SA RTE demande au tribunal de :
Vu les dispositions de l’article 1384 alinéa premier du Code civil dans sa rédaction
antérieure à l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 10 février 2016,
Vu les dispositions des articles 1242 et suivants du Code civil,
Vu les dispositions des articles 146 et suivants du Code de procédure civile,
Vu les dispositions de l’article L 323-4 du Code de l’énergie et de l’article 26 de l’arrêté
technique du 17 mai 2001,
Vu la jurisprudence et les pièces versées aux débats,
– DONNER acte à la SA RTE RESEAU DE TRANSPORT D’ELECTRICITE de ce qu’elle s’en rapporte à Justice quant à la recevabilité de l’intervention volontaire accessoire de FRANSYLVA et du SYNDICAT DES SYLVICULTEURS DU SUD-OUEST.
– DIRE ET JUGER que Monsieur et Madame [Y] ont engagé leur responsabilité du fait de la chute de l’arbre placé sous leur garde sur la ligne électrique 63 kV [Localité 12] – [Localité 13].
– CONDAMNER solidairement Monsieur [X] [Y], en son nom propre et en sa qualité d’héritier de Madame [T] épouse [Y], et la MUTUELLE SYLVICULTEURS SUD-OUEST (MISSO) – GROUPAMA FORETS ASSURANCES à payer à la SA RTE RESEAU DE TRANSPORT D’ELECTRICITE les sommes de :
– 46.241,17 euros HT à titre d’indemnisation des travaux provisoires réalisés consécutivement au sinistre, outre intérêts au taux légal courant à compter de la mise en demeure du 6 janvier 2015 ;
– 78.473,50 euros HT au titre du coût des travaux définitifs, outre intérêts au taux légal à compter de la notification des conclusions récapitulatives n°3 de la société RTE.
– ORDONNER la capitalisation des intérêts en application de l’article 1343-2 du Code civil.

– DEBOUTER les défendeurs de l’ensemble de leurs demandes, notamment tendant à voir prononcer une mesure d’expertise avant dire droit et à voir ordonner la production forcée de pièces.
– DEBOUTER FRANSYLVA et le Syndicat des Sylviculteurs du Sud-Ouest de leurs prétentions.
– CONDAMNER solidairement Monsieur [X] [Y], la MUTUELLE SYLVICULTEURS SUD-OUEST (MISSO) – GROUPAMA FORETS ASSURANCES et FRANSYLVA à payer à la SA RTE RESEAU DE TRANSPORT D’ELECTRICITE la somme de 15.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 06 juin 2024, la SA GROUPAMA-MISSO et M. [X] [Y] demandent au tribunal de :
– d’ORDONNER, en application de I’articIe 138 du code de procédure civile, que soient versés aux débats par RTE la convention ouvrant droit à EDF de traverser les propriétés privées pour le passage de la ligne HTB [Localité 12] – [Localité 13], tout courrier demandant au propriétaire de couper l’arbre dangereux, enfin tous ordres de services ou contrat ou rapport quant au temps passé à I’entretien de la ligne ;
– de JUGER que RTE a pris un risque important en n’informant pas le propriétaire forestier du risque que I’arbre en question faisait courir, et ne procédant préventivement à aucune coupe de bois ou élagages et en général en ne respectant pas son devoir d’entretenir I’emprise de la ligne conformément aux prescriptions réglementaires et aux engagements traduits dans des documents d’orientation signés par lui-même ;
– de RECONNAITRE que I’arbre de hautjet objet du litige était sain ;
– DE JUGER EN CONSEQUENCE :
– que le risque pris par la société RTE la rend responsable des préjudices qui ont affecté l’instalIation
– que la responsabilité au sens des articles 1240 et 1242 du Code civil n’est pas à la charge des défendeurs ;
– DE JUGER QUE LES CONDITIONS DE LA RESPONSABILITE DE MONSIEUR [Y] ET DE GROUPAMA MISSO NE SONT PAS REUNIES ;
– de DEBOUTER en conséquence RTE de toutes ses demandes ;
– de CONDAMNER RTE à payer la somme de 3 000 € au titre de I’articIe 700
du CPC ;
– de CONDAMNER RTE aux dépens.
Subsidiairement, dès lors que la responsabilité de Monsieur [Y] pourrait être retenue en tout ou partie
– d’ORDONNER avant dire droit qu’une mesure d’expertise permette d’évaIuer les réparations à effectuer pour couvrir les travaux de réparation effectués et relevés ou à effectuer, à I’excIusion de la remise à neuf de la ligne
– de JUGER le degré de responsabilité de chacune des parties au regard de la situation tant juridique que de fait des propriétés et des végétaux arborés ou non et en particulier des risques que RTE a fait courir aux propriétaires en ne I’informant pas de la situation de l’arbre et en ne procédant pas aux coupes et abattages que la loi lui ordonnait ;

– de CONDAMNER la société RTE à la responsabilité partielle du sinistre affectant la ligne électrique, dont le Tribunal fixera la quotité ;
– de JUGER la demande de RTE au titre de Particle 700 du CPC excessive et non justifiée par de quelconque manœuvres de GROUPAMA MISSO ou de Monsieur [Y] ;
– de réserver les dépens.

Par conclusions notifiées par moyen électronique le 25 mai 2023 valant intervention volontaire au présent litige, la FEDERATION NATIONALE DES SYNDICATS DE FORESTIERS PRIVES – FRANSYLVA demande au tribunal de :
– RECEVOIR FRANSYLVA en sont intervention volontaire accessoire ;
– CONDAMNER RTE à assurer le transport du courant électrique dans des conditions de sécurité maximale, notamment vis-à-vis de toute la végétation qui est Iimitrophe des lignes électriques dont elle a la gestion ;
– CONDAMNER RTE à reconnaître les principes posés par le document appelé « Guide Modalités de gestion de la végétation sous ou aux abords des lignes électriques ›› et à les appliquer ;
– CONDAMNER RTE à payer la somme de 2 000 € au titre de l’articIe 700 du CPC ;
– CONDAMNER RTE aux dépens.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 06 septembre 2021 valant intervention volontaire, le SYNDICAT DES SYLVICULTEURS DU SUD-OUEST demande au tribunal de :
Vu les articles 1101, 1103 du code civil
Vu les articles 2131-1, 2132-3 du code du travail
Vu la jurisprudence
Vu les pièces produites
– DECLARER RECEVABLE la demande du Syndicat des Sylviculteurs du Sud-Ouest en son
intervention volontaire ;
A titre principal :
– JUGER que le « Guide Modalité de la gestion de la végétation sous ou aux abords des lignes
électriques » est un contrat qui engage RTE dans ses relations avec FRANSYLVA, le SYSSO et
Monsieur [Y] ;
– JUGER que les conditions de la responsabilité de Monsieur [Y], Madame [T] et
par voie de conséquence de GROUPAMA MISSO ne sont pas réunies ;
– DEBOUTER RTE de l’intégralité de ses demandes ;
A titre subsidiaire, dès lors que la responsabilité des défendeurs pourrait être retenue :
– CONDAMNER la société RTE à la responsabilité partielle du sinistre affectant la ligne
électrique ;
En tout état de cause :
– REJETER la demande d’exécution provisoire ;
– CONDAMNER la société RTE à verser au Syndicat des Sylviculteurs du Sud-Ouest la somme
d’un montant de 3000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux
entiers dépens.

I. Sur les interventions volontaires de FRANSYLVA et du Syndicat des Sylviculteurs du Sud-Ouest (SYSSO)

La société RTE affirme que l’intervention volontaire de FRANSYLVA, à titre accessoire, ne peut le conduire à formuler des demandes pour lui-même, ce qu’il fait pourtant en sollicitant une indemnisation au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Elle conteste par ailleurs le reste de ses demandes.
S’agisant du SYSSO, la société RTE conteste son intérêt à agir, et ajoute que son action ne saurait être qualifiée que d’accessoire, ce qui l’empêcherait de soutenir des moyens de droit n’étant pas évoqués par les demandeurs principaux, à savoir l’irresponsabilité des consorts [Y] pour force majeure, ainsi que l’illicéité du préjudice invoqué. Elle s’oppose également aux demandes au titre des frais irrépétibles. In fine, la société RTE indique s’en rapporter à la justice s’agissant de la recevabilité des deux interventions volontaires.

FRANSYLVA expose qu’il est un syndicat professionnel, rassemblant tous les syndicats départementaux et interdépartementaux de France, don le SYSSO, caractérisant son intérêt à agir, dès lors qu’il est signataire d’un “Guide”, avec RTE, dont il affirme le caractère opposable dans le cadre de la présente instance.

Le SYSSO estime, en sa qualité de syndicat professionnel de propriétaires forestiers, qu’il a intérêt à agir au regard des enjeux du litige et notamment la portée du Guide précédemment évoqué. Il ne qualifie pas son intervention d’accessoire ou principale.

Sur ce, l’article 325 du code de procédure civile prévoit que l’intervention volontaire n’est recevable que si elle se rattache aux prétentions des parties par un lien suffisant. Le caractère accessoire impose que les prétentions de la partie intervenante ne doivent que soutenir celles de la partie pour laquelle elle intervient, tandis qu’une intervention à titre principale permet de formuler des demandes propres.

L’article L.2132-3 du code du travail expose que les syndicats professionnels ont le droit d’agir en justice, et peuvent, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réserver à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l’intérêt collectif de la profession qu’ils représentent.

En l’espèce, FRANSYLVA et le SYSSO démontrent leur intérêt à agir en ce qu’ils interviennent dans un litige entre la société RTE et un propriétaire forestier, membre du SYSSO, et alors qu’ils ont vocation à défendre les intérêts des propriétaires sylviculteurs des applications “abusives ou discriminatoires” des textes législatifs et règlementaires.

Leur intervention volontaire respective seront donc déclarées recevables.

Dans la mesure où le SYSSO n’indique pas s’il s’agit d’une intervention à titre accessoire ou principal, la nature de ses prétentions permet de considérer qu’il s’agit d’une intervention à titre principal. La recevabilité de celles-ci est donc soumise au droit d’agir, conformément à l’article 329 du code de procédure civile, lequel est reconnu par l’article L.2132-3 du code du travail ci-dessus rappelé.

En conséquence, il sera répondu à l’ensemble de leurs prétentions sous réserve que celles-ci soient de la compétence du tribunal de céans.

II. Sur la demande de production de pièces formulée par les consorts [Y] et leur assureur

Les consorts [Y] ainsi que la compagnie d’assurance GROUPAMA-MISSO sollicitent, au cours de leur démonstration, que soit versée aux débats la convention de servitude concernant la portion de ligne à haute tension dégradée lors de la chute de l’arbre. Dans leur “

Par ces motifs”, ils sollicitent également que soient versés “tout courrier demandant au propriétaire de couper l’arbre dangereux, enfin tous ordres de services ou contrat ou rapport quant au temps passé à l’entretien de la ligne” sans l’expliciter ou le justifier au cours de leurs écritures.

La société RTE expose que la ligne à haute tension ayant été dégradée par la chute de l’arbre ne fait l’objet d’aucune convention de servitude sur cette portion. Elle reste silencieuse sur les autres pièces demandées, rejetant sur le fond l’argument que ces pièces permettraient de soutenir selon les défendeurs, et sollicite le débouté total de cette demande.

Sur ce, l’article 138 du code de procédure civile dispose que : “Si, dans le cours d’une instance, une partie entend faire état d’un acte authentique ou sous seing privé auquel elle n’a pas été partie ou d’une pièce détenue par un tiers, elle peut demander au juge saisi de l’affaire d’ordonner la délivrance d’une expédition ou la production de l’acte ou de la pièce.” L’existence de ces pièces, sinon établie avec certitude, doit toutefois être vraisemblable.

En l’espèce, le lieu où a été touchée la ligne à haute tension est située sur un terrain appartenant à la commune [Localité 6], et non aux consorts [Y] tel qu’exposé en défense. Aussi, s’agissant d’une personne morale de droit public, aucune convention de servitude n’a été nécessaire pour le traverser, de sorte que l’existence de cette pièce n’est pas vraisemblable et cette demande sera rejetée.

Sur les autres pièces demandées, les défendeurs n’établissent pas en quoi elles existeraient, ni ne démontrent leur caractère indispensable pour trancher le litige l’opposant à la société RTE. Cette demande sera également rejetée.

III. Sur la demande en paiement des travaux de réparation de la ligne à haute tension

Il est constant aux débats que l’arbre ayant chuté sur la ligne électrique le 21 janvier 2013 était planté sur un terrain appartenant aux Consorts [Y], et que cette chute a généré de nombreux dommages notamment en sectionnant un câble électrique.

La société RTE, au visa de l’article 1384 alinéa 1er du code civil – aujourd’hui 1242 du même code, estime que les consorts [Y] sont responsables des dommages causés à la ligne à haute tension dont elle est la gestionnaire et l’exploitante en leur qualité de propriétaires et donc gardiens de l’arbre ayant chuté sur celle-ci. Elle s’oppose à ce que soit retenue toute force majeure, totalement exonératrice de cette responsabilité, en l’absence d’élément météorologique en ce sens, ainsi que toute faute de sa part en matière de respect des distances minimales de sécurité ou d’entretien des environs des lignes. Elle précise que le “Guide – Modalités de gestion de la végétation sous et aux abords des lignes électriques” auquel se réfèrent les défendeurs ainsi que les deux parties intervenantes n’est doté d’aucune portée normative générale, et ne saurait constituer un contrat passé avec les consorts [Y] la rendant débitrice d’une quelconque obligation particulière à leur égard.

Elle explique qu’aucune faute partiellement exonératoire de responsabilité ne peut lui être reprochée s’agissant d’un défaut d’entretien évoqué par les défendeurs, en s’appuyant sur l’arrêté du 17 mai 2001 et de l’article L 323-4 du code de l’énergie. Elle fait au contraire valoir que les dispositions de ces textes ont été respectées, notamment au regard des distances de sécurité compte tenu du constat d’huissier dressé seulement quelques jours après la chute, et que l’arbre en cause n’était affecté d’aucun mal qui aurait dû la conduire à l’abattre à titre préventif. Elle s’oppose à ce que soit retenue à son encontre une quelconque négligence constituée par une acceptation du risque de la chute de l’arbre.

La société RTE ajoute qu’aucune convention de servitude n’a été conclue avec les consorts [Y], la ligne électrique ne passant pas sur leur terrain et qu’ainsi, ils ne peuvent se prévaloir d’un transfert de responsabilité à leur bénéfice.

Enfin, elle s’oppose à ce qu’une exonération totale de responsabilité soit retenue aux bénéfice des consorts [Y] pour cause d’illicéité du préjudice invoqué, estimant que les travaux réalisés pour réparer la ligne à haute tension ne l’ont pas été en détournant des subventions dont aurait bénéficié RTE et qui rendrait leur utilisation à cette fin illégale.

Les consorts [Y] et la compagnie GROUPAMA-MISSO font valoir que la société RTE a commis une faute exonératrice de responsabilité en n’entretenant pas suffisamment la végétation aux abords de la ligne électrique, assurant que l’arbre ayant chuté était dans l’emprise de celle-ci et auraît dû être coupé. Il expliquent en effet au visa de l’article L.323-4 du code de l’énergie que les lignes aériennes à haute tension sont soumises à des distances de sécurité avec la végétation se trouvant aux abords en fonction de leur hauteur, emportant pour le concessionnaire une obligation d’entretien. Ils s’appuient sur le “Guide” déjà cité, en soulignant que la société RTE en est signataire, alors que ce document prévoit un droit de coupe et d’élagage sur toute l’emprise déterminée autour de la ligne électrique, et qu’il indique que le manquement à son obligation d’entretien entraîne une exonération totale ou partielle du propriétaire de l’arbre relativement aux dommages qu’il cause. Il fait valoir que ce guide a été rédigé et signé en 2002, soit avant l’accident objet du litige, et qu’il a été actualisé en 2018 et enrichi d’une “Charte de bonnes pratiques de la gestion de la végétation sous et aux abords des lignes électriques”.

Ils soutiennent, en rappelant les dispositions des articles 1101 et suivants du code civil, que le “Guide” revêt un caractère normatif en ce qu’il a été signé par différentes parties et constitue donc un accord de volontés assimilable à une convention, parmi lesquelles celle de RTE et de FRANSYLVA, syndicat auquel sont de surcroît adhérents les consorts [Y]. Ils affirment que la distance minimale de 2 mètres entre une ligne et les arbres prescrite par l’arrêté technique du 17 mai 2001, position défendue par RTE, n’est pas celle qui s’applique réellement puisque le “Guide” mentionne pour les lignes à haute tension HTB (63K Volts) un espace libre de végétation de 24 mètres de part et d’autre de la ligne, à partir des dernières branches, constituant une tranchée forestière. Ils soulignent que la cime du pin s’élevait à 17 mètres, alors que son tronc se situait à 14,90m de la ligne électrique, de sorte qu’il était certain qu’en tombant il endommagerait celle-ci, tout en faisant valoir que l’arbre était parfaitement sain. Ils s’appuient d’ailleurs sur un constat d’huissier sollicité par GROUPAMA et daté du 08 mars 2019 pour affirmer que l’entretien général de la végétation, aux abords de la ligne et sur une longueur d’environ 1.5km ne satisfait pas les prescriptions légales. En n’ayant pas respecté les distances de sécurité légalement prescrites, RTE exonère les consorts [Y] de leur responsabilité.

Ils s’appuient également sur l’article L.134-11 du code forestier pour affirmer que la sécurisation des lignes électriques est de la compétence exclusive des transporteurs et distributeurs d’énergie, et que la distance minimale de sécurité est bien supérieure à 2 mètres, en soulignant que ce texte prévoit encore le débroussaillement et le maintien en état débroussaillé d’une bande de terrain “dont la largeur de part et d’autre de l’axe de la ligne est fixée en fonction de la largeur et de la hauteur de la ligne et de ses caractéristiques”.

Ils exposent enfin que RTE avait conscience du risque généré par cet arbre pour la sécurité de la ligne à haute tension, et que l’acceptation d’un tel risque est constitutive d’une faute de la victime exonérant le gardien de la chose de sa responsabilité.

FRANSYLVA expose pour sa part que le “Guide” a une portée contractuelle en épousant l’argumentaire des consorts [Y], et soulignant que l’entretien de la végétation aux abords de la ligne électrique, en regard de ce texte, ne répond pas aux exigences légales sur une portion beaucoup plus large qu’au seul endroit où l’arbre avait chuté.

Le SYSSO estime que la chute de l’arbre, pourtant sain, est due à un événement revêtant les caractéristiques de la force majeure en s’appuyant sur des éléments météorologiques, de sorte que les consorts [Y] doivent être totalement exonérés de leur responsabilité en leur qualité de gardien de l’arbre.

Il ajoute que l’entretien de la ligne litigieuse, ainsi que sa réparation, ont été réglés au moyen de subventions “qui ne semblent pas avoir été déclarées à la Commission Européenne”, de sorte qu’elles seraient illégales, illégalité qui contaminerait le montant du préjudice evoqué par les demandeurs en ce que les réparations auraient été faites grâce à ces subventions. Il conclue donc à l’illicéité du préjudice invoqué, et donc à l’exonération totale de la responsabilité des consorts [Y].

Il invoque enfin une faute de la société RTE en lien avec une absence d’entretien répondant aux prescriptions du “Guide” déjà évoquées, entraînant également une exonération totale, voire subsidiairement partielle, de la responsabilité des défendeurs. En effet, ils estime que le “Guide” a une portée contractuelle et contient des engagements pris par RTE à l’égard des autres signataires, parmi lesquels FRANSYLVA, dont est membre le SYSSO, syndicat auquel Monsieur [Y] est adhérent, ce qui rend ce texte opposable à ce dernier.

A. Sur l’existence d’une responsabilité contractuelle :

1. Sur la valeur juridique du “Guide – Modalités de gestion de la végétation sous et aux abords des lignes électriques”

Il résulte des articles 1134 et suivants du code civil, dans leur version applicable au présent litige, que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ont pour objet de faire naître des obligations entre les différentes parties et de fixer leur modalités d’extinction.

La responsabilité délictuelle, ci-avant définie, ne peut être retenue dans le cas d’un manquement commis dans l’exécution d’une obligation née d’une convention.

Toutefois, la responsabilité contractuelle invoquée par les Consorts [Y] et GROUPAMA-ISSO, suppose la réunion de trois conditions, à savoir l’existence d’une situation contractuelle, la survenance d’un dommage entre contractants et l’inexécution d’une obligation contenue dans le contrat dans laquelle le dommage trouve sa source. Lorsque le dommage subi par la victime trouve sa source en dehors de l’inexécution d’une obligation contractuelle, la responsabilité ne peut être qu’extra-contractuelle.

En l’espèce, les Consorts [Y], leur assureur, ainsi que les parties intervenantes (syndicats professionnels) estiment que la société RTE était débitrice d’une obligation contractuelle d’entretien née dans le “Guide – Modalités de gestion de la végétation sous et aux abords des lignes électriques”, dont elle est signataire, qui impose des distances minimales de sécurité qui n’auraient pas été respectées.

Il convient de souligner qu’ils invoquent également une “Charte de bonnes pratiques de la gestion de la végétation sous et aux abords des lignes électriques”, annexée à ce document actualisé en février 2018, soit postérieurement à l’accident en cause, ce qui le rend donc nécessairement inapplicable au présent litige.

Ce “Guide”, qui daterait de 2002, produit en pièce 3 par les défendeurs, présente les logos d’EDF, RTE, de l’APCA, de l’ONF, de l’organisme “Forêt privée française” ainsi que celui du FNETARF. Toutefois, aucune signatature de ces trois derniers organismes n’apparaît dans celui-ci, la page 2 ne faisant apparaître que celles des représentants légaux de l’APCA, RTE et EDF.

Une version postérieure est produite par les défendeurs, en pièce 19, qui comporte cette fois le logo du syndicat professionnel FRANSYLVA en bas de page, mais pour laquelle il n’est justifiée d’aucune signature. Il sera également relevé que cette version date de mars 2018, soit, là encore, postérieurement à la chute de l’arbre. Il en résulte que ce document ne peut tenir lieu de convention applicable au présent litige, d’autant que les défendeurs ne sont pas, du seul fait de leur adhésion à ce syndicat – qui n’est au demeurant aucunement prouvée, co-signataire de ce nouveau guide.

En conséquence, il ne saurait être donnée à ce “Guide” une valeur contractuelle opposable à RTE de la part des consorts [Y], d’autant que ce guide n’a pour vocation, comme indiqué dès la deuxième page, que d’”apporter des réponses aux questions d’ordre juridique et technique” en “ rappelant les droits et devoirs des différentes parties”, ce dont il résulte que le droit applicable relève de la loi et autres textes règlementaires à portée générale.

2. Sur un transfert de responsabilité organisé par RTE :

Les défendeurs font valoir que les risques nouveaux courus par les propriétaires des fonds sur lesquels passent une ligne électrique sont pris en charge par RTE au moyen de conventions de servitude, et produisent à ce titre une convention de servitude anonymisée.

En défense, la société RTE souligne que la convention de servitude produite en défense n’est pas opposable aux cas d’espèce, les parties étant distinctes. Elle rappelle surtout que la ligne n’est pas installée sur le fonds appartenant aux consorts [Y], mais sur la parcelle voisine, appartenant à une collectivité publique, à savoir la commune [Localité 6], et qu’il n’y avait donc aucune nécessité à conclure avec les défendeurs une convention de passage.

En l’espèce, seul l’arbre litigieux était planté sur le terrain appartenant aux consorts [Y], la ligne électrique étant elle-même installée sur le terrain voisin, dont il est établi qu’il appartient à la commune [Localité 6]. S’agissant d’un propriétaire de droit public, aucune convention n’a été signée, laquelle n’aurait au demeurant nullement concerné le fonds des consorts [Y]. En conséquence, la question d’un tranfert de responsabilité par voie conventionnelle, telle qu’effectivement permise par le code civil, est ici sans objet, sans que cela induise que la ligne à haute tension aurait été “implantée chez M. Et Mme [Y] sans autorisation au mépris du droit de propriété” tel que pourtant affirmé en défense.

En l’absence de contrat liant la société RTE aux consorts [Y], c’est donc le régime de la responsabilité extra-contractuelle qui trouve à s’appliquer.

B. Sur la responsabilité extra-contractuelle du fait des choses des Consorts [Y]

L’article 1382 dans sa version applicable au présent litige pose pour principe que tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

L’article 1384 du même code énonce, en son alinéa 1er, que l’on est responsable non seulement du dommage que l’on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l’on a sous sa garde.

Il s’agit d’une responsabilité objective, ne nécessitant pas la caractérisation d’une faute de la part du gardien.

Cette présomption de responsabilité, ne peut être détruite par le gardien de la chose que par la preuve d’un cas fortuit ou de force majeure ou encore d’une cause étrangère qui ne lui soit pas imputable.

Le gardien peut également s’exonérer partiellement de sa responsabilité s’il prouve que la victime a contribué à son propre dommage.

En l’espèce, il n’est pas contesté que l’arbre était planté sur le terrain des défendeurs, et qu’il est à l’origine des dommages déplorés par RTE. Toutefois, ils estiment qu’il existe une cause d’exonération totale (force majeure), ou partielle (faute de RTE) de leur responsabilité.

1. La force majeure

Il est constant que l’événement constitutif de la force majeure exonératoire de responsabilité doit être irrésistible, imprévisible et extérieur.

Le SYSSO, partie intervenante et seule à argumenter dans le sens d’un tel événement, expose que le 23 janvier 2013, la situation météorologique était “perturbée” sur l’ouest de la France, mais ne produit aucun élément l’attestant autre que deux captures d’écran d’origine inconnue laissant apparaître des mouvements venteux, sans aucune notion de force ou de vitesse.

Ces éléments ne suffisent pas à démontrer qu’un événement météorologique exceptionnel dans son ampleur se soit produit le jour des faits.

En conséquence, il n’est pas établi qu’un événement climatique ou météorologique à caractère imprévisible et irrésistible se soit produit le 21 janvier 2013 sur la commune [Localité 6], de telle sorte qu’il n’est pas justifié d’un cas de force majeure exonératoire de responsabilité du fait des choses bénéficiant aux consorts [Y] puisse être retenu. Ce moyen sera rejeté.

2. Sur la faute reprochée à la société RTE

En premier lieu, ni les défendeurs ni les parties intervenantes ne peuvent utilement soutenir que le comportement fautif qu’ils reprochent à la société chargée de l’exploitation de la ligne à haute tension endommagée par la chute de l’arbre soit exonératoire de toute responsabilité dès lors que la preuve d’un cas de force majeure n’est pas rapportée.

En effet, la faute de la victime ne présentant pas les caractères de la force majeure ne peut conduire qu’à une exonération partielle de responsabilité.

En second lieu, il résulte des dispositions de l’article L 323-4 4° du code de l’énergie que “La déclaration d’utilité publique investit le concessionnaire, pour l’exécution des travaux déclarés d’utilité publique, de tous les droits que les lois et règlements confèrent à l’administration en matière de travaux publics. Le concessionnaire demeure, dans le même temps, soumis à toutes les obligations qui dérivent, pour l’administration, de ces lois et règlements.
La déclaration d’utilité publique confère, en outre, au concessionnaire le droit : (…) 4° De couper les arbres et branches d’arbres qui, se trouvant à proximité des conducteurs aériens d’électricité, gênent leur pose ou pourraient, par leur mouvement ou leur chute, occasionner des courts-circuits ou des avaries aux ouvrages.”

Les défendeurs ne sont donc pas fondés à soutenir sur la base de cette disposition que la société RTE était tenue de couper les branches des arbres susceptibles d’occasionner des dommages à ses ouvrages dès lors qu’elles ne se trouvaient pas en deçà des distances minimales de sécurité : selon le texte ci-dessus rappelé, il s’agit d’un droit, et non d’une obligation.

Ils ne sont pas davantage fondés à estimer qu’il s’agit d’une négligence fautive de la part des demandeurs, en argumentant qu’il s’agissait d’un arbre “dangereux”, dès lors qu’il était, comme ils le rappellent d’ailleurs, parfaitement sain et dénué de toute fragilité rendant sa chute ou son déracinement probable à court ou moyen terme.

Par ailleurs, l’arrêté du 17 mai 2001 fixant les conditions techniques auxquelles doivent satisfaire les distributions d’énergie éléctrique contient des dispositions relatives à la distance des ouvrages par rapport au voisinage des arbres et obstacles divers (lecture combinée des articles 12 et 26).

Toutefois, ni les défendeurs ni les parties intervenantes ne démontrent en quoi ces distances n’auraient pas été respectées pour envisager la faute de RTE. En revanche, l’arbre étant ensouché à une distance de 14,90m de la ligne, distance constatée par l’huissier de justice 2 jours après la chute et non contestée par les parties, il se trouvait bien au-delà de la distance dite “de tension” (deux mètres) évoquée par l’article 26 de l’arrêté du 17 mai 2001.

L’article 26 du même arrêté dispose en son 5° “Des visites périodiques des lignes aériennes en conducteurs nus doivent être effectuées afin d’en déceler les déficiences éventuelles et de déterminer les élagages et abattages nécessaires, notamment ceux d’arbres morts ou en voie de dépérissement susceptibles de tomber sur les ouvrages.
Les dates et les résultats de ces visites doivent être mentionnées sur un registre ou regroupés dans un dossier tenu à la disposition du service du contrôle.
Les travaux dont ces visites ont fait apparaître la nécessité doivent être effectués dans les meilleurs délais.”

Les défendeurs se fondent sur ces dernières dispositions pour considérer qu’à défaut de rapporter la preuve de visites périodiques effectuées sur la ligne endommagée, la société RTE a commis une faute qui engage sa responsabilité.

Or, ils affirment dans leur écritures (p.25) que l’arbre a qui a chuté le 21 janvier 2013 était parfaitement sain et ne présentait aucun signe extérieur de faiblesse (ce qui est confirmé par l’huissier dépêché sur place à la demande de RTE), de sorte qu’ils n’avancent aucune raison objective pour considérer que l’attention des techniciens de la société RTE aurait dû être spécifiquement attirée sur la situation et/ou l’état de l’arbre litigieux par rapport à la ligne à haute tension, d’autant que les distances minimales de sécurité étaient respectées. A ce titre, il n’existait donc pas non plus, de ce point de vue, de motif particulier justifiant que des observations spécifiques doivent être consignées par les agents de la société RTE aux fins d’intervention rapide.

En revanche, le rapport de l’huissier permet d’établir le lien de causalité direct entre la chute de l’arbre et les dégradations sur la ligne à haute tension, celui-ci ayant sectionné le câble en tombant et ayant été en partie calciné de ce fait. Ces dégradations ne proviennent donc pas d’un défaut d’entretien de la ligne imputable à la société RTE.

Les défendeurs invoquent enfin une faute de RTE relative à une “acceptation du risque” au regard de l’endroit où passait la ligne à haute tension, c’est-à-dire en bordure d’un terrain destiné à la sylviculture. Ils expliquent que, ce faisant, la société RTE “ne s’est pas préoccupée des risques courus, alors qu’[elle] aurait dû apprécier le risque et en conséquence faire les diligences nécessaires que lui commandaient non seulement le principe de précaution mais encore les textes qui fondaient ses droits, notamment d’abattage”.

Or, de jurisprudence constante, la victime d’un dommage causé par une chose peut invoquer sa responsabilité à l’encontre du gardien de la chose, instrument du dommage, sans que puisse lui être opposée son acceptation des risques.

Au résultat de l’ensemble de ces éléments, la faute de la société RTE partiellement exonératoire de responsabilité n’est pas établie.

3. Sur l’illécéité du préjudice invoqué

Le SYSSO argumente en faveur d’une exonération totale de la responsabilité des défendeurs pour cause d’illicéité du préjudice invoqué, estimant que toute aide d’Etat octroyée illégalement entraîne l’illégalité de l’ensemble des actes d’exécution découlant dans cette aide.

La société RTE se défend de toute illégalité dans les subventions perçues, et fait également valoir que celles-ci ne sont en tout état de cause nullement affectées aux travaux d’entretien et de réparation des ouvrages du réseau de transport d’électricité.

En l’espèce, le SYSSO ne justifie en aucune façon les reproches qu’il formule à l’égard de RTE concernant l’illicéité des subventions perçues, se contentant d’employer des termes hypothétiques et par affirmations tels que “ne semblent pas avoir été déclarés à la Commissions Européennes” ou encore “il ne fait aucun doute que ces subventions sont en partie dédiées à l’entretien et à l’extension du réseau”. En conséquence, ce moyen sera également rejeté.

Il résulte de ces développements que la responsabilité des consorts [Y] est bien engagée sur le plan extra-contractuel, en leur qualité de gardien de l’arbre ayant généré les dommages, et qu’ils seront donc condamnés à réparer intégralement ceux-ci.

IV. Sur le montant des réparations

A. Sur la demande d’expertise quant à l’évaluation du préjudice

Les consorts [Y] et la compagnie GROUPAMA-MISSO soutiennent que le montant du préjudice, tel que sollicité par les demandeurs, devrait faire l’objet d’une expertise dans la mesure où ce préjudice n’a pas été constaté ni chiffré contradictoirement.

La société RTE s’oppose à cette demande d’expertise en relevant que celle-ci a déjà été rejetée au stade de la mise en état par ordonnance du 04 mai 2021. Elle ajoute que l’absence des consorts [Y] et de leur assureur lors des opérations n’est due qu’à leur propre carence, dans la mesure où elle a tenté à plusieurs reprises, et depuis 2013, d’entrer en relation avec eux, sans effet, alors même que l’assureur GROUPAMA avait été informée du sinistre par son assuré. Elle ajoute qu’elle a produit toutes les factures afférentes au montant du préjudice invoqué, et qu’ainsi il n’existe aucun doute sur la nature des travaux réalisés et leur bien-fondé.

En l’espèce, il convient de constater que cette exacte demande a déjà été traitée par le juge de la mise en état, qui l’a rejetée par des motifs clairs et précis, et alors qu’aucun nouvel argument en défense ne vient justifier de devoir statuer sur cette question une nouvelle fois.

En conséquence, cette demande formulée “avant dire droit” sera rejetée.

B. Sur le montant des réparations

La société RTE sollicite le remboursement de toutes les dépenses liées à la réparation de la ligne en soutenant son droit à réparation intégrale, lequel s’est produit en deux temps : des travaux provisoires réalisés dans l’urgence entre le 21 et le 24 mars 2013 (montant total : 46.241,17 euros HT), puis des travaux définitifs réalisés fin novembre 2019 (montant toal : 78.473,50 euros HT).

Les défendeurs contestent le principe d’indemnisation des réparations définitives, dès lors qu’elles ont eu vocation à améliorer l’ouvrage et que ce remboursement conduirait à un enrichissement sans cause au profit de RTE.

1. Sur les travaux provisoires

Le montant des travaux provisoires est justifié par RTE qui produit de nombreuses pièces comptables (factures, commandes), mais également constat d’huissier. La demanderesse sollicite également le remboursement de ses coûts de main d’oeuvre, même internalisés, ce qui est conforme à la jurisprudence habituelle en cette matière.

Les défendeurs ne contestent que le montant global des réparations, parce qu’ils rejettent le principe de remboursement des réparations “définitives” réalisées postérieurement, mais ne formulent aucune opposition sur les montants demandés au titre des travaux provisoires.

Il sera donc fait droit à la demande de remboursement sur toute la somme générée par ces travaux, soit 46.241,17 euros.

Ainsi, les consorts [Y] seront condamnés, in solidum avec leur assureur à payer la somme de 46.241,17 euros, correspondant au coût de la remise en état de la ligne à haute tension endommagée par le fait accidentel survenu le 21 janvier 2013.

2. Sur les travaux définitifs

La société RTE explique que “la réparation provisoire doit nécessairement être suivie d’une réparation définitive destinée à remettre en conformité la portion de ligne endommagée en tenant compte des normes en vigueur à la date de la réparation et en prenant en compte la résistance mécanique de la ligne telle que définie par les textes”.

Les défendeurs s’opposent au paiement de cette deuxième partie des travaux, estimant que RTE a, dans un premier temps et au stade de son assignation du 16 janvier 2018, estimé que son préjudice était équivalent au montant demandé pour les réparations provisoires. Ils estiment que le constat d’huissier diligenté à leur demande en mars 2019 fait état d’une ligne en état de fonctionnement, et qu’un seul poteau apparaît alors toujours endommagé. Ils font valoir au visa de l’article 121-1 du code des assurances que l’indemnité ne peut dépasser la valeur de la chose assurée au moment du sinistre.

En l’espèce, le fondement légal sur lequel s’appuient les défendeurs (article 121-1 du code des assurances) ne peut trouver à s’appliquer dans la mesure où ce n’est pas la ligne en tant qu’objet matériel qui est assurée, mais les consorts [Y] au titre de leur responsabilité civile.

Toutefois, il ressort des écritures de RTE au stade de l’assignation en janvier 2018, que le montant demandé ne concernait que les réparations effectuées en 2013 sans qu’il soit question d’un préjudice à parfaire au regard de la nécessité de recourir à des réparations “définitives”.

D’ailleurs, le délai compris entre les réparations provisoires (mars 2013) et les réparations dites définitives réalisées en novembre 2019, soit plus de six ans après, n’est pas expliqué par la partie en demande, alors que cela interroge sur la réalité du caractère provisoire des premières réparations, tout comme elle ne justifie pas en quoi les normes de sécurité auraient changé et conduiraient ainsi à des montants de réparations plus importants, ce qu’elle affirme pourtant.

Dans ces circonstances, et de jurisprudence constante, le droit au rétablissement de ses biens en l’état antérieur ne doit pas conduire à financer une amélioration de ces biens, quand bien même celle-ci serait la conséquence d’une réforme légale ou règlementaire, le financement de ces travaux en lien avec une modification des normes de sécurité incombant à l’exploitant.

En conséquence, la société RTE sera déboutée de sa demande indemnitaire au titre de ce qu’elle présente comme étant des “réparations définitives”.

V. Sur la garantie de la compagnie GROUPAMA-MISSO

La garantie de l’assureur GROUPAMA-MISSO n’étant pas contestée, il sera condamné in solidum avec les consorts [Y].

VI. Sur les autres demandes

S’agissant de la demande de RTE relativement à la capitalisation des intérêts, en vertu de l’article 1343-2 du code civil, les intérêts échus dus au moins pour une année entière, produisent intérêt si le contrat l’a prévu ou si une décision de justice le précise. La juridiction appelée à statuer sur une demande de capitalisation des intérêts ne dispose d’aucun pouvoir d’appréciation en la matière, dès lors que les conditions légalement posées sont réunies. Il convient dès lors de faire droit à cette demande.

Le point de départ des intérêts sera fixé au 6 janvier 2015, date de la mise en demeure adressée par RTE, dès lors que ce montant, exactement similaire à la demande dans le cadre de la présente instance, n’a généré en lui-même aucune contestation par les défendeurs.

Succombant à la procédure, les consorts [Y] et leur assureur seront condamnés aux dépens, avec distraction au profit de Maître Mathieu BONNET-LAMBERT en application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

D’autre part, il serait inéquitable de laisser à la charge de RTE les frais non compris dans les dépens. Il convient en conséquence de condamner les consorts [Y] et leur assureur à une indemnité en faveur du demandeur d’un montant de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Le SYSSO, partie intervenante formulant plusieurs moyens autonomes, tous rejetés, sera également condamné à verser une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile d’un montant de 1.500 euros.

Par ailleurs, rien ne justifie d’écarter l’exécution provisoire de droit prévue par l’article 514 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal,

RECOIT les interventions volontaires de FRANSYLVA et du Syndicat des Sylviculteurs du Sud-Ouest dans la présente instance ;

DEBOUTE les consorts [Y] et leur assureur GROUPAMA-MISSO de leur demande d’expertise avant-dire-droit, ainsi que de leur demande de production forcée de pièces ;

DECLARE Les consorts [Y] entièrement responsables des dommages subis par la société RTE en tant que gardien de l’arbre les ayant générés ;

CONDAMNE in solidum les consorts [Y] et leur assureur GROUPAMA-MISSO à verser à la société RTE la somme de 46.241,17 euros au titre des réparations de la ligne à haute tension


Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Chat Icon