Responsabilité contractuelle et obligations de résultat dans le cadre de travaux de construction.

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Responsabilité contractuelle et obligations de résultat dans le cadre de travaux de construction.

L’Essentiel : Madame [F] a engagé Monsieur [D] pour des travaux d’extension de son sous-sol à [Localité 4], sans acte de réception. En février 2023, elle l’a assigné devant le Tribunal judiciaire de Lyon pour obtenir le remboursement de 104 074,28 € et une indemnisation pour préjudice moral, en raison de malfaçons. Le tribunal a constaté des désordres justifiant une indemnisation de 58 730 € et 1 000 € pour préjudice moral. La demande reconventionnelle de Monsieur [D] pour 16 830 € a été rejetée. Il est condamné à payer les dépens et 2 000 € à Madame [F] pour ses frais de justice.

Exposé du litige

Madame [F] a engagé Monsieur [D] pour des travaux d’extension de son sous-sol à [Localité 4]. Aucun acte de réception n’a été effectué. En février 2023, Madame [F] a assigné Monsieur [D] devant le Tribunal judiciaire de Lyon pour obtenir le remboursement des travaux et une indemnisation pour les désordres constatés. L’affaire a été mise en délibéré pour janvier 2025.

Prétentions et moyens des parties

Dans ses conclusions, Madame [F] demande le rejet des demandes de Monsieur [D] et réclame un remboursement de 104 074,28 €, ainsi qu’une indemnisation pour préjudice moral et des frais de justice. Elle explique avoir payé un total de 30 000 € pour des travaux qui n’ont pas été réceptionnés et qui ont engendré des malfaçons. Monsieur [D], en réponse, conteste les demandes de Madame [F] et réclame le paiement d’une facture de 16 830 € pour des travaux supplémentaires.

Motifs de la décision

Le tribunal rappelle que l’entrepreneur a une obligation de résultat pour réaliser un ouvrage exempt de vice. Les rapports d’expertise et les constatations d’huissier révèlent de nombreuses malfaçons dans les travaux réalisés par Monsieur [D]. Ces désordres sont suffisamment établis pour justifier une indemnisation. Madame [F] a engagé des frais pour la démolition et la remise en état, mais n’a pas respecté les procédures de mise en demeure avant d’agir. Le tribunal évalue les préjudices matériels à 58 730 € et accorde également une indemnisation pour préjudice moral de 1 000 €.

Demande reconventionnelle de Monsieur [D]

Monsieur [D] demande le paiement d’une facture de 16 830 € pour des travaux qu’il estime non réglés. Cependant, étant donné que les travaux réalisés étaient affectés de malfaçons, sa demande est rejetée.

Frais du procès et exécution provisoire

Monsieur [D], ayant perdu le procès, est condamné à payer les dépens et à verser 2 000 € à Madame [F] pour ses frais de justice. L’exécution provisoire est ordonnée.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les obligations de l’entrepreneur en matière de travaux de construction ?

L’entrepreneur est soumis à une obligation de résultat, ce qui signifie qu’il doit réaliser un ouvrage exempt de vices. Cette obligation est clairement énoncée dans l’article 1792 du Code civil, qui stipule :

« Tout constructeur d’un ouvrage est responsable de plein droit à l’égard du maître de l’ouvrage, de la solidité de l’ouvrage et de ses éléments d’équipement, ainsi que des vices de construction. »

En cas de manquement à cette obligation, le maître d’ouvrage peut demander réparation des conséquences de l’inexécution, conformément à l’article 1217 du Code civil, qui précise que :

« La partie envers laquelle l’engagement n’a pas été exécuté, ou l’a été imparfaitement, peut demander réparation des conséquences de l’inexécution. »

Ainsi, l’entrepreneur doit s’assurer que les travaux réalisés respectent les normes en vigueur et ne présentent pas de défauts qui pourraient compromettre la sécurité ou l’usage de l’ouvrage.

Quels recours sont disponibles pour le maître d’ouvrage en cas de malfaçons ?

En cas de malfaçons, le maître d’ouvrage dispose de plusieurs recours, comme le prévoit l’article 1222 du Code civil :

« Après mise en demeure, le créancier peut, dans un délai et à un coût raisonnables, faire exécuter lui-même l’obligation ou, sur autorisation préalable du juge, détruire ce qui a été fait en violation de celle-ci. Il peut demander au débiteur le remboursement des sommes engagées à cette fin. »

Cela signifie que si l’entrepreneur ne remédie pas aux malfaçons après avoir été mis en demeure, le maître d’ouvrage peut procéder à la réparation des désordres à ses frais et demander le remboursement des sommes engagées.

De plus, l’article 1231-1 du Code civil permet au créancier d’obtenir des dommages et intérêts en raison de l’inexécution de l’obligation, ce qui inclut les frais engagés pour remédier aux malfaçons.

Comment évaluer le préjudice en cas de travaux mal exécutés ?

L’évaluation du préjudice en cas de travaux mal exécutés doit se faire sur la base des frais engagés pour la remise en état, conformément au principe de la réparation intégrale. L’article 1231-2 du Code civil précise que :

« Les dommages et intérêts dus au créancier sont, en général, de la perte qu’il a faite et du gain dont il a été privé. »

Dans le cas présent, le préjudice peut être évalué en tenant compte des sommes versées pour les travaux mal réalisés, ainsi que des frais de démolition et de remise en état. Le tribunal doit s’assurer que les montants réclamés sont justifiés par des éléments de preuve, tels que des factures détaillées et des attestations de travaux réalisés.

Quelles sont les conséquences de l’absence de réception des travaux ?

L’absence de réception des travaux a des conséquences importantes sur la responsabilité de l’entrepreneur. En effet, selon l’article 1792-6 du Code civil :

« La réception des travaux est l’acte par lequel le maître de l’ouvrage déclare accepter l’ouvrage, avec ou sans réserves. »

Sans réception, l’entrepreneur peut être tenu responsable des vices cachés et des malfaçons, car la présomption de conformité ne s’applique pas. Cela signifie que le maître d’ouvrage peut revendiquer des réparations sans avoir à prouver que les défauts existaient au moment de la réception.

En l’espèce, l’absence de réception des travaux permet à Madame [F] de contester la qualité des ouvrages réalisés et de demander réparation des préjudices subis.

Quels sont les effets de la mise en demeure sur les obligations contractuelles ?

La mise en demeure est un acte juridique qui a pour effet de rappeler à l’autre partie ses obligations contractuelles. Selon l’article 1231-1 du Code civil :

« Le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, s’il ne justifie pas que l’exécution a été empêchée par la force majeure. »

La mise en demeure permet donc au créancier de faire courir les délais pour l’exécution de l’obligation et de se prévaloir de ses droits en cas d’inexécution. Dans le cas présent, Madame [F] aurait dû adresser une mise en demeure à Monsieur [D] avant d’engager des travaux de réparation, afin de pouvoir réclamer le remboursement des frais engagés.

Comment se prononce le tribunal sur les demandes d’indemnisation ?

Le tribunal se prononce sur les demandes d’indemnisation en tenant compte des éléments de preuve fournis par les parties. Il doit évaluer le préjudice subi par le créancier et déterminer si les demandes sont justifiées. L’article 1231-2 du Code civil stipule que :

« Les dommages et intérêts dus au créancier sont, en général, de la perte qu’il a faite et du gain dont il a été privé. »

Le tribunal doit donc s’assurer que les montants réclamés correspondent à des pertes réelles et prouvées. Dans le cas présent, le tribunal a évalué le préjudice de Madame [F] en tenant compte des paiements effectués, des frais de démolition et des travaux de remise en état, pour établir un montant total d’indemnisation.

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE LYON

Chambre 3 cab 03 D

N° RG 23/01040 – N° Portalis DB2H-W-B7H-XTCC

Jugement du 07 Janvier 2025

Notifié le :

Grosse et copie à :
Me Marie FRISCH – 2544
Me Florian MICHEL – 2478

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Le Tribunal judiciaire de LYON, statuant publiquement et en premier ressort, a rendu, le 07 Janvier 2025 devant la Chambre 3 cab 03 D le jugement contradictoire suivant,

Après que l’instruction eut été clôturée le 29 Avril 2024, et que la cause eut été débattue à l’audience publique du 01 Octobre 2024 devant :

Delphine SAILLOFEST, Vice-Président,
Marc-Emmanuel GOUNOT, Vice-Président,
Cécile WOESSNER, Vice-Présidente,
Siégeant en formation Collégiale,

Assistés de Anne BIZOT, Greffier,

Et après qu’il en eut été délibéré par les magistrats ayant assisté aux débats dans l’affaire opposant :

DEMANDERESSE

Madame [P] [F]
née le 26 Juin 1941 à [Localité 3] (ALGERIE),
demeurant [Adresse 2]

représentée par Maître Marie FRISCH, avocat au barreau de LYON (avocat postulant) et par Maître Juliette HEINTZ, avocat au barreau de PARIS (avocat plaidant)

DEFENDEUR

Monsieur [K] [D],
demeurant [Adresse 1]

représenté par Maître Florian MICHEL, avocat au barreau de LYON

EXPOSE DU LITIGE

Exposé des faits et de la procédure

Madame [F] a confié à Monsieur [D], entrepreneur individuel, des travaux d’extension du sous-sol de sa maison sise à [Localité 4].
Aucune réception n’est intervenue.

Suivant exploit de commissaire de justice en date du 08 février 2023, Madame [P] [F] a fait assigner Monsieur [K] [D] devant le Tribunal judiciaire de Lyon aux fins de remboursement des travaux et d’indemnisation des désordres affectant les ouvrages réalisés.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 29 avril 2024 et l’affaire a été fixée à plaider à l’audience du 1er octobre 2024. L’affaire a été mise en délibéré au 07 janvier 2025.

Prétentions et moyens des parties

Dans ses conclusions en réponse n°1 notifiées le 18 octobre 2023, Madame [P] [F] demande au tribunal de :
vu l’article 1103 du Code civil,
vu les articles 1222, 1231-1 et suivants du Code civil,
vu l’article 700 du Code de procédure civile,
– débouter Monsieur [D] de toutes ses demandes, fins et conclusions,
– condamner Monsieur [D] à lui payer la somme de 104 074,28 €, portant intérêts au taux légal à compter de la date du jugement à intervenir, au titre des différentes dépenses qui doivent lui être remboursées,
– condamner Monsieur [D] à lui payer la somme de 5 000 euros au titre du préjudice moral,
– condamner Monsieur [D] à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

Elle expose qu’elle a souhaité faire réaliser des travaux d’extension du sous-sol de sa maison par la création de deux pièces de 24 m² et 38 m², et a accepté un devis établi par Monsieur [D] le 08 août 2020 pour un montant total de 30 000 €. Elle précise que les travaux de création de la première pièce de 24 m² ont débuté en octobre 2020 et ceux de la seconde pièce de 38 m² en janvier 2021, après obtention d’une autorisation de la mairie. Elle souligne qu’elle a effectué plusieurs paiements, au démarrage des travaux puis en cours de chantier, à hauteur de 16 500 € par chèques et virements et 13 500 € en espèces, outre les frais supplémentaires de location d’une machine à hauteur de 1 230 € et de pose de carrelage à hauteur de 2 500 €. Elle indique que Monsieur [D] lui a adressé une facture d’un montant de 16 830 € TTC correspondant aux règlements par chèques et virements bancaires, mais que les travaux n’ont pas été réceptionnés.

Elle soutient qu’elle a constaté dès le 7 mars 2021 une importante inondation du sous-sol de sa maison, mais que Monsieur [D] a refusé d’intervenir, sollicitant en réponse le paiement de sa facture qui avait pourtant fait l’objet des paiements en cours de chantier. Elle se prévaut d’une mesure d’expertise amiable à laquelle Monsieur [D] a été convoqué mais n’a pas souhaité participer, et dont le rapport met en évidence d’importantes malfaçons nécessitant la démolition intégrale des ouvrages, ainsi que d’un procès-verbal de constat d’huissier constatant l’abandon du chantier et les malfaçons entachant les travaux, et indique qu’elle a dû faire réaliser à ses frais les travaux de démolition et remise en état des ouvrages.

Elle recherche la responsabilité contractuelle de Monsieur [D] pour manquement à son obligation de résultat de réaliser un ouvrage exempt de vice, et souligne que la réalité des désordres est suffisamment établie par le rapport d’expertise amiable, l’urgence à réaliser les travaux de reprise ne lui ayant pas permis de solliciter la désignation d’un expert judiciaire. Elle soutient que son préjudice est constitué des frais qu’elle a supportés pour la réalisation des travaux, ainsi que des frais de démolition, évacuations et réparation des ouvrages existants endommagés, dont elle sollicite le remboursement sur le fondement de l’article 1222 du Code civil. Elle invoque en outre un préjudice moral.

En réponse à la demande reconventionnelle en paiement formée par Monsieur [D], elle soutient que la facture émise correspond aux paiements qu’elle a réalisés par chèques et virements et n’a été établie qu’à des fins de comptabilité pour Monsieur [D].

Dans ses conclusions en défense n°1 notifiées le 11 mai 2023, Monsieur [K] [D] demande au tribunal de :
à titre principal,
– rejeter l’ensemble des demandes formées,
à titre subsidiaire,
– rejeter la demande de remboursement,
– ramener à de plus justes proportions les demandes indemnitaires,
en tout état de cause,
– condamner Madame [F] à payer la somme de 16 830 € TTC au titre du solde des travaux,
– condamner Madame [F] à payer la somme de 2 500 € au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Il fait valoir que le devis accepté portait sur la création d’une pièce de 24 m² et que Madame [F] a demandé en cours de travaux la création d’une deuxième pièce de 38,5 m², ce qui l’a conduit à établir, après l’achèvement des travaux, une facture finale et complémentaire d’un montant de 16 830 €.

Il soutient que le rapport d’expertise privé invoqué par Madame [F] n’est pas contradictoire, qu’il lui est inopposable et ne peut fonder une condamnation à son encontre. Il conteste en outre les conclusions de ce rapport puisque les désaffleurements des carrelages qu’il relève n’ont fait l’objet d’aucune mesure, de sorte que le non respect de la tolérance prévue au DTU n’est pas établi, que la non conformité du tuyau d’évacuation a été retenue sans mesure de pente, que la fissuration et le tassement au droit de l’escalier ne sont pas démontrés, pas plus que le risque pour la solidité de l’ouvrage. Il ajoute que le devis ne prévoyait pas la mise en oeuvre d’une étanchéité, qui n’était pas obligatoire s’agissant d’un sous-sol non habitable. Il soutient en outre qu’il n’est pas démontré qu’une démolition était nécessaire, que Madame [F] ne peut solliciter à la fois le paiement des travaux de reprise et le remboursement des travaux réalisés, et que le montant des travaux de reprise n’est pas justifié, la facture produite n’étant pas détaillée et afférant à des zones où il n’est pas intervenu. Il estime que le comportement fautif qui lui est reproché n’est pas démontré, pas plus que le préjudice moral allégué.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur les demandes de Madame [F]

L’article 1217 du Code civil dispose que la partie envers laquelle l’engagement n’a pas été exécuté, ou l’a été imparfaitement, peut :
– refuser d’exécuter ou suspendre l’exécution de sa propre obligation ;
– poursuivre l’exécution forcée en nature de l’obligation ;
– obtenir une réduction du prix ;
– provoquer la résolution du contrat ;
– demander réparation des conséquences de l’inexécution.
Les sanctions qui ne sont pas incompatibles peuvent être cumulées. Des dommages et intérêts peuvent toujours s’y ajouter.

Selon l’article 1222 du même code, après mise en demeure, le créancier peut, dans un délai et à un coût raisonnables, faire exécuter lui-même l’obligation ou, sur autorisation préalable du juge, détruire ce qui a été fait en violation de celle-ci. Il peut demander au débiteur le remboursement des sommes engagées à cette fin. Il peut aussi demander en justice que le débiteur avance les sommes nécessaires à cette exécution ou à cette destruction.

En application de l’article 1231-1, le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, s’il ne justifie pas que l’exécution a été empêchée par la force majeure.
L’article 1231-2 précise que les dommages et intérêts dus au créancier sont, en général, de la perte qu’il a faite et du gain dont il a été privé.

Les manquements contractuels de Monsieur [D]

L’entrepreneur est tenu, avant réception, d’une obligation de résultat de réaliser un ouvrage exempt de vice.

Un rapport d’ expertise amiable peut valoir à titre de preuve dès lors qu’il est soumis à la libre discussion des parties. Ainsi le juge ne peut refuser d’examiner un rapport d’expertise amiable, même établi non contradictoirement, dès lors qu’il est versé aux débats.
Toutefois le juge ne peut se fonder exclusivement sur une expertise réalisée à la demande de l’une des parties et il lui appartient de rechercher si ce rapport est corroboré par d’autres éléments de preuve.

En l’espèce il est constant que Madame [F] a confié à Monsieur [D] la réalisation des travaux d’extension de son sous-sol par la création de deux pièces d’une surface de 24 m² et 38,5 m², nécessitant des travaux d’excavation et terrassement, le coulage d’une dalle béton, l’élévation des murs, la réalisation d’un plancher en béton sur poutrelles hourdis et la pose de carrelage en terrasse sur l’extension, outre des travaux de consolidation des arcades existantes.

Il est également constant que les travaux n’ont pas fait l’objet d’une réception.

Le rapport de l’expertise amiable réalisée le 15 avril 2021 par la société KSD EXPERTISES & CONSEILS à la demande de Madame [F], à laquelle Monsieur [D] a été convoqué mais n’a pas participé, relève plusieurs désordres sur les travaux réalisés.

S’agissant de la terrasse réalisée sur l’extension du sous-sol, le rapport relève que le revêtement de sol de la terrasse comporte un grand nombre de désaffleurements, avec des différentiels de niveau de 2 à 4 mm, entraînant un risque de chute, et de stagnation des eaux de pluie susceptibles de générer des infiltrations en sous-sol et des chutes en cas de gel. Les mêmes désordres sont relevés sur le revêtement de la terrasse arrière, où une verrière a été mise en oeuvre dans le dallage sur sous-sol, et où il est relevé une stagnation d’eau, des infiltrations vers le sous-sol et un important différentiel de niveau. Concernant la verrière, il est relevé l’absence d’étanchéité périphérique performante, seuls ayant été posés de cordons de mastic grossièrement mis en oeuvre, des dépôts de condensation en sous-face et des infiltrations directes lors de la mise en eau de la terrasse. De plus seule une dalle en verre est posée, alors que le devis en mentionne 4.

Le procès-verbal de constat d’huissier de justice établi le 11 octobre 2021 décrit sur le toit terrasse Nord une absence de planéité mise en évidence par la pose d’un niveau au sol ainsi que des différences de niveau, et sur la terrasse Ouest des différences de niveau du dallage, une absence de planéité de l’ensemble, la présence d’amas de matière collés de type béton, des reprises grossières, la présence d’une sorte de batardeau réalisé pour créer une différence de niveau et des dalles et joints fendus et cassés. Il relève également l’absence de joint en pourtour du puit de lumière.
Les photographies jointes au rapport amiable permettent de constater que les désaffleurements sont visibles, et supérieurs à la tolérance fixée par le DTU 52.2 en sa partie 1-1-3 : Cahier des clauses techniques types pour les sols intérieurs et extérieurs, soit 0,5 mm augmenté du dixième de la largeur du joint.

La réalité de ces désordres est suffisamment établie.

Le rapport amiable relève également que le tuyau d’évacuation des eaux pluviales est soumis au gel sur toute sa longueur et présente une pente d’écoulement quasi-inexistante, la pente minimale obligatoire étant de 1,5%, ce qui rend l’évacuation inopérante. Le procès-verbal de constat d’huissier du 11 octobre 2021 confirme que la descente d’eaux pluviales longe horizontalement le muret de la terrasse et que son cheminement n’a quasiment pas de pente sur plusieurs mètres. Monsieur [D], qui critique l’absence de mesure de pente, n’apporte aucune précision technique sur les travaux qu’il a réalisés et sur les dispositions prises pour assurer le bon écoulement gravitaire des eaux, alors que les photographies jointes au rapport amiable montrent clairement que le tuyau d’évacuation chemine à l’horizontale le long de la terrasse.
La réalité de ce désordre est suffisamment établie.

Il résulte encore du rapport amiable que le muret de l’escalier vers la porte d’entrée présente une fissuration de désolidarisation et que la fondation de ce muret est dans le vide et n’est plus soutenue que par un parpaing inséré en-dessous. Le rapport indique qu’il existe un risque d’effondrement de l’escalier qui nécessite une reprise intégrale en sous-oeuvre.
Les photographies jointes montrent que les fondations du muret ne sont plus soutenues.
Le procès-verbal de constat confirme que le muret situé en partie haute de l’escalier préexistant de la maison est fissuré en plusieurs endroits.
Monsieur [M], gérant de l’entreprise chargée des travaux de reprise, indique également dans son attestation que l’escalier menant à la porte d’entrée a dû être reconstruit parce que trop fragilisé par les premiers travaux et la démolition.
Ainsi la réalité de ce désordre est suffisamment établie par ces éléments concordants.

Le rapport d’expertise amiable indique ensuite concernant l’extension du sous-sol que:
– elle est réalisée en blocs de béton irrégulièrement montés tant en façade que dans l’angle de la construction. Les décalages de blocs sont visibles à l’oeil nu sur les photographies jointes,
– la partie enterrée ne comporte pas de protection de soubassement,
– l’ouverture constituée de briques de verre n’est pas surplombée d’un linteau béton,
– la partie vide du côté du muret des voisins est dépourvue de protection de soubassement et d’étanchéité et des gravats comblent une partie du vide au sol.
L’expert amiable souligne que ces dispositions sont problématiques car des infiltrations de masse se produiront avec certitude et que les briques de verre se briseront sous la pression de la structure.

S’agissant des infiltrations, l’expert amiable relève, à l’intérieur de l’extension, d’importantes traces d’infiltration des eaux pluviales et une importante stagnation d’eau au sol de 3 à 4 cm, en pieds des murs de la façade comportant des briques de verre (partiellement enterrée comme le montrent les photographies) et jusqu’à l’arrière de la construction côté jardin (mur enterré). Il indique que l’eau s’infiltre de tous côtés, tant des parties enterrées dépourvues de toute protection d’étanchéité que des points singuliers de la terrasse.
L’expert amiable retient dans son rapport que les murs sont de catégorie 1, soumis à protection et étanchéité, dès lors que Madame [F] souhaitait s’en servir de chambre ou de bureau.
Le DTU 20.1 distingue, pour les parois enterrées, les murs de catégorie 1 pour les locaux habitables en sous-sol où aucune trace d’humidité n’est admise, les murs de catégorie 2 pour les locaux techniques, garages ou caves, où des infiltrations limitées peuvent être tolérées, et les murs de catégorie 3 pour les murs de vide-sanitaire ou de terre-plein qui n’ont pas de fonction d’étanchéité et qui n’ont qu’une fonction porteuse.

En l’espèce aucun élément du dossier ne permet d’affirmer que l’extension du sous-sol devait être habitable et Monsieur [D] ne s’est vu confier aucuns travaux de second oeuvre. En revanche il n’est pas contestable que les travaux consistaient en la création de deux pièces avec sources de lumières, qui étaient donc destinées à être occupées. Les murs devaient ainsi être a minima de catégorie 2, tolérant des infiltrations limitées, ce qui n’est pas le cas en l’espèce, puisque le sol est couvert d’eau stagnante sur plusieurs centimètres et que l’expert indique que la pièce est inutilisable et ne peut être catégorisée autrement qu’un vide sanitaire.

Le procès-verbal de constat réalisé le 11 octobre 2021 décrit dans la pièce au Nord, sur le sol des auréoles d’humidité et de l’eau stagnante par endroits, des murs humides voire mouillés au toucher, et des poutrelles en plafond humides, voire mouillées, présentant des gouttes d’eau, dans la pièce Sud/Ouest un sol humide au toucher et auréolé sur toute sa surface, des cloisons humides au toucher voire mouillées, et des poutrelles en plafond recouvertes de gouttes d’eau stagnantes, avec un goutte à goutte par endroits et un trou d’environ 15 cm dans deux moellons.

S’agissant de la solidité de la structure, l’expert amiable relève un important flambement du mur de structure à l’avant, qui résulte d’un défaut d’aplomb lors du montage. Il ajoute que l’extension créée a été réalisée en procédant à des ancrages et jonctions structurelles avec la partie ancienne, que des poteaux de soutien de l’ancienne partie ont été supprimés et remplacés par des linteaux métalliques enchevêtrés et soudés les uns aux autres, sans prise en compte des sollicitations de la structure ni de la descente des charges, que les linteaux sont sous-dimensionnés et dépourvus d’appui vertical, que le linteau dans le sens de la largeur présente un flambement, et qu’un poteau de soutien constitué de parpaings creux montés les uns sur les autres a été mis en oeuvre directement en appui sur le dallage. Dans la partie ancienne, l’expert indique qu’un approfondissement a été réalisé à l’arrière de la construction, que deux poteaux de soutien ont été créés pour reprendre les charges de l’ancienne structure, que ces poteaux sont tordus et présentent un défaut d’aplomb de 6 cm par mètre, qu’ils sont constitués de blocs de parpaings creux hourdés au mortier de ciment positionnés dans le sens de la longueur, c’est à dire de leur fragilité, et reposant directement sur le dallage béton sans aucune semelle isolée, et que la jonction haute des poteaux réalisée en reprise des anciennes fondations a été réalisée par de simples hourdages au mortier de ciment sans alignement des parties entre elles.
L’expert amiable relève que ces travaux, réalisés sans étude de structure, entraînent des risques d’effondrement des parties anciennes et nouvelles, et préconise à titre préventif la mise en oeuvre d’étais.

Le procès-verbal de constat réalisé le 11 octobre 2021 décrit dans la pièce au Nord la présence de deux fers métalliques soudés de manière sommaire, de deux poutrelles maçonnées correspondant aux fondations de la maison préexistante dont les fers sont visibles et les arêtes épaufrées, le tout étant étayé. Dans la pièce Sud/Ouest, il est indiqué que la poutrelle maçonnée est renforcée par des colonnes qui ne sont pas droites et semblent menacer de s’écrouler, et que cinq étais ont été installés.
Monsieur [M] indique également dans son attestation avoir dû consolider la structure fragilisée et démolir une grande partie de la construction des deux pièces.

Il résulte de ces éléments que les constats de l’expert amiable sont corroborés par les constats de l’huissier de justice, que les désordres et malfaçons sont en grande partie visibles sur les photographies jointes au rapport, qu’en conséquence Monsieur [D] a manqué à son obligation de résultat de réaliser un ouvrage exempt de vice et que l’ampleur et la gravité des malfaçons, qui ont nécessité un étaiement provisoire, justifient la prescription de démolition intégrale formulée par l’expert amiable en conclusion de son rapport.

La sanction des manquements contractuels

Le rapport d’expertise amiable indique que les travaux sont empreints de malfaçons telles qu’ils sont à démolir dans leur intégralité. Il en va de même pour les revêtements extérieurs pour lesquels est préconisée une dépose totale avec remise en état des existants.

En outre les dégradations des existants nécessitent des travaux de renforcement, s’agissant notamment des fondations de l’escalier, mais également de la structure de la partie ancienne de la maison.

Madame [F] sollicite, sur le fondement de l’article 1222 du Code civil, le remboursement des frais de démolition et réparation qu’elle a engagés. Elle produit à ce titre une facture de la société AREBA CONSTRUCTION datée du 18 mai 2022, d’un montant de 70 344,28 € TTC.

Il sera toutefois observé que Madame [F] n’est pas fondée à invoquer les dispositions de l’article 1222 du Code civil, dès lors qu’elle ne justifie pas d’une mise en demeure de Monsieur [D] préalable à l’exécution des travaux – la mise en demeure du 1er avril 2022 qu’elle produit sollicitant déjà le remboursement de travaux de reprise réalisés, mais à hauteur de 74 046,61 € et visant une autre facture du 31 décembre 2021 – ni d’une autorisation du juge préalable à la démolition.

Madame [F] ne sollicite ni une réduction du prix ni une résolution du contrat.

Sa demande ne peut donc s’analyser que sous l’angle de l’indemnisation des conséquences de l’inexécution.

Le principe de la réparation intégrale doit tendre à replacer le créancier dans la situation où il se serait trouvé si le contrat avait été correctement exécuté.

Le juge ne peut refuser de statuer sur une demande dont il admet le bien-fondé en son principe, au motif de l’insuffisance des preuves fournies par une partie.

En l’espèce Monsieur [D] ne conteste pas avoir reçu de Madame [F] des paiements pour un montant total de 33 730 €, par chèques, virements et remises d’espèces.

Contrairement à ce qu’il soutient, la demanderesse ne sollicite pas en sus du remboursement de cette somme l’indemnisation des travaux de reprise, mais celle des frais de remise en état de l’existant.

Elle produit à ce titre la facture de la société AREBA CONSTRUCTION correspondant selon elle aux frais de démolition, évacuation et réparation des ouvrages existants endommagés. Cette affirmation est toutefois contredite tant par les mentions de la facture, qui contient des postes “travaux de construction”, “fourniture et pose de dalle béton au sous-sol” et “pose de carrelage sur toit terrasse non étanché”, que par l’attestation de Monsieur [M], gérant de la société AREBA CONSTRUCTION, qui indique notamment avoir dû refaire la dalle de la grande pièce de 38,5 m², qui faisait l’objet de la construction nouvelle. De plus cette facture ne détaille pas, comme il est d’usage, les travaux réalisés, se contentant de lister des “travaux de renforcement, pose des IPN, démolition côté jardin, démolition côté rue, travaux de construction, démolition de la dalle du sous-sol, évacuation des gravas, fourniture et pose de dalle béton au sous-sol et pose de carrelage sur toit terrasse non étanché”, sans que soient mentionnés les surfaces, quantités et montants de chacun de ces postes. Il convient de s’interroger sur les travaux qu’elle recouvre réellement puisque dans son courrier de mise en demeure du 1er avril 2022, Madame [F] mentionnait une facture du 31 décembre 2021 d’un montant de 74 046,61 € correspondant “aux réparations des dégradations et aux frais de démolition, d’évacuation, de réparation des ouvrages existants endommagés tels que l’escalier”, qui n’est pas produite dans le cadre de la présente instance. Ainsi ce seul document, non corroboré par d’autres éléments, tels qu’un procès-verbal de constat en cours et/ou à l’issue des travaux, ne peut fonder une condamnation indemnitaire.

Aussi, dès lors que le principe du dommage est établi, il sera évalué sur la base des éléments suivants :
– le coût des travaux payés en pure perte par Madame [F], soit la somme de 33 730 €,
– le coût des travaux de démolition des ouvrages, qui sera évalué à la somme de 15 000 € (sur la base d’un coût moyen de démolition de 100 €/m3 pour un volume d’extension d’environ 150 m3),
– le coût des travaux de reprise des fondations de l’escalier, de la structure de la partie ancienne de la maison, et de remise en état des existants, qui sera évalué à 10 000 €,
soit un montant total de : 58 730 €.

Ce montant, qui est à mettre en rapport avec le coût des travaux de remise en état et remboursement évalué sommairement par l’expert amiable dans une fourchette de 50 000 € à 65 000 €, sera retenu en indemnisation du préjudice de Madame [F].

Monsieur [D] sera donc condamné à lui payer la somme de 58 730 €, qui portera intérêts au taux légal à compter de la présente décision.

L’ampleur des désordres affectant son lieu d’habitation est de nature à causer à Madame [F] un préjudice moral qui sera indemnisé à hauteur de 1 000 €.

Sur la demande reconventionnelle de Monsieur [D]

Monsieur [D] sollicite le paiement de sa facture du 6 février 2021 d’un montant de 16 830 € TTC, qui correspond selon lui au coût de la construction de la seconde pièce de 38,5 m². Indépendamment du débat existant entre les parties sur la question de savoir si cette facture correspond aux travaux visés dans le devis et d’ores et déjà payés ou à des travaux supplémentaires non encore payés, il ressort des développements qui précèdent que l’intégralité des travaux réalisés par Monsieur [D] étaient affectés de malfaçons et ont dus être démolis, l’indemnisation du dommage en résultant pour Madame [F] consistant dans le remboursement des sommes versés en pure perte et l’indemnisation des frais de démolition et de remise en état. Dès lors, Monsieur [D] n’est pas fondé à réclamer le paiement de cette somme.

La demande sera rejetée.

Sur les frais du procès et l’exécution provisoire

Monsieur [D], succombant, supportera les dépens de l’instance et sera condamné à verser à Madame [F] la somme de 2 000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

L’exécution provisoire est de droit.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort,

Condamne Monsieur [K] [D] à verser à Madame [P] [F] la somme de 58 730 € en indemnisation de ses préjudices matériels, outre intérêts au taux légal à compter de la présente décision,

Condamne Monsieur [K] [D] à verser à Madame [P] [F] la somme de 1 000 € en indemnisation de son préjudice moral,

Déboute Monsieur [K] [D] de sa demande reconventionnelle en paiement,

Condamne Monsieur [K] [D] aux dépens,

Condamne Monsieur [K] [D] à verser à Madame [P] [F] la somme de 2 000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,

Remis au greffe en vue de sa mise à la disposition des parties, le présent jugement a été signé par le Président, Mme SAILLOFEST, et le Greffier, Mme BIZOT.

Le Greffier Le Président,


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