L’Essentiel : La SARL Drapeau Conception a été engagée par les époux [T] pour la construction de leur maison en Vendée, mais des désordres ont été signalés, entraînant une assignation en justice en 2015. Après une expertise ordonnée par le tribunal, les époux ont demandé réparation. AXA France Iard, impliquée dans l’affaire, a assigné la SMABTP pour garantir ses condamnations. Cependant, la SMABTP a contesté cette demande, arguant qu’elle n’était pas l’assureur de Drapeau Conception au moment de la réclamation. Le tribunal a finalement condamné plusieurs parties, mais la cour a infirmé la garantie de la SMABTP, déboutant AXA de sa demande.
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Contexte de l’affaireLa SARL Drapeau Conception a été engagée par les époux [T] pour la maîtrise d’œuvre de la construction de leur maison en Vendée, avec un contrat signé le 4 février 2011. La réception des travaux a eu lieu le 15 octobre 2012. Cependant, les époux [T] ont signalé des désordres, notamment un bruit de vent excessif dans les chambres, et ont assigné Drapeau Conception ainsi que les entreprises responsables des menuiseries pour expertise en juin 2015. Procédures judiciairesLe tribunal a ordonné une expertise, et la SARL Drapeau Conception a demandé que l’expertise soit étendue à AXA France Iard et à la MAAF, les assureurs concernés. Le rapport d’expertise a été déposé en février 2018. En avril 2019, les époux [T] ont assigné plusieurs parties, dont Drapeau Conception et AXA France Iard, pour obtenir réparation de leurs préjudices. Intervention de la SMABTPAXA France Iard a ensuite assigné la SMABTP en intervention forcée, cherchant à être garantie contre toute condamnation. La SMABTP a contesté cette demande, arguant qu’elle n’était pas l’assureur de Drapeau Conception au moment de la réclamation des époux [T], qui datait de 2015. Jugement du tribunalLe tribunal a rendu son jugement le 17 janvier 2023, condamnant plusieurs parties à indemniser les époux [T] pour divers préjudices, y compris un montant pour trouble de jouissance. AXA France Iard a été condamnée à payer in solidum avec Drapeau Conception, et la SMABTP a été condamnée à garantir AXA pour une partie de cette indemnisation. Appel de la SMABTPLa SMABTP a fait appel du jugement, demandant l’infirmation de la décision qui l’obligeait à garantir AXA. Elle a soutenu que la réclamation des époux [T] avait été faite avant qu’elle ne soit l’assureur de Drapeau Conception, ce qui rendait sa garantie non mobilisable. Arguments des partiesLa SMABTP a affirmé que la réclamation des époux [T] était antérieure à son contrat d’assurance avec Drapeau Construction, tandis qu’AXA France Iard a soutenu qu’elle était l’assureur à la date de la réclamation et que la SMABTP devait garantir les préjudices. Les deux parties ont présenté des arguments juridiques concernant la nature de la réclamation et la responsabilité des assureurs. Décision de la courLa cour a infirmé le jugement initial concernant la garantie de la SMABTP, concluant que Drapeau Construction connaissait le fait dommageable au moment de la souscription de son contrat d’assurance avec la SMABTP. AXA France Iard a été déboutée de sa demande de garantie contre la SMABTP et a été condamnée à payer les dépens et des frais irrépétibles à la SMABTP. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelle est la nature de la responsabilité engagée dans cette affaire ?La responsabilité engagée dans cette affaire est de nature contractuelle, en vertu des articles 1231 et suivants du Code civil, qui régissent les obligations contractuelles. L’article 1231-1 du Code civil stipule que : « Le débiteur est tenu de réparer le préjudice causé par l’inexécution de son obligation, sauf s’il prouve que cette inexécution est due à une cause étrangère qui ne peut lui être imputée. » Dans le cas présent, la SARL Drapeau Conception, en tant que maître d’œuvre, a une obligation de résultat concernant la construction de la maison des époux [T]. Les désordres constatés, tels que le bruit de vent et les infiltrations, relèvent d’une inexécution de cette obligation, engageant ainsi la responsabilité de la société Drapeau Conception. De plus, l’article 1792 du Code civil précise que : « Tout constructeur d’un ouvrage est responsable de plein droit à l’égard du maître de l’ouvrage, des dommages qui compromettent la solidité de l’ouvrage ou le rendent impropre à sa destination. » Ainsi, la responsabilité décennale de la société Drapeau Conception est également engagée, car les désordres affectent la solidité et l’usage de l’ouvrage. Quelles sont les implications de la garantie décennale dans cette affaire ?La garantie décennale, régie par les articles 1792 et suivants du Code civil, impose aux constructeurs une responsabilité pour les dommages affectant la solidité de l’ouvrage ou le rendant impropre à sa destination pendant une durée de dix ans à compter de la réception des travaux. L’article 1792-4 du Code civil précise que : « La garantie décennale est due par le constructeur à l’égard du maître de l’ouvrage, même en cas de faute de l’entrepreneur. » Dans cette affaire, la société Drapeau Conception a été condamnée à indemniser les époux [T] pour les désordres constatés, ce qui implique que la garantie décennale est applicable. Les sommes allouées aux époux [T] pour les travaux de reprise des désordres et le préjudice de jouissance sont donc couvertes par cette garantie. Il est également important de noter que l’assureur, AXA France Iard, a une obligation de garantir son assuré, Drapeau Conception, pour les dommages relevant de la garantie décennale, conformément à l’article L.241-1 du Code des assurances. Comment la notion de réclamation est-elle définie dans le cadre de l’assurance ?La notion de réclamation est essentielle dans le cadre de l’assurance, notamment en ce qui concerne le déclenchement de la garantie. L’article L.251-2 du Code des assurances définit la réclamation comme : « Toute demande formulée par un tiers à l’égard de l’assuré, tendant à obtenir réparation d’un préjudice. » Dans cette affaire, la réclamation des époux [T] a été matérialisée par leur assignation en référé expertise en juin 2015, ce qui constitue un acte de demande de réparation. La société SMABTP, en tant qu’assureur de Drapeau Conception à partir de 2018, a contesté la mobilisation de sa garantie, arguant que la réclamation avait été formulée avant la souscription de son contrat. L’article L.124-5 du Code des assurances précise que : « La garantie est déclenchée par la première réclamation adressée à l’assuré ou à son assureur entre la prise d’effet de la garantie et l’expiration d’un délai subséquent. » Ainsi, la date de la réclamation est cruciale pour déterminer si la garantie de la SMABTP est mobilisable, et la cour a jugé que la société Drapeau Construction avait connaissance du fait dommageable au moment de la souscription de son contrat d’assurance, ce qui a conduit à l’inapplicabilité de la garantie. Quelles sont les conséquences de la résiliation du contrat d’assurance sur la garantie ?La résiliation d’un contrat d’assurance a des conséquences directes sur la garantie fournie par l’assureur. L’article L.124-5 du Code des assurances stipule que : « La garantie ne couvre pas les sinistres dont le fait dommageable a été connu de l’assuré postérieurement à la date de résiliation du contrat. » Dans cette affaire, AXA France Iard a résilié son contrat d’assurance avec Drapeau Conception en janvier 2013, tandis que la SMABTP a souscrit un nouveau contrat en janvier 2018. La cour a constaté que Drapeau Conception avait connaissance des désordres avant la souscription de ce nouveau contrat, ce qui a conduit à la conclusion que la garantie de la SMABTP n’était pas mobilisable. Ainsi, la résiliation du contrat d’AXA a eu pour effet de limiter la couverture des sinistres aux seuls événements survenus avant cette résiliation, et la connaissance préalable des faits dommageables par Drapeau Conception a empêché la mobilisation de la garantie de la SMABTP. Comment les frais irrépétibles sont-ils traités dans le cadre de cette affaire ?Les frais irrépétibles, régis par l’article 700 du Code de procédure civile, permettent à une partie de demander le remboursement des frais engagés pour la défense de ses intérêts dans le cadre d’un litige. Cet article stipule que : « Le juge peut condamner la partie perdante à payer à l’autre partie une somme au titre des frais irrépétibles. » Dans cette affaire, la cour a condamné AXA France Iard à verser 4.000 euros à la SMABTP au titre des frais irrépétibles, en raison de l’appel injustifié de cette dernière en garantie. La cour a infirmé le jugement de première instance qui avait débouté la SMABTP de sa demande de frais irrépétibles, reconnaissant que la SMABTP avait dû engager des frais pour se défendre contre une demande qui n’était pas fondée. Ainsi, les frais irrépétibles sont un moyen de compenser les parties pour les dépenses engagées dans le cadre d’un litige, et leur attribution dépend de la décision du juge sur la base de l’équité et des circonstances de l’affaire. |
N° RG 23/00657 – N° Portalis DBV5-V-B7H-GYHK
S.A. SMABTP
C/
SARL DRAPEAU CONCEPTION
S.A. AXA FRANCE IARD
Loi n° 77-1468 du30/12/1977
Copie revêtue de la formule exécutoire
Le à
Le à
Le à
Copie gratuite délivrée
Le à
Le à
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE POITIERS
1ère Chambre Civile
ARRÊT DU 14 JANVIER 2025
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 23/00657 – N° Portalis DBV5-V-B7H-GYHK
Décision déférée à la Cour : jugement du 17 janvier 2023 rendu par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP des SABLES D’OLONNE.
APPELANTE :
S.A. SMABTP
[Adresse 4]
[Localité 3]
ayant pour avocat Me Grégoire TERTRAIS de la SELARL ATLANTIC JURIS, avocat au barreau de LA ROCHE-SUR-YON
INTIMEE :
S.A. AXA FRANCE
[Adresse 2]
[Localité 6]
ayant pour avocat Me Marie-thérèse SIMON-WINTREBERT, avocat au barreau de POITIERS
PARTIE INTERVENANTE
SARL DRAPEAU CONCEPTION
[Adresse 1]
[Localité 5]
ayant pour avocat Me Henri-noël GALLET de la SCP GALLET-ALLERIT-WAGNER, avocat au barreau de POITIERS
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 07 Novembre 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :
M. Thierry MONGE, Président de Chambre qui a présenté son rapport
Monsieur Dominique ORSINI, Conseiller
Monsieur Philippe MAURY, Conseiller
qui en ont délibéré
GREFFIER, lors des débats : Mme Elodie TISSERAUD,
ARRÊT :
– Contradictoire
– Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,
– Signé par M. Thierry MONGE, Président de Chambre et par Mme Elodie TISSERAUD, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La SARL Drapeau Conception, alors assurée auprès de la compagnie AXA, s’est vu confier par les époux [T] selon contrat signé le 4 février 2011 la maîtrise d’oeuvre de la construction d’une maison sur un terrain leur appartenant à [Localité 7], en Vendée, dont la réception a été prononcée le 15 octobre 2012.
Déclarant déplorer des désordres tenant à un fort bruit de vent perceptible à l’intérieur de l’habitation dans les chambres donnant sur l’océan, M. et Mme [T] ont fait assigner aux fins d’expertise devant le juge des référés par actes des 23 et 25 juin 2015 la société Drapeau Construction et les entreprises ayant réalisé les menuiseries extérieures et les menuiseries intérieures.
Le président du tribunal de grande instance des Sables d’Olonne a fait droit à cette demande par ordonnance de référé du 28 septembre 2015 commettant madame [K], ensuite remplacée par M. [B].
La SARL Drapeau Conception a ultérieurement obtenu du juge des référés que les opérations d’expertise soient étendues à la société AXA France Iard, selon ordonnance du 29 février 2016, et à la MAAF, assureur de la société Serrurerie Luçonnaise, selon ordonnance du 27 mars 2017.
M. [B] a déposé son rapport définitif le 23 février 2018.
Les époux [T] ont fait assigner par actes du 16 avril 2019 la SARL Drapeau Construction et la société AXA France Iard, la SAS Serrurerie Luçonnaise et la MAAF, la SAS [M] et la MMA, et la société Roxo Étanchéité Rénovation, aux fins de les entendre condamner à les indemniser de leurs préjudices.
La société AXA France Iard a fait assigner en intervention forcée par acte du 15 novembre 2021 la compagnie SMABTP, auprès de laquelle la société Drapeau Construction avait souscrit une assurance de responsabilité civile de 2018 à 2020, pour l’entendre condamner à la relever et garantir de toute condamnation qui viendrait à être prononcée contre elle en principal, frais et accessoires.
La SMABTP a conclu au rejet de cette demande au motif que sa garantie hors responsabilité décennale invoquée par AXA n’était pas mobilisable puisqu’elle n’était pas l’assureur de la société Drapeau Création à la date de la réclamation des maîtres de l’ouvrage, située selon elle au jour de l’assignation en référé expertise délivrée les 23/25 juin 2015.
Les instances ont été jointes.
Par jugement du 17 janvier 2023, le tribunal, entre-temps devenu tribunal judiciaire, des Sables d’Olonne, a, notamment :
* condamné in solidum les sociétés Drapeau Conception, AXA France Iard et [V] [M] à payer aux époux [T] la somme de 40.893,77 euros TTC au titre de la reprise des désordres affectant les coffres des volets roulants et stores et du mobilier dégradé
* condamné in solidum les sociétés Drapeau Conception et Serrurerie Luçonnaise à payer aux époux [T] la somme de 4.400 euros TTC au titre des travaux de révision des menuiseries extérieures
* condamné in solidum les sociétés Drapeau Conception et Roxo Étanchéité Rénovation à payer aux époux [T] la somme de 3.573,87 euros TTC au titre des travaux de reprise des désordres des toitures terrasses
* condamné in solidum la société Drapeau Conception et la compagnie AXA France Iard à payer aux époux [T] la somme de 5.939,64 euros TTC au titre des travaux de reprise des désordres d’infiltrations du garage
* condamné in solidum les sociétés Drapeau Conception, AXA France Iard et [V] [M] à payer aux époux [T] la somme de 6.000 euros en réparation de leur préjudice de jouissance
* dit n’y avoir lieu à limiter la part de responsabilité de la société Drapeau Construction et rejeté en conséquence la demande de la société AXA France Iard à ce titre
* débouté la société AXA France Iard de sa demande de garantie et relevé indemne contre la société Serrurerie Luçonnaise, la société [V] [M] et la société Roxo Étanchéité Rénovation
* dit que la société AXA France Iard était fondée à opposer à son assurée Drapeau Construction, au titre de la clause de garantie décennale obligatoire, les limites de plafond et de garantie de la police résiliée à effet du 1er mars 2013 ainsi que la franchise applicable aux dommages matériels
* condamné la société SMABTP à garantir et relever indemne la société AXA France Iard du chef de la condamnation prononcée contre cette dernière, au titre de l’indemnisation du préjudice de jouissance subi par les époux [T], à hauteur de la somme de 6.000 euros
* dit que les sommes objet des condamnations ainsi prononcées porteraient intérêts au taux légal à compter du jugement, et ordonna la capitalisation des intérêts dès lors qu’ils seront dus pour une année entière au moins
* condamné in solidum les sociétés Drapeau Conception, AXA France Iard, [V] [M], Serrurerie Luçonnaise et Roxo Étanchéité Rénovation à verser 5.000 euros aux époux [T] au titre de l’article 700 du code de procédure civile
* rejeté les autres demandes d’indemnités pour frais irrépétibles
* débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires au présent dispositif
* condamné in solidum les sociétés Drapeau Conception, AXA France Iard, [V] [M], Serrurerie Luçonnaise et Roxo Étanchéité Rénovation aux dépens de l’instance, en ce compris les frais d’expertise
* dit n’y avoir lieu d’écarter l’exécution provisoire assortissant de droit le jugement.
La société SMABTP a relevé appel le 14 mars 2023.
Les dernières écritures prises en compte par la cour au titre de l’article 954 du code de procédure civile ont été transmises par la voie électronique :
* le 20 juin 2024 par la SA SMABTP
* le 3 juillet 2024 par la SA AXA France Iard.
La SA SMABTP demande à la cour d’infirmer le jugement en ce qu’il la condamne à garantir et relever indemne la société AXA France Iard du chef de la condamnation prononcée contre cette dernière, au titre de l’indemnisation du préjudice de jouissance subi par les époux [T], à hauteur de la somme de 6.000 euros et en ce qu’il la déboute, en rejetant toutes les autres demandes d’indemnités pour frais irrépétibles, de sa demande tendant à voir condamner AXA France Iard à lui verser la somme de 2.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile
Et statuant à nouveau :
-de débouter AXA France Iard de toutes ses demandes, fins et conclusions dirigées contre la SMABTP
-de condamner AXA France Iard à lui verser la somme de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel ainsi qu’aux entiers dépens de première instance liée à son appel en cause, et d’appel.
Elle indique qu’ayant été l’assureur de la société Drapeau Construction en vertu d’un contrat ‘global ingénierie’ du 1er janvier 2018 au 31 décembre 2020, date à effet de laquelle la police a été résiliée, elle n’est donc pas son assureur en base réclamation, puisque la réclamation au sens de l’article L.251-2 du code des assurances date du 23 juin 2015, date de l’assignation à fin d’expertise délivrée à la société Drapeau Construction à la requête des maîtres de l’ouvrage.
Elle soutient qu’il est de jurisprudence assurée que l’assignation en référé délivrée à l’assuré par le tiers lésé en vue de la désignation d’un expert aux fins de déterminer les responsables des dommages dont le tiers lésé se prétendait victime et d’évaluer les préjudices, constitue la réclamation à laquelle est subordonnée la garantie de l’assureur.
Elle fait valoir que raisonner comme le fait la compagnie AXA, en considérant comme réclamation la date de l’assignation au fond, contrevient aux articles 1964 du code civil et L.124-5 du code des assurances et au caractère nécessairement aléatoire du contrat d’assurance, dès lors qu’à la date de souscription du contrat d’assurance auprès d’elle par la société Drapeau Construction, celle-ci avait connaissance du fait dommageable contre les conséquences duquel la garantie est sollicitée, puisque les époux [T] faisaient état dans l’assignation en référé expertise qu’ils avaient fait délivrer en juin 2015 à l’entreprise de leurs ‘incontestables troubles de jouissance’.
Elle tient pour intempestive l’action en garantie dirigée à son encontre par AXA.
La SA AXA France demande à la cour de débouter la société SMABTP de son appel ainsi que de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions dirigées à son encontre :
-de confirmer le jugement en ce qu’il a débouté la SMABTP de ses demandes de frais irrépétibles
-de condamner la SMABTP à lui verser une indemnité de 3.500 euros au titre des frais irrépétibles d’appel
-de condamner la SMABTP aux entiers dépens de référé, de première instance et d’appel.
Elle expose avoir été l’assureur de responsabilité de Drapeau Construction à compter du 1er janvier 2007, et avoir résilié le contrat le 26 décembre 2012 à effet du 1er janvier 2013.
Elle en infère que seule sa garantie obligatoire restait mobilisable et qu’il appartenait à la société Drapeau Construction de déclarer le sinistre à la SMABTP et elle observe que même si l’appelante ne le produit pas, une demande d’assurance a d’ailleurs été formalisée auprès de la SMABTP par la société Drapeau Construction le 8 septembre 2017.
Elle fait valoir que l’article 4 des conditions particulières du contrat de la SMABTP stipule que sa garantie de responsabilité civile d’exploitation s’applique aux réclamations formulées pendant la période de validité de l’attestation d’assurance, et que cette compagnie est donc bien tenue de garantir les réclamations formulées par les époux [T] dans leur assignation du 23 avril 2019 puisqu’elle était l’assureur de l’entreprise à cette date.
Elle récuse les contestations de l’appelante tirées de l’absence d’aléa, en soutenant que la première réclamation des maîtres de l’ouvrage en indemnisation de leur trouble de jouissance date de leur assignation au fond d’avril 2019, époque où la SMABTP était donc l’assureur de Drapeau Construction, l’assignation antérieure en référé expertise ne pouvant selon elle pas être regardée comme une réclamation puisqu’elle était fondée sur l’article 145 du code de procédure civile et ne préjugeait pas du fond.
Elle soutient que les jurisprudences dont l’appelante se prévaut ne sont pas applicables à l’assurance en matière de construction ; que la SMABTP confond la notion de fait dommageable avec celle de réclamation ; que la réclamation doit tendre à la responsabilité de l’assuré, ce qui en l’espèce ne ressort que de l’assignation au fond et non de l’assignation à fin d’expertise, exempte de réclamation chiffrée..
La SARL DRAPEAU CONSTRUCTION, non intimée sur la déclaration d’appel s’est constituée le 12/09/2023, mais n’a pas conclu.
L’ordonnance de clôture est en date du 4 juillet 2024.
La société AXA France Iard a été du 1er janvier 2007 au 1er janvier 2013 l’assureur de responsabilité décennale et de responsabilité civile professionnelle de la société Drapeau Construction, et elle la garantissait à la date d’ouverture du chantier pour les préjudices immatériels consécutifs à des dommages matériels garantis.
C’est à ce titre qu’elle a été condamnée par le tribunal in solidum avec son assurée -et la société [V] [M]- à payer 6.000 euros aux époux [T] au titre du trouble de jouissance que leur a causé les désordres dont la société Drapeau Construction a été jugée responsable.
Ce chef de décision n’a pas été discuté par la société AXA France Iard, et il est définitif.
La société AXA France Iard a sollicité, et obtenu, l’entière garantie de cette condamnation par la société SMABTP, qui était l’assureur décennal et responsabilité de la société Drapeau du 1er janvier 2018 au 31 décembre 2020 et la garantissait en base réclamation pour les préjudices immatériels consécutifs à des dommages matériels garantis, au motif que c’est pendant cette période, en l’occurrence le 16 avril 2019, qu’était intervenue la réclamation, par l’assignation délivrée à l’entreprise à la requête des maîtres de l’ouvrage en réparation de préjudices parmi lesquels leur préjudice de jouissance consécutif aux désordres décennaux affectant l’ouvrage.
Aux termes de l’article L.124-5, alinéa 4, du code des assurances, la garantie déclenchée par la réclamation couvre l’assuré contre les conséquences pécuniaires des sinistres, dès lors que le fait dommageable est antérieur à la date de résiliation ou d’expiration de la garantie et que la première réclamation est adressée à l’assuré ou à son assureur entre la prise d’effets initiale de la garantie et l’expiration d’un délai subséquent à sa date de résiliation ou d’expiration mentionné par le contrat, quelle que soit la date des autres éléments constitutifs des sinistres. Toutefois, la garantie ne couvre les sinistres dont le fait dommageable a été connu de l’assuré postérieurement à la date de résiliation du contrat ou d’expiration de la garantie que si, au moment où l’assuré a eu connaissance de ce fait dommageable, cette garantie n’a pas été resouscrite ou l’a été sur la base du déclenchement par le fait dommageable. L’assureur ne couvre pas l’assuré contre les conséquences pécuniaires des sinistres s’il établit que l’assuré avait connaissance du fait dommageable à la date de la souscription de la garantie.
Ainsi, la règle selon laquelle c’est le second contrat souscrit pour la même garantie en base réclamation qui est mobilisé quand la réclamation est postérieure à la résiliation du premier contrat lorsque l’assuré a eu connaissance du fait dommageable postérieurement à la date de résiliation ou d’expiration de la garantie d’un premier contrat en base réclamation, connaît-elle, en vertu de la dernière phrase de cet alinéa, une exception lorsque le fait dommageable a été connu de l’assuré antérieurement à la souscription du second contrat.
Tel est le cas de la société Drapeau Construction, qui connaissait le fait dommageable lorsqu’elle a souscrit le 10 janvier 2018 à effet du 1er janvier 2018 auprès de la SMABTP le contrat -qui était d’ailleurs le troisième et non le second, puisqu’elle avait été assurée auprès d’une autre compagnie du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2017- dès lors qu’à cette date, elle avait été assignée devant le juge des référés le 28 septembre 2015 par les époux [T] afin de voir instituer une expertise de l’immeuble au vu d’un constat d’huissier décrivant des désordres intérieurs de l’habitation du fait d’un défaut d’étanchéité à l’air et au vent, avec invocation expresse par les demandeurs d’un trouble de jouissance ; qu’une expertise avait été ordonnée à son contradictoire ; et qu’elle venait de recevoir de l’expert le pré-rapport, daté du 30 novembre 2017 avec délai au 22 décembre 2017 pour formuler d’éventuels dires, constatant un niveau de bruit inacceptable dans la chambre de la maison située face à l’océan ainsi que l’oxydation d’organes électriques du fait de la migration à l’intérieur d’humidité chargée en sel, concluant que la cause de ces désordres tenait au manque d’étanchéité de toutes les menuiseries extérieures, et les attribuant à une conception et à une direction du chantier défaillantes du maître d’oeuvre Drapeau Construction qui avait mission complète (cf pièce n°4 de l’appelante).
La SMABTP est fondée dans ces conditions à objecter que son assurée connaissant le fait dommageable à la date de souscription de son contrat, sa garantie n’est pas mobilisable en application de l’article L.124-5, alinéa 4, du code des assurances et du caractère par nature aléatoire du contrat d’assurance, qui ne peut porter sur un risque que l’assuré sait déjà réalisé.
La société AXA France Iard doit être ainsi par infirmation du jugement sur ce point, déboutée de sa demande tendant à être garantie par la société SMABTP de sa condamnation à payer in solidum avec son assurée 6.000 euros aux époux [T] en réparation de leur trouble de jouissance.
Le jugement sera aussi infirmé en ce que, en déboutant les parties de toutes leurs demandes plus amples ou contraires à son dispositif, il a débouté la SMABTP de la demande en paiement d’une indemnité pour frais irrépétibles qu’elle formulait sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile contre la société AXA France Iard, puisque celle-ci l’a appelée à tort en garantie et l’a contrainte à exposer des frais irrépétibles pour défendre à cette action.
La société AXA France Iard supportera les dépens de première instance afférents à son assignation en intervention forcée de la SMABTP ainsi que les dépens d’appel.
Elle versera en application du susdit article 700 du code de procédure civile une somme de 4.000 euros à la SA SMABTP au titre des frais irrépétibles exposés par celle-ci en première instance et en cause d’appel.
la cour, statuant publiquement contradictoirement et en dernier ressort, dans les limites de l’appel :
INFIRME le jugement déféré, prononcé le 17 janvier 2023 par le tribunal judiciaire des Sables d’Olonne, en ce qu’il condamne la SMABTP à garantir et relever indemne la société AXA France Iard du chef de la condamnation prononcée contre cette dernière, au titre de l’indemnisation du préjudice de jouissance subi par les époux [T], à hauteur de la somme de 6.000 euros et en ce qu’il la déboute, en rejetant toutes les autres demandes d’indemnités pour frais irrépétibles, de sa demande tendant à voir condamner AXA France Iard à lui verser la somme de 2.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile
statuant à nouveau :
DÉBOUTE la société AXA France Iard de sa demande de garantie dirigée contre la société SMABTP
REJETTE tous ses chefs de demandes dirigés contre la SMABTP
CONDAMNE la société AXA France Iard aux dépens de première instance afférents à son assignation en intervention forcée de la SMABTP ainsi qu’aux dépens d’appel
CONDAMNE la société AXA France Iard à payer en application de l’article 700 du code de procédure civile une somme de 4.000 euros à la SA SMABTP au titre des frais irrépétibles exposés par celle-ci en première instance et en cause d’appel.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
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