L’Essentiel : Le 17 janvier 2010, [C] [L] et [W] [M] signent un bon de commande avec NVL Energie pour un système photovoltaïque, financé par un crédit auprès de Groupe Sofemo. Après la fusion de Sofemo avec Cofidis, les demandeurs assignent cette dernière en 2023, contestant la créance de restitution du capital. Lors de l’audience de janvier 2024, ils soutiennent que le délai de prescription débute à la découverte des irrégularités, tandis que Cofidis invoque la prescription, arguant que les demandeurs auraient dû être alertés dès 2012. Le tribunal déclare finalement les demandes irrecevables, condamnant les demandeurs à payer 750 euros à Cofidis.
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Contexte de l’affaireA la suite d’un démarchage à domicile, [C] [L] et [W] [M] ont signé un bon de commande le 17 janvier 2010 avec la société NVL Energie pour l’installation d’un système photovoltaïque, pour un montant total de 24 000 euros TTC. Le financement a été réalisé par un crédit affecté souscrit le même jour auprès de la société Groupe Sofemo, remboursable en 144 mensualités. Fusion de sociétés et assignationLa société Groupe Sofemo a été absorbée par la société Cofidis. Le 8 août 2023, [C] [L] et [W] [M] ont assigné la S.A Cofidis devant le tribunal judiciaire de Lille, demandant la reconnaissance de sa responsabilité et le paiement de diverses sommes, tout en contestant la créance de restitution du capital emprunté. Procédure judiciaireLors de l’audience du 29 janvier 2024, les parties ont convenu d’un calendrier de procédure, avec une audience de plaidoiries fixée au 30 septembre 2024. Les demandeurs ont formulé plusieurs demandes, incluant des dommages et intérêts et la déchéance du droit aux intérêts contractuels. Arguments des demandeursLes demandeurs soutiennent que le délai de prescription ne commence pas à la signature du contrat, mais à la date où ils ont eu connaissance des irrégularités. Ils affirment que la première facture de production d’électricité ne leur a pas permis de vérifier le bon fonctionnement de l’installation, et que ce n’est qu’après une expertise en 2022 qu’ils ont pris conscience des manœuvres dolosives. Réponse de la S.A CofidisLa S.A Cofidis a soulevé une fin de non-recevoir pour prescription, arguant que les demandeurs auraient dû connaître les mensonges dès la première facture en 2012. Elle a également contesté la faute dans le déblocage des fonds, affirmant que les fonds avaient été libérés sur la base d’une attestation de livraison acceptée. Décision du tribunalLe tribunal a déclaré les demandes de [C] [L] et [W] [M] irrecevables, considérant que l’action en responsabilité pour dol était prescrite. Il a également jugé que l’action pour faute dans le déblocage des fonds était également prescrite, car introduite plus de cinq ans après le déblocage. La demande de déchéance du droit aux intérêts a également été déclarée prescrite. Conséquences financièresLes demandeurs ont été condamnés in solidum à payer à la S.A. Cofidis une somme de 750 euros au titre des frais non compris dans les dépens. Le jugement a été assorti de l’exécution provisoire de droit. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelle est la portée de l’article 2224 du code civil concernant la prescription des actions en responsabilité ?L’article 2224 du code civil stipule que « les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. » Dans le cadre de l’affaire, les demandeurs, [C] [L] et [W] [M], soutiennent que leur action en responsabilité fondée sur le dol ne peut être prescrite qu’à partir de la date à laquelle ils ont eu connaissance des manœuvres dolosives. Ils affirment que la première facture de production d’électricité, reçue en 2016, ne leur permettait pas de vérifier le bon fonctionnement de l’installation, et que ce n’est qu’à la suite d’une expertise en 2022 qu’ils ont eu connaissance des irrégularités. Cependant, le tribunal a considéré que la découverte du dol devait être considérée comme acquise dès la réception de la première facture de revente d’électricité, qui date de 2016. Ainsi, l’action en responsabilité introduite le 8 août 2023 est déclarée prescrite, car elle a été engagée plus de cinq ans après la date à laquelle les demandeurs auraient dû avoir connaissance des faits leur permettant d’agir. Quelles sont les implications de l’article 2241 du code civil sur l’interruption de la prescription ?L’article 2241 du code civil précise que « la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion. » Dans cette affaire, les demandeurs ont introduit leur action en justice le 8 août 2023. Toutefois, le tribunal a constaté que le délai de prescription de cinq ans pour leur action en responsabilité avait déjà expiré, car le point de départ de la prescription était fixé à la date de la première facture de revente d’électricité, soit en 2016. Ainsi, même si la demande en justice a été faite, elle ne peut pas interrompre un délai de prescription qui a déjà couru et qui a abouti à l’irrecevabilité de leurs demandes. Le tribunal a donc conclu que l’action en responsabilité fondée sur le dol était prescrite, et que la demande des requérants ne pouvait pas être accueillie. Comment l’article 696 du code de procédure civile s’applique-t-il aux dépens dans cette affaire ?L’article 696 du code de procédure civile stipule que « la partie perdante est condamnée aux dépens à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie. » Dans le cas présent, le tribunal a déclaré [C] [L] et [W] [M] irrecevables en leurs demandes, ce qui signifie qu’ils ont perdu leur affaire. En conséquence, le tribunal a condamné in solidum [C] [L] et [W] [M] aux dépens de l’instance. Cela implique qu’ils doivent supporter les frais de la procédure, y compris les frais d’avocat et autres coûts liés à l’affaire. Cette décision est conforme à l’article 696, qui impose la charge des dépens à la partie qui succombe, sauf décision motivée du juge en faveur de l’autre partie. Quelles sont les conséquences de l’article 700 du code de procédure civile dans cette décision ?L’article 700 du code de procédure civile prévoit que « le juge condamne la partie qui succombe ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. » Dans cette affaire, le tribunal a également appliqué cet article en condamnant [C] [L] et [W] [M] à payer à la S.A. Cofidis une somme de 750 euros au titre des frais exposés. Cette somme est destinée à couvrir les frais non compris dans les dépens, et le tribunal a pris en compte l’équité et la situation économique des parties pour déterminer le montant. Ainsi, même si les demandeurs ont été déboutés de leurs demandes principales, ils sont également tenus de rembourser une partie des frais de la partie adverse, conformément à l’article 700. |
de LILLE
[Localité 3]
☎ :[XXXXXXXX01]
N° RG 23/10618 – N° Portalis DBZS-W-B7H-XXQO
JUGEMENT
DU : 25 Novembre 2024
[W] [M]
[C] [L]
C/
S.A. COFIDIS VENANT AUX DROITS DU GROUPE SOFEMO
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
JUGEMENT DU 25 Novembre 2024
DANS LE LITIGE ENTRE :
DEMANDEUR(S)
Mme [W] [M], demeurant [Adresse 2]
M. [C] [L], demeurant [Adresse 2]
représentée par Représentant : Me Jérémie BOULAIRE, avocat au barreau de DOUAI
ET :
DÉFENDEUR(S)
S.A. COFIDIS VENANT AUX DROITS DU GROUPE SOFEMO, dont le siège social est sis [Adresse 4]
représentée par Me Xavier HELAIN, avocat au barreau d’ESSONNE
COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DES DÉBATS À L’AUDIENCE PUBLIQUE DU 30 Septembre 2024
Magali CHAPLAIN, Juge, assisté(e) de Deniz AGANOGLU, Greffier
COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DU DÉLIBÉRÉ
Par mise à disposition au Greffe le 25 Novembre 2024, date indiquée à l’issue des débats par Magali CHAPLAIN, Juge, assisté(e) de Deniz AGANOGLU, Greffier
RG 23/10618 PAGE
A la suite d’un démarchage à domicile, suivant bon de commande du 17 janvier 2010, [C] [L] et [W] [M] ont contracté auprès de la société NVL Energie une prestation relative à la fourniture et la pose d’une installation photovoltaïque pour un montant total de 24 000 euros toutes taxes comprises (TTC).
L’acquisition a été financée le même jour au moyen d’un crédit affecté souscrit par [C] [L] et [W] [M] auprès de la société anonyme Groupe Sofemo d’un montant de 24 000 euros, remboursable en 144 mensualités de 287,38 euros, avec assurance facultative, au taux contractuel annuel de 5,51 % l’an, avec un différé de paiement de 360 jours.
La société Groupe Sofemo a fait l’objet d’une fusion absorption par la société anonyme Cofidis (ci-après désignée la S.A Cofidis).
Par exploit du 8 août 2023, [C] [L] et [W] [M] ont fait assigner la S.A Cofidis devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Lille aux fins de voir engager sa responsabilité et d’obtenir sa condamnation au paiement de diverses sommes d’argent avec privation de sa créance de restitution du capital emprunté.
L’affaire a été appelée à l’audience du 29 janvier 2024, lors de laquelle les parties, représentées par leur conseil respectif ont accepté l’application de l’article 446-2 du code de procédure civile et l’établissement d’un calendrier de procédure. L’audience de plaidoiries a été fixée au 30 septembre 2024.
A cette audience, les parties, représentées par leur conseil respectif, se sont expressément référées à leurs conclusions déposées et visées par le greffier à l’audience.
Aux termes de leurs dernières écritures, [C] [L] et [W] [M] demandent au juge des contentieux de la protection de :
– déclarer leurs demandes recevables,
A titre principal :
– condamner la S.A Cofidis, venant aux droits de la société Groupe Sofemo, à leur payer la somme de 33 420,96 euros à titre de dommages et intérêts,
A titre subsidiaire :
– prononcer la déchéance du droit aux intérêts contractuels à l’encontre de la société Cofidis venant aux droits du Groupe Sofemo et la condamner à leur payer la somme de 17 820,96 euros au titre des intérêts trop perçus et celle de 24 000 euros à titre de dommages et intérêts,
En tout état de cause :
– débouter la S.A Cofidis de ses demandes,
– la condamner à leur payer la somme de 4000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
En réponse à la fin de non-recevoir soulevée en défense, ils font valoir que le point de départ du délai de prescription n’est pas fixé au jour de la signature des contrats mais au jour où le titulaire du droit d’agir a connu les irrégularités et manœuvres dénoncées lui permettant d’agir ou aurait dû les connaître; que s’agissant d’une action en responsabilité contractuelle, ce point de départ ne peut être fixé à la date de la seule connaissance du dommage mais à celle à laquelle ils ont eu ou auraient dû avoir non seulement connaissance du dommage, dans toute son ampleur, mais également du fait générateur de responsabilité. S’agissant précisément de leur action en responsabilité fondée sur la participation du prêteur aux manœuvres dolosives commises par le vendeur, ils considèrent que la première facture de production d’électricité ne leur permettait pas de vérifier que l’installation fonctionnait dans des conditions de production optimales, et qu’en l’absence d’étude de productivité établie préalablement à la signature du contrat, ils ne disposaient d’aucun point de référence pour apprécier son bon fonctionnement ; que ce n’est qu’au jour de l’expertise, diligentée à leur demande, le 2 juin 2022 qu’ils ont eu effectivement et concrètement connaissance des informations relatives à la productivité de l’installation, ont mesuré la réticence dolosive dont ils ont été victimes et compris que le prêteur avait accepté de financer une opération simplement ruineuse. S’agissant de leur action en responsabilité du prêteur fondée sur la faute dans le déblocage des fonds, ils estiment qu’ils ne pouvaient pas avoir connaissance du manquement de la banque à son obligation d‘information et d’alerte sur la régularité du bon de commande puisque cette obligation est précisément faite à celle-ci pour pallier l’ignorance des consommateurs en la matière, notamment s’agissant des vices pouvant affecter le contrat de vente. Ils ajoutent que les irrégularités du bon de commande ne pouvaient ressortir de la « seule lecture » des documents contractuels, sauf à exiger des emprunteurs qu’ils procèdent à une analyse approfondie du contrat que seul un professionnel ou un sachant peut réaliser, et qu’ils n’étaient donc pas en mesure de déterminer, au moment de la signature du bon de commande, l’existence d’irrégularités. Ils en concluent que la prescription doit être écartée par souci d’efficacité et d’effectivité du droit de la consommation.
Sur le fond, ils font d’abord valoir que la banque a commis une faute en finançant un contrat dont la conclusion a été obtenue par dol. Ils soutiennent que l’installation ne satisfait pas aux promesses d’autofinancement et de rendement qui leur ont été faites, comme le prouve les factures de production. Ils estiment avoir été trompés par le vendeur qui leur aurait dit que l’installation leur permettrait de réaliser des économies d’énergie substantielles. Ils indiquent que cette promesse de rentabilité résulte d’une part des documents contractuels puisque le vendeur leur a présenté une série de documents commerciaux et fait des promesses permettant de réaliser des économies d’énergie mais aussi divers avantages permettant de réduire le coût de l’installation.
Enfin, ils soulignent que cette promesse de rentabilité est mensongère puisque le rendement des panneaux photovoltaïques ne permet pas de couvrir les échéances du prêt, et ce alors que la société venderesse ne peut ignorer que l’installation litigieuse ne produira jamais les valeurs annoncées. Ils considèrent que la société NVL Energie utilise ainsi des pratiques déloyales et trompeuses, constitutives de manœuvres dolosives, puisque c’est en pleine conscience qu’elle, comme la société Cofidis, leur a fait souscrire des contrats, alors que l’opération ne pouvait pas leur permettre d’autofinancement ou ne serait-ce que des économies d’énergie.
Ils font valoir ensuite que la banque a commis une faute en débloquant les fonds alors qu’à la simple lecture du contrat de vente, elle aurait dû constater que sa validité était douteuse au regard des dispositions protectrices du code de la consommation et aurait dû relever les anomalies du bon de commande avant de se dessaisir du capital prêté. Ils considèrent qu’il appartenait à la SA Cofidis de les alerter sur les irrégularités affectant le contrat de vente ainsi que sur les conséquences financières de l’opération envisagée.
Sur demande du juge, ils précisent à l’audience qu’ils ont procédé au remboursement anticipé du prêt par le biais d’un contrat de regroupement de crédits ; que la mise en production est intervenue en 2011, que l’installation fonctionne et permet la revente d’électricité.
La S.A Cofidis sollicite du juge des contentieux de la protection de :
– déclarer [C] [L] et [W] [M] prescrits, irrecevables et à titre subsidiaire mal fondés en leurs demandes ;
– en conséquence, les débouter de l’intégralité de leurs demandes ;
En tout état de cause :
– condamner solidairement [C] [L] et [W] [M] à lui payer la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
Au soutien de sa fin de non-recevoir, au visa de l’article 2224 du code civil, elle considère que l’action en responsabilité de la banque fondée sur le dol est prescrite en ce que Monsieur [L] et Madame [M] se sont nécessairement aperçus des mensonges de la société dès réception de la première facture en 2012 ou a minima de la deuxième facture de production d’énergie. Elle ajoute que les emprunteurs n’apportent pas la preuve que des promesses d’autofinancement de l’installation ont été faites. Elle expose en outre que les requérants sont encore prescrits en leur demande indemnitaire fondée sur la faute dans le déblocage des fonds en ce qu’ils n’ont pas agi dans les cinq ans de la signature de l’attestation de livraison ou des premières mensualités de remboursement du prêt en 2012, date à laquelle les fonds étaient nécessairement débloqués. Elle fait valoir enfin que la demande de déchéance du droit aux intérêts est également prescrite pour ne pas avoir été introduite dans les cinq ans suivant la signature du contrat de prêt.
Elle conteste avoir commis une faute dans le déblocage des fonds et rappelle les avoir débloqués à la remise d’une attestation de livraison acceptée sans réserve par l’emprunteuse. Elle ajoute que cette attestation, précise et dénuée d’ambiguïté, mentionne la réalisation de tous les travaux et prestations accessoires et lui laissait légitimement présumer une exécution conforme au bon de commande, en ce compris le raccordement au réseau électrique.
Enfin, elle fait valoir que Monsieur [L] et Madame [M] ne démontrent pas avoir subi de préjudice, dès lors que l’installation fonctionne, produit de l’électricité et génère des revenus. Elle ajoute en toute hypothèse que le montant du préjudice ne peut être équivalent au montant du crédit souscrit pour le financement du prix du contrat principal et qu’il est apprécié souverainement par les juges du fond. Elle fait remarquer que les demandeurs conserveront le bénéfice de l’installation compte tenu de la liquidation judiciaire du vendeur et que le prix de la centrale photovoltaïque est déjà amorti par les revenus tirés des panneaux depuis plusieurs années et du crédit d’impôt.
Elle considère encore que les emprunteurs sont irrecevables à prétendre ne pas avoir obtenu pleinement satisfaction de l’installation pour tenter de faire échec au paiement de l’emprunt sans mettre en cause le vendeur.
Sur demande du juge, la S.A Cofidis explique qu’aucun historique de compte n’est produit aux débats en raison de l’ancienneté du dossier.
En application de l’article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.
A l’issue des débats, l’affaire a été mise en délibéré au 25 novembre 2024 par mise à disposition au greffe.
Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription :
Sur l’action en responsabilité fondée sur le dol :
Selon l’article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.
Monsieur [L] et Madame [M] soutiennent qu’ils ont été trompés par la société NVL Energie Evasol lors de la conclusion du contrat de vente au motif que les performances énergétiques et la rentabilité de l’installation qu’elle lui avait promises ne sont pas atteintes, que l’installation ne s’autofinance pas dans la mesure où les revenus liés à la revente d’électricité ne couvrent pas les mensualités d’emprunt.
Ils invoquent une faute de la société Cofidis pour avoir participé au dol en consentant un crédit à partir d’imprimés-type délivrés aux démarcheurs et en s’abstenant de les alerter sur la viabilité financière de leur investissement.
La banque leur oppose la prescription affectant ces demandes, ayant selon elle couru depuis la première voire la deuxième facture de production.
Le point de départ du délai de prescription de l’action en responsabilité de la banque pour participation aux manœuvres dolosives ayant affecté le contrat principal doit être fixé à la date d’émission de la première facture de vente d’électricité.
Monsieur [L] et Madame [M] font valoir que la première facture de production d’électricité ne leur permettait pas de vérifier le fonctionnement de l’installation dans des conditions de production optimales en l’absence de toute information sur la productivité donnée par le vendeur avant la signature du contrat.
Ils versent aux débats une expertise réalisée le 2 juin 2022 par la société Pôle Expert Nord Est qui conclut que le rendement financier théorique moyen de l’installation photovoltaïque ne permet pas de couvrir la mensualité du prêt. Ils estiment que ce n’est qu’à la date de cette expertise qu’ils ont eu une connaissance effective et concrète de la rentabilité de son installation.
Toutefois, d’une part, il ne résulte pas de l’examen du bon de commande, qui a seul valeur contractuelle, la preuve d’une promesse de rentabilité voire d’autofinancement du vendeur à l’égard de l’acquéreur dans le cadre de son démarchage. D’autre part, si Monsieur [L] et Madame [M] allèguent qu’il appartenait au vendeur de leur présenter la rentabilité de son produit, et de les en informer exactement, ce en quoi ce dernier a été défaillant, mais alors que la rentabilité de l’installation n’était pas intégrée au champ contractuel, force est de constater que les requérants pouvaient parfaitement se rendre compte, bien avant la réalisation de l’expertise le 2 juin 2022, par un simple calcul du coût annuel du crédit et en le comparant au montant de la première facture annuelle de revente d’électricité, que l’installation ne pourrait pas s’autofinancer.
La découverte du dol allégué doit en effet être considérée comme acquise dès la réception de la première facture de revente d’électricité qui date en principe de l’année suivant la signature du contrat d’achat avec ERDF, cette première facture révélant au consommateur la rentabilité de l’installation et les économies d’énergie générées par elle. Or, en l’espèce Monsieur [L] et Madame [M] produise diverses factures de revente d’électricité, lesquelles font apparaître une première facturation le 27 septembre 2016 pour une période du 28 septembre 2015 au 27 septembre 2016. L’examen de cette facture montre qu’à la date du 27 septembre 2015 l’index de production d’électricité s’élevait à 15 655 kWh, ce qui permet d’établir que l’installation solaire produit de l’énergie depuis plusieurs années, soit depuis au moins cinq ans si l’on retient une production moyenne annuelle de 2 915 kWh. Les emprunteurs reconnaissent eux-mêmes que la centrale photovoltaïque a bien été installée par le vendeur et que la mise en production de l’installation a eu lieu en 2011.
Par suite, en l’absence de contestation quant au fonctionnement et au raccordement de l’installation, il y a lieu de considérer que la première facture a nécessairement été établie en septembre 2011 (même si elle n’a pas été produite aux débats), date à laquelle les acheteurs pouvaient parfaitement se rendre compte de la tromperie du vendeur sur la rentabilité et l’autofinancement.
Ces circonstances concrètes ne permettent pas non plus de postuler une infériorité de principe des consommateurs quant au défaut d’information ou d’exercice de leurs droits tiré du droit de l’Union Européenne, qui ne pourrait être levée qu’après la consultation alléguée d’un professionnel du droit, à une date qui ne procède que de la seule diligence des intéressés, et qui devrait être prise en compte comme point du départ du délai de prescription de leur action.
En ce que ce point de départ n’est désormais plus fixé à la date du contrat, mais doit être recherché au regard des circonstances concrète de l’espèce, la règle y afférente ne contrevient à aucune disposition du droit de l’Union Européenne ayant trait à la protection des consommateurs ou du droit issu de la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l’Homme au procès équitable.
Dès lors l’action en responsabilité pour dol introduite le 8 août 2023 est prescrite.
Sur l’action en responsabilité fondée sur la faute dans le déblocage des fonds pour défaut de vérification de la régularité du contrat principal et non vérification de l’exécution complète du contrat :
Selon l’article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.
La prescription d’une action en responsabilité contractuelle ne court qu’à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime si elle n’en avait pas eu précédemment connaissance.
Aux termes de l’article 2241 du même code, la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion.
Il en est de même lorsqu’elle est portée devant une juridiction incompétente ou lorsque l’acte de saisine de la juridiction est annulé par l’effet d’un vice de procédure.
Monsieur [L] et Madame [M] agissent en responsabilité contre le banquier dispensateur de crédit à qui ils reprochent d’avoir commis une faute en débloquant les fonds alors que le bon de commande était affecté d’irrégularités au regard des règles du code de la consommation applicables au démarchage à domicile.
Le dommage résultant de la faute de la banque dans le déblocage des fonds sans avoir vérifié la régularité formelle du contrat de vente, à la supposer avérée, consiste pour l’emprunteur à devoir rembourser le crédit suite au déblocage fautif des fonds.
Nonobstant l’obligation de vérification de la régularité du contrat financé au moyen du crédit affecté pesant sur la société Groupe Sofemo, aux droits de laquelle vient la S.A Cofidis, le point de départ du délai de prescription se situe au jour de la libération des fonds ou au plus tard, en l’absence de connaissance de la date de déblocage des fonds par les emprunteurs, au jour du paiement de la première échéance de remboursement.
Ensuite, le principe d’effectivité des droits du consommateur issus du droit de l’obligation de l’Union européenne, lequel impose uniquement que les dispositions du droit interne ne doivent pas rendre impossible ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par l’ordre juridique de l’Union européenne. Or, le point de départ du délai de prescription ainsi fixés au vu des pièces aux débats et la durée du délai de prescription ne portent pas atteinte au principe d’effectivité des droits du consommateur issus du droit de l’obligation de l’Union européenne.
Sur ce, la S.A Cofidis ne produit pas l’historique de compte, de sorte que la date exacte de déblocage des fonds ne peut être déterminée. Néanmoins, la libération des fonds est nécessairement intervenue au moment de la mise en production de l’installation en 2011.
L’action en responsabilité introduite le 8 août 2023, soit plus de 5 années après le déblocage des fonds, est donc prescrite.
En toutes hypothèses, à supposer que les demandeurs n’aient pas eu connaissance du déblocage des fonds, l’action a été introduite plus de 5 années après le paiement de la première mensualité intervenu en janvier 2011 selon les modalités de remboursement prévues par le contrat de crédit (report de paiement de 360 jours).
Sur l’action aux fins de prononcé de la déchéance du droit aux intérêts :
[C] [L] et [W] [M] ont la qualité de demandeurs principaux dans la présente instance et aucune demande en paiement au titre du contrat de crédit affecté n’est formée à leur encontre par la S.A Cofidis.
L’action tendant à voir prononcer la déchéance du droit aux intérêts se prescrit par cinq ans à compter de l’acceptation de l’offre de prêt.
La demande aux fins de déchéance du droit aux intérêts contractuels est donc également prescrite pour avoir été introduite plus de cinq après la signature du contrat de crédit le 17 janvier 2010.
En conséquence, il y a lieu de déclarer [C] [L] et [W] [M] irrecevables en leurs demandes.
Sur les demandes accessoires :
Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.
En l’espèce, [C] [L] et [W] [M], qui succombent à la présente instance, seront condamnés in solidum aux dépens et seront, en conséquence, déboutés de leur demande au titre des frais non répétibles.
Aux termes de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie qui succombe ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans tous les cas, le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation.
En l’espèce, [C] [L] et [W] [M] seront condamnés in solidum à payer à la S.A. Cofidis une somme de 750 euros à ce titre.
Enfin, en application de l’article 514 du code de procédure civile, le présent jugement sera assorti de l’exécution provisoire de droit.
Le juge des contentieux de la protection, statuant après débats tenus en audience publique, par jugement contradictoire, rendu en premier ressort, et mise à disposition au greffe,
DECLARE [C] [L] et [W] [M] irrecevables en leurs demandes ;
DEBOUTE [C] [L] et [W] [M] de leur demande au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE in solidum [C] [L] et [W] [M] à payer à la S.A. Cofidis la somme de 750 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE in solidum [C] [L] et [W] [M] aux dépens de l’instance ;
RAPPELLE que l’exécution provisoire est de droit.
LE GREFFIER LE JUGE
D. AGANOGLU M.CHAPLAIN
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