Responsabilité contractuelle et présomption de faute dans le cadre de la réparation automobile

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Responsabilité contractuelle et présomption de faute dans le cadre de la réparation automobile

L’Essentiel : Le 4 août 2016, la Sarl Auto Conseils a vendu un véhicule Porsche à [N] [U] pour 30 000 euros. Après des dysfonctionnements moteur constatés le 5 septembre, le véhicule a été déposé pour réparation. Le 21 septembre, la vente a été annulée et un remboursement effectué. En mars 2018, la Sarl Auto Conseils a assigné la Sas Signatures pour obtenir une expertise judiciaire. Le 25 octobre 2022, le tribunal a condamné la Sas Signatures à verser 28 899,60 euros à la Sarl Auto Conseils, qui a ensuite formé un appel incident pour des sommes supplémentaires.

Vente du véhicule et dysfonctionnements

Le 4 août 2016, la Sarl Auto Conseils a vendu un véhicule d’occasion de marque Porsche à [N] [U] pour 30 000 euros. Ce véhicule, mis en circulation pour la première fois le 1er décembre 2006, affichait 63 684 km au compteur et était garanti pour 12 mois. Le 5 septembre 2016, [N] [U] a constaté des dysfonctionnements moteur et a déposé le véhicule dans un garage, le « Centre Porsche [Localité 7] », pour réparation.

Annulation de la vente et expertise

Le 21 septembre 2016, la Sarl Auto Conseils a annulé la vente et remboursé [N] [U] en raison de l’absence de restitution du véhicule. La Sarl Auto Conseils a ensuite été informée que le véhicule était inutilisable, le moteur ne pouvant plus tourner. Le 8 décembre 2016, un sinistre a été déclaré à l’assureur, entraînant une expertise amiable contradictoire. En mars 2018, la Sarl Auto Conseils a assigné la Sas Signatures pour obtenir une expertise judiciaire.

Jugement du tribunal de commerce

Le 25 octobre 2022, le tribunal de commerce a condamné la Sas Signatures à verser plusieurs sommes à la Sarl Auto Conseils, totalisant 28 899,60 euros, ainsi qu’à payer les dépens. La Sas Signatures a fait appel de ce jugement, contestant les condamnations financières.

Prétentions des parties

La Sas Signatures a demandé l’infirmation du jugement, tandis que la Sarl Auto Conseils a formé un appel incident pour obtenir des sommes supplémentaires. Les deux parties ont présenté leurs arguments respectifs, la Sas Signatures niant toute responsabilité et la Sarl Auto Conseils affirmant sa légitimité à réclamer des réparations.

Responsabilité de la Sas Signatures

La Sarl Auto Conseils a mis en cause la responsabilité de la Sas Signatures pour son incapacité à réparer le véhicule. La Sas Signatures a contesté cette responsabilité, arguant que la panne était antérieure à son intervention. Cependant, la cour a retenu que la Sas Signatures avait une présomption de faute en raison des désordres survenus après son intervention.

Préjudices et demandes indemnitaires

La Sarl Auto Conseils a sollicité des indemnités pour divers préjudices, y compris les frais de réparation, de remise en route, de remorquage, et des pertes financières dues à l’immobilisation du véhicule. La cour a examiné chaque demande, acceptant certaines et rejetant d’autres, notamment celles liées au gardiennage et à la perte de marge.

Décision finale de la cour

La cour a confirmé la responsabilité de la Sas Signatures et a infirmé le jugement de première instance pour le surplus, condamnant la Sas Signatures à verser des sommes spécifiques à la Sarl Auto Conseils. La cour a également statué sur les frais irrépétibles, condamnant la Sas Signatures à verser 2 000 euros à la Sarl Auto Conseils.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la responsabilité de la Sas Signatures dans cette affaire ?

La responsabilité de la Sas Signatures est engagée sur le fondement de l’article 1147 du Code civil, qui stipule que « le débiteur est tenu de réparer le dommage causé par son inexécution, s’il n’établit que cette inexécution est due à une cause étrangère qui ne peut lui être imputée ».

Dans le cas présent, la Sarl Auto Conseils a démontré que le véhicule a été confié à la Sas Signatures pour réparation, et qu’il a été restitué hors service, ce qui constitue une inexécution de l’obligation de réparation.

La jurisprudence constante indique que le sous-acquéreur, en l’occurrence la Sarl Auto Conseils, peut exercer les droits de l’acheteur initial contre le réparateur. Ainsi, la Sarl Auto Conseils, en tant que sous-acquéreur, a le droit d’agir contre la Sas Signatures pour obtenir réparation des préjudices subis.

De plus, la présomption de faute pèse sur le garagiste lorsque des désordres surviennent après son intervention. La Sas Signatures n’a pas réussi à prouver qu’elle n’avait pas commis de faute ou qu’il n’y avait pas de lien de causalité entre son intervention et les désordres constatés.

Ainsi, la cour a retenu la responsabilité de la Sas Signatures pour les dommages causés au véhicule, confirmant le jugement de première instance.

Quels sont les préjudices indemnisables pour la Sarl Auto Conseils ?

La Sarl Auto Conseils a sollicité plusieurs indemnités pour couvrir les préjudices subis en raison de la faute de la Sas Signatures. Selon l’article 1382 du Code civil, « tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ».

Les préjudices indemnisables incluent :

1. **Les frais de réparation** : La Sarl Auto Conseils a demandé 26 799,60 euros pour remettre le véhicule en état. L’expert judiciaire a évalué les réparations nécessaires à 21 741,97 euros, montant qui a été retenu par la cour.

2. **Les frais complémentaires de remise en route** : La Sarl Auto Conseils a justifié une demande de 2 301,33 euros pour des frais liés à l’immobilisation prolongée du véhicule, ce qui a été accepté par la cour.

3. **Les frais de remorquage** : La Sarl Auto Conseils a produit des factures pour un total de 600 euros pour le remorquage du véhicule, qui a également été accordé.

4. **La perte financière liée à l’occupation d’un emplacement** : La Sarl Auto Conseils a demandé 28 290 euros pour la perte de revenus due à l’occupation d’un emplacement dans son garage. La cour a retenu un montant de 7 000 euros pour ce préjudice.

5. **Dommages et intérêts pour résistance anormale** : La Sarl Auto Conseils a demandé 3 000 euros pour résistance anormale, mais cette demande a été rejetée car elle n’a pas prouvé un préjudice distinct.

En somme, la cour a accordé des indemnités pour les frais de réparation, les frais de remise en route, les frais de remorquage et la perte financière, tout en rejetant la demande pour résistance anormale.

Quelles sont les implications de l’article 700 du Code de procédure civile dans cette affaire ?

L’article 700 du Code de procédure civile stipule que « la partie qui succombe dans ses prétentions est condamnée aux dépens et peut être condamnée à payer à l’autre partie une somme au titre des frais irrépétibles ».

Dans cette affaire, la Sarl Auto Conseils a été partiellement accueillie dans ses demandes, tandis que la Sas Signatures a été condamnée à verser des sommes à la Sarl Auto Conseils.

La cour a confirmé la condamnation de la Sas Signatures à payer 1 500 euros au titre de l’article 700 pour la première instance, et a également condamné la Sas Signatures à verser 2 000 euros en appel, en raison de sa position de partie succombante.

Cette disposition vise à compenser les frais engagés par la partie gagnante pour la défense de ses droits, et dans ce cas, elle a été appliquée pour couvrir les frais de justice de la Sarl Auto Conseils, renforçant ainsi l’importance de l’article 700 dans le cadre des litiges civils.

26/11/2024

ARRÊT N° 424

N° RG 22/04429 – N° Portalis DBVI-V-B7G-PFD4

MN / CD

Décision déférée du 25 Octobre 2022 – Tribunal de Commerce de TOULOUSE –

M. ROUMAGNAC

S.A.S. [Adresse 6]

C/

S.A.R.L. AUTO CONSEILS

CONFIRMATIN PARTIELLE

Grosse délivrée

le

à

Me Nicolas MATHE

Me Loïc ALRAN

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

2ème chambre

***

ARRÊT DU VINGT SIX NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE

***

APPELANTE

S.A.S. [Adresse 6]

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 8]

[Localité 2]

Représentée par Me Nicolas MATHE de la SELARL LCM AVOCATS, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMEE

S.A.R.L. AUTO CONSEILS

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Loïc ALRAN de la SCP ALRAN PERES RENIER, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 11 Septembre 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. NORGUET, conseillère, chargée du rapport et F. PENAVAYRE, magistrate honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

V. SALMERON, présidente

M. NORGUET, conseillère

F. PENAVAYRE, magistrate honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles.

Greffier, lors des débats : N.DIABY

ARRET :

– CONTRADICTOIRE

– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

– signé par V. SALMERON, présidente, et par A. CAVAN, greffier de chambre.

Faits et procédure :

Le 4 août 2016, la Sarl Auto Conseils, exerçant sous l’enseigne « Faure Auto », a vendu à [N] [U], pour un prix de 30 000 euros, un véhicule d’occasion de la marque Porsche, immatriculé [Immatriculation 4], mis en circulation pour la première fois le 1er décembre 2006 et présentant 63 684 km au compteur. Le véhicule était garanti 12 mois.

Le 5 septembre 2016, [N] [U] constatant des dysfonctionnements moteur (ratés au delà de 5 500 tours/minute), a déposé en réparation ledit véhicule dans le garage « Centre Porsche [Localité 7] », exploité par la Sas Signatures.

Le 21 septembre 2016, le véhicule n’étant pas restitué à [N] [U], la Sarl Auto Conseils a annulé la vente et lui en a remboursé le prix.

La Sarl Auto Conseils s’est alors tournée vers la Sas Signatures laquelle lui a indiqué que le véhicule n’était plus utilisable, le moteur ne pouvant plus tourner, et l’a invitée à venir le remorquer dans son garage.

Le 8 décembre 2016, la Sarl Auto Conseils a déclaré le sinistre à son assureur, qui a fait diligenter une expertise amiable contradictoire par le cabinet Mpex. La Sas Signatures a fait de même avec son assureur qui a désigné un expert pour assister également à ces opérations. Les deux experts ont fait part de leurs conclusions.

Le 21 mars 2018, la Sarl Auto Conseils a assigné la Sas Signatures devant le président du tribunal de grande instance de Toulouse, statuant en référé, aux fins de réalisation d’une expertise judiciaire, laquelle a été ordonnée par ordonnance du 14 août 2018.

L’expert judiciaire, [P] [T], a déposé son rapport le 18 avril 2019.

Le 23 janvier 2020, par acte d’huissier, la Sarl Auto Conseils a assigné la Sas Signatures devant le tribunal de commerce de Toulouse en responsabilité pour les désordres définitifs affectant le véhicule et en paiement des diverses sommes à titre de réparation des préjudices en découlant pour elle.

Par jugement du 25 octobre 2022, le tribunal de commerce a :

pris acte de ce que les demandes ont été régularisées a l’encontre de la Sas Signatures à l’enseigne Centre Porsche [Localité 7],

condamné la Sas Signatures à payer à la Sarl Auto Conseils la somme de 26 799,60 euros assortie des intérêts au taux légal a compter du 23 janvier 2020,

condamné la la Sas Signatures à payer à la Sarl Auto Conseils la somme de 600 euros assortie des intérêts au taux légal a compter du 23 janvier 2020,

débouté la Sarl Auto Conseils du surplus de ses demandes,

condamné la la Sas Signatures à payer à la Sarl Auto Conseils la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

dit l’exécution provisoire de plein droit,

condamné la la Sas Signatures aux entiers dépens incluant les frais et honoraires d’expertise amiable et judiciaire.

Par déclaration en date du 22 décembre 2022, la Sas Signatures a relevé appel du jugement du tribunal de commerce en indiquant qu’il s’agissait d’un « appel nullité ». Dans une annexe déposée le même jour, elle a sollicité l’infirmation des chefs de dispositif l’ayant condamnée à payer à la Sarl Auto Conseils la somme de 26 799,60 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 23 janvier 2020, condamnée à payer à la Sarl Auto Conseils la somme de 600 euros assortie des intérêts au taux légal a compter du 23 janvier 2020, condamnée à payer à la Sarl Auto Conseils la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et condamnée aux entiers dépens incluant les frais et honoraires d’expertise amiable et judiciaire.

Par voie de conclusions, la Sarl Auto Conseils a formé appel incident du chef de dispositif l’ayant déboutée du surplus de ses demandes.

L’ordonnance de clôture a été rendue en date du 5 septembre 2024. L’affaire a été fixée à l’audience du 11 septembre 2024.

Prétentions et moyens des parties :

Vu les conclusions d’appelant N°2 notifiées le 12 septembre 2023, auxquelles il est fait expressément référence pour l’énoncé du détail de l’argumentation, et dans lesquelles la Sas Signatures sollicite, au visa de l’article 1147 du code civil :

l’infirmation du jugement entrepris en ce qu’il l’a condamnée à payer à la Sarl Auto Conseils la somme de 26 799,60 euros assortie des intérêts au taux légal a compter du 23 janvier 2020, condamnée à payer à la Sarl Auto Conseils la somme de 600 euros assortie des intérêts au taux légal a compter du 23 janvier 2020, condamne à payer à la Sarl Auto Conseils la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et condamnée aux entiers dépens incluant les frais et honoraires d’expertise amiable et judiciaire,

en conséquence, la rejet de l’ensemble des demandes de la Sarl Auto Conseils,

sa condamnation a lui payer la somme de 4 000 euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile en cause d’appel ainsi qu’aux entiers dépens de l’appel.

En réponse, vu les conclusions d’intimée notifiées en date du 25 juillet 2024, auxquelles il est fait expressément référence pour l’énoncé du détail de l’argumentation, et dans lesquelles la Sarl Auto Conseils demande, au visa de l’article 1147 du code civil :

la confirmation du jugement entrepris en ce qu’il a condamné la Sas Signatures à payer à la Sarl Auto Conseils la somme de 26 799,60 euros assortie des intérêts au taux légal a compter du 23 janvier 2020, qu’il l’a condamnée à payer à la Sarl Auto Conseils la somme de 600 euros assortie des intérêts au taux légal a compter du 23 janvier 2020, qu’il l’a condamnée à payer à la Sarl Auto Conseils la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et qu’il l’a condamnée aux entiers dépens incluant les frais et honoraires d’expertise amiable et judiciaire,

sur son appel incident, l’infirmation du jugement entrepris en ce qu’il l’a déboutée du surplus de ses demandes,

par conséquent, et statuant à nouveau, la condamnation de la Sas Signatures a lui régler :

– la somme de 2 301,33 euros au titre des frais complémentaires liés

à la remise en route,

– la somme de 600 euros au titre des frais de remorquage,

– la somme de 28 290 euros TTC au titre des frais de gardiennage au

30 juin 2024,

– la somme de 4 500 euros TTC au titre de la marge de vente perdue

sur le véhicule,

– la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts,

en tout état de cause, sa condamnation à lui verser la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de l’appel.

MOTIFS

Sur la responsabilité de la Sas Signatures

La Sarl Auto Conseils met en cause la responsabilité de la Sas Signatures en raison de son incapacité à réparer le véhicule Porsche confié à cette fin.

La Sas Signatures dénie toute faute en mettant en avant que l’origine de la panne est restée inexpliquée et qu’elle préexistait à l’arrivée du véhicule dans son garage. Elle soutient que la Sarl Auto Conseils n’a aucun lien contractuel avec elle et ne peut, de ce fait engager sa responsabilité sur ce fondement.

La Sarl Auto Conseils réplique en indiquant qu’elle est subrogée dans les droits de [N] [U], acheteur initial, à l’encontre de l’appelante en sa qualité de sous-acquéreur.

En effet, il est de jurisprudence constante que le sous-acquéreur jouit de tous les droits et actions attachés à la chose qui appartenait à son auteur, de sorte qu’il dispose contre le réparateur de l’action en responsabilité contractuelle dont son vendeur aurait bénéficié s’il avait conservé la propriété de ladite chose. L’action ainsi engagée, fondée sur l’inexécution d’une obligation, a nécessairement le caractère d’une action contractuelle.

La Sarl Auto Conseils ayant racheté le 21 septembre 2016 le véhicule Porsche vendu à [N] [U] alors qu’il était déjà confié en réparation à la Sas Signatures depuis le 5 septembre 2016, dispose bien à l’encontre de l’appelante d’une action de nature contractuelle et est fondée à rechercher sa responsabilité sur le fondement des dispositions de l’article 1147 du code civil, dans sa version applicable au contrat en cause.

Il résulte des articles 1147 et 1315 du code civil, dans leur version applicable au cas d’espèce, que si la responsabilité du garagiste au titre des prestations qui lui sont confiées n’est engagée qu’en cas de faute, dès lors que des désordres surviennent ou persistent après son intervention, l’existence d’une faute et celle d’un lien causal entre la faute et ces désordres sont présumées.

S’agissant d’une présomption simple, le garagiste a toujours la possibilité de s’exonérer de sa responsabilité en démontrant, soit qu’il n’a pas commis de faute, soit qu’il n’y a pas de lien de causalité entre son intervention et la survenance des désordres.

Cependant, ni l’incertitude sur l’origine d’une panne, ni la difficulté à déceler cette origine ne suffisent à écarter la présomption pesant sur le garagiste.

Les parties ne contestent pas que le véhicule en cause a été apporté roulant, par la route, le 5 septembre 2016 dans le garage de la Sas Signatures par [N] [U].

A défaut de production d’autres éléments en ce sens, la Sas Signatures ne rapporte pas la preuve que la pièce N°2 qu’elle produit et qu’elle intitule, comme la Sarl Auto Conseils et les experts intervenus, « ordre de réparation » bien que l’en-tête de la pièce ne comporte que le sigle « OR », ne soit pas un véritable ordre de réparation formulé par le client mais une simple demande de diagnostic. La cour considère dès lors qu’il s’agit bien d’un ordre de réparation qui lui a été fait par le client au dépôt du véhicule.

Cet ordre de réparation mentionne les désordres suivants à l’entrée dans l’atelier : « voyant moteur allumé, vibrations du véhicule, pièces déjà remplacées par le garage vendeur, bruit au niveau de la capsule d’échappement sport, contrôler homologation des pneus ». Il est cependant constant que les dysfonctionnements évoqués n’empêchaient alors pas le véhicule de rouler.

Les parties ne contestent pas non plus que le véhicule a été restitué par la Sas Signatures à la Sarl Auto Conseils hors service et non roulant et qu’elle a dû le faire transporter par remorquage le 20 janvier 2017.

Dès lors, non seulement les désordres préexistants ont persisté après l’intervention de la Sas Signatures mais de nouveaux dommages ont été constatés puisque le moteur n’était plus en état de fonctionner lors de la restitution à la Sarl Auto Conseils.

La Sas Signatures se défend de toute faute en soulignant que le véhicule a connu plusieurs acquéreurs sur une courte période en 2016 en raison de plusieurs dysfonctionnements constatés d’affilée et que le rapport d’expertise judiciaire ne permet pas de connaître avec précision l’origine du désordre.

Les parties produisent conjointement l’expertise judiciaire réalisée en 2018 par [P] [T] et, chacune séparément, les expertises amiables réalisées concomitamment par les experts désignés par leurs assureurs, début 2017.

De l’analyse de deux rapports d’expertises amiables, il ressort que :

– les deux experts amiables ont constaté conjointement la présence de limaille de fer et de copeaux métalliques dans plusieurs éléments du moteur ainsi que de pâte à joint sur le roulement IMS. Ils ont retrouvé une bielle fortement dégradée avec dégradation du coussinet ;

– le rapport déposé par l’expert mandaté par l’assureur de la Sas Signatures indique que celle-ci a d’abord réalisé un diagnostic avant de procéder au remplacement des bobines et des bougies d’allumage puis de remonter les pièces d’origine après avoir constaté la persistance des difficultés. Un nouveau diagnostic a alors été réalisé au cours duquel le bruit moteur est devenu très important amenant la Sas Signatures à ne plus intervenir sur le véhicule. L’expert attribue la panne définitive du moteur soit à la pose trop importante de pâte à joint réalisée par la Sarl Auto Conseils dans le cadre de la préparation du véhicule à la vente, soit à un surrégime survenu 4 100 km avant la panne moteur définitive ;

– le rapport déposé par l’expert mandaté par l’assureur de la Sarl Auto Conseils, relate que le représentant de la Sas Signatures a confirmé les interventions réalisées sur le véhicule en précisant à l’expert « nous avons essayé le véhicule après chaque réglage et remplacement d’éléments ». L’expert relève que la Sas Signatures a interrogé le calculateur du véhicule de manière non contradictoire et n’a pas communiqué les résultats obtenus, ni le périmètre exact de son intervention. Pour cet expert, le désordre définitif n’a pu intervenir à l’arrêt en atelier. Il attribue l’origine de la panne définitive du moteur à l’intervention de la Sas Signatures dans la mesure où le véhicule lui avait été apporté, roulant, par la route.

Dans son rapport, l’expert judiciaire désigné, qui a répondu à tous les dires formulés par la Sas Signatures, a écarté toute implication dans la panne moteur définitive de l’intervention réalisée en amont de la vente par la Sarl Auto Conseils, tant sur la boite de vitesse qu’au niveau de l’apposition de la pâte à joint, ainsi que du surrégime de 1,4 secondes constaté 4 100 km avant la survenue de la panne moteur. Il a également écarté l’hypothèse d’un processus de dégradation progressive interne latente du moteur, entamé avant la vente entre la Sarl Auto Conseils et [N] [U].

Il a retenu que l’avarie moteur était survenue alors que le véhicule était sous la garde de la Sas Signatures. Il a cependant reconnu que les travaux de « préparation à la vente » réalisés par la Sarl Auto Conseils permettaient de conclure que le défaut de « raté-moteur » avait été identifié par celle-ci et que cette intervention avait été réalisée à titre préventif. Il a également admis qu’il était possible « dans une probabilité recevable » que le désordre ait existé préalablement à l’intervention de la Sas Signatures mais qu’aucune preuve de cette antériorité n’avait pu être matérialisée dans ses opérations ou les opérations d’expertise amiable préalables.

Enfin, il a imputé l’origine de la panne moteur définitive à la présence accidentelle d’un corps étranger non identifié ayant dégradé la bielle et ses coussinets sans pouvoir dater l’introduction dudit corps, en soulignant que cela ne relevait ni d’un défaut de fabrication, ni d’un défaut de lubrification mais d’une anomalie liée à une intervention « qui de toute évidence n’a pas respecté les règles de l’art » lors du remplacement des bougies.

Il en a conclu que le véhicule étant tombé définitivement en panne alors qu’il était confié en réparation à la Sas Signatures et après intervention de cette dernière, il pouvait être « totalement » établi un lien de causalité « entre l’intervention du Centre Porsche [Localité 7] et la dégradation subite du moteur survenue dans son atelier ou en cours d’essais routiers par ses préposés » et que le véhicule était désormais impropre à sa destination.

Dès lors, c’est en vain que la Sas Signatures avance l’origine restée inexpliquée de la panne pour se dédouaner de sa responsabilité puisque ceci n’est pas de nature à écarter la présomption de faute et de lien de causalité découlant de la persistance des défauts constatés antérieurement et inclus dans l’ordre de réparation donné ainsi que de la survenue de nouveaux désordres, ayant rendu le véhicule définitivement impropre à son usage.

La caractérisation d’une faute à l’encontre de l’appelante est suffisant pour confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a retenu sa responsabilité contractuelle à l’égard de la Sarl Auto Conseils.

Sur les préjudices et les demandes indemnitaires de la Sarl Auto Conseils

En réparation des préjudices subis du fait de la faute de la Sas Signatures, la Sarl Auto Conseils sollicite l’allocation des sommes suivantes à titre de dommages et intérêts.

– sur la somme de 26 799,60 euros au titre du montant des réparations nécessaires

La Sarl Auto Conseils sollicite cette somme aux fins de remise en état du véhicule en indiquant que, si elle ne conteste pas le montant des réparations chiffré à 21 741,97 euros par l’expert judiciaire, elle souligne que ce chiffrage datant du 4 décembre 2018 doit être actualisé. Elle produit pour justifier de la somme sollicitée un devis de réparation émanant du garage [O].

La Sas Signatures conteste qu’il puisse être alloué un montant supérieur au chiffrage fait par l’expert judiciaire, en rappelant qu’il est établi que le véhicule souffrait de défauts avant même de lui être confié. Elle affirme donc que l’intimée ne peut lui réclamer l’ensemble des sommes nécessaires à sa complète remise en état.

En l’espèce, outre que l’expert judiciaire a noté qu’une partie des dysfonctionnements antérieurs, notamment de la boite de vitesse, avaient bien fait l’objet de réparations, il a également indiqué qu’ils étaient sans lien avec la panne définitive survenue de sorte que la Sas Signatures ne peut en exciper pour se soustraire, même partiellement, au paiement.

L’expert judiciaire a préconisé le « remplacement du bas moteur complet avec contrôles et révision des culasses » et chiffré ces travaux à la somme de 21 741,97 euros suivant devis du garage [O], lequel n’est pas annexé au rapport de sorte que la cour ne peut s’assurer que le devis actualisé fournit par la Sarl Auto Conseils porte bien sur les mêmes prestations et que l’actualisation du montant sollicité ne découle que de l’écoulement du temps.

Le préjudice est attesté par la Sarl Auto Conseils. Sa demande indemnitaire est donc accueillie à la hauteur de la somme préconisée par l’expert judiciaire soit 21 741,97 euros que la Sas Signatures est condamnée à lui verser. Le jugement de première instance est infirmé sur ce montant.

– sur la somme de 2 301,33 euros au titre des frais complémentaires liés a la remise en route

La Sarl Auto Conseils rappelle que l’expert judiciaire a chiffré à 500 à 1 000 euros les frais complémentaires de remise en route suite à l’immobilisation prolongée, comprenant les remplacements nécessaires de la batterie, des essuie-glace, du système de freinage .. Elle fournit un devis, émanant de ses propres services, daté du 29 mars 2021 afin de justifier le montant de 2 301,33 euros réclamés à ce titre.

La Sas Signatures s’oppose à ce chiffrage en indiquant que la Sarl Auto Conseils ne rapporte pas la preuve du fait que l’immobilisation prolongée au delà du dépôt du rapport de l’expert judiciaire justifie l’octroi d’une somme plus importante que celle avancée par ce dernier.

La cour constate que le devis fourni, émanant certes de l’intimée, ne fait référence qu’à des remplacements et vérifications entrant dans le champ de celles préconisées par l’expert judiciaire. Il sera donc fait droit à cette demande. La Sas Signatures sera condamnée à lui verser de ce chef la somme de 2 301,33 euros.

– sur la somme de 600 euros au titre des frais de remorquage

La Sarl Auto Conseils sollicite le remboursement des sommes versées au titre du remorquage du véhicule et produit 4 factures de 150 euros au nom d'[S] [J] pour des remorquages des 24 février et 24 mars 2017, liés au déplacement du véhicule dans le cadre des opérations d’expertise, ainsi que du 15 octobre et 19 octobre 2018.

La Sas Signatures n’oppose aucun argument.

Il est constant que le véhicule, non roulant, a dû être transporté dans le garage [Localité 5] pour la réalisation des diverses expertises avant d’être récupéré par la Sarl Auto Conseils. Son préjudice étant avéré, sa demande indemnitaire est accueillie à hauteur des 600 (4×150) euros réclamés.

– sur la somme de 600 euros au titre du gardiennage du moteur dans le garage [O]

La Sarl Auto Conseils sollicite l’indemnisation des frais de gardiennage du moteur, démonté, dans les locaux du garage [O] à l’occasion des opérations d’expertise et fournit pour en justifier un devis émis par ledit garage.

La Sas Signatures s’oppose à cette demande en indiquant que le garage [O] n’avait pas à facturer un dépôt dans le cadre des opérations d’expertise et que par ailleurs, la production du seul devis ne permet pas d’affirmer que la Sarl Auto Conseils a bien acquitté cette somme dont elle demande remboursement.

La production du seul devis daté du 1er avril 2021 n’est pas suffisante, à défaut de production de facture ou de preuve de paiement, pour justifier du préjudice allégué à ce titre par l’intimée. Sa demande indemnitaire sera rejetée et le jugement de première instance infirmé sur ce point.

– la somme de 28 290 euros TTC au titre des frais de gardiennage au 30 juin 2024,

La Sarl Auto Conseils sollicite le paiement de la perte financière subie du fait de l’immobilisation du véhicule au sein de ses propres locaux depuis le 27 mars 2017. Elle affirme qu’il occupe une place qui a vocation à être utilisée pour garder en dépôt, à titre onéreux, les véhicules de ses clients et qu’il en résulta dès lors pour elle une perte de revenus. Elle indique facturer habituellement cet emplacement 15 euros par jour d’occupation et évalue donc le préjudice financier subi, au 30 juin 2024, à la somme de 28 290 euros TTC.

La Sas Signatures met en avant le caractère infondé dans son principe comme dans son montant de la demande, dans la mesure où l’intimée n’a pas vocation à se facturer des frais de gardiennage à elle-même et que les frais de gardiennage ne sont applicables au contrat de dépôt que s’il est l’accessoire d’un contrat d’entreprise, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.

La cour retient que c’est maladroitement que la Sarl Auto Conseils intitule les frais dont elle demande le remboursement « frais de gardiennage » quand il ressort de ses écritures que c’est bien de la perte financière causée par l’occupation d’un emplacement ayant vocation à être occupé à titre onéreux par les véhicules de ses clients qu’elle demande réparation. Les objections de la Sas Signatures sont donc inopérantes de ce chef.

Cependant, en l’état des éléments produits à la cour, la Sarl Auto Conseils ne justifie aucunement du taux moyen de remplissage des places de son garage sur les années concernées et donc du calcul des sommes demandées, ce qui ne permet pas de retenir le montant avancé. La cour retient le principe du préjudice subi et alloue à ce titre, la somme de 1000 euros TTC pour chaque année écoulée, soit de mars 2017 à juin 2024, la somme de 7 000 euros TTC.

La demande indemnitaire formulée à ce titre par l’intimée est donc accueillie mais seulement à hauteur de la somme de 7 000 euros TTC que la Sas Signatures sera condamnée à lui verser.

– sur la somme de 4 500 euros TTC au titre de la marge de vente perdue sur le véhicule

La Sarl Auto Conseils sollicite le remboursement de la perte de marge faite sur la vente du véhicule qu’elle a racheté 26 500 euros TTC à [N] [U].

La Sas Signatures indique, à juste titre, que la reprise du véhicule a un prix inférieur au prix de vente par la Sarl Auto Conseils n’est que la résultante d’un choix personnel réalisé par l’intimée.

La Sarl Auto Conseils a indiqué avoir procédé à ce rachat en urgence, seulement 3 semaines après le dépôt du véhicule auprès de la Sas Signatures, pour préserver son image commerciale, [N] [U] s’étant montré très mécontent du délai de traitement par l’appelante.

La cour constate donc que c’est de son plein gré et sans connaître à cette date les perspectives de réparation et de restitution du véhicule, qu’elle a fait le choix, à titre purement commercial, de reprendre celui-ci, à son acheteur initial. Le rachat s’est cependant fait à un prix inférieur au prix de vente initial de sorte que la Sarl Auto Conseils n’a aucun préjudice à faire valoir de ce chef. Sa demande indemnitaire est rejetée.

– sur la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance anormale de la Sas Signatures.

La Sarl Auto Conseils sollicite l’allocation de dommages et intérêts en raison de la résistance « anormale » de la Sas Signatures.

L’appelante oppose une absence de démonstration d’un préjudice distinct.

La Sarl Auto Conseils ne démontre pas en quoi la Sas Signatures qui, à l’évidence, s’est crue dans son bon droit pour s’opposer à ses demandes, a commis une faute ayant fait dégénérer en abus l’exercice de son droit de défendre en justice.

Dès lors, sa demande en dommages et intérêts à ce titre est rejetée.

Le jugement de première instance est infirmé en ce qu’il a condamné la Sas Signatures à payer à la Sarl Auto Conseils la somme de 26 799,60 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 23 janvier 2020, la somme de 600 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 23 janvier 2020 et débouté la Sarl Auto Conseils du surplus de ses demandes.

Les demandes de la Sarl Auto Conseils sont accueillies comme indiqué dans le corps de l’arrêt ci-dessus et la Sas Signatures est condamnée à lui payer les sommes arrêtées dans le dispositif.

La Sarl Auto Conseils sollicite enfin la confirmation du jugement entrepris en ce qu’il a assorti la condamnation en paiement au titre des réparations nécessaires des intérêts au taux légal à compter du 23 janvier 2020, date de l’assignation. Il y a lieu de faire droit à cette demande, étant précisé qu’elle n’est pas formulée pour les autres demandes de condamnation à paiement.

Sur les frais irrépétibles,

Confirmé dans son principe, le jugement de première instance le sera également sur ses dispositions relatives aux dépens et frais irrépétibles de première instance.

La Sas Signatures, partie succombante, sera condamnée aux dépens d’appel.

Les circonstances de l’espèce justifient que la Sas Signatures soit condamnée à verser à la Sarl Auto Conseils la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, elle-même étant déboutée de sa demande formulée sur ce fondement.

PAR CES MOTIFS,

La Cour,

Confirme le jugement entrepris en ce qu’il a retenu la responsabilité de la Sas Signatures, condamné la la Sas Signatures à payer à la Sarl Auto Conseils la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et condamné la Sas Signatures aux entiers dépens incluant les frais et honoraires d’expertise amiable et judiciaire,

Infirme le jugement entrepris pour le surplus,

Et, statuant à nouveau des chefs infirmés,

Condamne la Sas Signatures à payer à la Sarl Auto Conseils la somme de 21 741,97 euros assortie des intérêts au taux légal a compter du 23 janvier 2020 au titre des réparations nécessaires,

Condamne la Sas Signatures à payer à la Sarl Auto Conseils la somme de 2 301,33 euros au titre des frais complémentaires liés a la remise en route,

Condamne la Sas Signatures à payer à la Sarl Auto Conseils la somme de 600 euros au titre des frais de remorquage,

Condamne la Sas Signatures à payer à la Sarl Auto Conseils la somme de 7 000 euros TTC au titre de la perte financière liée à l’occupation d’un emplacement dans les locaux de la Sarl Auto Conseils,

Déboute la Sarl Auto Conseils de ses demandes indemnitaires formulées au titre du gardiennage du moteur, de la perte de marge et de la résistance abusive,

Y ajoutant,

Condamne la Sas Signatures aux dépens d’appel,

Condamne la Sas Signatures à verser à la Sarl Auto Conseils la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Déboute la Sas Signatures de sa demande formée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier La Présidente.


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