L’Essentiel : M. [P], propriétaire d’un appartement, a causé des dégâts des eaux récurrents dans le duplex de Mme [V], culminant en 2019 avec l’effondrement de son plafond. Suite à une expertise judiciaire, le syndicat des copropriétaires a assigné M. [P], la MAAF Assurances, et les entreprises DEEP et RENOV PLUS pour obtenir une indemnisation de 29 683,50 €. Le tribunal a reconnu la responsabilité de M. [P] et des entreprises pour les dommages, condamnant M. [P] et la MAAF à indemniser le syndicat et Mme [V], tout en rejetant certaines demandes d’indemnisation.
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Contexte de l’affaireM. [P] est propriétaire d’un appartement en copropriété, assuré auprès de la MAAF Assurances, tandis que Mme [V] occupe un duplex situé en dessous de son appartement. Des dégâts des eaux provenant de l’appartement de M. [P] ont causé des sinistres répétés dans le logement de Mme [V], le dernier incident en 2019 ayant entraîné l’effondrement du plafond de sa salle de bains. Procédure judiciaireLe syndicat des copropriétaires a assigné M. [P] et Mme [V] pour expertise judiciaire, ce qui a conduit à la désignation d’un expert en janvier 2020. Les opérations d’expertise ont été élargies pour inclure la MAAF Assurances et les entreprises ayant réalisé des travaux chez M. [P]. Le rapport d’expertise a été clos en janvier 2022. Demandes d’indemnisationEn avril 2022, le syndicat des copropriétaires a assigné M. [P], la MAAF, et les entreprises DEEP et RENOV PLUS pour obtenir une indemnisation de 29 683,50 € pour les préjudices subis. Mme [V] a également formulé des demandes d’indemnisation pour des préjudices matériels et immatériels, incluant des frais de remise en état et un préjudice moral. Conclusions des partiesLes conclusions des parties ont été notifiées à plusieurs reprises, avec des demandes de condamnation in solidum de M. [P] et des entreprises impliquées. M. [P] et la MAAF ont demandé à être garantis par les entreprises DEEP et RENOV PLUS pour toute condamnation. La société DEEP a contesté les demandes du syndicat des copropriétaires, tandis que la société Axa France a demandé à être déboutée de toute demande de garantie. Expertise et constatationsL’expert a constaté des désordres dans la salle de bains de Mme [V], attribués à des infiltrations d’eau provenant des installations sanitaires de M. [P]. Il a noté que les travaux réalisés par les entreprises n’avaient pas remédié aux problèmes d’étanchéité, entraînant des dommages structurels. Responsabilités engagéesLa responsabilité de M. [P] a été engagée en raison des dégâts causés par ses installations sanitaires. Les sociétés DEEP et RENOV PLUS ont également été tenues responsables pour leur manquement à l’obligation de conseil et d’information concernant l’état des installations de M. [P]. Décision du tribunalLe tribunal a déclaré irrecevables certaines demandes, notamment celles de la SARL DEEP et de Mme [V] à l’encontre de la société RENOV PLUS. Il a condamné M. [P], la MAAF, DEEP et Axa France à indemniser le syndicat des copropriétaires pour un montant de 28 704,50 € et à verser à Mme [V] une somme de 2 614,64 € pour son préjudice de jouissance. Les demandes de Mme [V] pour les travaux de remise en état et pour un préjudice moral ont été déboutées. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelles sont les responsabilités des copropriétaires en matière de dommages causés aux parties communes ?La responsabilité des copropriétaires en matière de dommages causés aux parties communes est régie par l’article 9 de la loi du 10 juillet 1965, qui stipule : « Chaque copropriétaire dispose des parties privatives comprises dans son lot ; il use et jouit librement des parties privatives et des parties communes sous la condition de ne porter atteinte ni aux droits des autres copropriétaires ni à la destination de l’immeuble. » Ainsi, chaque copropriétaire est responsable des désordres occasionnés aux parties communes et aux autres copropriétaires par son lot de copropriété. Dans le cas présent, M. [P] est tenu responsable des dégâts causés par ses installations sanitaires, qui ont entraîné des infiltrations d’eau dans l’appartement de Mme [V] et des dommages aux parties communes. L’article 1242 du code civil précise également que : « On est responsable non seulement du dommage que l’on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l’on a sous sa garde. » Cela signifie que M. [P] est responsable des dommages causés par ses installations, même s’il a fait appel à des entreprises pour effectuer des réparations. Quelles sont les obligations des entreprises intervenant dans des travaux de réparation en copropriété ?Les entreprises intervenant dans des travaux de réparation ont une obligation de conseil et d’information envers leurs clients, comme le stipule l’article 1112-1 du code civil : « Celle des parties qui connaît une information dont l’importance est déterminante pour le consentement de l’autre doit l’en informer dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant. » Dans le cas présent, les sociétés DEEP et RENOV PLUS ont manqué à leur obligation d’informer M. [P] sur l’état de vétusté de ses installations sanitaires et sur la nécessité de réaliser des travaux d’étanchéité. L’expert a constaté que les interventions réalisées par ces entreprises n’ont pas suffi à remédier aux problèmes d’infiltration, ce qui engage leur responsabilité vis-à-vis de la copropriété et de Mme [V]. Comment se détermine le préjudice matériel et l’indemnisation en cas de dommages causés par des infiltrations d’eau ?Le préjudice matériel est déterminé par l’évaluation des travaux nécessaires pour réparer les dommages causés. Dans ce cas, le syndicat des copropriétaires a réclamé une somme de 29 683,50 euros pour les travaux de solivage et de renforcement du plancher haut, justifiée par des factures. L’article 1240 du code civil précise que : « Tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. » Ainsi, les parties responsables des dommages doivent indemniser le préjudice subi. Dans cette affaire, le tribunal a retenu un préjudice de 28 704,50 euros pour le syndicat des copropriétaires, en tenant compte des factures justifiées, mais a rejeté certaines demandes en raison de l’absence de justificatifs. Quelles sont les conditions pour obtenir une indemnisation pour préjudice de jouissance ?Le préjudice de jouissance est lié à la perte de l’usage d’un bien en raison de dommages. Pour obtenir une indemnisation, il faut prouver que le dommage a effectivement entraîné une privation de jouissance. Dans le cas de Mme [V], elle a demandé une indemnisation pour son préjudice de jouissance, en raison des infiltrations d’eau qui ont affecté son appartement. Le tribunal a accordé une somme de 2 614,64 euros à Mme [V] pour ce préjudice, en considérant qu’elle avait été privée de l’usage de sa salle de bains en raison des travaux nécessaires pour remédier aux infiltrations. L’article 1382 du code civil, qui traite de la responsabilité délictuelle, stipule que : « Tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. » Ainsi, la responsabilité des parties ayant causé le dommage est engagée, et elles doivent indemniser le préjudice de jouissance subi par Mme [V]. |
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]
[1] Copies exécutoires
délivrées le:
à Me BOYAVAL-ROUMAUD,
Me BARBIER, Me BAYLE,
et Me ERUGUZ ÖZENICI
Copies certifiées
conformes délivrées le:
à Me PETIT
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8ème chambre
3ème section
N° RG 22/05287
N° Portalis 352J-W-B7G-CWRJS
N° MINUTE :
Assignation du :
15 avril 2022
JUGEMENT
rendu le 10 janvier 2025
DEMANDEUR
Syndicat des copropriétaires du [Adresse 8] – [Localité 14], représenté par son syndic le Cabinet ADMINISTRA, S.A.S.
[Adresse 1]
[Localité 5]
représenté par Maître Laetitia BOYAVAL-ROUMAUD, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #B0618
DÉFENDEURS
Monsieur [U] [P]
[Adresse 7]
[Localité 11]
S.A. MAAF ASSURANCES
[Adresse 13]
[Localité 6]
représentés par Maître Alexis BARBIER de la SELARL BARBIER ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #J0042
Décision du 10 janvier 2025
8ème chambre 3ème section
N° RG 22/05287 – N° Portalis 352J-W-B7G-CWRJS
Madame [W] [V]
[Adresse 8]
[Localité 14]
représentée par Maître Juliette BAYLE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #G0609
S.A.R.L. DEEP
[Adresse 4]
[Localité 12]
représentée par Maître Canan ERUGUZ ÖZENICI, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #E0933
Société AXA FRANCE IARD
[Adresse 2]
[Localité 9]
représentée par Maître François-Nicolas PETIT de la SELEURL SELARLU FRANCOIS-NICOLAS PETIT AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #R0070
Société RENOV PLUS
[Adresse 3]
[Localité 10]
non représentée
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Madame Marie-Charlotte DREUX, première vice-présidente adjointe
Madame Lucile VERMEILLE, vice-présidente
Madame Céline CHAMPAGNE, juge
assistées de Madame Léa GALLIEN, greffière,
DÉBATS
A l’audience du 11 octobre 2024 tenue en audience publique devant Céline CHAMPAGNE, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seule l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du code de procédure civile.
JUGEMENT
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe
Réputé contradictoire
Premier ressort
Décision du 10 janvier 2025
8ème chambre 3ème section
N° RG 22/05287 – N° Portalis 352J-W-B7G-CWRJS
M. [P] est propriétaire d’un appartement, donné à bail et assuré auprès de la MAAF Assurances, situé au 4ème étage de l’immeuble du [Adresse 8] [Localité 14], soumis au régime de la copropriété des immeubles bâtis.
Mme [V] est pour sa part propriétaire occupante d’un appartement en duplex situé au 2ème et 3ème étages, sous l’appartement de M. [P].
L’appartement de Mme [V] a été sinistré, à plusieurs reprises, par des dégâts des eaux en provenance du logement de M. [P], le dernier survenu en 2019 ayant entraîné l’effondrement du plancher haut de la salle de bains.
Au vu des atteintes ainsi portées aux parties communes, le syndicat des copropriétaires a, par acte délivré le 20 décembre 2019, fait assigner M. [P] et Mme [V] aux fins d’expertise judiciaire.
Par ordonnance en date du 20 janvier 2020, le juge des référés a fait droit à cette demande et désigné M. [Z] [O] en qualité d’expert judiciaire.
Les opérations d’expertise ont par la suite été rendues communes à la MAAF Assurances ainsi qu’aux sociétés DEEP et RENOV PLUS, sociétés intervenues pour réaliser des travaux chez M. [P], et à leurs assureurs.
Le rapport a été clos le 24 janvier 2022.
Par acte délivré le 15 avril 2022, le syndicat des copropriétaires a fait assigner M. [P], la MAAF, la société RENOV PLUS, la société Axa France IARD et la société DEEP aux fins d’indemnisation des préjudices subis.
Aux termes de ses conclusions récapitulatives, notifiées par voie électronique le 02 février 2023, le syndicat des copropriétaires demande au tribunal, au visa des dispositions de la loi du 10 juillet 1965 et notamment ses articles 2, 3 et 14, des articles 544 et suivants, 1241, 1242 et suivants et 1382 et suivants du code civil, de :
« Recevoir le syndicat des copropriétaires du [Adresse 8] [Localité 14] en toutes ses demandes, fins et conclusions
Dire et juger que Monsieur [U] [P] ainsi que les entreprises DEEP et RENOV PLUS ont engagé leur responsabilité vis-à-vis de la copropriété
Condamner in solidum Monsieur [P] et son assureur la MAF, l’entreprise DEEP et son assureur Axa France IARD ainsi que la société RENOV PLUS à payer au syndicat des copropriétaires du [Adresse 8] [Localité 14] la somme TTC de 29 683,50 € TTC au titre du préjudice matériel subi
Condamner in solidum Monsieur [P] et son assureur la MAF, l’entreprise DEEP et son assureur Axa France IARD ainsi que la société RENOV PLUS à payer au syndicat des copropriétaires du [Adresse 8] [Localité 14] la somme de 10 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens qui comprendront les honoraires de l’expert judiciaire. »
Aux termes de ses conclusions n°1, notifiées par voie électronique le 03 octobre 2022, Mme [W] [V] demande au tribunal, au visa des articles 544 et suivants, 1241 et 1242 et suivants, 1382 et suivants du code civil, 2, 3 et 14 de la loi du 10 juillet 1965, de :
Décision du 10 janvier 2025
8ème chambre 3ème section
N° RG 22/05287 – N° Portalis 352J-W-B7G-CWRJS
« Recevoir Madame [W] [V] en toutes ses demandes, fins et conclusions ;
Dire et juger que madame [W] [V] a subi des préjudices matériels et immatériels causés par les infiltrations répétées des installations sanitaires de Monsieur [U] [P] ;
Dire et juger que Monsieur [U] [P] ainsi que les entreprises DEEP et RENOV PLUS ont engagé leur responsabilité vis-à-vis de Madame [W] [V] ;
Condamner in solidum Monsieur [P] et son assureur la MAF, l’entreprise DEEP et son assureur Axa France IARD ainsi que la société RENOV PLUS à rembourser à Madame [W] [V] la somme de 6104,38 euros au titre des frais de remise en état de sa salle de bains,
Condamner in solidum Monsieur [P] et son assureur la MAF, l’entreprise DEEP et son assureur Axa France IARD ainsi que la société RENOV PLUS à rembourser à Madame [W] [V] la somme de 7357,64 euros au titre de son préjudice de jouissance
Condamner in solidum Monsieur [P] et son assureur la MAF, l’entreprise DEEP et son assureur Axa France IARD ainsi que la société RENOV PLUS à rembourser à Madame [W] [V] la somme de 7200 euros au titre des frais de procédure qu’elle a dû payer pour assurer sa défense dans le cadre de l’expertise judiciaire
Condamner in solidum Monsieur [P] et son assureur la MAF, l’entreprise DEEP et son assureur Axa France IARD ainsi que la société RENOV PLUS à rembourser à Madame [W] [V] la somme de 3000 euros au titre du préjudice moral qu’elle a subi
Condamner in solidum Monsieur [P] et son assureur la MAF, l’entreprise DEEP et son assureur Axa France IARD ainsi que la société RENOV PLUS à payer à Madame [W] [V] la somme de 4000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens qui comprendront les honoraires de l’expert judiciaire. »
Dans leurs conclusions en défense n°2, notifiées par voie électronique le 27 novembre 2023, M [P] et son assureur la SA MAAF Assurances, demandent, au visa des articles 1231-1 et 1240 du code civil, de :
« Condamner in solidum la société DEEP, la société RENOV PLUS et la compagnie Axa France IARD à relever et garantir intégralement Monsieur [P] et la compagnie MAAF Assurances de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à leur encontre au bénéfice du syndicat des copropriétaires du [Adresse 8] et de Madame [V] en ce compris les frais irrépétibles, les dépens et les frais d’expertise judiciaire
Dire que les sociétés DEEP, RENOV PLUS et Axa seront tenues in solidum à l’égard de MAAF Assurances et de Monsieur [U] [P]
Débouter la société DEEP de ses prétentions dirigées contre MAAF Assurances et Monsieur [U] [P]
Débouter Madame [V] de sa demande de réparation de son préjudice moral
Ramener à de plus justes proportions les demandes de frais irrépétibles par le syndicat des copropriétaires et Madame [V]
Condamner in solidum la société DEEP, la société RENOV PLUS et la compagnie Axa France IARD à payer à la compagnie MAAF Assurance 2500€ au visa de l’article 700 du code de procédure civile
Condamner la société DEEP, la société RENOV PLUS et la compagnie Axa France IARD aux entiers dépens de l’instance en ce compris les frais d’expertise judiciaire. »
Dans ses conclusions récapitulatives, notifiées par voie électronique le 16 mai 2023, la SARL DEEP demande au tribunal, au visa des dispositions de la loi du 10 juillet 1965 et notamment ses articles 2, 3 et 14, des articles 1240 et suivants, 1241 et 1242 du code civil, de :
« A titre principal
Débouter le syndicat des copropriétaires du [Adresse 8] [Localité 14] de toutes ses demandes, irrecevables, infondées et injustifiées concernant la société DEEP
Dire et juger que Monsieur [U] [P] a engagé sa responsabilité vis-à-vis de la copropriété
Condamner in solidum Monsieur [U] [P], son assureur la MAAF, la société RENOV PLUS à payer au syndicat des copropriétaires du [Adresse 8] [Localité 14] la somme de 29 683,50 TTC au titre du préjudice subi
A titre subsidiaire
Condamner la société Axa France IARD, assureur de la société DEEP, à relever et garantir celle-ci de toute condamnation qui serait prononcée à son encontre
Dire et juger que la société RENOV PLUS a une part prépondérante de responsabilité vis-à-vis de la copropriété
En tout état de cause
Constater que le syndicat des copropriétaires du [Adresse 8] évalue lui-même les frais irrépétibles générés par la procédure dont le tribunal est saisi à la somme de 10 000 euros
Condamner le syndicat des copropriétaires du [Adresse 8] en conséquence à payer cette somme de 4000€ à la société DEEP concluante au titre de l’article 700 du CPC
Condamner le syndicat des copropriétaires du [Adresse 8] aux entiers dépens. »
Dans ses conclusions, notifiées par voie électronique le 04 octobre 2022, la société Axa France IARD, demande, au visa des articles 1103,1240 du code civil et L 124-3 du code des assurances, de :
« Débouter le syndicat des copropriétaires et toute autre partie de sa demande de garantie formulée à l’encontre de la compagnie Axa France pour défaut d’activité souscrite
A titre subsidiaire
Condamner la société RENOV PLUS qui a une part de responsabilité prépondérante dans la survenance du sinistre à garantir la société Axa France
Juger la société Axa France bien fondée à opposer sa franchise contractuelle de 1250€ à toute condamnation
Condamner le syndicat des copropriétaires du [Adresse 8] à [Localité 14] et tout succombant à verser une indemnité de 2000€ à la compagnie Axa France et aux entiers dépens. »
Il est fait expressément référence aux pièces du dossier et aux écritures déposées et visées ci-dessus pour un plus ample exposé des faits, de la cause et des prétentions des parties.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 13 décembre 2023 et la date de plaidoirie a été fixée au 11 octobre 2024, date à laquelle l’affaire a été mise en délibéré au 10 janvier 2025.
Sur les demandes de « dire et juger »
Le dispositif des conclusions des parties comporte plusieurs demandes qui ne consistent en réalité qu’en une reprise de simples moyens ou arguments au soutien des véritables prétentions qu’elle formule et ne constituent donc pas une prétention au sens des articles 4, 5, 31 et 768 du code de procédure civile, en ce qu’elles ne confèrent pas de droit à la partie qui les requiert.
Décision du 10 janvier 2025
8ème chambre 3ème section
N° RG 22/05287 – N° Portalis 352J-W-B7G-CWRJS
Par conséquent, le tribunal ne statuera pas sur les demandes suivantes ainsi formulées au dispositif :
-du syndicat des copropriétaires
« Dire et juger que Monsieur [U] [P] ainsi que les entreprises DEEP et RENOV PLUS ont engagé leur responsabilité vis-à-vis de la copropriété »
-de Mme [V]
« Dire et juger que madame [W] [V] a subi des préjudices matériels et immatériels causés par les infiltrations répétées des installations sanitaires de Monsieur [U] [P] ; »
« Dire et juger que Monsieur [U] [P] ainsi que les entreprises DEEP et RENOV PLUS ont engagé leur responsabilité vis-à-vis de Madame [W] [V] ; »
-de la SARL DEEP
« Dire et juger que Monsieur [U] [P] a engagé sa responsabilité vis-à-vis de la copropriété »
« Dire et juger que la société RENOV PLUS a une part prépondérante de responsabilité vis-à-vis de la copropriété »
« Constater que le syndicat des copropriétaires du [Adresse 8] évalue lui-même les frais irrépétibles générés par la procédure dont le tribunal est saisi à la somme de 10 000 euros ».
Sur les demandes formulées par Mme [V] et la SARL DEEP
Aux termes du dispositif de ses conclusions, Mme [V] demande la condamnation notamment de « Monsieur [P] et son assureur la MAF ».
Il ressort toutefois des pièces produites que M. [P] est assuré auprès de la MAAF Assurances.
Il convient donc de considérer que c’est par suite d’une erreur de plume que Mme [V] demande la condamnation de la « MAF » au lieu de celle de la « MAAF ».
La SARL DEEP demande pour sa part au tribunal de :
« Condamner in solidum Monsieur [U] [P], son assureur la MAAF, la société RENOV PLUS à payer au syndicat des copropriétaires du [Adresse 8] [Localité 14] la somme de 29 683,50 TTC au titre du préjudice subi ».
Cependant, dans la mesure où la SARL DEEP soumet ainsi au juge une demande qui n’a pas vocation à satisfaire un droit qui lui est propre, mais celui d’un tiers qui recevra le bénéfice exclusif de la réussite de l’action, sa demande doit être déclarée irrecevable en application du principe selon lequel nul ne plaide par procureur.
Sur les demandes formulées à l’encontre de la société RENOV PLUS
Le syndicat des copropriétaires, Mme [V], M. [P] et son assureur, la MAAF Assurances ainsi que la société Axa France IARD formulent des demandes à l’encontre de la société RENOV PLUS, défaillante à la présente procédure.
Décision du 10 janvier 2025
8ème chambre 3ème section
N° RG 22/05287 – N° Portalis 352J-W-B7G-CWRJS
Les demandes du syndicat des copropriétaires sont toutefois identiques à celles formulées dans l’assignation délivrée à la société RENOV PLUS. Elles sont par conséquent recevables.
Les autres parties n’apportent en revanche pas la preuve de la signification de leurs écritures à la société RENOV PLUS, de telle sorte que leurs demandes faites à son encontre sont irrecevables.
Sur les conclusions du syndicat des copropriétaires
Figurent dans le dossier de plaidoirie du syndicat des copropriétaires des « conclusions récapitulatives » mentionnant sur la première page qu’elles ont été signifiées le 06 novembre 2023 pour l’audience du 13 décembre 2023.
Toutefois, les conclusions valablement signifiées par voie électronique au tribunal l’ont été le 02 février 2023, de telle sorte que seules ces dernières seront prises en compte.
Sur les désordres
L’expert a constaté, s’agissant de la salle de bain de l’appartement de Mme [V], située au troisième étage, que « le faux plafond en plaque de plâtre s’est effondré, les ossatures en acier galvanisé sont restées en place. L’ancien plafond plâtre sur lattis bacula est fissuré, des morceaux de plâtre se sont détachés. Deux rangées de deux étais sur des bastaings au sol et au plafond ont été mis en place pour supporter le solivage. Les solives bois, notamment le linçois du chevêtre et les extrémités assemblées des solives (X5) sont pourries. »
Il a également noté des traces d’écoulement d’eau sur les pans de bois du bureau situé contre la cloison de la salle de bains mais n’a pas relevé d’humidité au plafond de la salle de bains.
Après réalisation de sondages dans ce plafond, il a indiqué que « toutes les solives du plancher haut de la salle de bains sont presque totalement pourries sur plus de la moitié de leur portée dans cette pièce » et qu’elles étaient également attaquées par un champignon lignivore.
Il a constaté que les deux chevêtres situés le long du mur mitoyen étaient également totalement pourris et à remplacer, tout comme les six solives, partiellement pourries, aboutissant sur ces chevêtres.
Il a indiqué que la solive d’enchevêtrure, à droite en entrant, apparaissait également pourrie à proximité du mur.
Sur l’origine des désordres
L’expert a indiqué que le pourrissement des bois de structure du plancher et le développement du champignon, dont la présence confirme l’existence d’une humidité importante et permanente pendant une longue durée dans la structure bois du plancher, étaient consécutifs à des infiltrations d’eau successives, probablement quotidiennes, pendant de longues périodes et depuis des années.
Il a indiqué qu’il n’avait pu constater l’état des installations et des revêtements de la salle d’eau de l’appartement de M. [P] puisqu’elle a été intégralement refaite avant le début des opérations d’expertise, selon devis et facture de l’entreprise Faure, et que les infiltrations auraient cessé depuis, ce qui apparaît confirmé par les tests à l’humidimètre réalisés lors des réunions d’expertise.
Décision du 10 janvier 2025
8ème chambre 3ème section
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Il a cependant indiqué que les photos annexées au rapport de la société Aquanef, intervenue le 28 septembre 2016 pour une recherche de fuite après le sinistre déclaré le 11 août 2016, attestaient d’installations sanitaires détériorées et vétustes, présentant plusieurs sources d’infiltrations et de fuites.
L’expert a ainsi rappelé et analysé, au vu des pièces produites, les différents dégâts des eaux subis par l’appartement de Mme [V], à savoir :
-un sinistre le 19 octobre 2010, ayant pour origine une canalisation encastrée de la salle d’eau de M. [P], ayant endommagé les murs et plafonds de la salle à manger et de la salle de bains ;
-un sinistre en octobre 2014 pour lequel l’expert indique qu’aucune pièce ne lui a été communiquée ;
-un sinistre déclaré le 11 août 2016, pour lequel la recherche de fuite réalisée par la société Aquanef le 28 septembre 2016 a mis en évidence des défauts d’étanchéité des joints entre le carrelage et le receveur de douche partiellement manquants, des joints défectueux autour des rosaces de robinetterie, entraînant des écoulements d’eau sous le receveur, une absence d’étanchéité au sol de la salle d’eau, notamment sous le receveur, ces infiltrations se poursuivant dans le plancher et au plafond de la salle de bains de Mme [V], ainsi qu’un défaut d’étanchéité au niveau du tampon de réduction sur la culotte de raccordement du tuyau d’évacuation de la douche et du lavabo.
L’expert indique que selon facture du 10 novembre 2016, la société DEEP est intervenue pour remplacer le carrelage, le bac receveur de douche, les canalisations d’évacuation, le robinet du WC sans toutefois réaliser d’étanchéité au sol et aux murs, le produit anti-humidité indiqué dans le devis n’ayant pas cette fonction et n’étant prévu que sur les murs ;
-un sinistre du 30 octobre 2017, en raison d’une fuite dans l’évacuation du WC de l’appartement de M. [P], la fuite ayant été réparée mais ayant entraîné l’apparition de taches d’humidité en haut du mur surplombant le lavabo de la salle de bains de Mme [V].
L’expert indique que selon facture en date du 05 décembre 2017, la société RENOV PLUS a remplacé l’évacuation du WC, posé deux grilles de ventilation sous le bac à douche, refait les joints silicone d’étanchéité autour du bac à douche et de l’évier de la cuisine et posé une ventilation mécanique.
Il précise que la société Faure aurait examiné la salle d’eau de M. [P] et constaté des joints silicone de douche vétustes, une absence d’étanchéité sous le bac à douche et une fuite sur un raccord à joint avant le robinet d’arrêt des WC et que, selon facture du 14 mars 2018, la société DEEP est intervenue pour procéder à la rénovation des joints et au changement du robinet dans les WC, sans proposer toutefois aucune étanchéité sous le bac à douche ;
-un sinistre du 26 octobre 2018, en raison d’une fuite sur un joint de canalisation des WC, réparée par l’entreprise DEEP ;
-un sinistre du 9/10 février 2019, ayant entraîné l’effondrement d’une partie du plafond de la salle de bains de l’appartement de Mme [V].
Décision du 10 janvier 2025
8ème chambre 3ème section
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En l’absence de désordres au plafond et au mur de la salle d’eau de M. [P], l’expert a indiqué que ces infiltrations provenaient exclusivement de ses installations sanitaires et que l’analyse de ces sinistres confirme qu’ils avaient pour cause :
-des infiltrations multiples et répétitives dans le plancher par des joints du carrelage mural dégradés et/ou vétustes avant les travaux réalisés par la société DEEP le 10 novembre 2016, par les joints périphériques du bac à douche à chaque fois constatés dégradés par les différentes entreprises intervenues, par la culotte du WC constatée fuyarde par la société Aquanef le 28 septembre 2016, et réparée plus d’un an après par la société RENOV PLUS, et par des fuites de joints de canalisation ;
-l’absence de dispositif d’étanchéité sous carrelage au sol en plinthe de la salle d’eau et aux murs de la douche. L’expert a en effet expliqué que le produit anti-humidité mis en œuvre sur les parois de la douche par la société DEEP en novembre 2016 n’est pas un produit d’étanchéité sous carrelage.
Aux termes de ses opérations, l’expert a conclu qu’en l’absence d’étanchéité sous carrelage, les fuites et les infiltrations ont entretenu depuis les premiers sinistres, soit pendant près de 10 ans, dans les structures en bois du plancher haut de la salle de bain de Mme [V], une humidité permanente à l’origine du développement du champignon, du pourrissement et de la ruine partielle de ces structures du plancher.
Il a indiqué que les travaux complets de réfection de la salle d’eau de M. [P], réalisés par la société Faure en mars 2019, étaient ainsi achevés depuis 17 mois lors de la première réunion d’expertise et qu’il n’y avait depuis pas eu de nouveaux dégâts des eaux, les fonds dans la salle de bains de Mme [V] étant secs.
Il a en effet examiné les travaux et les installations de la salle d’eau de M. [P] et déposé la grille de ventilation située sous le receveur de douche.
Il a ainsi pu constater la présence sur le doublage Wedi d’enduction bleu qui s’apparente à un produit d’étanchéité sous carrelage relevé sur les parois murales de douche.
Il n’a noté aucune trace d’humidité sous le bac receveur de douche posé sur plots réglables et indiqué que les joints périphériques posés à refus de silicone apparaissaient en bon état, tout comme les canalisations apparaissaient correctement assemblées et étanches.
L’expert a procédé à un test d’arrosage, simulant la prise de douche, à des essais de remplissage et d’évacuation des différents appareils sanitaires, y compris l’évier de la cuisine sans que ces tests n’aient révélé de fuite ou d’infiltrations, sauf un léger suintement sur la bonde du meuble vasque, probablement consécutif à un joint usagé, et sous lequel un récipient était placé.
Enfin il a constaté le bon état des joints de carrelage au sol et aux murs.
Il a toutefois précisé que si l’examen visuel de ces travaux n’avait pas révélé de défaut ou de non conformité et qu’un revêtement d’étanchéité apparaissait avoir été réalisé sous le bac à douche et relevé sur les parois, il n’avait en revanche pas pu obtenir, du syndicat des copropriétaires, la fiche technique du produit utilisé avec la localisation des surfaces ainsi traitées, de telle sorte qu’il ne pouvait indiquer si l’étanchéité avait bien été réalisée sous le carrelage au sol de toute la salle d’eau de M. [P].
Décision du 10 janvier 2025
8ème chambre 3ème section
N° RG 22/05287 – N° Portalis 352J-W-B7G-CWRJS
Il est ainsi établi, et en tout état de cause non contesté, que les désordres causés à l’appartement de Mme [V] ont pour origine les installations sanitaires de M. [P].
Sur les responsabilités
-de M. [P]
Aux termes de l’article 9 de la loi du 10 juillet 1965, « chaque copropriétaire dispose des parties privatives comprises dans son lot ; il use et jouit librement des parties privatives et des parties communes sous la condition de ne porter atteinte ni aux droits des autres copropriétaires ni à la destination de l’immeuble. »
L’article 1242 du code civil prévoit, pour sa part, que « on est responsable non seulement du dommage que l’on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l’on a sous sa garde. »
Le syndicat des copropriétaires explique que tout copropriétaire est responsable des désordres occasionnés aux parties communes et aux autres copropriétaires par son lot de copropriété, au visa des dispositions précitées.
Il indique ainsi qu’il est bien fondé à rechercher la responsabilité de M. [P] qui n’a jamais pris soin de refaire complètement la salle d’eau de son appartement alors qu’il ne pouvait ignorer le mauvais état de cette dernière, se contentant de petites réparations ponctuelles.
Mme [V], qui sollicite la condamnation de M. [P], vise notamment, au dispositif de ses conclusions, les articles 544 et suivants, 1241, 1242 et suivants, 1382 et suivants du code civil mais ne développe ni n’évoque même les conditions de mise en jeu de sa responsabilité dans ses conclusions, ses développements ne portant que sur l’indemnisation de ses préjudices.
M. [P] ne conteste pas que ses installations sanitaires aient été à l’origine des désordres mais fait en revanche valoir qu’il ne peut lui être reproché d’avoir été négligent dans la gestion des dégâts des eaux alors qu’il a toujours fait intervenir des entreprises disposant des qualifications nécessaires pour procéder aux travaux de réfection et qu’il n’avait pas de raison de douter des préconisations faites par ces dernières alors qu’elles exerçaient une activité de plomberie et étaient assurées pour le faire.
Toutefois, à la différence du régime de responsabilité pour faute posée par l’article 1240 du code civil, la responsabilité délictuelle du fait des choses ne nécessite pas que soit prouvée la faute du gardien de la chose puisqu’il suffit de démontrer le rôle instrumental de la chose dans la production du dommage.
Le gardien engage ainsi sa responsabilité, dès lors que la chose qu’il avait sous sa garde a concouru à la production du dommage et il ne peut s’exonérer de sa responsabilité qu’en rapportant la preuve d’une cause étrangère dont la survenance a rompu le lien de causalité entre le dommage et le fait de la chose ou en démontrant que les conditions de mise en œuvre de la responsabilité du fait des choses ne sont pas réunies.
Or, en l’espèce, il est établi et non contesté que la détérioration des parties communes est due aux nombreux dégâts des eaux causés par les installations sanitaires de l’appartement de M. [P].
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Sa responsabilité du fait des choses est donc engagée.
-des sociétés DEEP et RENOV PLUS
Aux termes de l’article 1112-1 du code civil « celle des parties qui connaît une information dont l’importance est déterminante pour le consentement de l’autre doit l’en informer dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant.
Néanmoins, ce devoir d’information ne porte pas sur l’estimation de la valeur de la prestation.
Ont une importance déterminante les informations qui ont un lien direct et nécessaire avec le contenu du contrat ou la qualité des parties.
Il incombe à celui qui prétend qu’une information lui était due de prouver que l’autre partie la lui devait, à charge pour cette autre partie de prouver qu’elle l’a fournie.
Les parties ne peuvent ni limiter, ni exclure ce devoir.
Outre la responsabilité de celui qui en était tenu, le manquement à ce devoir d’information peut entraîner l’annulation du contrat dans les conditions prévues aux articles 1130 et suivants. »
Le syndicat des copropriétaires fait état des manquements de ces deux sociétés qui ont accepté de procéder à des réparations ponctuelles des installations sanitaires de l’appartement de M. [P] alors qu’elles auraient dû attirer son attention sur leur vétusté et sur la nécessité de refaire entièrement la salle d’eau avec pose d’une étanchéité.
Il soutient que ces « sociétés ont ainsi manqué, vis-à-vis de M. [P] de leur obligation d’information et de conseil mais elles ont également engagé leur responsabilité vis-à-vis de la copropriété qui par ce manquement constitutif d’une faute, lui a occasionné un dommage ayant laissé perdurer des installations vétustes fuyardes, cause de désordres aux parties communes. »
Il indique que quand bien même la société DEEP n’a été missionnée que pour une intervention ponctuelle et limitée, elle restait néanmoins tenue à une obligation de conseil et d’information et aurait dû soit refuser d’intervenir soit faire noter ses réserves lors de son intervention pour dégager sa responsabilité.
La société DEEP relève tout d’abord que le prétendu défaut d’étanchéité était préexistant à son intervention et ne lui a jamais été imputé puisque son intervention a été limitée par M. [P] au remplacement du carrelage, du bac receveur de douche, posé par dessus l’existant, des canalisations d’évacuation et du robinet de WC, alors même qu’il avait été destinataire des conclusions de la recherche de fuite réalisée par la société Aquanef en 2016 et qu’il ne pouvait donc prétendre ignorer la cause réelle des désordres ni la façon d’y remédier.
Elle considère ainsi qu’elle ne peut être tenue responsable de l’inertie persistante de son client, qui a délibérément commandé une prestation qu’il savait inadaptée, ne souhaitant pas faire réaliser une étanchéité avant d’y être contraint par un effondrement, et fait valoir que l’absence d’étanchéité sous le carrelage de la douche relève de la responsabilité du propriétaire dès lors qu’il en a été informé.
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Elle soutient n’être qu’un intervenant ponctuel et fait valoir que la charge d’un désordre liée à un défaut structurel préexistant ne saurait lui être imputable alors qu’il s’agit d’un manquement de M. [P] qui durant dix ans s’est acharné à effectuer de menues réparations alors qu’il savait qu’une reprise structurelle était indispensable.
Enfin, elle estime ne pas plus pouvoir être tenue responsable des désordres postérieurs à son intervention dans la mesure où la société RENOV PLUS est intervenue après elle.
M. [P] et son assureur expliquent pour leur part qu’il a mandaté la société DEEP dès le 02 octobre 2014 afin de mettre un terme aux désordres et que c’est cette dernière qui, en toute connaissance de cause et en sa qualité d’homme de l’art, a préconisé uniquement la reprise des joints.
Ils indiquent que cela n’a manifestement pas été suffisant puisqu’un nouveau sinistre est survenu en 2016 et que M. [P] a alors de nouveau demandé à la société d’intervenir pour procéder à la rénovation complète de la salle d’eau en changeant notamment la cabine de douche, le carrelage et en réalisant l’étanchéité.
Ils soutiennent ainsi que cette prestation avait été prévue et vendue par l’entreprise.
Ils précisent qu’à la suite du nouveau sinistre survenu en 2017, M. [P] a fait appel à la société RENOV PLUS puis à nouveau en 2018 à la société DEEP pour procéder à la rénovation des joints et au changement du robinet dans les WC.
Ils soutiennent donc que ce sont les graves carences du professionnel qui sont à l’origine du préjudice subi par Mme [V] et par la copropriété.
Ils rappellent que les entreprises qui sont intervenues, et notamment la société DEEP, sont tenues d’une obligation de conseil et que M. [P] n’avait pas de raison de douter des préconisations de la société DEEP alors qu’elle exerce une activité de plomberie et qu’elle est assurée à ce titre.
Mme [V], qui sollicite la condamnation des sociétés DEEP et RENOV PLUS, vise notamment, au dispositif de ses conclusions, les articles 544 et suivants, 1241, 1242 et suivants, 1382 et suivants du code civil ne développe ni même n’évoque la mise en jeu de leur responsabilité dans ses conclusions, ses développements ne portant que sur l’indemnisation de ses préjudices.
Bien que le syndicat des copropriétaires ne précise pas expressément dans le corps de ses écritures le fondement juridique sur lequel il agit, il est constant qu’il se fonde sur les dispositions de l’article 1240 du code civil, selon lesquelles « tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. »
La mise en jeu de ce régime de responsabilité implique ainsi que soit démontrée l’existence d’une faute, d’un préjudice et d’un lien de causalité entre les deux.
En l’espèce, il n’est pas contesté que la société DEEP est intervenue à trois reprises afin de procéder à des réparations dans la salle d’eau du logement de M. [P].
A cet égard, si les prestations, réalisées en 2014 et 2018, peuvent effectivement être considérées comme des interventions ponctuelles, en ce qu’elle n’ont consisté pour la première qu’en une simple reprise des joints, tel que cela ressort de la facture du 02 octobre 2014, et pour la seconde, en une rénovation de joints et un changement du robinet dans les WC, il en va différemment de celle effectuée en 2016 ayant consisté en une rénovation totale de la salle d’eau, telle que cela ressort de la facture émise.
Ont en effet été réalisées à ce titre : la dépose du carrelage et de la cabine de douche ; sur les murs, brossage, rebouchage, application d’un produit anti-humidité, de trois couches d’enduit de réparation Renox, deux applications d’un produit anti-humidité, pose de carrelage, dépose et pose d’un receveur de douche, dépose des tuyaux PVC de la douche à la cuisine, changement de robinet de WC et rénovation des joints.
Or, comme relevé par l’expert judiciaire, la société n’a alors proposé aucune étanchéité sous le bac à douche et ne l’a pas plus préconisé en 2018 alors qu’elle a été sollicitée pour remédier à un nouveau sinistre, survenu moins d’un an après son intervention, pour procéder à la rénovation des joints de la douche identifiés comme vétustes par la société Faure ayant examiné la salle d’eau après le sinistre du 30 octobre 2017.
La société DEEP ne peut, à cet égard, se retrancher derrière le fait que son intervention aurait été limitée par M. [P], qui n’aurait pas souhaité faire réaliser une étanchéité, sans justifier qu’elle l’avait, au préalable, valablement informé sur les modalités, enjeux, risques et conséquences de la prestation constituant l’objet du contrat, la preuve de l’exécution de cette obligation particulière de conseil incombant à celui qui en est contractuellement tenu.
Il incombait en effet à la société DEEP de s’informer des besoins de M. [P] et de lui conseiller le choix des matériaux les plus appropriés pour y répondre et pour que soit correctement exécutée cette obligation d’information et de conseil, l’entrepreneur ne peut ainsi se limiter à transmettre à son client des informations d’ordre général, qu’il communiquerait mécaniquement à tous ses cocontractants, quels qu’ils soient, mais doit au contraire délivrer un conseil personnalisé et adapté aux besoins et aux attentes du client.
De plus, il convient de relever que la société RENOV PLUS, intervenue un an après la société DEEP, a indiqué au titre des prestations effectuées que « le silicone du bac à douche était abîmé donc remplissage avec du neuf », l’installation du bac à douche par la société DEEP s’étant ainsi révélée défectueuse.
S’agissant de la société RENOV PLUS, le même manquement à son obligation de conseil peut lui être reproché puisqu’elle a procédé à la pose de deux grilles sous le bac à douche, selon la facture émise le 05 décembre 2017, sans toutefois s’inquiéter de l’absence de revêtement d’étanchéité sous ce bac ni signaler à M. [P] les risques et conséquences en découlant, alors que son intervention s’inscrivait dans le cadre de fuites à répétition et qu’elle avait notamment remplacé le silicone abîmé du bac à douche.
Les sociétés DEEP et REVOV PLUS ont ainsi manqué à leur obligation de conseil et ce manquement fautif engage donc leur responsabilité.
Pour mémoire, les demandes formulées par Mme [V], M. [P], les sociétés MAAF Assurances et Axa France IARD à l’encontre de la société RENOV PLUS ayant été déclarées irrecevables, cette dernière ne voit sa responsabilité engagée qu’à l’égard du syndicat des copropriétaires.
Sur l’indemnisation des préjudices subis par le syndicat des copropriétaires
Le syndicat des copropriétaires réclame la somme de 29 683,50 euros au titre des travaux de solivage et de renforcement du plancher haut.
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8ème chambre 3ème section
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Il précise que cette somme comprend, d’une part, les frais engagés à titre conservatoire pour les investigations réalisés durant l’expertise, à savoir :
-660 euros TTC au titre de la facture du 03 mars 2021 de la société Pharmabois, pour l’analyse du champignon,
-979 euros TTC au titre de la facture établie par la société CT Construction pour les sondages ;
et, d’autre part, le coût des travaux de remise en état des parties communes, soit :
-7410,15 euros TTC au titre de la facture d’acompte du 04 mars 2021 de la société Pharmabois,
-7692,85 euros TTC au titre de la facture de solde du 06 mai 2021 de cette même société,
– et 12 941,50 euros TTC au titre de la facture du 21 mai 2021 de la société CT Construction.
L’expert judiciaire a relevé, s’agissant de la facture, d’un montant de 979 euros, établie par la société CT Construction pour les sondages, qu’elle n’avait pas été communiquée malgré ses demandes réitérées.
Il en est de même dans le cadre de la présente instance de telle sorte qu’en l’absence de tout justificatif, il ne peut être fait droit à la demande du syndicat des copropriétaires.
Les autres postes de dépenses sont justifiés par les factures correspondantes et il convient par conséquent de retenir un préjudice de 28 704,50 euros.
Sur l’indemnisation des préjudices subis par Mme [V]
-sur les frais de remise en état de la salle de bains
Mme [V] sollicite à ce titre la somme de 6104,38 euros indiquant qu’elle a avancé les frais de ces travaux afin de faire avancer l’expertise.
Elle considère que contrairement à ce que soutient l’expert judiciaire, ils ne relèvent pas de travaux d’embellissement mais s’avéraient indispensables afin de pouvoir utiliser cette pièce, faute de quoi elle se serait trouvée privée de la jouissance de l’intégralité de l’appartement.
Elle indique ainsi que le devis établi par l’entreprise Faure ne comprend que la dépose des éléments de la salle de bain ainsi que le rachat et la repose de la baignoire et de la vasque, non récupérables à la différence des WC et du sèche serviettes, car abîmés par les débris causés par les retombées des poutres pourries et les gravats du faux plafond. Elle indique en effet que ces retombées ont causé des éclats susceptibles d’engendrer des infiltrations à l’avenir.
Elle ajoute que la plomberie a dû être refaite pour procéder aux raccordements nécessaires à ces nouveaux éléments.
La société DEEP ne dit mot sur les demandes indemnitaires formulées par Mme [V] et M. [P] et son assureur indiquent simplement qu’ils s’opposent à toute demande formée en réparation d’un préjudice moral qui ne se distingue pas du préjudice de jouissance.
L’expert judiciaire a considéré, s’agissant du devis et de la facture établis par la société Faure que si le coût des travaux apparaît justifié pour les prestations réalisées, ces dernières correspondent néanmoins à des travaux d’amélioration.
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Il a en effet expliqué que le remplacement de la baignoire, du meuble vasque, des robinetteries et les travaux de plomberie induits constituent des choix d’amélioration qui ne sont pas consécutifs aux désordres allégués puisqu’aucun désordre n’a été constaté sur ces équipements et qu’ils étaient prévus pour être récupérés, déposés, reposés et raccordés par la société CT Construction.
Il a également indiqué que le doublage Wedi et le remplacement du carrelage au sol est peut-être induit par un choix esthétique et par la décision de réaliser une étanchéité sous carrelage, conformément aux exigences du règlement sanitaire, mais ne sont pas liés aux dégradations consécutives aux sinistres.
Il a ainsi constaté que le devis de remise en état de la société CT Construction prévoyait la reprise de la faïence en partie haute afin d’incorporer une frise sur la hauteur des arasements.
Le devis établi par la société Faure le 30 avril 2021 comprend les travaux suivants, commandés le 11 mai 2021 et facturés le 07 juin 2021 :
-au titre des travaux de maçonnerie :
-la réalisation d’une coupure des eaux de l’appartement y compris vidange des réseaux (25,25 euros HT),
-la dépose et repose du sèche serviettes (120,30 euros HT),
-la dépose et repose des WC (100,10 euros HT),
-la démolition de la faïence murale collée dans la salle de bains (238,73 euros HT),
-la démolition du carrelage au sol (172,33 euros HT),
-la réalisation d’un doublage en BA 13 hydrofuge (ou Wedi) au pourtour de la baignoire (566,92 euros HT),
-la réalisation d’une étanchéité de type résinique sur les sols et les murs de la pièce traitée (439,98 euros HT) ;
-au titre des travaux de plomberie :
-la fourniture et pose d’une baignoire et de la robinetterie (585,85 euros HT),
-la distribution en apparent et sous tranchées des réseaux eau chaude et eau froide (650 euros HT),
-la réalisation des deux collecteurs d’évacuation en PVC en reprise de l’ensemble des appareils sanitaires à l’exception des WC (283,58 euros HT) ;
-au titre du meuble vasque :
-la fourniture et pose d’un ensemble meuble vasque et miroir (1220,30 euros HT),
-la fourniture et pose d’un mitigeur de lavabo (260 euros HT),
-le repliement de l’ensemble du matériel en fin de chantier (24,75 euros HT).
L’expert a expliqué que les mesures conservatoires d’étaiement ayant été mises en œuvre avant sa désignation, il convenait d’attendre la fin des investigations nécessaires aux opérations d’expertise, réalisées le 09 février 2021, avant de réaliser les remises en état du plancher haut puis des installations de la salle de bain de Mme [V].
Il a précisé que, vu l’urgence, il a autorisé, lors de la réunion du 09 février 2021, le sy
Le tribunal, statuant publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort, par mise à disposition au greffe,
DÉCLARE irrecevable la demande de la SARL DEEP formulée en ces termes :
« Condamner in solidum Monsieur [U] [P], son assureur la MAAF, la société RENOV PLUS à payer au syndicat des copropriétaires du [Adresse 8] [Localité 14] la somme de 29 683,50 TTC au titre du préjudice subi » ;
DÉCLARE irrecevables les demandes formulées par Mme [V], M. [U] [P] et son assureur, la MAAF Assurances ainsi que la société Axa France IARD à l’encontre de la société RENOV PLUS ;
CONDAMNE in solidum M. [U] [P], la MAAF Assurances, l’entreprise DEEP et la société Axa France IARD à régler au syndicat des copropriétaires du [Adresse 8] [Localité 14] la somme de 28 704,50 euros au titre du préjudice matériel subi ;
CONDAMNE in solidum M. [U] [P], la MAAF Assurances, l’entreprise DEEP et la société Axa France IARD à régler à Mme [W] [V] la somme de 2614,64 euros au titre de son préjudice de jouissance ;
DÉBOUTE Mme [W] [V] de sa demande au titre des travaux de remise en état de sa salle de bains et de sa demande d’indemnisation au titre d’un préjudice moral ;
CONDAMNE in solidum la société DEEP et la société Axa France IARD à garantir M. [U] [P] et la MAAF Assurances de l’intégralité des condamnations mises à leur charge, en principal, frais et intérêts ;
CONDAMNE la société Axa France IARD à garantir la société DEEP de l’intégralité des condamnations mises à sa charge, en principal, frais et intérêts, dans les limites contractuelles de sa police (plafonds et franchises) ;
CONDAMNE in solidum M. [U] [P], la MAAF Assurances, l’entreprise DEEP et la société Axa France IARD aux dépens, comprenant les frais d’expertise ;
CONDAMNE in solidum M. [U] [P], la MAAF Assurances, l’entreprise DEEP et la société Axa France IARD à régler la somme de 4500 euros au syndicat des copropriétaires et à Mme [W] [V] celle de 8000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
DÉBOUTE la MAAF Assurances, l’entreprise DEEP et la société Axa France IARD de leur demande formée au titre des frais irrépétibles ;
RAPPELLE que l’exécution provisoire est de droit.
Fait et jugé à Paris le 10 janvier 2025
La greffière La présidente
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