L’Essentiel : Le 26 janvier 2024, le juge de la mise en état a accueilli la fin de non-recevoir soulevée par Mme [L]-[W], condamnant les époux [R] à lui verser une indemnité de procédure. Le 29 février 2024, ces derniers ont assigné la MAAF pour fixer la date de réception de l’ouvrage et demander des pénalités de retard. Lors des débats du 22 novembre 2024, la MAF a soutenu que les époux n’avaient pas d’intérêt légitime à agir, invoquant la prescription biennale. Cependant, le juge a déclaré les époux recevables à agir contre la MAF et a ordonné la jonction des affaires.
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Contexte de l’AffaireLes époux [R] ont assigné la S.A.R.L. AAZ Renov, Mme [L]-[W] et son assureur MAF le 4 octobre 2022 pour responsabilité contractuelle. Cette assignation a été enregistrée sous le numéro 22-5558. Décision du Juge de la Mise en ÉtatLe 26 janvier 2024, le juge de la mise en état a accueilli la fin de non-recevoir soulevée par Mme [L]-[W] et a condamné les demandeurs à lui verser une indemnité de procédure. Nouvelle AssignationLe 29 février 2024, les époux [R] ont assigné la MAAF, en tant qu’assureur de la société AAZ Renov, sous le numéro 24-1477, pour fixer la date de réception de l’ouvrage, demander des pénalités de retard et obtenir des pièces sous astreinte. Conclusions d’IncidentDes conclusions d’incident ont été notifiées par la S.A.R.L. AAZ Renov le 4 juin 2024, par la MAF le 25 juin 2024, et par les demandeurs le 28 août 2024. La MAAF n’a pas formulé de conclusions d’incident. Débats et Décision FinaleLes débats ont eu lieu le 22 novembre 2024, et le juge a mis sa décision en délibéré. La MAF a soutenu que les époux [R] n’avaient pas d’intérêt légitime à agir contre elle, invoquant la prescription biennale. Arguments des Époux [R]Les époux [R] ont contesté cette position, affirmant que le délai de prescription n’était pas acquis lors de l’introduction de leur action. Ils ont également plaidé en faveur de l’action directe contre l’assureur de l’architecte. Position de la MAFLa MAF a demandé le rejet des demandes des époux [R] pour défaut d’intérêt à agir, arguant que l’assurée n’avait pas respecté les délais de déclaration de sinistre. Compétence du Juge de la Mise en ÉtatLe juge a rappelé que l’article 789 du code de procédure civile lui confère compétence exclusive pour statuer sur les fins de non-recevoir. Il a également noté que la MAF avait pris la direction du procès sans émettre de réserves sur sa garantie. Conclusion du JugeLe juge a déclaré les époux [R] recevables à agir contre la MAF, a ordonné la jonction des affaires, et a renvoyé le dossier à la mise en état virtuelle pour le 18 mars 2025. La MAF a été condamnée aux dépens et à verser une indemnité de procédure de 2.000 euros. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelle est la portée de la fin de non-recevoir pour défaut d’intérêt à agir ?La fin de non-recevoir pour défaut d’intérêt à agir est régie par l’article 31 du Code de procédure civile, qui stipule que « l’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention ». Cela signifie que pour qu’une partie puisse agir en justice, elle doit démontrer qu’elle a un intérêt direct et personnel à obtenir une décision favorable. Dans le cas présent, la MAF soutient que les époux [R] n’ont pas d’intérêt légitime à agir contre elle, en tant qu’assureur de Mme [L]-[W], car ils ne justifient pas d’un préjudice direct. En revanche, les époux [R] répliquent que leur intérêt à agir découle de l’action directe prévue à l’article L124-3 du Code des assurances, qui leur permet d’agir directement contre l’assureur de l’architecte pour obtenir réparation de leur préjudice. Ainsi, la question de l’intérêt à agir est cruciale pour déterminer la recevabilité des demandes des époux [R] à l’encontre de la MAF. Comment la prescription biennale s’applique-t-elle dans ce contexte ?La prescription biennale est régie par l’article L114-1 du Code des assurances, qui précise que « l’action en responsabilité contre l’assureur se prescrit par deux ans à compter de l’événement qui a donné naissance à l’action ». Dans cette affaire, la MAF soutient que le délai de prescription a commencé à courir à partir de la survenance du dommage, soit à la date de l’assignation en référé-expertise reçue le 25 septembre 2018. Elle affirme que ce délai était expiré lors de l’assignation au fond délivrée le 10 février 2022. Les époux [R], quant à eux, soutiennent que le point de départ de la prescription n’est pas l’assignation en référé-expertise, mais plutôt l’assignation qu’ils ont délivrée le 10 février 2022, ce qui signifie que la prescription n’était pas acquise lors de l’introduction de leur action le 4 octobre 2022. Cette divergence sur le point de départ de la prescription est essentielle pour déterminer si les époux [R] peuvent valablement agir contre la MAF. Quelles sont les conséquences de la direction du procès par l’assureur ?L’article L113-7 du Code des assurances stipule que « l’assureur qui prend la direction d’un procès intenté à l’assuré est censé renoncer à toutes les exceptions dont il avait connaissance lorsqu’il a pris la direction du procès ». Dans cette affaire, la MAF a pris la direction du procès sans émettre de réserves sur sa garantie jusqu’à ses conclusions d’incident du 22 avril 2024. Cela signifie qu’elle a potentiellement renoncé à soulever la prescription biennale à l’encontre de son assurée, Mme [L]-[W], et par conséquent, à l’encontre des époux [R]. Le juge de la mise en état a noté que la MAF ne pouvait pas soulever cette exception de prescription après avoir pris la direction du procès, ce qui renforce la recevabilité des demandes des époux [R] contre la MAF. Ainsi, la direction du procès par l’assureur a des implications significatives sur la possibilité de soulever des exceptions, notamment celle de la prescription. Quelles sont les implications de la jonction des affaires ?La jonction des affaires est prévue par l’article 789 du Code de procédure civile, qui confère compétence exclusive au juge de la mise en état pour statuer sur les fins de non-recevoir et sur la jonction des affaires. Dans le cas présent, le juge a décidé de joindre l’assignation délivrée à la MAAF, en sa qualité d’assureur de la société AAZ Renov, à l’affaire en cours. Cette jonction permet de traiter ensemble les demandes des époux [R] contre les deux assureurs, ce qui peut faciliter la résolution des litiges et éviter des décisions contradictoires. La jonction est également justifiée par l’absence d’opposition de la part des parties concernées, ce qui renforce l’efficacité du processus judiciaire. Ainsi, la jonction des affaires permet une meilleure gestion des litiges et une cohérence dans les décisions rendues par le juge. |
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VERSAILLES
Quatrième Chambre
ORDONNANCE DU JUGE DE LA MISE EN ETAT
rendue le
17 JANVIER 2025
N° RG 22/05558 – N° Portalis DB22-W-B7G-Q24X
Code NAC : 54G
JUGE DE LA MISE EN ETAT : Mme DUMENY, Vice Présidente
GREFFIER : Madame GAVACHE, Greffière
DEMANDEURS au principal et défendeurs à l’incident :
Monsieur [E], [D], [I], [Z] [R]
né le 19 Février 1971 à [Localité 4] (BELGIQUE), demeurant [Adresse 1]
Madame [H] [V] épouse [R]
née le 25 Novembre 1965 à [Localité 6] (08), demeurant [Adresse 1]
représentés par Me Michèle DE KERCKHOVE, avocat au barreau de VERSAILLES
DEFENDERESSES au principal et demanderesse à l’incident :
MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS (MAF),
es-qualités d’assureur de Madame [P] [L] [W], Société Assurance Mutuelle à cotisations variables, immatriculée au répertoire SIREN sous le numéro 784 647 319,
dont le siège social est sis [Adresse 2]
représentée par Me Oz Rahsan VARGUN, avocat au barreau de PARIS, Me Florence FAURE, avocat au barreau de VERSAILLES
Copie exécutoire à Me Michèle DE KERCKHOVE, Me Florence FAURE, Maître Alain CLAVIER, Me TOUSSAINT
Copie certifiée conforme à l’origninal à
délivrée le
DEFENDERESSES au principal et à l’incident :
S.A.R.L. AAZ RENOV
inscrite au RCS de Versailles sous le numéro 789 481 439, dont le siège social est sis [Adresse 3]
représentée par Maître Jean-Charles MERCIER de l’AARPI AXIAL AVOCATS, avocats au barreau de PARIS, Me Isabelle TOUSSAINT, avocat au barreau de VERSAILLES
S.A. MAAF
immatriculée au RCS de Niort sous le numéro 781 423 280, dont le siège social est sis [Adresse 5]
représentée par Maître Alain CLAVIER de l’ASSOCIATION ALAIN CLAVIER – ISABELLE WALIGORA – AVOCATS ASSOCIÉS, avocats au barreau de VERSAILLES
DEBATS : A l’audience publique d’incident tenue le 22 novembre 2024, les avocats en la cause ont été entendus en leurs plaidoiries par Madame DUMENY, juge de la mise en état assistée de Madame GAVACHE, greffier puis le Magistrat chargé de la mise en état a avisé les parties que l’ordonnance sera prononcée par sa mise à disposition au greffe à la date du 17 Janvier 2025.
Vu l’assignation en responsabilité contractuelle délivrée par les époux [R] à la S.A.R.L. AAZ Renov, à Mme [L]-[W] et à son assureur la MAF le 4 octobre 2022, portant le numéro 22-5558,
Vu l’ordonnance du 26 janvier 2024 par laquelle le juge de la mise en état a accueilli la fin de non-recevoir excipée par Mme [L] [W] et condamné les demandeurs à lui allouer une indemnité de procédure,
Vu le rendez-vous d’information sur la médiation,
Vu l’assignation remise le 29 février 2024 par les époux [R] à la S.A. MAAF es qualité d’assureur de la société AAZ Renov, enregistrée sous le numéro 24-1477, aux fins de fixer la date de réception de l’ouvrage, de condamner la société AAZ Renov à leur régler des pénalités de retard ainsi qu’à leur remettre des pièces sous astreinte, de condamner la MAAF solidairement à garantir la société des condamnations et à réparer leurs préjudices immatériels,
Vu les conclusions d’incident notifiées en dernier lieu par la S.A.R.L. AAZ Renov le 4 juin 2024, la MAF le 25 juin 2024 puis les demandeurs le 28 août 2024,
Vu l’absence de conclusions d’incident formulées par la MAAF,
Vu les débats à l’audience tenue le 22 novembre 2024 par le juge de la mise en état qui a mis sa décision en délibéré ce jour,
Vu l’article 455 du code de procédure civile,
– sur la fin de non recevoir
– La compagnie d’assurance MAF entend voir déclarer les époux [R] irrecevables et mal fondés en l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions à son encontre pour défaut d’intérêt à agir au visa des articles 31, 122 et 1789 du code de procédure civile ainsi que L114-1 du code des assurances.
Elle soutient que les demandeurs ne justifient d’aucun intérêt légitime à agir envers elle, prise en sa qualité d’assureur de Mme [L] [W] alors qu’elle est bien fondée à opposer la prescription biennale à l’encontre de celle-ci, son assurée. Elle rappelle que l’assurée dispose d’un délai de deux années à compter de la survenance du dommage pour agir contre son assureur et plaide que l’architecte assurée ne lui a pas déclaré le sinistre ni l’assignation en référé-expertise qu’elle a reçue le 25 septembre 2018. Or l’article 9.5 du contrat d’architecte exige la transmission dans les 48 heures de toute assignation concernant un sinistre susceptible d’engager la responsabilité.
Elle ajoute que l’exploit du 25 septembre 2018 a fait courir le délai de prescription biennale qui était expiré à la délivrance de l’assignation au fond qui lui a été remise le 10 février 2022.
Elle n’a donc pas vocation à mobiliser ses garanties et se dit bien fondée à opposer la prescription biennale à Mme [L] [W] ; elle en déduit que les maîtres de l’ouvrage n’ont plus d’intérêt à agir à son encontre.
– Les époux [R] demandent au juge de la mise en état d’écarter ce moyen et de les déclarer recevables. En premier ils répliquent que le point de départ du délai de deux ans n’est pas l’assignation en référé-expertise qui ne contenait aucune condamnation au fond mais l’assignation qu’ils ont délivrée le 10 février 2022 pour comparaître devant le tribunal de commerce et indemniser leur préjudice. La prescription n’était donc pas acquise lors de l’introduction de la présente instance le 4 octobre 2022.
Ils font ensuite valoir qu’ils agissent sur le fondement de l’action directe posée à l’article L124-3 du code des assurances, laquelle se prescrit par le même délai que l’action de la victime contre le responsable.
Ils opposent enfin à l’assureur le fait que les exigences formalistes de l’article R112-1 du code des assurances quant aux causes d’interruption du délai de prescription sont insuffisamment précises dans la police qui ne détaille pas ces causes et omet de rappeler les différents points de départ des délais et notamment des recours d’un tiers, en déduisant que l’assurée Mme [L] [W] ne pouvait se voir opposer le délai de prescription biennal et que son recours contre l’assureur était encore ouvert lors de la remise de l’assignation.
A titre subsidiaire les demandeurs se fondent sur l’article L113-17 du code des assurances pour plaider que la MAF a pris la direction du procès depuis l’assignation du 10 février 2022 sans jamais émettre une quelconque réserve sur sa garantie jusqu’à ses conclusions d’incident du
22 avril 2024 de sorte qu’elle a renoncé à toutes les exceptions dont elle avait connaissance.
– La société AAZ Renov conclut au rejet pour les mêmes motifs.
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L’article 789 du code de procédure civile donne compétence exclusive au juge de la mise en état pour statuer sur les fins de non recevoir.
L’article 31 du même code dispose que l’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d’agir aux seules personnes qu’elle qualifie pour élever ou combattre une prétention ou pour un intérêt déterminé.
Le juge de la mise en état s’étonne que la fin de non-recevoir tirée du défaut d’intérêt à agir des demandeurs ait été excipée pour la première fois par la MAF par des conclusions du 22 avril 2024 alors qu’elle reconnaît avoir été assignée devant le tribunal de commerce le 10 avril 2022 et devant la présente juridiction le 4 octobre suivant.
En outre la compagnie ne conteste pas avoir pris la direction du procès puisque un seul avocat a conclu pour la MAF et son assurée Mme [L] [W] et qu’en application de l’article
L113-7 du code des assurances l’assureur qui prend la direction d’un procès intenté à l’assuré est censé aussi renoncer à toutes les exceptions dont il avait connaissance lorsqu’il a pris la direction du procès.
Or ce moyen découlant de la prescription de son assurée Mme [L] [W] n’a pas été opposé à celle-ci jusqu’à sa mise hors de cause par l’ordonnance du 26 janvier 2024 et il est étrange de la faire trancher hors sa présence et alors qu’une nouvelle assignation lui a été délivrée.
La direction du procès permet donc de considérer que la MAF a renoncé à cette exception de forclusion.
Enfin il ressort des dernières conclusions au fond notifiées le 9 février 2024 par les demandeurs qu’ils se fondent désormais sur l’action directe dont ils bénéficient à l’encontre de l’assureur de l’architecte et qu’ainsi le régime de leur demande n’est plus soumis au délai de forclusion biennal.
Pour l’ensemble de ces raisons il convient de juger que les époux [R] ont un intérêt à agir à l’encontre de l’assureur de l’architecte à qui ils ont confié la maîtrise d’oeuvre de leur chantier sur lequel des désordres sont invoqués. Ils seront donc déclarés recevables en leur demandes tournées contre la MAF.
– sur la jonction avec le 24-1477
En l’absence d’opposition, il est opportun de joindre à la présente instance l’assignation délivrée à la MAAF, prise en sa qualité d’assureur de la société AAZ renov, sous le numéro 24-1477.
– sur les autres prétentions
Le dossier sera renvoyé à la mise en état virtuelle du 18 mars 2025 pour conclusions au fond de la MAF, sur injonction, et pour avis des parties sur la jonction de la nouvelle assignation délivrée à Mme [L]-[W].
La MAF qui succombe en l’incident qu’elle a initié sera condamnée aux dépens de celui-ci et à verser à une indemnité de procédure équitablement arrêtée à la somme de 2.000 euros aux demandeurs et à la société AAZ renov ; elle sera corrélativement déboutée de ce chef.
Nous, juge de la mise en état statuant publiquement par décision contradictoire et susceptible de recours selon les modalités de l’article 795 du code de procédure civile,
Ordonnons la jonction de l’affaire rg 24/01477 à l’affaire rg 22/5558,
Déclarons M. et Mme [R] recevables à agir à l’encontre de la MAF,
Renvoyons le dossier à la mise en état virtuelle du 18 mars 2025 pour avis des parties sur la jonction de la nouvelle assignation délivrée à Mme [L]-[W] et décernons à la MAF injonction de conclure au fond,
Condamnons la MAF aux dépens de l’incident et à verser une indemnité de procédure de
2.000 euros aux demandeurs et à la société AAZ renov,
Déboutons la MAF de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile.
Prononcé par mise à disposition au greffe le 17 JANVIER 2025, par Mme DUMENY, Vice Présidente, assistée de Madame GAVACHE, Greffière, lesquelles ont signé la minute de la présente décision.
Le Greffier Le Juge de la mise en état
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