Responsabilité contractuelle et créances en matière de sous-traitance dans le secteur de la construction

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Responsabilité contractuelle et créances en matière de sous-traitance dans le secteur de la construction

L’Essentiel : La SAS Eiffage Construction Auvergne a engagé la SARL [N] [R] pour des travaux de plomberie et de chauffage sur deux chantiers. En raison de difficultés financières, la SARL a été placée en redressement judiciaire, puis en liquidation. Eiffage a déclaré une créance de 1 540 388,74 euros. La Selarl MJ [K], mandataire judiciaire, a réclamé 59 587,29 euros pour des travaux, que la SAS a contestés, affirmant avoir réglé les montants dus. Le tribunal a jugé en faveur de la Selarl, condamnant Eiffage à payer cette somme, décision confirmée en appel.

Contexte de l’affaire

La SAS Eiffage Construction Auvergne a engagé la SARL [N] [R] pour des travaux de plomberie et de chauffage sur deux chantiers : l’opération « La Montagne » pour 84 logements et l’opération « Villa Gaïa » pour 54 logements. Des contrats de sous-traitance ont été signés, avec des avenants pour des montants supplémentaires.

Procédure judiciaire

Le tribunal de commerce de Clermont-Ferrand a ouvert une procédure de redressement judiciaire pour la SARL [N] [R] le 9 juillet 2019, qui a été convertie en liquidation judiciaire le 25 juillet 2019. La SAS Eiffage Construction Auvergne a déclaré une créance de 1 540 388,74 euros au passif de la SARL [N] [R].

Réclamations et contestations

La Selarl MJ [K], mandataire judiciaire, a mis en demeure la SAS Eiffage Construction Auvergne de payer 59 587,29 euros pour des travaux réalisés. En réponse, la SAS a contesté cette créance, affirmant avoir réglé tous les travaux exécutés et ayant subi des retards et un abandon de chantier.

Décision du tribunal

Le tribunal a jugé que la SAS Eiffage Construction Auvergne n’avait pas respecté les procédures nécessaires avant de confier les travaux à une autre entreprise. Il a débouté la SAS de ses demandes concernant les chantiers « Villa Gaïa » et « La Montagne », tout en condamnant la SAS à payer la somme de 59 587,29 euros à la Selarl MJ [K].

Appel et conclusions

La SAS Eiffage Construction Auvergne a interjeté appel de la décision le 15 décembre 2022. Les conclusions des parties ont été examinées, et le tribunal a confirmé le jugement initial, condamnant la SAS aux dépens et à payer des frais supplémentaires à la Selarl MJ [K].

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conséquences de la mise en demeure sur l’exécution des obligations contractuelles ?

La mise en demeure est un acte juridique essentiel dans le cadre de l’exécution des obligations contractuelles. Selon l’article 1222 du Code civil :

« Après mise en demeure, le créancier peut aussi, dans un délai et à un coût raisonnables, faire exécuter lui-même l’obligation ou, sur autorisation préalable du juge, détruire ce qui a été fait en violation de celle-ci.

Il peut demander au débiteur le remboursement des sommes engagées à cette fin.

Il peut aussi demander en justice que le débiteur avance les sommes nécessaires à cette exécution ou à cette destruction. »

Cet article souligne que la mise en demeure est une condition préalable à l’exercice de certains droits par le créancier.

En effet, sans mise en demeure, le créancier ne peut pas revendiquer des dommages et intérêts pour inexécution, comme le précise l’article 1231 du même code :

« A moins que l’inexécution soit définitive, les dommages et intérêts ne sont dus que si le débiteur a préalablement été mis en demeure de s’exécuter dans un délai raisonnable. »

Dans le cas présent, la SAS Eiffage Construction Auvergne a mis fin unilatéralement au contrat sans avoir préalablement mis en demeure la SARL [N] [R].

Cela a conduit le tribunal à considérer que les coûts des travaux effectués pour achever le chantier ne pouvaient pas être mis à la charge de la SARL [N] [R].

Quelles sont les implications de la liquidation judiciaire sur les contrats en cours ?

La liquidation judiciaire a des conséquences significatives sur les contrats en cours, notamment en ce qui concerne l’exécution des obligations contractuelles.

L’article 14-3 des conditions générales du contrat de sous-traitance stipule :

« En cas de sauvegarde ou de redressement judiciaire du sous-traitant, l’entrepreneur principal dès qu’il a connaissance de cette procédure, met en demeure par lettre recommandée avec AR celui qui dispose du droit d’exiger l’exécution des contrats en cours de lui faire connaître dans un délai d’un mois (sauf délai différent imparti par le juge-commissaire) s’il entend exiger la poursuite de l’exécution du présent contrat. »

Cet article précise que, en cas de liquidation judiciaire, l’administrateur ou le liquidateur a la faculté d’exiger l’exécution du contrat en cours.

Cependant, si l’administrateur ou le débiteur ne manifeste pas la volonté de poursuivre l’exécution, le contrat peut être résilié.

Dans cette affaire, la SAS Eiffage Construction Auvergne n’a pas respecté cette procédure, ce qui a conduit à la confirmation du jugement qui a débouté ses demandes.

Comment la preuve des malfaçons doit-elle être établie dans le cadre d’un litige contractuel ?

La preuve des malfaçons dans le cadre d’un litige contractuel repose sur des éléments tangibles et documentés.

Dans cette affaire, la SAS Eiffage Construction Auvergne a allégué des malfaçons affectant les travaux exécutés par la SARL [N] [R].

Cependant, le tribunal a relevé que « la preuve de la mauvaise exécution des prestations confiées à cette dernière n’étant pas suffisamment rapportée par la production du devis de travaux établi le 28 août 2019 par la société Aspic. »

Il est essentiel de fournir des documents techniques ou des constatations précises pour établir l’existence de malfaçons.

Sans ces éléments, les allégations de malfaçons ne peuvent pas être retenues, comme le souligne le principe de la charge de la preuve en matière civile.

Quelles sont les conséquences d’une décision de justice sur les dépens et les frais irrépétibles ?

La décision de justice a des implications directes sur les dépens et les frais irrépétibles, qui sont régis par l’article 700 du Code de procédure civile.

Cet article stipule :

« Dans toutes les instances, le juge peut condamner la partie perdante à payer à l’autre partie une somme au titre des frais irrépétibles exposés par elle. »

Dans le cas présent, la SAS Eiffage Construction Auvergne a été condamnée à payer à la Selarl MJ [K] la somme de 2500 euros sur le fondement de cet article.

Cela signifie que, en raison de sa défaite dans toutes ses prétentions, la SAS Eiffage Construction Auvergne doit supporter les frais engagés par la partie adverse pour la procédure.

Cette disposition vise à compenser les frais non récupérables engagés par la partie qui a gagné le procès.

COUR D’APPEL

DE RIOM

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

Du 14 janvier 2025

N° RG 22/02320 – N° Portalis DBVU-V-B7G-F5RZ

-LB- Arrêt n°

S.A.S. EIFFAGE CONSTRUCTION AUVERGNE / S.E.L.A.R.L. MJ [K]

Jugement au fond, origine Tribunal de Commerce de CLERMONT-FERRAND, décision attaquée en date du 17 Novembre 2022, enregistrée sous le n° 2021003594

Arrêt rendu le MARDI QUATORZE JANVIER DEUX MILLE VINGT CINQ

COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :

M. Philippe VALLEIX, Président

Mme Laurence BEDOS, Conseiller

Mme Clémence CIROTTE, Conseiller

En présence de :

Mme Marlène BERTHET, greffier lors de l’appel des causes et du prononcé

ENTRE :

S.A.S. EIFFAGE CONSTRUCTION AUVERGNE

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentée par Maître Sébastien RAHON, avocat au barreau de CLERMONT- FERRAND et par Maître Angélique FACCHINI, avocat au barreau de LYON

Timbre fiscal acquitté

APPELANTE

ET :

S.E.L.A.R.L. MJ [K]

ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société [R] [N]

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentée par Maître Yvan BOUSQUET, avocat au barreau de CLERMONT- FERRAND

Timbre fiscal acquitté

INTIMEE

DÉBATS :

L’affaire a été débattue à l’audience publique du 10 octobre 2024, en application des dispositions de l’article 786 du code de procédure civile, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme BEDOS, rapporteur.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 14 janvier 2025, après prorogé du délibéré initiallement prévu le 7 janvier 2025 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

Signé par M. VALLEIX, président et par Mme BERTHET, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DES FAITS, DE LA PROCÉDURE ET DES PRÉTENTIONS DES PARTIES :

La SAS Eiffage Construction Auvergne, spécialisée dans le secteur d’activité des travaux de construction de bâtiments, a confié à la SARL [N] [R], spécialisée dans les travaux d’installation de plomberie sanitaire et chauffage, deux chantiers :

– Dans le cadre de l’opération de construction et de livraison de 84 logements (opération « La Montagne », [Adresse 6] à [Localité 5], Puy-de-Dôme), la réalisation des lots n°14 et n°16 « Plomberie sanitaire et chauffage VMC », selon deux contrats de sous-traitance n°030-17/4283 du 13 mars 2017 et n°031-17/4283 du 13 mars 2017, pour un montant de 275 600 euros HT. Un avenant en plus-value à hauteur de 13135,64 euros HT a été signé le15 janvier 2019 ;

– Dans le cadre de l’opération d’une construction de 54 logements (opération « Villa Gaïa »), [Adresse 3] à [Localité 4] (Puy-de-Dôme), la réalisation des lots n°22 et n°23 « CVC plomberie sanitaire » par contrat de sous-traitance n° 149-18/4289 du 8 août 2018, pour un montant de 360 000 euros HT.

Par jugement du 9 juillet 2019, le tribunal de commerce de Clermont-Ferrand a ouvert au bénéfice de la SARL [N] [R] une procédure de redressement judiciaire et désigné la Selarl MJ [K], représentée par maître [B] [K], en qualité de mandataire judiciaire. La procédure a été convertie en liquidation judiciaire par jugement du même tribunal en date du 25 juillet 2019, la Selarl MJ [K], représentée par maître [B] [K], ayant été nommée en qualité de liquidateur judiciaire.

Par courrier recommandé en date du 11 septembre 2019, la SAS Eiffage Construction Auvergne a déclaré au passif de la SARL [N] [R] à titre provisionnel une créance d’un montant total de 1 540 388,74 euros HT, soit 1 848 460,49 euros TTC.

Par courrier recommandé en date du 27 septembre 2019, le mandataire judiciaire a invité la SAS Eiffage Construction Auvergne à présenter une requête aux fins de relevé de forclusion.

Par courrier du 20 mai 2020, le conseil de la Selarl MJ [K] a mis en demeure la SAS Eiffage Construction Auvergne de lui payer la somme totale de 59’587,29 euros correspondant aux situations de travaux n°4 et 5 émises par la SARL [N] [R], la première, le 20 mai 2019, pour un montant de 19’762,19 euros, la seconde, le 24 juin 2019, pour un montant de 39’825,10 euros.

Par courrier recommandé en date du 1er juillet 2020 adressé par l’intermédiaire de son conseil, la SAS Eiffage Construction Auvergne a contesté auprès du conseil de la Selarl MJ [K] être débitrice de la somme réclamée, soutenant avoir réglé l’intégralité des travaux réellement exécutés et par ailleurs avoir subi en juin 2019 un retard important dans la réalisation des prestations dues, puis en juillet 2019 un abandon de chantier l’ayant contrainte à faire réaliser les travaux du chantier « Villa Gaïa » par une autre entreprise, pour un montant de 454’063,32 euros HT, soit 544’875,18 euros TTC.

Par ordonnance du 30 mars 2021, le juge commissaire du tribunal de commerce de Clermont-Ferrand s’est déclaré incompétent pour statuer sur la contestation de la créance de la SAS Eiffage Construction Auvergne soulevée par la SARL [N] [R] et la Selarl MJ [K].

Par acte d’huissier en date du 30 avril 2021, la SAS Eiffage Construction Auvergne a fait assigner devant le tribunal de commerce de Clermont-Ferrand la Selarl MJ [K], ès qualités de liquidateur de la SARL [N] [R] pour obtenir, sur le fondement de la responsabilité contractuelle de cette dernière, la fixation de sa créance au passif de la liquidation à la somme de 547’377,61 euros.

Par jugement du 17 novembre 2022, le tribunal de commerce a statué en ces termes :

-Déboute la SAS Eiffage Construction Auvergne de toutes ses demandes ;

-Condamne la SAS Eiffage Construction Auvergne à payer et porter à la Selarl MJ [K], représentée par maître [B] [K], ès qualités de liquidateur de la SARL [N] [R], la somme de 59’587,29 euros avec intérêts au taux légal à compter du 20 mai 2020 ;

-Condamne la SAS Eiffage Construction Auvergne à payer et porter à la Selarl MJ [K], représentée par maître [B] [K], ès qualités de liquidateur de la SARL [N] [R], la somme de 1500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

-Rappelle l’exécution provisoire de droit du présent jugement ;

-Condamne la SAS Eiffage Construction Auvergne aux dépens de l’instance dont les frais de greffe liquidés à 60,22 euros, TVA incluse.

La SAS Eiffage Construction Auvergne a relevé appel de cette décision par déclaration électronique en date du 15 décembre 2022.

La clôture de l’instruction a été prononcée par ordonnance du 4 juillet 2024.

Vu les conclusions en date du 3 juillet 2023 de la SAS Eiffage Construction Auvergne ;

Vu les conclusions en date du 2 juillet 2023 de la Selarl MJ [K], représentée par maître [B] [K], ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL [N] [R].

En application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions susvisées pour l’exposé complet des prétentions respectives des parties et de leurs moyens.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Il sera rappelé en premier lieu qu’en application des dispositions de l’article 954 du code de procédure civile la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions et qu’elle n’a pas à se prononcer sur les demandes de « constater que… » ou de « dire et juger que…» lorsque celles-ci ne correspondent pas à des prétentions au sens des articles 4, 31 et 954 du code de procédure civile, mais en réalité à des moyens ou arguments invoqués au soutien des véritables prétentions.

-Sur la demande présentée par la SAS Eiffage Construction Auvergne tendant à la fixation de ses créances au titre des chantiers « Villa Gaïa » et « La Montagne » :

L’article 1222 du code civil dispose :

« Après mise en demeure, le créancier peut aussi, dans un délai et à un coût raisonnables, faire exécuter lui-même l’obligation ou, sur autorisation préalable du juge, détruire ce qui a été fait en violation de celle-ci. Il peut demander au débiteur le remboursement des sommes engagées à cette fin.

Il peut aussi demander en justice que le débiteur avance les sommes nécessaires à cette exécution ou à cette destruction. »

L’article 1231 du même code dispose :

« A moins que l’inexécution soit définitive, les dommages et intérêts ne sont dus que si le débiteur a préalablement été mis en demeure de s’exécuter dans un délai raisonnable. »

La Selarl MJ [K] communique les conditions particulières et générales du contrat de sous-traitance conclu pour le chantier « Villa Gaïa ». L’article 14-3 des conditions générales stipule :

« En cas de sauvegarde ou de redressement judiciaire du sous-traitant, l’entrepreneur principal dès qu’il a connaissance de cette procédure, met en demeure par lettre recommandée avec AR celui qui dispose du droit d’exiger l’exécution des contrats en cours de lui faire connaître dans un délai d’un mois (sauf délai différent imparti par le juge-commissaire) s’il entend exiger la poursuite de l’exécution du présent contrat.

La personne qui dispose du droit d’exiger l’exécution des contrats en cours est :

– soit l’administrateur judiciaire qui décide seul,

– soit le débiteur, s’il n’a pas été nommé d’administrateur judiciaire. Dans ce cas, le débiteur doit obtenir l’accord du mandataire judiciaire.

Le présent contrat est résilié si l’administrateur (ou le débiteur) a exprimé la volonté de ne pas en poursuivre l’exécution ou n’a pas pris parti dans le délai légal ou imparti par le juge-commissaire.

En cas de liquidation judiciaire du sous-traitant, l’administrateur ou à défaut le liquidateur, a la faculté d’exiger l’exécution du contrat en cours dans les mêmes conditions qu’en cas de redressement judiciaire.

En cas de résiliation, il est établi contradictoirement un état des travaux exécutés par le sous-traitant défaillant, de ses approvisionnements, installations et matériels, des acomptes payés et des conséquences de sa défaillance dont il restera contractuellement responsable envers l’entrepreneur principal. »

S’agissant du chantier « La Montagne », il n’est communiqué par l’appelante ni les conditions particulières auxquelles renvoie l’article 3 du contrat de sous-traitance, ni les conditions générales, mais il résulte du paragraphe consacré aux éléments constituant le contrat que celui-ci est soumis aux mêmes conditions générales (édition 2014), sous réserve, selon l’article 4.16 du contrat, des précisions apportées à l’annexe n°7, qui ne comporte cependant aucune dérogation aux stipulations spécifiques rappelées.

-Sur la demande de fixation d’une créance au titre du chantier « Villa Gaïa » :

La SAS Eiffage Construction Auvergne soutient que la SARL [N] [R] a d’une part accusé un lourd retard dans l’exécution des travaux, d’autre part abandonné le chantier à partir du mois de juillet 2019.

L’appelante, faisant valoir qu’elle a dû confier les travaux d’achèvement du chantier et de reprise des prestations déjà exécutées à une autre entreprise, la société Aspic, par contrat de sous-traitance en date du 29 août 2019, réclame la fixation de sa créance à la somme globale de 178’254,32 euros, dont elle ne donne pas le détail poste par poste, correspondant selon elle aux coûts engendrés par :

– la recherche d’une nouvelle entreprise,

– le surcoût pour terminer les travaux avec le choix de l’entreprise en urgence (coût estimé par l’appelante à 94’063 euros),

– le retard de chantier « impactant nécessairement les surcoûts de charges temporelles » (sic),

– la désorganisation du chantier et la replanification corrélative,

– le report de livraison des logements.

Il apparaît cependant que la SAS Eiffage Construction Auvergne a mis fin unilatéralement au marché de travaux en confiant le chantier à une autre entreprise, ce sans avoir préalablement mis en demeure la SARL [N] [R] d’exécuter ses obligations ou cette dernière et le mandataire judiciaire de se positionner sur la poursuite de l’exécution du contrat. Le tribunal de commerce a en conséquence considéré à bon droit que le coût des travaux effectués pour achever le chantier ne pouvait être mis à la charge de la SARL [N] [R].

Le tribunal de commerce a également exactement relevé qu’aucune relance n’avait été adressée à la SARL [N] [R] s’agissant des retards allégués, au demeurant sans référence à aucun calcul précis quant à l’application d’éventuelles pénalités, étant observé que l’article 7-53 des conditions générales du contrat de sous-traitance stipule qu’il appartient à l’entrepreneur principal d’aviser le sous-traitant par lettre recommandée avec demande d’avis de réception dès que celui-ci dépasse les délais contractuels.

Enfin, la SAS Eiffage Construction Auvergne semble inclure dans le coût de l’intervention de l’entreprise tierce ayant poursuivi le chantier des travaux de reprise des prestations exécutées par la SARL [R]. Or, si les procès-verbaux de constat établis par huissier à l’initiative de la SAS Eiffage Construction Auvergne les 18 juillet 2019 et 30 août 2019 ont permis de procéder à un état des travaux déjà exécutés et des travaux devant être achevés, ils ne recèlent en revanche aucune constatation technique permettant de considérer que les prestations déjà réalisées étaient affectées de désordres ou de malfaçons. La SAS Eiffage Construction Auvergne ne développe d’ailleurs dans ses écritures aucune explication précise sur cette question, se limitant à soutenir que des travaux de reprise ont été nécessaires et que « le fait qu’il s’agisse de travaux de reprise ou de prestations non réalisées n’a aucune incidence sur le fait [qu’elle] a subi un véritable préjudice ».

Il résulte de ces explications que le jugement doit être confirmé en ce qu’il a débouté la SAS Eiffage Construction Auvergne de ses demandes concernant le chantier « Villa Gaïa ».

– Sur la demande de fixation d’une créance au titre du chantier « La Montagne » :

La SAS Eiffage Construction Auvergne fait valoir que, malgré les relances qui lui ont été adressées, la SARL [N] [R] a abandonné le chantier, qui a donc dû être confié à une société tierce, celle-ci ayant en outre dû procéder à des travaux de reprise pour certaines prestations mal exécutées. Elle soutient avoir ainsi été dans l’obligation de faire reprendre les travaux à hauteur de 81.019,16 € HT et liste de la façon suivante les travaux « de reprise » qui auraient été nécessaires :

– Frais de Nettoyage réalisés : 540 euros ;

– Pénalités de retard d’exécution : 6 000 euros ;

– Coût des reprises de travaux suite aux malfaçons constatées sur les travaux exécutés par la société [N] [R] :

-travaux de reprise de plâterie et de peinture ( reprise des sorties de radiateur et des sorties VMC ) : 42 274 euros ;

-travaux de reprise du carrelage (fuite en dalle, reprise socle) : 3 235,16 euros HT ;

-travaux de reprise de plomberie : 27 000 euros ;

-travaux de reprise du parquet (évacuation non raccordée dans la gaine B272 & B142, reprise par la société Naudon) : 1 970 euros.

Elle se prévaut encore du surcoût qui aurait été engendré par l’intervention de la société Aspic.

Il sera observé en premier lieu que la SAS Eiffage Construction Auvergne a mis fin unilatéralement au marché de travaux en confiant le chantier à d’autres entreprises sans avoir préalablement mis en demeure la SARL [N] [R] d’exécuter ses obligations ou cette dernière et le mandataire judiciaire de se positionner sur la poursuite de l’exécution du contrat. Il en résulte que, comme l’a justement retenu le tribunal de commerce, le coût des travaux effectués pour achever le chantier ne peut être mis à la charge de la SARL [N] [R].

Il apparaît ensuite, s’agissant des demandes au titre des frais de nettoyage et des pénalités de retard, que l’appelante vise au soutien de ses prétentions la pièce n°15 correspondant au compte-rendu n°30 de coordination concernant le chantier « Villa Gaïa » à [Localité 4], et non le chantier « La Montagne ». Il n’est produit aucune autre pièce au soutien de ces prétentions, qui ne sont donc pas étayées.

Enfin, les prétentions de la SAS Eiffage Construction Auvergne relatives à l’existence de malfaçons affectant les travaux exécutés par la SARL [N] [R] ne s’appuient sur aucun document technique, la preuve de la mauvaise exécution des prestations confiées à cette dernière n’étant pas suffisamment rapportée par la production du devis de travaux établi le 28 août 2019 par la société Aspic, l’ayant remplacée sur le chantier, ou par le contrat de sous-traitance conclu avec celle-ci.

En considération de ces explications, le jugement du tribunal de commerce sera confirmé en ce qu’il a débouté la SAS Eiffage Construction Auvergne de ses prétentions concernant le chantier « La Montagne ».

-Sur la demande en paiement présentée par la Selarl MJ [K], ès qualités de liquidateur de la SARL [N] [R] :

Le tribunal de commerce a condamné la SAS Eiffage Construction Auvergne à payer à la Selarl MJ [K], ès qualités, la somme totale de 59’587,29 euros correspondant aux situations de travaux n°4 et 5 émises par la SARL [N] [R], la première le 20 mai 2019 pour un montant de 19’762,19 euros, la seconde le 24 juin 2019 pour un montant de 39’825,10 euros, qui n’ont pas été contestées lors de leur émission.

Il ressort des développements précédents que la preuve de malfaçons affectant les travaux exécutés par la SARL [N] [R] n’est pas rapportée. Il n’est pas davantage démontré que les situations de travaux litigieuses, parfaitement détaillées, correspondraient à des prestations facturées mais non exécutées, la SAS Eiffage Construction Auvergne ne désignant pas précisément les travaux qui auraient été indûment facturés et n’apportant aucune explication dans ses écritures à ce sujet.

Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu’il a accueilli la demande en paiement présentée par la Selarl MJ [K].

– Sur les dépens et les frais irrépétibles :

Le jugement sera confirmé sur les dépens et l’application de l’article 700 du code de procédure civile.

Succombant en toutes ses prétentions, la SAS Eiffage Construction Auvergne sera condamnée aux dépens d’appel ainsi qu’à payer à la Selarl MJ [K], ès qualités, la somme de 2500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement et contradictoirement,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Condamne la SAS Eiffage Construction Auvergne à supporter les dépens d’appel,

Condamne la SAS Eiffage Construction Auvergne à payer à la Selarl MJ [K], ès qualités de liquidateur de la SARL [N] [R], la somme de 2500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés pour les besoins de la procédure devant la cour.

Le greffier Le président


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