Responsabilité et indemnisation : enjeux de la provision en cas de préjudice corporel

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Responsabilité et indemnisation : enjeux de la provision en cas de préjudice corporel

L’Essentiel : Le 03 décembre 2015, Monsieur [L] [P] a été blessé en tant que passager lors d’un accident impliquant un poids lourd. Le 18 juin 2024, il a assigné AXA FRANCE IARD en référé, demandant une provision de 113.245,25 euros pour son préjudice corporel. Lors de l’audience du 19 novembre 2024, AXA a accepté la demande de provision, mais a contesté le montant pour l’article 700. Le juge a jugé la demande non sérieusement contestable, condamnant AXA à verser la somme demandée ainsi que 1500 euros pour les frais, rendant la décision exécutoire par provision.

Accident de la circulation

Le 03 décembre 2015, Monsieur [L] [P] a été impliqué dans un accident de la circulation en tant que passager d’un véhicule percuté par un poids lourd de marque Volvo, conduit par Monsieur [O] [I] et assuré par AXA FRANCE IARD. Cet incident a entraîné des blessures pour Monsieur [L] [P], qui a été transporté aux urgences de l’hôpital de [Localité 7].

Demande de provision

Le 18 juin 2024, Monsieur [L] [P] a assigné en référé la société AXA FRANCE IARD, demandant une provision de 113.245,25 euros pour l’indemnisation de son préjudice corporel, ainsi qu’une somme de 3000 euros en vertu de l’article 700 du code de procédure civile. Lors de l’audience du 19 novembre 2024, Monsieur [L] [P] a maintenu ses demandes, tandis qu’AXA a accepté la demande de provision mais a contesté le montant demandé au titre de l’article 700.

Évaluation du préjudice

Le juge des référés a examiné la demande de provision en se basant sur l’article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, qui stipule que le créancier doit prouver l’existence d’une obligation de paiement non sérieusement contestable. Monsieur [L] [P] a présenté un rapport d’expertise médicale détaillant son préjudice, incluant des déficits fonctionnels temporaires et permanents, des souffrances endurées, ainsi que des besoins d’aménagement de son logement et de son véhicule.

Décision du juge

La société AXA FRANCE IARD n’ayant pas contesté les conclusions de l’expert, la demande de provision de 113.245,25 euros a été jugée non sérieusement contestable. Le juge a donc condamné AXA à verser cette somme à Monsieur [L] [P]. De plus, en raison des circonstances, AXA a été condamnée à verser 1500 euros à Monsieur [L] [P] pour couvrir les frais non compris dans les dépens, conformément à l’article 700 du code de procédure civile.

Conclusion

La décision a été rendue exécutoire par provision, et la société AXA FRANCE IARD a été condamnée à verser les montants précisés à Monsieur [L] [P], ainsi qu’à supporter les dépens de l’instance.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la base légale pour l’octroi d’une provision en référé ?

L’article 835 alinéa 2 du Code de procédure civile stipule que « le juge des référés peut accorder une provision au créancier, dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable. »

Cette disposition implique que le juge doit d’abord vérifier si le créancier, en l’occurrence Monsieur [L] [P], justifie d’une obligation de paiement qui ne soit pas sérieusement contestable.

Si cette condition est remplie, le juge a la latitude de déterminer le montant de la provision, qui peut aller jusqu’à la totalité de la créance.

Dans le cas présent, la société AXA FRANCE IARD n’a pas contesté le principe de la réparation du préjudice, ce qui renforce la position de Monsieur [L] [P] quant à l’octroi de la provision.

Comment se détermine la charge de la preuve concernant l’existence de la créance ?

Selon la jurisprudence, il appartient au demandeur, ici Monsieur [L] [P], de prouver l’existence de la créance qu’il invoque. En revanche, c’est au défendeur, la société AXA FRANCE IARD, de démontrer que cette créance est sérieusement contestable.

Cette répartition de la charge de la preuve est essentielle dans le cadre des procédures en référé, car elle permet d’établir rapidement si une provision peut être accordée.

Dans cette affaire, la société AXA FRANCE IARD n’a pas remis en cause les conclusions de l’expert médical, ce qui signifie que la créance de Monsieur [L] [P] est considérée comme non sérieusement contestable.

Quelles sont les implications de l’article 700 du Code de procédure civile dans cette affaire ?

L’article 700 du Code de procédure civile prévoit que « la partie perdante peut être condamnée à payer à l’autre partie une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. »

Dans le contexte de cette affaire, la société AXA FRANCE IARD a été condamnée à verser à Monsieur [L] [P] la somme de 1500 euros sur le fondement de cet article.

Cette décision est justifiée par le fait qu’il serait inéquitable de laisser Monsieur [L] [P] supporter l’intégralité des frais engagés pour faire valoir ses droits en justice.

Ainsi, l’octroi de cette somme vise à compenser les frais non couverts par les dépens, renforçant l’équité du processus judiciaire.

Quelles sont les conséquences de la décision sur les dépens ?

L’article 696 du Code de procédure civile stipule que « la partie succombante est condamnée aux dépens de l’instance. »

Dans cette affaire, la société AXA FRANCE IARD, en tant que partie perdante, a été condamnée à verser les dépens.

Cela signifie que tous les frais liés à la procédure, tels que les frais d’huissier, les frais d’expertise, et autres coûts associés, seront à sa charge.

Cette disposition vise à garantir que la partie qui a perdu le procès ne puisse pas se soustraire à ses obligations financières envers la partie gagnante, assurant ainsi une certaine justice procédurale.

Quelles sont les implications de l’exécution provisoire de la décision ?

La décision mentionne qu’elle est « exécutoire par provision, » ce qui signifie qu’elle peut être mise en œuvre immédiatement, même si elle est susceptible d’appel.

Cette exécution provisoire est prévue par l’article 514 du Code de procédure civile, qui permet à certaines décisions d’être exécutées sans attendre l’issue d’un éventuel recours.

Dans ce cas, cela permet à Monsieur [L] [P] de recevoir rapidement la provision de 113.245,25 euros, ce qui est crucial pour lui, étant donné les circonstances de son préjudice corporel.

L’exécution provisoire vise à protéger les droits du créancier en lui permettant d’obtenir une réparation rapide, même si la décision finale pourrait être modifiée par la suite.

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE NANTERRE

RÉFÉRÉS

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ RENDUE LE 07 Janvier 2025

N°R.G. : 24/01485
N° Portalis DB3R-W-B7I-ZSHZ

N° Minute :

[L] [P]

c/

S.A. AXA FRANCE IARD

DEMANDEUR

Monsieur [L] [P]
[Adresse 2]
[Localité 3]

représenté par Me Ilan NAKACHE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E0871

DÉFENDERESSE

S.A. AXA FRANCE IARD
[Adresse 1]
[Localité 4]

représentée par Me Jérôme CHARPENTIER, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E1216

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président : François PRADIER, 1er Vice-président, tenant l’audience des référés par délégation du Président du Tribunal,

Greffier : Flavie GROSJEAN, Greffier

Statuant publiquement en premier ressort par ordonnance contradictoire mise à disposition au greffe du tribunal, conformément à l’avis donné à l’issue des débats.

Nous, Président , après avoir entendu les parties présentes ou leurs conseils, à l’audience du 19 novembre 2024, avons mis l’affaire en délibéré à ce jour :

EXPOSE DU LITIGE

Le 03 décembre 2015, Monsieur [L] [P] a été victime d’un accident de la circulation, le véhicule dans lequel il se trouvait comme passager a été percuté par un poids lourd de marque Volvo, immatriculé [Immatriculation 5] conduit par Monsieur [O] [I] et assuré par la société AXA FRANCE IARD.

Il en est résulté des blessures pour Monsieur [L] [P] qui a été transporté aux urgences de l’hôpital de [Localité 7] à [Localité 6].

Par acte en date du 18 juin 2024, Monsieur [L] [P] a assigné en référé la société AXA FRANCE IARD pour obtenir la condamnation de cette dernière à lui verser une provision de 113.245,25 euros à valoir sur l’indemnisation de son préjudice corporel, ainsi que la somme de 3000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

L’affaire étant venue à l’audience du 19 novembre 2024, Monsieur [L] [P] a maintenu ses demandes.

La société AXA FRANCE IARD a déclaré ne pas s’opposer à la demande en paiement de la provision à hauteur de la somme réclamée. En revanche, elle a sollicité que la demande formulée au titre de l’article 700 du code de procédure civile soit ramenée à de plus justes proportions.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Suivant l’article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, le juge des référés peut accorder une provision au créancier, dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable.

Au regard de cette disposition, le juge des référés doit apprécier préalablement si le créancier justifie de l’existence d’une obligation de paiement en sa faveur non sérieusement contestable. Dans cette hypothèse, il lui appartient de fixer souverainement le montant de la provision dans la limite du montant qu’il juge non sérieusement contestable, étant précisé néanmoins que ce montant peut correspondre à la totalité de la créance.

En second lieu, s’il appartient au demandeur à une provision d’établir l’existence de la créance qu’il invoque, c’est au défendeur de prouver que cette créance est sérieusement contestable.

En l’espèce, la société AXA FRANCE IARD ne conteste pas le principe de la réparation du préjudice de Monsieur [L] [P], intervenant dans le cadre des dispositions de la loi n°85-677 du 5 juillet 1985.

Au soutien de sa demande de provision, Monsieur [L] [P] produit aux débats un rapport d’expertise médicale du Docteur [F] [C] évaluant son préjudice corporel comme suit :

Déficit fonctionnel temporaire total sur les périodes d’hospitalisation du 03/12/2015 au 31/12/2015, du 01/01/2016 au 26/04/2016 et du 16/11/2016 au 05/12/2016,

Déficit fonctionnel temporaire partiel :
– 50 % du 27/04/2016 au 15/11/2016,
– 50 % du 06/12/2016 au 01/09/2017,
– 25 % du 02/09/2017 au 16/11/2018,

Tierce personne avant consolidation :
– 2 heures par jour du 27/04/2016 au 15/11/2016,
– 2 heures par jour du 06/12/2016 au 01/09/2017,

– 1 heure par jour du 02/09/2017 au 16/11/2018,

Souffrances endurées : 4,5/7,

Préjudice esthétique temporaire : 3/7,

Préjudice esthétique définitif : 2/7,

Taux déficit fonctionnel permanent : 20 %,

Préjudice d’agrément : oui (ne peut plus s’adonner à des activités de loisir : pêche, voyage, jardinage et bricolage),

Aménagement logement : nécessité de mise en place d’une douche à l’italienne à la place de la baignoire, aménagement de l’accès à la maison,

Véhicule : nécessité de disposer d’une voiture avec boîte de vitesse automatique,

Tierce personne après consolidation : 4 heures par semaine, auxquelles il faut ajouter l’entretien du terrain de 2000 m²

La société AXA FRANCE IARD n’ayant pas remis en cause les conclusions de cet expert, la demande en paiement d’une provision à hauteur de 113.245,25 euros n’est pas sérieusement contestable, et ce d’autant que la défenderesse n’en conteste pas elle-même ni le principe et le montant.

Par conséquent, il conviendra de condamner la société AXA FRANCE IARD à verser ladite somme, à titre de provision, à Monsieur [L] [P].

En application de l’article 696 du code de procédure civile, il convient de condamner la société AXA FRANCE IARD, partie succombante aux entiers dépens.

Eu égard aux circonstances de la cause et à la position des parties, il est inéquitable de laisser à la charge de Monsieur [L] [P] la totalité des frais exposés pour agir en justice et non compris dans les dépens, ce qui commande l’octroi de la somme de 1500 euros au bénéfice de ce dernier sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

Il convient de rappeler que la présente ordonnance est exécutoire par provision.

PAR CES MOTIFS

Statuant par décision mise à disposition au greffe, contradictoire et en premier ressort,

Condamnons la société AXA FRANCE IARD à verser à Monsieur [L] [P] une provision de 113.245,25 euros à valoir sur l’indemnisation de son préjudice,

Condamnons la société AXA FRANCE IARD à verser à Monsieur [L] [P] la somme de 1500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamnons la société AXA FRANCE IARD aux dépens de l’instance,

Rappelons que la présente décision est exécutoire par provision.

FAIT À NANTERRE, le 07 Janvier 2025.

LE GREFFIER,

Flavie GROSJEAN, Greffier
LE PRESIDENT.

François PRADIER, 1er Vice-président


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