Responsabilité et évaluation des préjudices corporels suite à un accident de la circulation

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Responsabilité et évaluation des préjudices corporels suite à un accident de la circulation

L’Essentiel : Le 13 décembre 2018, Madame [Y] [W] a été gravement blessée par un véhicule conduit par Madame [X]. Elle a subi un hématome frontal et une fracture de l’humérus, nécessitant une hospitalisation et deux interventions chirurgicales. En réponse, Madame [Y] [W] a engagé des procédures judiciaires pour obtenir réparation, évaluant son préjudice à 111 726,86 euros. Bien que Madame [X] ait reconnu sa responsabilité, elle a contesté l’évaluation des préjudices. Finalement, le tribunal a ordonné à Madame [X] et à son assureur de verser 36 653 euros à Madame [Y] [W], en plus de couvrir les frais d’expertise.

Accident et blessures

Le 13 décembre 2018, Madame [Y] [W] a été percutée par le véhicule conduit par Madame [X] alors qu’elle traversait la rue à pied. Suite à cet accident, elle a subi des blessures graves, notamment un hématome frontal et une fracture de l’humérus gauche, nécessitant une intervention chirurgicale et une hospitalisation jusqu’au 19 décembre 2018. Une seconde opération a eu lieu le 20 février 2020 pour retirer le matériel d’ostéosynthèse. Madame [Y] [W] a été en arrêt de travail jusqu’au 1er septembre 2020.

Procédures judiciaires

Madame [Y] [W] a engagé des procédures judiciaires en assignant Madame [X], son assureur AVANSSUR, et la CPAM pour obtenir une expertise judiciaire. Un expert a été désigné et a rendu son rapport en juillet 2022. Par la suite, plusieurs actes d’assignation ont été effectués devant le tribunal judiciaire du Havre, avec des conclusions finales notifiées en mars 2024.

Demandes de réparation

Dans ses dernières conclusions, Madame [Y] [W] a demandé la reconnaissance de la responsabilité de Madame [X] et la condamnation de celle-ci ainsi que de son assureur à réparer son préjudice, évalué à 111 726,86 euros. Elle a également demandé des indemnités pour divers postes de préjudice, y compris des souffrances endurées, un préjudice esthétique, et des pertes de gains professionnels.

Évaluation des préjudices

Le rapport d’expertise a permis d’évaluer les différents postes de préjudice. Madame [Y] [W] a demandé des indemnités pour un déficit fonctionnel temporaire, des souffrances endurées, un préjudice esthétique temporaire et permanent, ainsi qu’un préjudice d’agrément. Elle a également mentionné des dépenses de santé et des frais divers liés à son accident.

Réponses des défendeurs

Madame [X] et la SA AVANSSUR ont reconnu la responsabilité de Madame [X] mais ont contesté l’évaluation des préjudices demandés par Madame [Y] [W]. Ils ont proposé des montants d’indemnisation inférieurs pour plusieurs postes de préjudice et ont demandé le déboutement de certaines demandes, notamment concernant le préjudice de formation et l’incidence professionnelle.

Jugement et indemnisation

Le tribunal a déclaré Madame [X] responsable des dommages causés à Madame [Y] [W] et a ordonné à Madame [X] et à la SA AVANSSUR de réparer intégralement le préjudice, fixé à 69 631,66 euros. La créance de la CPAM a été établie à 32 978,66 euros. Les défendeurs ont été condamnés à verser 36 653 euros à Madame [Y] [W] et à supporter les dépens, y compris ceux relatifs à l’expertise judiciaire. L’exécution provisoire de la décision a été ordonnée.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la responsabilité de Madame [M] [X] dans l’accident survenu le 13 décembre 2018 ?

La responsabilité de Madame [M] [X] est engagée sur le fondement de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985, qui vise à améliorer la situation des victimes d’accidents de la circulation.

Cette loi stipule que toute personne victime d’un accident impliquant un véhicule terrestre à moteur a droit à une réparation intégrale de son préjudice, sauf si elle a commis une faute.

En l’espèce, il est établi que Madame [Y] [W] a été percutée alors qu’elle traversait la chaussée à pied, et aucune faute ne peut lui être reprochée.

Ainsi, Madame [X] est déclarée responsable des dommages causés à Madame [Y] [W] et devra réparer in solidum avec son assureur, la SA AVANSSUR, les préjudices subis par la victime.

Comment évaluer le préjudice corporel de Madame [Y] [W] ?

L’évaluation du préjudice corporel de Madame [Y] [W] repose sur plusieurs postes de préjudice, tant patrimoniaux qu’extra-patrimoniaux.

Le tribunal a pris en compte les souffrances endurées, le déficit fonctionnel temporaire et permanent, ainsi que les préjudices esthétiques et d’agrément.

Selon l’article 1240 du Code civil, toute personne qui cause un dommage à autrui doit le réparer.

Le rapport d’expertise médicale a permis de déterminer les montants suivants :

– **Déficit fonctionnel temporaire** : 2467,50 euros
– **Souffrances endurées** : 7000 euros
– **Préjudice esthétique temporaire** : 1000 euros
– **Déficit fonctionnel permanent** : 9800 euros
– **Préjudice esthétique permanent** : 1500 euros
– **Préjudice d’agrément** : 6000 euros
– **Dépenses de santé actuelles** : 8526,45 euros
– **Frais divers** : 864 euros
– **Préjudice de formation** : 8000 euros

Le total du préjudice corporel est ainsi fixé à 69 631,66 euros.

Quelles sont les implications de l’article 700 du Code de procédure civile dans ce litige ?

L’article 700 du Code de procédure civile prévoit que le juge peut condamner la partie perdante à payer à l’autre partie une somme pour couvrir les frais exposés et non compris dans les dépens.

Dans cette affaire, Madame [X] et la SA AVANSSUR, ayant succombé majoritairement, sont condamnées in solidum à verser à Madame [Y] [W] une indemnité de 3000 euros en application de cet article.

Le juge tient compte de l’équité et de la situation économique de la partie condamnée pour déterminer le montant.

Cette indemnité vise à compenser les frais juridiques et autres dépenses que Madame [Y] [W] a pu engager dans le cadre de la procédure.

Quelles sont les conséquences de l’exécution provisoire dans ce jugement ?

L’article 514 du Code de procédure civile stipule que les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire, sauf disposition contraire.

Dans le cas présent, le tribunal a décidé de ne pas écarter l’exécution provisoire de la décision.

Cela signifie que Madame [Y] [W] peut obtenir rapidement le paiement des sommes qui lui sont dues, même si la décision peut faire l’objet d’un appel.

Cette mesure vise à garantir que la victime puisse bénéficier rapidement de l’indemnisation à laquelle elle a droit, en raison des conséquences de l’accident sur sa vie quotidienne.

Ainsi, les condamnations prononcées à l’encontre de Madame [X] et de la SA AVANSSUR seront exécutoires immédiatement.

REPUBLIQUE FRANCAISE
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TRIBUNAL JUDICIAIRE DU HAVRE
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JUGEMENT

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

le Tribunal judiciaire du HAVRE (1ère chambre) a
rendu le jugement suivant :

LE VINGT ET UN NOVEMBRE DEUX MIL VINGT QUATRE
N° RG 23/00082 – N° Portalis DB2V-W-B7G-GDXF
NAC: 60A Demande en réparation des dommages causés par des véhicules terrestres à moteur

DEMANDERESSE:

Madame [V] [Y] [W]
née le 20 décembre 1994 à LE HAVRE, demeurant 79 avenue du Bois de Bléville – 76620 LE HAVRE
représentée par la SCP BOURGET, avocats au barreau du HAVRE

DÉFENDERESSES:

Madame [M] [X]
née le 20 Octobre 1990 à LE HAVRE, demeurant 82 Route d’Orcher – 76700 GONFREVILLE L’ORCHER
représentée par la SCP SAGON LOEVENBRUCK LESIEUR, avocats au barreau du HAVRE

S.A. AVANSSUR – DIRECT ASSURANCE, dont le siège social est sis 48 Avenuue Carnot – 92150 SURESNES, prise en la personne de son représentant légal
représentée par la SCP SCP SAGON LOEVENBRUCK LESIEUR, avocats au barreau du HAVRE

La CPAM du HAVRE, dont le siège social est sis 42 cours de la République – 76600 LE HAVRE, prise en la personne de son représentant légal
non représentée

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Président : Madame HOANG-TRONG, Juge, statuant à juge unique conformément aux dispositions de l’article R 212-8 du Code de l’organisation judiciaire

Greffier lors des débats : P.BERTRAND

DEBATS : en audience publique le 19 septembre 2024. A l’issue des débats, le Tribunal a mis l’affaire en délibéré et le président a informé les parties présentes que le jugement serait rendu le 21 novembre 2024.

JUGEMENT : réputé contradictoire en premier ressort, rendu publiquement par mise à disposition du jugement au greffe du Tribunal.

SIGNE PAR : Madame HOANG-TRONG, Juge, et M.BERTRAND Greffier auquel le magistrat signataire a remis la minute de la décision.

EXPOSE DU LITIGE

Le 13 décembre 2018, alors qu’elle circulait à pied, Madame [V] [Y] [W] a été renversée par le véhicule conduit par Madame [M] [X].

Du fait de cet accident, Madame [Y] [W] a présenté diverses lésions, notamment un important hématome frontal et une fracture de l’extrémité supérieure de l’humérus gauche. Elle a subi une chirurgie avec pose de matériel d’ostéosynthèse et est restée hospitalisée jusqu’au 19 décembre 2018. Une nouvelle opération a été effectuée le 20 février 2020, en vue de l’ablation des vis d’ostéosynthèse.

Madame [Y] [W] a été placée en arrêt de travail jusqu’au 1er septembre 2020.

Par acte d’huissier de justice des 13,14,15 octobre 2020, Madame [Y] [W] a fait assigner Madame [X], son assureur la société AVANSSUR et la CPAM devant le président du tribunal judiciaire du Havre, aux fins de faire ordonner une expertise judiciaire. Un expert a été désigné par ordonnance du 1erdécembre 2020, en la personne du docteur [C] [E]. Ce dernier a déposé son rapport le 27 juillet 2022.

Par actes de commissaire de justice des 22 décembre 2022, 6 et 9 janvier 2023, Madame [Y] [W] a fait assigner Madame [X], la SA AVANSSUR et la CPAM devant le tribunal judiciaire du Havre.

Par dernières conclusions notifiées par RPVA le 6 mars 2024, Madame [Y] [W] demande au tribunal de :
Déclarer Madame [X] responsable de son dommage ; Condamner in solidum Madame [X] et AVANSSUR à réparer son entier dommage ;Fixer à la somme de 111 726,86 euros le préjudice subi ; Condamner in solidum Madame [X] et la SA AVANSSUR à lui payer la somme de 67 687,87 euros compte tenu de la créance des organismes sociaux et de la provision versée par la SA AVANSSUR ;Condamner in solidum Madame [X] et la SA AVANSSUR à lui payer la somme de 5000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens ; Ne pas écarter l’exécution provisoire de la décision à intervenir.
Au soutien de ses prétentions, Madame [Y] [W] se fonde notamment sur le rapport d’expertise judiciaire du docteur [E]. Elle évalue les postes de son préjudice de la façon suivante :
Déficit fonctionnel temporaire : 2467,50 euros ;Souffrances endurées : 12 000 euros ;Préjudice esthétique temporaire : 2000 euros ; Déficit fonctionnel permanent : 10 500 euros ;Préjudice esthétique permanent : 1500 euros ; Préjudice d’agrément : 15 000 euros ;Dépenses de santé actuelles : 8526,45 euros, Frais divers : 864 euros, Perte de gains professionnels actuels : 24 473,68 euros ; Incidence professionnelle : 34 395,23 euros.
Madame [Y] précise que si elle a obtenu le CAP cuisine qu’elle préparait au moment de l’accident, il en est autrement pour le CAP pâtisserie qu’elle projetait de passer en juin 2020 et auquel elle n’a plus eu l’occasion de s’inscrire par la suite, compte tenu de ses nouvelles obligations professionnelles. Elle explique avoir dû dès lors abandonner son projet d’orientation professionnelle dans les métiers de la pâtisserie. Elle ajoute que son arrêt de travail a retardé d’un an son entrée dans la vie active après l’obtention de son CAP. Elle déduit de ces éléments l’existence d’un préjudice de formation mais également d’une incidence professionnelle proportionnelle au taux de déficit fonctionnel permanent évalué par l’expert judiciaire. En outre, elle indique avoir dû renoncer à la boxe, qu’elle pratiquait en loisir et compétitions, et n’avoir pu reprendre le football qu’au cours de l’année 2022.

Enfin, elle indique avoir perçu des indemnités journalières de la CPAM au cours de sa période d’arrêt de travail pour la somme de 24 473,68 euros, ainsi qu’un capital accident du travail à hauteur de 3560,36 euros.

Par dernières conclusions notifiées le 5 mars 2023, Madame [X] et la SA AVANSSUR demandent au tribunal de :
Donner acte à la SA AVANSSUR des propositions d’indemnisation suivantes : Au titre des préjudices temporaires : Dépenses de santé actuelles : 21,50 euros Déficit fonctionnel temporaire : 2467,50 eurosFrais divers : 864 eurosSouffrances endurées : 6000 eurosPréjudice esthétique temporaire : 1000 euros Au titre des préjudices permanents : Déficit fonctionnel permanent : 9800 eurosPréjudice esthétique permanent : 1100 euros Préjudice d’agrément : 1000 euros ;Les déclarer satisfactoires ; Débouter Madame [Y] du surplus de ses demandes, Imputer intégralement la créance de la CPAM au titre de la rente accident du travail sur l’indemnisation allouée au titre du déficit fonctionnel permanent, Condamner Madame [Y] aux dépens, dont distraction au profit de la SCP SAGON LOEVENBRUCK LESIEUR,
A titre subsidiaire, les défenderesses proposent une indemnisation de l’incidence professionnelle à hauteur de 3000 euros et sollicitent que la créance de la CPAM au titre de la rente accident du travail soit imputée en priorité sur cette somme, puis sur la somme due au titre du déficit fonctionnel permanent.

Au soutien de leurs prétentions, les défendeurs ne contestent pas la responsabilité de Madame [X] sur le fondement de la loi du 5 juillet 1985. Sur l’évaluation du préjudice de Madame [Y] [W], ils font valoir qu’aucun préjudice de formation ne peut être retenu, cette dernière n’ayant pas été privée de façon définitive de passer son CAP Pâtisserie auquel elle était inscrite en candidate libre. Concernant l’incidence professionnelle, Madame [X] et la société AVANSSUR soulignent que la demanderesse ne démontre aucune fatigabilité ni pénibilité accrue du fait des séquelles de l’accident, ni d’une dévalorisation sur le marché du travail. Elles ajoutent que Madame [Y] [W] ne justifie en outre aucunement ses revenus antérieurs à l’accident. Enfin, les défenderesses font valoir que les allégations de Madame [Y] [W] selon lesquelles elle pratiquait la boxe en compétition ne sont pas démontrées et que le préjudice lié à l’arrêt du football entre 2018 et 2022 doit être indemnisé au titre du déficit fonctionnel temporaire.

La CPAM, bien que régulièrement cité à personne morale, n’a pas constitué avocat.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 2 mai 2024 et l’affaire fixée à l’audience du 19 septembre 2024, tenue à juge unique.

Le prononcé du jugement, par mise à disposition au greffe, a été fixé au 21 novembre 2024.

MOTIFS

Sur la responsabilité d’[M] [X] et la garantie de son assureur
Les dispositions de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985, tendant à l’amélioration de la situation des victimes d’accidents de la circulation et à l’accélération des procédures d’indemnisation, sont applicables aux victimes d’un accident de la circulation dans lequel est impliqué un véhicule terrestre à moteur.
En l’espèce, il est constant que Madame [Y] [W] a été victime d’un accident le 13 décembre 2018, rue Louis Lumière au HAVRE. Alors qu’elle traversait la chaussée à pied, elle a été percutée par le véhicule Peugeot 206, immatriculé DR-405-SD, conduit par Madame [X] et assuré auprès de la SA AVANSSUR.
Madame [X] ne conteste pas l’engagement de sa responsabilité de ce chef.
La SA AVANSSUR ne conteste pas être l’assureur du véhicule de Madame [X], ni le droit à réparation intégrale de Madame [Y] [W], étant relevé qu’eu égard aux circonstances de l’accident relatées par les parties, aucune faute ne peut être reprochée à la victime.
En conséquence, Madame [X] et la SA AVANSSUR devront réparer in solidum les dommages subis par Madame [Y] [W], la SA AVANSSUR devant par ailleurs sa garantie à Madame [X].

Sur l’évaluation du préjudice de Madame [V] [Y]
Le rapport d’expertise médicale judiciaire du Docteur [E] fixe la date de consolidation médico-légale au 1er septembre 2020. Cette date, qui n’est pas contestée par les parties, sera retenue par le Tribunal.

Au vu des autres pièces justificatives produites, le Tribunal fixe le préjudice ainsi qu’il suit :

Sur les préjudices extra-patrimoniaux
Sur les préjudices temporaires
Sur le déficit fonctionnel temporaire
Le déficit fonctionnel temporaire correspond à la période pendant laquelle la victime a dû interrompre ses activités habituelles. Il indemnise l’invalidité subie par la victime dans sa sphère personnelle, dégagée de toute incidence sur la rémunération, laquelle est réparée au titre des pertes de gains professionnels. Il correspond à la perte de qualité de vie pendant la période.

Selon le rapport d’expertise du docteur [E], la période de déficit fonctionnel temporaire a été :
Totale : du 13 décembre 2018 au 19 décembre 2018, ainsi que la journée du 20 février 2020 Partiel à hauteur de 50% : du 20 décembre 2018 au 10 janvier 2019 Partiel à hauteur de 15% : du 11 janvier 2019 au 19 février 2020 et du 21 février 2020 au 29 février 2020 Léger : du 1er mars 2020 au 1er septembre 2020
Madame [Y] [W] sollicite pour ce poste de préjudice, sur la base d’une indemnité quotidienne de 25 euros pour un déficit total, la somme de 2467,50 euros. Madame [X] et son assureur ne s’opposent pas à cette demande.

Dès lors, le préjudice de Madame [Y] [W] au titre du déficit fonctionnel temporaire sera évalué à la somme de 2467,50 euros.

Sur les souffrances endurées
Les souffrances endurées recouvrent l’ensemble des souffrances physiques et psychiques ainsi que les troubles associés que doit endurer la victime jusqu’à date de consolidation. Elles comprennent les douleurs et atteintes à l’intégrité, la dignité et l’intimité ressenties à raison des traitements, interventions et hospitalisations.
Madame [Y] [W] sollicite la somme de 12 000 euros alors que Madame [X] et son assureur proposent quant à eux d’évaluer ce poste de préjudice à la somme de 6000 euros.

Compte tenu de l’évaluation par l’expert des souffrances endurées à hauteur de 3 sur 7, de la grande violence de l’accident, des deux opérations chirurgicales des 15 décembre 2018 et 20 février 2020, du délai de plus de 20 mois écoulé avant la consolidation, ces éléments ayant notamment justifié un suivi psychologique de plusieurs mois, il y a lieu d’évaluer le préjudice subi par Madame [Y] à la somme de 7000 euros.

Sur le préjudice esthétique temporaire
La victime peut subir une altération de son apparence physique, même temporaire, justifiant une indemnisation.
Madame [Y] [W] évalue ce poste de préjudice à la somme de 2000 euros tandis que Madame [X] et la SA AVANSSUR sollicite qu’il soit réduit à la somme de 1000 euros.

Le docteur [E] indique aux termes de son rapport que l’important hématome sur le front de la victime pendant une durée de 3 semaines justifie que son préjudice esthétique temporaire soit évalué à 3 sur une échelle de 7. Si cette évaluation est étayée par les photos produites au débat par la demanderesse, permettant de constater un important œdème du visage, il y a lieu de fixer le préjudice de Madame [Y] [W] sur ce poste de préjudice à la somme de 1000 euros compte tenu de la durée limitée des lésions apparentes.

Sur les préjudices permanents

Sur le déficit fonctionnel permanent
Ce poste tend à indemniser la réduction définitive (après consolidation) du potentiel physique, psychosensoriel, ou intellectuel résultant de l’atteinte à l’intégrité anatomo-physiologique, à laquelle s’ajoute les phénomènes douloureux et les répercussions psychologiques, et notamment le préjudice moral et les troubles dans les conditions d’existence (personnelles, familiales et sociales).
Il s’agit, pour la période postérieure à la consolidation, de la perte de qualité de vie, des souffrances après consolidation et des troubles ressentis par la victime dans ses conditions d’existence (personnelles, familiales et sociales) du fait des séquelles tant physiques que mentales qu’elle conserve.
Le taux du déficit fonctionnel est évalué par l’expert. L’indemnité réparant le déficit fonctionnel est fixée en multipliant le taux du déficit fonctionnel par une valeur du point, elle-même fonction du taux retenu par l’expert et de l’âge de la victime à la consolidation. Elle est d’autant plus élevée que le taux est fort et que l’âge de la victime est bas.
Aux termes de son rapport, le docteur [E] évalue le taux de déficit fonctionnel permanent à 5% en raison des séquelles de limitation des amplitudes de l’épaule gauche et des douleurs associées.
Ce taux n’est pas contesté par les parties qui toutefois, sont en désaccord sur la valeur du point d’indice à retenir.
Le référentiel indicatif des cours d’appel de 2020 propose, pour une femme âgée de 25 ans à la date de consolidation et un taux de 5%, un point d’indice de 1960 euros, lequel parait adapté au regard des conséquences de l’accident dans le quotidien de [V] [Y] [W] tant sur le plan physique que psychosensoriel.
Dès lors, il y a lieu d’évaluer le préjudice de Madame [Y] [W] au titre du déficit fonctionnel permanent à la somme de 9800 euros.

Sur le préjudice esthétique permanent

Madame [Y] [W] évalue son préjudice esthétique permanent à la somme de 1500 euros, tandis que Madame [X] et la SA AVANSSUR proposent une indemnisation à hauteur de 1100 euros.

Il ressort du rapport d’expertise judiciaire que le docteur [E] a constaté à l’examen clinique trois cicatrices opératoires sur la partie supérieure de la face externe du bras gauche : la première de 4,5 centimètres en relief de 3 millimètres avec échelle de suture, la seconde de 3 centimètres fine et la troisième d’1,5 centimètres. Il en déduit un préjudice esthétique permanent coté 1 sur une échelle de 7.

Compte tenu du nombre de cicatrices sur une partie du corps relativement exposée, il y a lieu d’évaluer ce poste de préjudice à la somme de 1500 euros.

Sur le préjudice d’agrément
Le préjudice d’agrément vise exclusivement à réparer le préjudice lié à l’impossibilité pour la victime de pratiquer régulièrement une activité spécifique, sportive ou de loisirs.

En l’espèce, Madame [Y] [W] produit un justificatif de sa licence de football depuis 2019, ainsi qu’une attestation de Monsieur [N] [L], directeur de l’association Emergence, indiquant que Madame [Y] [W] était effectivement inscrite en « formule complète Boxe et Musculation » de 2017 à 2019.

Aux termes de son rapport d’expertise, le docteur [E] rapporte un arrêt du football en tant que joueuse jusqu’en septembre 2021, et indique qu’elle ne pourra plus pratiquer la boxe.

L’arrêt du football ayant été temporaire, le préjudice en découlant est compris dans l’évaluation du déficit fonctionnel temporaire et non dans celle du préjudice d’agrément qui n’a vocation qu’à indemniser une impossibilité définitive. Madame [Y] [W] subit toutefois un préjudice d’agrément du fait de son impossibilité de pratiquer la boxe. L’attestation produite justifie d’une pratique de ce sport en loisir depuis 2 ans. Aucun élément n’établit la pratique de la boxe en compétition.

Dès lors, il convient d’évaluer ce poste de préjudice à la somme de 6000 euros.

Sur les préjudices patrimoniaux

Sur les préjudices temporaires

Sur les dépenses de santé actuelles
Il s’agit de l’ensemble des frais médicaux et para-médicaux engendrés par la prise en charge de la victime.

Selon notification définitive des débours de la CPAM en date du 12 décembre 2022, ses frais se décomposent de la manière suivante :
Frais hospitaliers : 6333,42 euros Frais médicaux : 1971,21 euros Frais pharmaceutiques : 206,58 euros Frais d’appareillage : 15,24 euros Franchise : 21,50 euros.
Au total, ce poste de préjudice doit être évalué à la somme de 8526,45 euros comprenant 8504,95 euros de créance de la CPAM et 21,5 euros d’indemnité due à Madame [Y] [W].

Sur la perte de gains professionnels actuels
Ce poste de préjudice correspond à la perte de revenus subie par la victime jusqu’à la consolidation.

Il n’est pas contesté que Madame [Y] [W] exerçait en tant qu’employée de restauration rapide à temps partiel au moment de l’accident. Elle a été placée en arrêt de travail du 13 décembre 2018 au 1er septembre 2020, selon conclusions de l’expert judiciaire.

Selon notification des débours de la CPAM en date du 8 décembre 2022, elle a perçu sur la même période 24 473,68 euros d’indemnités journalières. De ce fait, elle indique n’avoir subi aucune perte de salaire.

Dès lors, ce poste de préjudice doit être évalué à la somme de 24 473,68 euros, correspondant exclusivement à une créance de la CPAM.

Sur les frais divers
Madame [Y] [W] sollicite à ce titre l’indemnisation de l’assistance par une tierce personne dont elle a eu besoin jusqu’à la consolidation. Elle propose une indemnisation sur la base d’un taux horaire de 16 euros et indique avoir bénéficié d’une aide familiale de la façon suivante :
1 heure par jour du 20 décembre 2018 au 10 janvier 2019, soit 21 jours1 heure par semaine du 10 janvier 2019 au 17 septembre 2019, soit 33 semaines
Madame [X] et la SA AVANSSUR ne s’opposent pas à cette demande. Dès lors, il y a lieu d’évaluer le préjudice de Madame [X] au titre des frais divers à la somme de 864 euros.

Sur le préjudice de formation
Ce poste a pour objet de réparer la perte d’année d’études, que ce soit scolaire, universitaire, de formation ou autre, consécutive à la survenance du dommage subi par la victime directe et intègre, en outre, non seulement le retard scolaire ou de formation subi mais aussi une possible réorientation voire une renonciation à toute formation.

En l’espèce, si Madame [Y] [W] a obtenu comme prévu son CAP cuisine au mois de juillet 2019, elle indique avoir dû renoncer au CAP Pâtisserie auquel elle se destinait du fait de son impossibilité de poursuivre les 14 semaines de stage obligatoire en raison de son arrêt de travail. Elle justifie en ce sens d’une inscription en CAP Pâtisserie pour la session de juin 2020 et ajoute ne pas avoir eu l’opportunité de se réinscrire à une session ultérieure du fait de sa reprise du travail et de sa nécessité de percevoir des revenus. Dès lors, elle fait état d’une perte de chance d’obtenir son CAP Pâtisserie et évalue son préjudice à la somme de 8000 euros.

Il n’est pas contesté que Madame [Y] [W] a été placée en arrêt de travail du 13 décembre 2018 au 1er septembre 2020. Dès lors, il est établi qu’elle n’a pu suivre la formation du CAP Pâtisserie sanctionnée par des épreuves prévues au mois de juin 2020. Elle a subi de ce fait une perte de chance de concrétiser son projet professionnel dans l’un des domaines dans lequel elle se projetait. L’éventualité d’une inscription à une session ultérieure ne fait pas disparaître ce préjudice dans la mesure où Madame [Y] [W] ne se trouvait plus, au moment où elle aurait pu reprendre cette formation, dans les mêmes conditions de préparation que celles dans lesquelles elle se trouvait auparavant.

Pour ces raisons, il convient d’évaluer le préjudice de formation de Madame [Y] [W] à la somme de 8000 euros.

Sur les préjudices permanents

Sur l’incidence professionnelle
Ce poste a pour objet d’indemniser la dévalorisation de la victime sur le marché du travail.

En l’espèce, Madame [Y] [W] fait valoir qu’elle a dû abandonner son projet de carrière professionnelle dans le domaine de la pâtisserie en raison de la perte de chance d’obtenir son CAP Pâtisserie, et qu’elle a dû se contenter de trouver un emploi en lien avec son CAP Cuisine.

Toutefois, dans la mesure où il n’est ni invoqué une dépréciation des revenus de la victime du fait de la réorientation professionnelle, ni une pénibilité accrue du travail, les éléments soulevés par Madame [Y] [W] relèvent du préjudice de formation et ne constituent pas un préjudice distinct indemnisable au titre de l’incidence professionnelle. Dès lors, il y a lieu de débouter Madame [Y] [W] de sa demande.

MONTANT TOTAL DU PREJUDICE :

En conséquence, le préjudice corporel de Madame [Y] [W] sera fixé de façon suivante :

Déficit fonctionnel permanent : 2467,50 euros
Souffrances endurées : 7000 euros
Préjudice esthétique temporaire : 1000 euros
Déficit fonctionnel permanent : 9800 euros
Préjudice esthétique permanent : 1500 euros
Préjudice d’agrément : 6000 euros
Dépenses de santé actuelles : 8526,45 euros
Perte de gains professionnels actuels : 24 473,68 euros
Frais divers : 864 euros
Préjudice de formation : 8000 euros
Total : 69 631,66 euros

La créance de la CPAM doit être fixée de la façon suivante :
8504,98 euros au titre des dépenses de santé 24 473,68 euros au titre des indemnités journalières
Concernant la rente accident du travail versée par la CPAM à Madame [Y] [W] à hauteur de 3560,36 euros, il apparait que cette somme s’impute en priorité sur la perte de gains professionnels futurs, puis sur l’incidence professionnelle. Elle ne peut jamais s’imputer sur le déficit fonctionnel permanent. Aucune indemnité n’étant allouée en l’espèce au titre de la perte de gains professionnels futurs ou de l’incidence professionnelle, il n’y a pas lui d’imputer cette somme pour laquelle la CPAM ne dispose pas de recours subrogatoire.

Ainsi, la créance de la CPAM s’élève à la somme de 32 978,66 euros.

En outre, Madame [X] et la SA AVANSSUR seront condamnées in solidum à payer la somme de 36 653 euros à Madame [Y] [W].

Sur les mesures de fin de jugement
Sur les dépens
Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.

En l’espèce, Madame [X] et la SA AVANSSUR, qui succombent majoritairement à l’instance, seront condamnées in solidum aux entiers dépens comprenant les frais d’expertise judiciaire.

Sur l’article 700 du code de procédure civile
En application de l’article 700 1° du code de procédure civile, dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou la partie perdante à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a lieu à condamnation.

En l’espèce, Madame [X] et la SA AVANSSUR, condamnées aux dépens, paieront in solidum à Madame [Y] [W], une indemnité que l’équité commande de fixer à la somme de 3000 euros.

Sur l’exécution provisoire
En application de l’article 514 du code de procédure civile, applicable aux instances introduites devant les juridictions du premier degré à compter du 1er janvier 2020, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement.

En l’espèce, aucun élément ne justifie d’écarter l’exécution provisoire de la présente décision.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal statuant publiquement, par jugement réputé contradictoire et en premier ressort, par mise à disposition au greffe,

DECLARE Madame [M] [X] responsable des dommages causés à Madame [V] [Y] [W] du fait de l’accident de la circulation survenu le 13 décembre 2018,

DIT que Madame [M] [X] est tenue in solidum avec son assureur la SA AVANSSUR – DIRECT ASSURANCE, à la réparation intégrale du préjudice subi par Madame [V] [Y] [W],

FIXE le préjudice subi par Madame [V] [Y] [W] à la somme de 69 631,66 euros se décomposant comme suit :

Déficit fonctionnel permanent : 2467,50 euros
Souffrances endurées : 7000 euros
Préjudice esthétique temporaire : 1000 euros
Déficit fonctionnel permanent : 9800 euros
Préjudice esthétique permanent : 1500 euros
Préjudice d’agrément : 6000 euros
Dépenses de santé actuelles : 21,50 euros
Frais divers : 864 euros
Préjudice de formation : 8000 euros
FIXE la créance de la Caisse Principale d’Assurance Maladie à la somme de 32 978,66 euros.

CONDAMNE in solidum Madame [M] [X] et la société anonyme AVANSSUR – DIRECT ASSURANCE à payer à Madame [V] [Y] [W] la somme de 36 653 euros en réparation de son préjudice corporel,

DIT que les provisions d’ores et déjà versées par la société anonyme AVANSSUR – DIRECT à Madame [V] [Y]-[W] devront s’imputer sur cette somme,

DEBOUTE Madame [V] [Y] [W] de sa demande au titre de l’incidence professionnelle,

CONDAMNE in solidum Madame [M] [X] et la société anonyme AVANSSUR – DIRECT ASSURANCE à payer à Madame [V] [Y] [W] la somme de 3000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE in solidum Madame [M] [X] et la société anonyme AVANSSUR – DIRECT ASSURANCE à supporter les dépens, y compris ceux relatifs à l’expertise judiciaire,

RAPPELLE que la présente décision est assortie de l’exécution provisoire de droit.

En foi de quoi le présent jugement a été signé par le Président et par le Greffier.

Le Greffier Le Président,


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