Responsabilité du gardien et preuve du préjudice dans un contexte commercial

·

·

Responsabilité du gardien et preuve du préjudice dans un contexte commercial

L’Essentiel : Le 20 mars 2021, Mme [K] [D] a chuté dans le magasin Castorama à [Localité 6], se blessant gravement en trébuchant sur une caisse mal placée. Les examens médicaux ont révélé une fracture de l’humérus gauche. La SAS CASTORAMA a reconnu sa responsabilité et a proposé une expertise médicale. En l’absence d’accord, Mme [K] [D] a assigné la société et la CPAM pour obtenir une indemnisation de 113 411,48 €, tandis que Castorama proposait 50 080,64 €. Le tribunal a confirmé la responsabilité de Castorama, mais a suspendu la décision sur l’indemnisation en raison de justificatifs manquants.

Contexte de l’accident

Le 20 mars 2021, Mme [K] [D] a subi une chute dans le magasin Castorama situé à [Localité 6] (06). Elle a déclaré avoir trébuché sur une caisse mal placée au sol, entraînant des blessures significatives.

État des blessures et responsabilité

Les examens médicaux ont révélé une fracture sous-capitale de l’humérus gauche et une fracture disjonction du trochiter. La SAS CASTORAMA a reconnu sa responsabilité en tant que gardienne de la caisse impliquée dans l’accident et a proposé une expertise médicale.

Procédure judiciaire

En l’absence d’accord entre les parties, Mme [K] [D] a assigné la SAS CASTORAMA et la CPAM devant le tribunal judiciaire de Nice pour obtenir une indemnisation. La CPAM n’a pas constitué d’avocat ni fourni le montant de ses débours.

Demandes des parties

Dans ses conclusions, Mme [K] [D] réclame 113 411,48 € d’indemnisation et 5 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile. De son côté, la SAS CASTORAMA demande le rejet des demandes de Mme [K] [D] et propose une indemnisation de 50 080,64 €.

Éléments de preuve

Le tribunal a noté que la responsabilité de la SAS CASTORAMA était confirmée par un courriel d’un courtier en assurance, ainsi que par la déclaration de sinistre indiquant que la chute était causée par un carton au sol. Le rapport d’expertise médicale a également établi un lien direct entre la chute et les blessures subies.

Position anormale de l’objet

Le tribunal a souligné que la circulation dans le magasin devait être sécurisée et sans obstacles. La position non signalée de la caisse ou du carton a été jugée anormale, contribuant ainsi à la chute de Mme [K] [D].

Responsabilité et indemnisation

La SAS CASTORAMA a été déclarée entièrement responsable des conséquences de l’accident, conformément à l’article 1242 du code civil. Cependant, le tribunal a décidé de surseoir à statuer sur la liquidation du préjudice en raison de l’absence de justificatifs des débours de la CPAM.

Décision du tribunal

Le tribunal a ordonné la réouverture des débats et a demandé à Mme [K] [D] de produire le décompte des débours de la CPAM. L’affaire a été renvoyée à une audience ultérieure pour statuer sur les demandes d’indemnisation et les dépens.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la responsabilité de la SAS CASTORAMA en tant que gardienne de la chose ?

La SAS CASTORAMA est considérée comme gardienne de la chose, en l’occurrence la caisse ou le carton mal positionné, qui a causé le dommage à Mme [K] [D].

Selon l’article 1242 du Code civil :

« On est responsable non seulement du dommage que l’on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l’on a sous sa garde. »

Dans ce cas, la responsabilité de la SAS CASTORAMA est engagée car il a été prouvé que la caisse ou le carton a joué un rôle causal dans l’accident.

La victime doit démontrer que la chose a eu un rôle causal et a été l’instrument du dommage par une anormalité dans son état ou sa position.

Le tribunal a constaté que la circulation dans les allées d’un magasin doit se faire librement, sans danger, et que l’élément au sol n’était pas signalé, ce qui constitue une dangerosité.

Ainsi, la SAS CASTORAMA est jugée entièrement responsable des conséquences dommageables de l’accident subi par Mme [K] [D].

Quelles sont les conditions de l’indemnisation des préjudices ?

L’indemnisation des préjudices subis par Mme [K] [D] doit respecter certaines conditions, notamment en ce qui concerne les recours subrogatoires des caisses d’assurance maladie.

L’article L 376-1 du Code de la sécurité sociale stipule que :

« Les recours subrogatoires des caisses contre les tiers s’exercent poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu’elles ont pris en charge, à l’exclusion des préjudices de caractère personnel. »

De plus, l’article 31 de la loi du 5 juillet 1985 précise que :

« Les tiers payeurs doivent justifier du montant de leur créance. »

Dans cette affaire, la CPAM n’a pas fourni le montant de ses débours définitifs, ce qui empêche le tribunal de statuer sur les demandes d’indemnisation.

Le tribunal a donc décidé de surseoir à statuer sur ces demandes, de révoquer l’ordonnance de clôture, et d’ordonner la réouverture des débats pour que Mme [K] [D] produise le décompte des débours de la CPAM.

Cela souligne l’importance de la transparence et de la justification des créances dans le cadre des recours subrogatoires.

Quelles sont les implications de l’absence de la CPAM dans la procédure ?

L’absence de la CPAM dans la procédure a des implications significatives sur le déroulement du procès et sur la capacité du tribunal à statuer sur les demandes d’indemnisation.

L’article 474 alinéa 1 du Code de procédure civile indique que :

« En cas de pluralité de défendeurs, cités pour le même objet, lorsque l’un au moins d’entre eux ne comparaît pas, le jugement est réputé contradictoire à l’égard de tous, si la décision est susceptible d’appel ou si ceux qui ne comparaissent pas ont été cités à personne. »

Dans ce cas, la CPAM n’a pas constitué avocat et n’a pas fait parvenir au tribunal le montant de ses débours définitifs.

Cela empêche le tribunal de connaître l’étendue des préjudices pris en charge par la CPAM, ce qui est essentiel pour déterminer le montant total de l’indemnisation à accorder à Mme [K] [D].

Le tribunal a donc décidé de surseoir à statuer sur l’ensemble des demandes relatives à l’indemnisation jusqu’à ce que la CPAM fournisse les informations nécessaires.

Cette situation met en lumière l’importance de la participation de tous les acteurs concernés dans une procédure judiciaire pour garantir une décision équitable et éclairée.

COUR D’APPEL D’AIX EN PROVENCE
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE NICE
GREFFE
(Décision Civile)

JUGEMENT : [K] [D] c/ Organisme CPAM DES ALPES MARITIMES, Etablissement Castorama France

MINUTE N° 24/
Du 25 Novembre 2024

3ème Chambre civile
N° RG 23/02613 – N° Portalis DBWR-W-B7H-O7MM

Grosse délivrée à

Me Audrey MASSEI
, Me Marc-david TOUBOUL

expédition délivrée à

le

mentions diverses
Renvoi audience 12 mai 2025 à 14h

Par jugement de la 3ème Chambre civile en date du vingt cinq Novembre deux mil vingt quatre

COMPOSITION DU TRIBUNAL

L’audience s’étant tenue à juge rapporteur sans opposition des avocats conformément aux articles 812 & 816 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été débattue le 23 septembre 2024 en audience publique , devant

Président : Madame GINOUX, magistrat honoraire
Greffier : Madame KACIOUI, présente uniquement aux débats

Le Rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré du Tribunal, composé de :

Président : Corinne GILIS
Assesseur : Anne VINCENT
Assesseur : Myriam GINOUX,

DEBATS

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu le 25 novembre 2024 par mise à disposition au greffe de la juridiction.

PRONONCÉ :

Par mise à disposition au Greffe le 25 Novembre 2024 signé par Madame GILIS, Présidente et Madame LETELLIER-CHIASSERINI, Greffier.

NATURE DE LA DÉCISION : réputée contradictoire, mixte,en premier ressort, au fond

DEMANDERESSE:

Madame [K] [D]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
[Localité 2]
représentée par Me Marc-david TOUBOUL, avocat au barreau de MARSEILLE, avocat plaidant

DEFENDERESSES:

CPAM DES ALPES MARITIMES
[Adresse 4]
[Localité 1]
N’ayant pas constitué avocat

La Société CASTORAMA FRANCE, SAS, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié es qualité audit siège
[Adresse 7]
[Localité 5]
représentée par Me Audrey MASSEI, avocat au barreau de NICE, avocat postulant, Me Sébastien THEVENET, avocat au barreau de LYON, avocat plaidant

EXPOSE DU LITIGE

Le 20 mars 2021, Mme [K] [D] a été victime d’une chute alors qu’elle se trouvait à l’intérieur du magasin Castorama à [Localité 6] ( 06).

Elle explique avoir trébuché sur une caisse mal positionnée au sol.

Le bilan radiographique initial fait état d’une fracture sous capitale de l’humérus gauche associée à une fracture disjonction du trochiter.

La SAS CASTORAMA n’a pas contesté sa responsabilité en qualité de gardienne de la caisse instrument du dommage et a proposé l’organisation d’une mesure médicale confiée au docteur [S].

Ce dernier a procédé à l’examen de Mme [K] [D] le 25 janvier 2022 et a rendu son rapport le 24 mai 2022.

En l’absence d’accord entre les parties, par actes délivrés les 15 et 22 juin 2023, Mme [K] [D] a assigné la SAS CASTORAMA au contradictoire de la CPAM devant le tribunal judiciaire de Nice pour obtenir l’indemnisation de son préjudice.

La CPAM n’a pas constitué avocat et n’a pas fait parvenir au Tribunal le montant de ses débours définitifs.

Dans le dernier état de la procédure, les prétentions des parties sont les suivantes :

Dans ses dernières conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 24 mai 2024, Mme [K] [D] demande au Tribunal :
– un total de réclamations indemnitaires de 113 411,48 €
– de condamner la SAS CASTORAMA à lui verser une indemnité de 5000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens

Dans ses dernières conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 27 aôut 2024, la SAS CASTORAMA sollicite du Tribunal de :
– débouter Mme [K] [D] de l’ensemble de ses demandes à titre principal, et la condamner aux dépens de l’instance,
– à titre subsidiaire,
– d’homologuer le rapport du DR [S],
– dé fixer le préjudice de Mme [K] [D] à ses propres offres qui s’élèvent à la somme totale de 50 080,64 € euros,
– dire n’y avoir lieu à exécution provisoire pour plus de la moitié des sommes allouées,
– réduire à de plus justes proportions les sommes réclamées au titre de l’article 700 du code de procédure civile et statuer ce que de droit concernant les dépens.

Il sera renvoyé pour un plus ample exposé du litige et des prétentions des parties, aux conclusions sus-visées.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 27 mai 2024 avec clôture au 9 septembre 2024 et l’affaire fixée à plaider le 23 septembre 2024. La décision a été rendue par mise à disposition au greffe.

MOTIVATION

Sur la qualification du jugement

En application des dispositions de l’article 474 alinéa 1 du code de procédure civile, en cas de pluralité de défendeurs, cités pour le même objet, lorsque l’un au moins d’entre eux ne comparaît pas, le jugement est réputé contradictoireà l’égard de tous, si la décison est susceptible d’appel ou si ceux qui ne comparaissent pas ont été cités à personne.

Sur le droit à indemnisation de la victime

Tout en ne contestant pas le droit à indemnisation de la victime, s’estimant gardienne de la chose, instrument du dommage et ayant proposé l’instauration d’une mesure d’expertise amiable, dans ses dernières conclusions, la SAS CASTORAMA sollicite le rejet des demandes de Mme [K] [D] alléguant que cette dernière:
ne rapporte pas la réalité de la matérialité des faits qu’elle allègue,- ne rapporte pas la preuve de la position anormale de la chose , objet du dommage.

Le tribunal relève que par courriel du 10 mai 2021 ( pièce 6 de la demanderesse), la société MARSH courtier en assurance indiquait expressément au conseil de Mme [K] [D] qu’elle intervenait en qualité de courtier gestionnaire des sinistres responsabilité civile de CASTORAMA et confirmait la responsabilité de son client.
Aux termes des dispositions de l’article 1242 du code civil, on est responsable non seulement du dommage que l’on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l’on a sous sa garde.

Ainsi la responsabilité du gardien de la chose inerte est engagée lorsque la preuve est rapportée que cette chose a participé de façon incontestable et déterminante à la production du sinistre, la victime devant démontrer que cette chose a eu un rôle causal et a été l’instrument du dommage par une anormalité dans son fonctionnement, son état, sa fabrication, sa solidité, ou sa position.

Il résulte de la déclaration de sinistre transmise et signée par la SAS CASTORAMA en date du 24 mars 2021 ( pièce 7 de la demanderesse) que “ en se déplaçant dans le rayon électricité, la cliente a trébuché sur un carton qui se trouvait au sol” ; et que “ un carton était au sol dans l’allée électricité.”
Il est précisé que cette chute a provoqué” une fracture de l’épaule” et que la cliente a été évacuée par les pompiers.

Au chapitre “ Type de sinistre” de cette même déclaration il est noté qu’il s’agit:
d’un choc avec objet- dommage causé par un matériel du magasin ( hors chariot élévateur)d’une chute-glissade.

La matérialité de la chute est ainsi largement établie par les pièces susvisées.

Le rapport d’expertise du docteur [S] atteste que cette chute a occasionné un traumatisme de l’épaule gauche ainsi qu’une contusion du genou gauche. L’imputabilité de ces blessures à la chute est donc incontestable.

S’agissant de la position anormale de cette chose, qu’il s’agisse d’un carton ou d’une caisse, la circulation dans les allées d’un magasin accueillant des clients doit se faire librement, sans danger, sans obstacle, ni éléments au sol.

La SAS CASTORAMA ne conteste pas l’existence de cette caisse ou ce carton estimant néanmoins que son emplacement exact n’est pas déterminé.
Quel que soit cet emplacement, la circulation dans les rayons ne peut être entravé par un élément au sol à propos duquel il n’est pas contesté qu’il n’était pas signalé, ce qui présente, de fait, une certaine dangerosité.

En conséquence, la position de cette chose , au sol, non signalée, caractérise l’anormalité et donc le rôle causal déterminant de cette dernière, à l’origine de la chute.

La SAS CASTORAMA doit ainsi être jugée entièrement responsable des conséquences dommageables de l’accident subi par Mme [K] [D] sur le fondement des dispositions de l’article 1242 du code civil.

Sur la liquidation du préjudice

En application des articles L 376-1 du code de la sécurité sociale, 31 de la loi du 5 juillet 1985, et 15 du décret n° 86-15du 6 janvier 1986, les recours subrogatoires des caisses contre les tiers s’exercent poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu’elles ont pris en charge, à l’exclusion des préjudices de caractère personnel, et les tiers payeurs doivent justifier du montant de leur créance.Ces règles sont d’ordre public et doivent être appliquées même en l’absence de prétention du tiers-payeur relative à l’assiette du recours.

La Cour de Cassation rappelle que le juge ne peut pas statuer sans connaître le montant des prestations versées par l’organisme de sécurité sociale, ce qui est le cas en l’espèce.

Il y a donc lieu de surseoir à statuer sur ces demandes, révoquer l’ordonnance de clôture, ordonner la réouverture des débats et enjoindre Mme [K] [D] de produire le décompte des débours de la CPAM.

L’ensemble des demandes relatives à l’indemnisation des préjudices de Mme [K] [D] et les dépens seront réservés.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par jugement mixte réputé contradictoire et en premier ressort,

Déclare la SAS CASTORAMA intégralement responsable des conséquences dommageables de l’accident subi par Mme [K] [D] le 20 mars 2021.

Avant dire droit sur la liquidation du préjudice de Mme [K] [D],

Ordonne la réouverture des débats,

Renvoie l’affaire à l’audience du 12 mai 2025 à 14H.

Avec INJONCTION à Mme [K] [D] de produire le décompte des débours définitifs de la Caisse Primaires d’Assurance Maladie des Alpes Maritimes ,

Surseoit à statuer sur l’ensemble des demandes relatives à la liquidation de son préjudice corporel, de l’exécution proviosire, des frais irrépétibles et du sort des dépens.

Et la Présidente a signé avec le greffier.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE


Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Chat Icon