Responsabilité contractuelle et désordres de construction : enjeux de la conformité et de l’impropriété à destination

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Responsabilité contractuelle et désordres de construction : enjeux de la conformité et de l’impropriété à destination

L’Essentiel : Mme [T] [F] a engagé la Sarl Rhin Habitat pour la construction de sa maison en janvier 2016. Après réception des travaux en décembre 2017, elle a découvert une fuite d’eau et a assigné la Sarl ainsi que son assureur, la Sa Mma Iard, pour obtenir réparation. Le tribunal a reconnu la responsabilité de la Sarl Rhin Habitat pour des manquements dans l’exécution des travaux, condamnant l’entreprise à verser 27 527,50 euros pour préjudice matériel et 5 200 euros pour préjudice immatériel, tout en rejetant les demandes de dommages supplémentaires.

Contexte du litige

Mme [T] [F] a signé un contrat de construction avec la Sarl Rhin Habitat le 26 janvier 2016 pour la construction d’une maison individuelle, incluant des travaux réservés pour un montant total de 149 033 euros. Des avenants ont été ajoutés pour des modifications spécifiques des travaux, et la réception de l’ouvrage a eu lieu le 15 décembre 2017.

Problèmes rencontrés

Après la réception, Mme [F] a constaté une fuite d’eau dans une chambre et a déclaré le sinistre à son assureur, la Sa Mma Iard. Une expertise amiable a été réalisée, suivie d’une assignation en justice pour ordonner une expertise judiciaire, qui a été acceptée par le tribunal en mars 2021.

Demandes de Mme [F]

Mme [F] a ensuite assigné la Sarl Rhin Habitat et la Sa Mma Iard pour obtenir réparation de ses préjudices, demandant des indemnités pour des travaux de reprise, des frais d’expertise, des préjudices de jouissance, ainsi que des frais irrépétibles.

Arguments de Mme [F]

Elle a soutenu que l’ouvrage était impropre à sa destination en raison de désordres constatés, imputables à la Sarl Rhin Habitat. Elle a également affirmé que la responsabilité de la Sarl Gangi Granieri était exclue, et que la Sarl Rhin Habitat ne pouvait pas se dégager de sa responsabilité en raison des travaux réservés.

Réponse de la Sarl Rhin Habitat

La Sarl Rhin Habitat a contesté les demandes de Mme [F], arguant que les désordres étaient liés aux travaux réservés qu’elle avait exécutés elle-même. Elle a également demandé à être déchargée de toute responsabilité en raison de l’absence de désordres de nature décennale.

Position de la Sa Mma Iard

La Sa Mma Iard a également rejeté les demandes de Mme [F], affirmant que les désordres n’avaient pas de caractère décennal et que l’expert avait exclu toute responsabilité à son égard.

Décision du tribunal

Le tribunal a statué que la Sarl Rhin Habitat était responsable des désordres en raison de manquements dans la conception et l’exécution des travaux. Il a condamné la Sarl Rhin Habitat à verser des indemnités à Mme [F] pour préjudice matériel et immatériel, tout en rejetant les demandes de dommages et intérêts supplémentaires.

Conséquences financières

La Sarl Rhin Habitat a été condamnée à verser un total de 27 527,50 euros pour le préjudice matériel et 5 200 euros pour le préjudice immatériel, ainsi qu’une somme de 2 734 euros au titre des frais de justice. Les demandes de la Sarl Rhin Habitat et de la Sa Mma Iard ont été rejetées.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la responsabilité de la Sarl Rhin Habitat au regard de la garantie décennale ?

La responsabilité décennale de la Sarl Rhin Habitat est régie par les articles 1792 et suivants du Code civil. Selon l’article 1792, « tout constructeur d’un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l’acquéreur de l’ouvrage, des dommages, même résultant d’un vice du sol, qui compromettent la solidité de l’ouvrage ou qui, l’affectant dans l’un de ses éléments constitutifs ou l’un de ses éléments d’équipement, le rendent impropre à sa destination. »

Il est important de noter que pour engager cette responsabilité, il faut prouver que les désordres sont imputables aux travaux réalisés par le constructeur. En l’espèce, l’expert a constaté des traces d’humidité et de moisissures, mais a également précisé que « la solidité de l’ouvrage et sa fonction ne sont pas remises en question dans l’état actuel de l’évolution des désordres. »

Ainsi, bien que des désordres aient été identifiés, ceux-ci ne compromettent pas la solidité de l’ouvrage, ce qui empêche l’application de la garantie décennale. Par conséquent, la demande de dommages et intérêts de Mme [F] sur ce fondement ne peut prospérer.

Quelles sont les implications de l’article 1103 du Code civil dans ce litige ?

L’article 1103 du Code civil stipule que « les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits. » Cela signifie que les parties au contrat sont tenues de respecter les obligations qu’elles ont convenues. Dans le cadre de ce litige, Mme [F] soutient que la Sarl Rhin Habitat a manqué à ses obligations contractuelles en ne livrant pas un ouvrage conforme aux stipulations contractuelles.

L’expert a mis en évidence plusieurs manquements dans la conception et l’exécution des travaux, tels que l’absence de cloison hydrofuge et le choix inapproprié de l’implantation du tableau électrique. Ces éléments constituent des manquements aux obligations contractuelles de la Sarl Rhin Habitat, ce qui engage sa responsabilité sur le fondement de l’article 1103.

Il est donc établi que la Sarl Rhin Habitat a manqué à ses obligations contractuelles, ce qui ouvre la voie à une demande de dommages et intérêts de la part de Mme [F].

Comment la Sarl Rhin Habitat peut-elle se défendre contre les accusations de manquement contractuel ?

La Sarl Rhin Habitat peut se défendre en invoquant l’article 1147 du Code civil, qui stipule que « le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, toutes les fois qu’il ne justifie pas que l’inexécution provient d’une cause étrangère qui ne peut lui être imputée. »

Dans ce cas, la Sarl Rhin Habitat soutient que les désordres constatés relèvent des travaux réservés par Mme [F], ce qui signifie qu’elle n’est pas responsable des défauts liés à ces travaux. Elle argue également que les entrepreneurs chargés de ces travaux étaient des sous-traitants choisis par Mme [F], ce qui pourrait exonérer la Sarl Rhin Habitat de toute responsabilité.

Cependant, la Sarl Rhin Habitat doit prouver que les désordres ne sont pas imputables à ses choix de conception et d’exécution. Si elle ne parvient pas à établir cette preuve, elle pourrait être condamnée à indemniser Mme [F] pour les préjudices subis.

Quels sont les critères pour établir un préjudice immatériel dans ce litige ?

Le préjudice immatériel, tel que défini par la jurisprudence, se réfère à la souffrance morale ou à la perte de jouissance d’un bien. Dans le cadre de ce litige, Mme [F] a demandé des dommages et intérêts pour préjudice de jouissance, affirmant qu’elle a subi des désagréments en raison des désordres dans son habitation.

Pour établir un préjudice immatériel, il est nécessaire de prouver que le dommage a eu un impact significatif sur la jouissance du bien. L’article 1147 du Code civil, qui traite des dommages et intérêts, stipule que la réparation doit viser à rétablir la victime dans la situation où elle se serait trouvée si l’acte dommageable ne s’était pas produit.

Dans ce cas, bien que des traces d’humidité aient été constatées, l’expert a noté que Mme [F] n’a pas contesté avoir occupé les pièces affectées. Par conséquent, la demande de préjudice de jouissance pour la période antérieure aux travaux a été rejetée, car il n’a pas été prouvé qu’elle avait subi un trouble dans la jouissance de son bien.

Quelles sont les conséquences de l’article 700 du Code de procédure civile dans ce litige ?

L’article 700 du Code de procédure civile permet au juge de condamner la partie perdante à payer à l’autre partie une somme au titre des frais irrépétibles, c’est-à-dire des frais qui ne peuvent pas être récupérés dans le cadre de l’instance. Dans ce litige, Mme [F] a demandé des frais au titre de cet article.

La Sarl Rhin Habitat, en tant que partie perdante, a été condamnée à verser à Mme [F] une somme de 2 734 euros au titre de l’article 700. Cela signifie que le tribunal a reconnu que les frais engagés par Mme [F] pour mener à bien son action en justice étaient justifiés et qu’elle devait être indemnisée pour ces frais.

Cette disposition vise à garantir que la partie qui a raison dans un litige ne soit pas pénalisée par les coûts de la procédure, renforçant ainsi l’accès à la justice.

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MULHOUSE
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[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 5]
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Première Chambre Civile

MINUTE n°
N° RG 22/00353
N° Portalis DB2G-W-B7G-HZZM

KG/BD
République Française

Au Nom du Peuple Français

JUGEMENT

DU 26 novembre 2024
Dans la procédure introduite par :

Madame [T] [F]
demeurant [Adresse 2] – [Localité 7]

représentée par Me Céline RICHARDOT, avocat au barreau de MULHOUSE, vestiaire : 75

– partie demanderesse –

A l’encontre de :

S.A. MMA IARD
dont le siège social est sis [Adresse 1] – [Localité 8]

représentée par Maître Thomas WETTERER de l’AARPI WETTERER – CHARLES, avocats au barreau de MULHOUSE, vestiaire : 22

S.A.R.L. RHIN HABITAT exerçant sous l’enseigne MAISONS ARLOGIS
dont le siège social est sis [Adresse 3] – [Localité 6]

représentée par Me Franck MERKLING, avocat postulant, avocat au barreau de STRASBOURG et Me Caroline BACH, avocat plaidant, avocat au barreau de MULHOUSE, vestiaire : 26

– partie défenderesse –

CONCERNE : Demande d’exécution de travaux, ou de dommages-intérêts, formée par le maître de l’ouvrage contre le constructeur ou son garant, ou contre le fabricant d’un élément de construction

Le Tribunal composé de Blandine DITSCH, Juge au Tribunal de céans, statuant à Juge unique, et de Thomas SINT, Greffier

Jugement contradictoire en premier ressort

Après avoir à l’audience publique du 15 octobre 2024, entendu les avocats des parties en leurs conclusions et plaidoiries, et en avoir délibéré conformément à la loi, statuant comme suit, par jugement mis à disposition au greffe ce jour :

EXPOSÉ DU LITIGE

Suivant acte sous seing privé en date du 26 janvier 2016, Mme [T] [F] a conclu avec la Sarl Rhin Habitat un contrat de construction d’une maison individuelle d’habitation avec fourniture de plan sur un terrain sis […] (68), pour un montant de 149 033 euros.

Le contrat a stipulé le coût des travaux et fournitures confiés à la Sarl Rhin Habitat à la somme de 77 835 euros, le maître de l’ouvrage se réservant l’exécution de travaux pour un montant de 70 033 euros.

Un avenant dit “avenant aux travaux réservés” portant sur le remplacement d’une cloison au tour du débarras de l’étage a été conclu le 14 mars 2017.

Un second avenant dit “avenant n° 1” relatif à la fourniture et la pose d’un écran sous toiture et au remplacement de frisettes en bois par des frisettes en PVC en pignons a été signé le même jour.

La Sarl Gangi Granieri a exécuté les travaux des lots chauffage et sanitaire.

La réception de l’ouvrage est intervenue le 15 décembre 2017.

Constatant la présence d’une fuite d’eau dans l’une des chambres, Mme [F] a déclaré le sinistre auprès de la Sa Mma Iard, en sa qualité d’assureur dommages-ouvrage, qui a diligenté une expertise amiable réalisée par le cabinet Eurisk, suivant rapport en date du 5 juillet 2019.

Suivant exploit d’huissier de justice en date du 17 novembre 2020, Mme [F] a fait assigner la Sarl Rhin Habitat et la Sarl Gangi Granieri devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Mulhouse aux fins de voir ordonner une expertise judiciaire.

Par décision du 19 mars 2021, le juge des référés du tribunal judiciaire de Mulhouse a ordonné une expertise confiée à M. [X] [J] (RG 20/00474).

L’expert a déposé son rapport le 16 février 2022.

Par exploit de commissaire de justice en date du 9 juin 2022, Mme [F] a fait assigner la Sarl Rhin Habitat et la Sa Mma Iard devant le tribunal judiciaire de Mulhouse aux fins de les voir condamnées à l’indemniser de ses préjudices.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 22 avril 2024, Mme [F] demande au tribunal de :
– condamner solidairement la Sarl Rhin Habitat et la Sa Mma Iard à lui payer au titre du préjudice matériel :
* 38 236,27 euros de dommages et intérêts pour le préjudice matériel au titre des travaux de reprise à effectuer
* 2 000 euros au titre des frais d’expertise
* 984 euros pour les frais relatifs aux opérations de recherche de fuite ;
– condamner solidairement la Sarl Rhin Habitat et la Sa Mma Iard à lui payer la somme de 15 000 euros au titre du préjudice de jouissance subi depuis 2020, ainsi que 5 200 euros au titre du préjudice de jouissance subi pendant la durée des travaux et 250 euros au titre des frais d’agence immobilière soit au total 20 450 euros ;

– condamner solidairement la Sarl Rhin Habitat et la Sa Mma Iard à lui payer la somme de 4000 euros au titre des frais irrépétibles visés à l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner solidairement la Sarl Rhin Habitat et la Sa Mma Iard à lui payer aux entiers dépens, qui comprendront les frais de la présente instance ainsi que les frais de référé et d’expertise.

A l’appui de ses demandes, Mme [F] soutient, au visa des articles 1103 et 1792 du code civil, pour l’essentiel :
– que l’ouvrage est impropre à sa destination, puisque le rapport d’expertise fait état de désordres sur la cloison séparant la chambre de la cuisine et de traces d’humidité au pied de ladite cloison,
– que ce désordre est imputable à la Sarl Rhin Habitat, l’expert ayant estimé que celui-ci provient d’un phénomène de condensation résultant du choix de la mise en place de trois gaines d’attente qui traversent le plancher sans réservation préalable, de l’absence de préconisation d’un système d’isolation thermique protégeant la traversée du plancher des trois gaines, du choix de ne pas mettre en place de cloison hydrofuge, du choix de l’implantation du tableau électrique principal, de l’absence de prise en compte technique de l’hydrologie défavorable, de l’orientation du saut de loup en façade, de l’absence de couche drainante au sol du vide sanitaire et de l’absence d’un débit de circulation d’air suffisant vu le degré d’hygrométrie élevé du vide sanitaire,
– que l’expert a exclu toute responsabilité de la Sarl Gangi Granieri, en l’absence de fuite,
– que la Sarl Rhin Habitat ne peut pas s’exonérer de sa responsabilité en arguant des travaux réservés, les entreprises tierces ayant été choisies par la défenderesse suivant contrat de sous-traitance et diligentées par celle-ci sur le chantier, étant ajouté qu’elle n’avait pas d’accès au chantier, et que l’expert a mis en cause la conception, la mise en oeuvre et la direction des travaux,
– qu’elle ne peut pas davantage soutenir qu’il existe une fuite alors que la société Résilians, intervenue dans le cadre des opérations d’expertise, a exclu toute fuite,
– que l’humidité et la moisissure sur les murs caractérisent l’impropriété à destination,
– que, subsidiairement, la maison livrée n’est pas conforme aux stipulations contractuelles de sorte que la Sarl Rhin Habitat doit l’indemniser de ses préjudices sur le fondement de la garantie contractuelle de droit commun de l’article 1103 du code civil,
– qu’elle produit des devis justifiant de lui allouer une somme supérieure à celle retenue par l’expert au titre des travaux de remise en état,
– qu’elle subit également un préjudice de jouissance depuis deux ans, outre les désagréments à venir dans le cadre des travaux de reprise avec l’obligation de se reloger pendant quatre mois, les frais de relogement ayant été évalués par une agence immobilière dont les frais d’intervention doivent également lui être remboursés.

Par conclusions signifiées par Rpva le 3 avril 2024, la Sarl Rhin Habitat sollicite du tribunal de :
– débouter Mme [F] de ses prétentions,
– subsidiairement, condamner la Sa Mma Iard, en sa qualité d’assureur décennal à la garantir de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre,

en tout état de cause,
– débouter Mme [F] de toute demande fondée sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi que visant la prise en charge des dépens de la procédure,
– condamner Mme [F] au versement d’une somme de 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner Mme [F] aux entiers frais et dépens de la procédure.

Au soutien de ses prétentions, la Sarl Rhin Habitat fait valoir, au visa des articles 1792 et suivants du code civil, en substance :
– que la recherche de fuite réalisée dans le cadre des opérations d’expertise n’est pas exhaustive, puisqu’elle n’a pas porté sur le réseau d’approvisionnement en eau du lave-vaisselle, ni sur le réseau d’évacuation des eaux sales au départ de cet équipement,
– qu’aux termes de la notice descriptive, Mme [F] s’est réservé l’exécution des lots plâtrerie, électricité, sanitaires, chauffage, chappes, menuiserie intérieure et branchements/raccordements,
– que Mme [F] ne justifie pas de l’allégation selon laquelle elle aurait diligenté les entreprises intervenues pour l’exécution des lots réservés,
– que les demandes formées par Mme [F] ne peuvent pas davantage aboutir sur le fondement de l’article 1103 du code civil, celle-ci ne justifiant pas du non-respect des stipulations contractuelles,
– que l’ensemble des causes du désordre identifié par l’expert relève des lots réservés,
– que s’agissant de l’absence de débit de circulation d’air suffisante dans le vide sanitaire, l’expert a relevé que la section totale de ventilation est conforme de sorte qu’aucun défaut de conception ou de réalisation ne lui est imputable, étant précisé que Mme [F] s’était réservé les sauts de loup et aération du vide sanitaire,
– que, subsidiairement, la sa Mma Iard, en sa qualité d’assureur responsabilité décennale, doit la garantir de toute condamnation mise à sa charge si le caractère décennal des désordres était retenu,
– que Mme [F] n’indique pas en quoi les devis qu’elle produit doivent être retenus en remplacement des sommes évaluées par l’expert,
– que la demande formée au titre du préjudice de jouissance est totalement exorbitante.

Suivant conclusions notifiées par voie électronique le 18 juin 2024, la Sa Mma Iard demande au tribunal de :
– débouter Mme [F] de l’intégralité de ses demandes en principal, frais et accessoire,
– rejeter l’intégralité des demandes régularisées à son encontre,
– condamner Mme [F] à lui verser un montant de 1 000 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner Mme [F] aux dépens.

A l’appui de ses demandes, la Sa Mma Iard expose, au visa des articles 1792 et suivants du code civil, principalement :
– que l’expert judiciaire a expressément exclu tout caractère décennal des désordres, puisqu’ils ne compromettent pas la solidité de l’ouvrage et ne le rendent pas impropre à sa destination,
– que l’expert a relevé la présence d’humidité par capillarité entraînant une condensation occasionnelle à l’occasion de remontées occasionnelle du vide sanitaire, et non une humidité permanente, et a pu constater la présence de traces d’humidité, et non d’humidité en elle-même.

Une ordonnance de clôture a été rendue le 12 septembre 2024.

Il est, en application de l’article 455 du code de procédure civile, pour plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, renvoyé au dossier de la procédure, aux pièces versées aux débats et aux conclusions des parties ci-dessus visées.

MOTIFS

Sur la demande de dommages et intérêts formée par Mme [F] à l’encontre de la Sarl Rhin Habitat

Sur la responsabilité décennale de la Sarl Rhin Habitat

Il est rappelé que les constructeurs auxquels les désordres sont imputables peuvent engager leurs responsabilités spécifiques, décennale, biennale ou de parfait achèvement, en vertu des articles 1792 et suivants du code civil, de même que leur responsabilité contractuelle de droit commun fondée sur l’article 1147 du code civil, dans sa version applicable au présent litige, pour les désordres réservés à la réception, voire pour les dommages dits intermédiaires à condition que ces derniers aient été cachés au moment de la réception ou en l’absence de réception.

Les dispositions de l’article 1792 du code civil prévoient que tout constructeur d’un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l’acquéreur de l’ouvrage, des dommages, même résultant d’un vice du sol, qui compromettent la solidité de l’ouvrage ou qui, l’affectant dans l’un de ses éléments constitutifs ou l’un de ses éléments d’équipement, le rendent impropre à sa destination.
Une telle responsabilité n’a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d’une cause étrangère.

Il est constant que la garantie décennale d’un constructeur ne peut être engagée qu’en présence de désordres imputables aux travaux qu’il a réalisés (Cass. 3e civ., 14 janv. 2009, n° 07-19.084).

Elle est également engagée lorsque le désordre procède de la conception de l’ouvrage lorsque le constructeur en est chargé (Cass. 3e civ., 28 janv. 1998, n°95-16.328).

En vertu de l’article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention de sorte qu’il appartient à Mme [F] d’apporter la preuve d’un désordre et de son imputabilité à la Sarl Rhin Habitat.

Il est constant qu’un désordre qui ne compromet pas la solidité de l’ouvrage, doit le rendre impropre à sa destination pour permettre l’application du régime de responsabilité décennal.

A cet égard, la Cour de cassation a jugé, s’agissant d’une importante humidité sur les murs périphériques du sous-sol d’un habitation que “par leur importance, leur persistance et leur étendue, ces désordres rendaient le sous-sol impropre à sa destination de garage et relevaient de la garantie décennale” (Cass. 3e civ., 16 sept. 2015, n° 14-12.198).

De même, “la récurrence des désordres et l’importance du taux d’humidité relevé par l’expert dans la pièce située en rez-de– jardin (…) rendaient l’appartement ainsi que la cave qui n’avait pas vocation à être inondée, impropres à leur destination” (Cass. 3e civ., 14 mai 2020, n° 19-10.921).

Il est rappelé qu’en vertu de l’article 246 du code de procédure civile, le juge n’est pas lié par les conclusions de l’expert.

En l’espèce, il résulte du rapport d’expertise judiciaire établi par M. [J] le 16 février 2022 que celui-ci a constaté des traces d’humidité et de la moisissure au pied de la cloison côté cuisine et côté chambre.

S’agissant, plus précisément, de la présence d’humidité, le rapport de recherche de fuite établi le 18 novembre 2021 par la société Résilians a permis de constater que le revêtement mural de la chambre a présenté un taux d’humidité de 70 % (graduation de 135,7 sur 200, la graduation 200 désignant un matériaux saturé en eau) et a relevé la présence d’humidité sur l’ensemble des murs du soubassement (graduation de 176,9 et 177,3 sur 200).

L’expert a estimé que le désordre provient d’une condensation localisée dans le vide sanitaire, sur une zone centrée sur la traversée du plancher qui remonte par capillarité et altère la cloison en plâtre non hydrofuge.

Mme [F] apporte donc la preuve d’un désordre affectant l’ouvrage.

S’agissant de la gravité requise par les dispositions de l’article 1792 du code civil, l’expert a expressément retenu que la “solidité de l’ouvrage et sa fonction ne sont pas remise en question dans l’état actuel de l’évolution des désordres”.

A cet égard, si l’expert a constaté la présence d’humidité et de moisissures, ce constat n’est pas suffisant pour caractériser l’impropriété à destination, puisque celui-ci a relevé que les désordres étaient circonscrits au pied de la cloison séparant la chambre de la cuisine et qu’aucun élément versé aux débats ne permet d’établir la présence permanente ou même récurrente d’humidité, l’humidité n’ayant été relevée qu’à l’occasion de la recherche de fuite réalisée par le cabinet Résilians, puisque l’expert n’a constaté, lors de la première réunion d’expertise, que des traces d’humidité.

Dès lors, il n’est pas établi que la bonne habilité des pièces soit compromise de sorte qu’il doit être retenu que les désordres ne revêtent pas de caractère décennal.

Par conséquent, la demande de dommages et intérêts formée par Mme [F] à l’encontre de la Sarl Rhin Habitat sur le fondement de la responsabilité décennale ne peut pas prospérer.

Sur la responsabilité contractuelle de la Sarl Rhin Habitat

En application de l’article 1103 du code civil que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.

Aux termes de l’article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, toutes les fois qu’il ne justifie pas que l’inexécution provient d’une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu’il n’y ait eu aucune mauvaise foi de sa part.

Il est constant qu’après livraison, la responsabilité contractuelle du constructeur ne peut être engagée que pour faute prouvée.

Il est observé que, bien que Mme [F] ne se fonde pas expressément sur les dispositions de l’article 1147 du code civil, celle-ci fait valoir que la responsabilité de la Sarl Rhin Habitat est engagée puisque celle-ci a manqué à son obligation de livrer un bien conforme aux stipulations contractuelles, ce qui s’analyse en un manquement aux obligations contractuelles.

Sur le manquement contractuel

En l’espèce, l’expert judiciaire a imputé le désordre à de mauvais choix et directives techniques de la Sarl Rhin Habitat qui :
– a choisi de mettre en place trois gaines traversant le plancher sans réservation préalable,
– n’a pas préconisé un système d’isolation thermique protégeant cette traversée, ce qui a engendré un pont thermique et favorisé la condensation au droit du passage des gaines,
– n’a pas mis en place de cloison hydrofuge entre la cuisine, pièce humide, et la chambre,
– a mal choisi l’implantation du tableau électrique principal dans le placard de la chambre,
– n’a pas techniquement pris en compte l’hydrologie particulièrement défavorable, le plafond moyen de la nappe phréatique se situant à 2 mètres de profondeur, ce qui contribue à favoriser le degré d’humidité des sols et des murs,
– a orienté le saut de loup en façade côté pluie battante, permettant ainsi le passage de l’eau de pluie directement dans le vide sanitaire,
– n’a pas installé de couche drainante dans le vide sanitaire,
– a mal réparti les bouches d’aération, empêchant un brassage d’air suffisant par convection naturelle.

Contrairement à ce que soutient la Sarl Rhin Habitat, le rapport de recherche de fuite établi le 18 novembre 2021 par la société Résilians a expressément exclu toute fuite sur les réseaux d’alimentation, d’évacuation et de chauffage de l’habitation de sorte qu’il importe peu que ledit rapport ne relate aucune recherche sur le lave-vaisselle et les réseaux correspondants.

La Sarl Rhin Habitat fait valoir qu’elle ne saurait être tenue responsable des locateurs d’ouvrage intervenus à la construction pour l’exécution des lots que le maître de l’ouvrage s’était réservés.

A cet égard, il résulte des conditions particulières du contrat de construction en date du 26 janvier 2016 que le maître de l’ouvrage s’est réservé l’exécution de travaux pour un montant total de 70 033 euros, somme incluant les fournitures.

L’annexe 1 du contrat, produite par Mme [F], permet de constater que divers lots sont restés à la charge du maître de l’ouvrage et notamment :
– “lot 8 : plâtrerie
– lot 9 : électricité
– lot 10 : sanitaire
Moins meuble évier
+ 1 douche extraplate 90×90
+ 1 lavabo
– lot 11 : chauffage
– lot 12 : chapes
– lot 13 : menuiserie intérieure
– garage type préfabriqué type ZAPF (selon plans)
– finition entre garage et maison (selon plans)
– test de perméabilité
– géomètre
– branchement / raccordements
– taxe de raccordement
– taxe d’aménagement + redevanche archéologie prev”

Mme [F] fait valoir que les entrepreneurs chargés de l’exécution des travaux réservés sont intervenus en qualité de sous-traitant du maître d’oeuvre, ayant été choisis par lui et leur ayant donné l’ensemble des directives sur le chantier.

Cependant, si les pièces 11 et 12 versées aux débats par la demanderesse sont effectivement intitulées “marché sous-traitant”, force est de constater que, malgré cette mention, ces devis et factures ne font pas mention de la Sarl Rhin Habitat et sont adressés, par la société Alsa Chape comme par la société Gangi Granieri, à Mme [F] uniquement, qui a par ailleurs directement réglé la société Gangi Granieri, ainsi que cela résulte de la mention apposée sur la facture n° […] du 6 décembre 2017.

Il s’en évince que la Sarl Rhin Habitat est un tiers aux contrats conclus entre Mme [F] et les entrepeneurs intervenus pour l’exécution des travaux réservés de sorte que la responsabilité de la défenderesse ne saurait être engagée pour les désordres affectant les travaux qu’elle n’a pas personnellement exécutés.

Toutefois, aux termes de l’article 13 du contrat de construction du 26 janvier 2016, le prix convenu comporte toutes les prestations dont le constructeur se charge, et notamment “la conception du projet, notamment les plans de la maison”, ainsi que “la coordination et le suivi du chantier”.

Dès lors, l’expert ayant mis en évidence un défaut de conception, la Sarl Rhin Habitat engage sa responsabilité contractuelle pour les travaux ayant un lien intellectuel avec son intervention.

Dès lors, il importe peu que les locateurs aient concouru au dommage en exécutant les travaux, cette circonstance, qui permet éventuellement un recours entre co-obligés, n’étant pas de nature à exonérer le maître d’oeuvre de sa responsabilité à l’égard du maître de l’ouvrage.

Compte tenu de ce qui précède, Mme [F] apporte la preuve d’un manquement contractuel imputable à la Sarl Rhin Habitat, chargé de la conception du projet, du suivi de son exécution et de l’exécution de certains travaux.

Sur les préjudices et le lien de causalité

Le propre de la responsabilité civile étant de rétablir aussi exactement que possible l’équilibre détruit par le dommage et de replacer la victime, aux dépens du responsable, dans la situation où elle se serait trouvée si l’acte dommageable ne s’était pas produit. (2e Civ., 16 décembre 1970, n° 69-12.617), les dommages et intérêts alloués à une victime doivent réparer le préjudice subi, sans qu’il résulte pour elle ni perte, ni profit. (Civ., 3ème, 5 juillet 2001, n°99-18.712).

L’appréciation de l’étendue du préjudice et des modalités propres à assurer la réparation intégrale de ce préjudice relève de l’appréciation souveraine des juges du fond. (3e Civ., 22 octobre 2002, n° 01-11.261).

En outre, l’entrepreneur, responsable des désordres de construction, ne peut imposer à la victime la réparation en nature du préjudice subi par celle-ci (3ème civ, 28 septembre 2005, n° 04-14.586).

S’agissant, en premier lieu, du préjudice matériel, l’expert a évalué le coût des travaux de remise en état à la somme de 27 527,50 euros.

Mme [F] sollicite une indemnisation d’un montant supérieur sur la base des devis qu’elle produit, sans indiquer en quoi la somme retenue par l’expert ne serait pas justifiée, de sorte que son préjudice sera retenu à hauteur de la somme évaluée par l’expert.

Concernant la somme de 2 000 euros sollicitée au titre du coût de l’expertise, ces frais relèvent des dépens de l’instance et seront donc examinés à ce titre.

Concernant la somme de 984 euros au titre des opérations de recherche de fuite diligentée dans le cadre des opérations d’expertise judiciaire, ces frais relèvent des frais irrépétibles et seront donc examinés à ce titre.

S’agissant, en second lieu, du préjudice immatériel, Mme [F] de ne justifie pas d’un trouble dans la jouissance de son bien, étant observé qu’elle ne conteste pas avoir occupé la chambre et la cuisine de sorte que la demande qu’elle forme au titre du préjudice de jouissance pour la période antérieure aux travaux sera rejetée.

Concernant les frais de relogement, l’expert judiciaire a estimé la durée d’intervention des entreprises à quatre mois consécutifs, précisant que la maison serait inhabitable pendant la durée des travaux.

Mme [F] sollicite l’indemnisation des frais de relogement sur la base de l’estimation du montant du loyer mensuel établi par l’agence L’Immobilier à la somme de 1 300 euros.

La Sarl Rhin Habitat sera donc condamnée à verser à Mme [F] la somme de 5 200 euros au titre des frais de relogement.

Concernant les frais de l’agence immobilière, cette somme relève des frais irrépétibles et sera donc examinée à ce titre.

Par conséquent, la Sarl Rhin Habitat sera condamnée à verser à la Mme [F] la somme de 27 527,50 euros au titre de son préjudice matériel, et la somme de 5 200 euros au titre de son préjudice immatériel.

La demande de dommages et intérêts formée par Mme [F] sera rejetée pour le surplus.

4. Sur l’action directe à l’encontre de la Sa Mma Iard

En application de l’article L. 124-3 du code des assurances le tiers lésé dispose d’un droit d’action directe à l’encontre de l’assureur garantissant la responsabilité civile de la personne responsable.

Les termes de la police d’assurance sont opposables à la victime. Il en va ainsi, plus précisément, des franchises et plafonds de garantie, sauf dispositions spéciales et pour autant que les dommages ne relèvent pas d’une garantie obligatoire (V. Civ. 3ème, 19 janvier 2017, n°15-24.472).

En l’espèce, la Sa Mma Iard ne conteste pas sa qualité d’assureur responsabilité civile décennal.

Cependant, les désordres relevés n’ayant aucun caractère décennale, Mme [F] n’est pas fondée à exercer une action directe à l’encontre de l’assureur responsabilité décennale du constructeur de sorte que les demandes qu’elle forme à l’encontre de la Sa Mma Iard ne peuvent pas prospérer.

Par conséquent, la demande de dommages et intérêts formée par Mme [F] à l’encontre de la Sa Mma Iard sera rejetée.

Sur l’appel en garantie formé par la Sarl Rhin Habitat

En application de l’article 1103 du code civil que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.

En l’espèce, comme indiqué précédemment, en l’absence de désordre de nature décennal, aucune garantie n’est due par la Sa Mma Iard.

Par conséquent, l’appel en garantie formé par la Sarl Rhin Habitat à l’encontre de la Sa Mma Iard, en sa qualité d’assureur responsabilité civile décennale sera rejeté.

Sur les autres demandes

Conformément à l’article 696 du code de procédure civile, la Sarl Rhin Habit, partie perdante au procès, sera condamnée aux dépens, en ce compris les dépens de la procédure de référé-expertise RG n° 20/00474 et les frais d’expertise judiciaire.

La Sarl Rhin Habitat sera également condamnée à payer à Mme [F], au titre de l’article 700 du code de procédure civile, une somme de 2 734 euros.

Les demandes de la Sarl Rhin Habitat et de la Sa Mma Iard, au titre de l’article 700 du code de procédure civile, formées à l’encontre d’une partie qui n’est pas tenu aux dépens, seront rejetées.

L’exécution provisoire est de droit, en application de l’article 514 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal statuant publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort, mis à disposition au greffe,

CONDAMNE la Sarl Rhin Habitat à verser à Mme [T] [F] les sommes suivantes :

– 27.527,50 € (VINGT-SEPT MILLE CINQ CENT VINGT-SEPT EUROS CINQUANTE CENTIMES) à titre de dommages et intérêts pour préjudice matériel,

– 5.200,00 € (CINQ MILLE DEUX CENTS EUROS) à titre de dommages et intérêts pour préjudice immatériel,

– 2.734,00 € (DEUX MILLE SEPT CENT TRENTE-QUATRE EUROS) au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

REJETTE, pour le surplus, la demande de dommages et intérêts formée par Mme [T] [F] à l’encontre de la Sarl Rhin Habitat ;

REJETTE la demande de dommages et intérêts formée par Mme [T] [F] à l’encontre de la Sa Mma Iard ;

REJETTE les demandes formées par la Sarl Rhin Habitat à l’encontre de la Sa Mma Iard ;

REJETTE les demandes de la Sarl Rhin Habitat et la Sa Mma Iard, formées au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la Sarl Rhin Habitat aux dépens, en ce compris les dépens de la procédure de référé-expertise RG n° 20/00474 et les frais d’expertise judiciaire ;

CONSTATE l’exécution provisoire du présent jugement.

Et ce jugement a été signé par le Président et le Greffier.

Le Greffier, Le Président,


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