L’Essentiel : La SA Biovitis, désormais Greencel, a engagé un projet de construction à [Localité 2] en 2016, signant un contrat de « conception-réalisation » pour 2’390’000 euros HT. Cependant, des travaux ont été interrompus en décembre 2016 en raison d’un non-paiement de l’acompte. Malgré une demande de complément, le chantier n’a pas repris, entraînant la résiliation du contrat par GA Entreprise en juin 2017. Le tribunal de commerce d’Aurillac a condamné Greencel à verser 253’315,30 euros pour préjudices. Greencel a interjeté appel, mais la cour a confirmé le jugement initial, ajoutant des frais d’appel à sa charge.
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Contexte de l’affaireLa SA Biovitis, maintenant connue sous le nom de Greencel, a entrepris la construction d’un bâtiment pour des bureaux et un laboratoire à [Localité 2] dans le Puy-de-Dôme. Pour ce projet, elle a signé un contrat de « conception-réalisation » le 23 mars 2016 avec un groupement de sociétés, incluant la SARL CDA Architectes et la SAS GA Entreprise, pour un montant total de 2’390’000 euros HT. Conditions contractuellesLe contrat stipulait qu’un acompte de 20 % du montant des travaux des phases 2 et 3, soit 463’000 euros, devait être réglé à l’émission de l’ordre de service pour le démarrage des études d’exécution et des travaux préliminaires. Le permis de construire a été déposé le 1er avril 2016, et les travaux ont débuté en novembre 2016. Interruption des travauxLe 16 décembre 2016, la SAS GA Entreprise a informé Biovitis de l’interruption du chantier en raison du non-paiement total de l’acompte, ayant reçu seulement 10 % de celui-ci. Elle a demandé à Biovitis de communiquer la date de versement du complément d’acompte pour relancer le projet. Un avenant n°1 d’un montant de 1’178’361 euros HT a été proposé, mais non signé par Biovitis. Constatation de l’état d’avancementLe 28 avril 2017, GA Entreprise a fait constater par huissier l’état d’avancement des travaux, qui n’ont pas repris. Le permis de construire a ensuite été transféré à une autre entreprise pour l’achèvement des travaux. Résiliation du contratLe 1er juin 2017, GA Entreprise a notifié à Biovitis la résiliation du contrat, demandant le paiement de 36’260 euros pour les dépenses engagées, ainsi qu’une indemnité de 597’500 euros pour manque à gagner. Le 28 septembre 2017, GA Entreprise a assigné Biovitis devant le tribunal de commerce d’Aurillac pour faire constater la résiliation du marché à ses torts exclusifs. Jugement du tribunal de commerceLe tribunal de commerce d’Aurillac a ordonné une expertise, dont le rapport a été déposé le 12 avril 2021. Par jugement du 9 septembre 2022, le tribunal a condamné Greencel à verser 253’315,30 euros à GA Entreprise pour réparation de préjudices, avec des intérêts légaux à compter de la mise en demeure du 1er juin 2017. Appel de la SA GreencelGreencel a interjeté appel de cette décision le 21 novembre 2022. L’instruction a été clôturée le 13 juin 2024, avec des conclusions échangées entre les parties en 2023. Analyse des prétentionsLa cour a examiné les prétentions des parties, en se basant sur les dispositions du code de procédure civile. Elle a noté que la résiliation du contrat était due à un manquement de Greencel à son obligation de paiement de l’acompte, justifiant ainsi la résiliation aux torts exclusifs de cette dernière. Préjudices subis par GA EntrepriseGA Entreprise a présenté divers préjudices, incluant le manque à gagner et les coûts fixes. L’expert judiciaire a évalué le préjudice total à 253’315,30 euros, en tenant compte des dépenses exposées et des frais liés à l’immobilisation du personnel. Confirmation du jugementLa cour a confirmé le jugement du tribunal de commerce, condamnant Greencel aux dépens d’appel et à verser 5’000 euros à GA Entreprise pour les frais irrépétibles. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelle est la nature de la résiliation du contrat entre la SA Greencel et la SAS GA Entreprise ?La résiliation du contrat entre la SA Greencel (anciennement Biovitis) et la SAS GA Entreprise a été prononcée aux torts exclusifs de la société Greencel. En vertu de l’article 1184 du Code civil, dans sa version antérieure au 1er octobre 2016, il est stipulé que : « La condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l’une des deux parties ne satisfera point à son engagement. Dans ce cas, le contrat n’est point résolu de plein droit. La partie envers laquelle l’engagement n’a point été exécuté, a le choix ou de forcer l’autre à l’exécution de la convention lorsqu’elle est possible, ou d’en demander la résolution avec dommages et intérêts. La résolution doit être demandée en justice, et il peut être accordé au défendeur un délai selon les circonstances. » Dans cette affaire, la société GA Entreprise a invoqué la résiliation du contrat en raison du manquement de la SA Greencel à son obligation de paiement de l’acompte prévu au contrat. Le tribunal a constaté que la société Greencel n’avait pas respecté ses engagements contractuels, ce qui a justifié la résiliation du contrat à ses torts exclusifs. Ainsi, la résiliation n’a pas été considérée comme un acte unilatéral, mais comme une conséquence du manquement de la SA Greencel à ses obligations contractuelles. Quels préjudices la SAS GA Entreprise a-t-elle pu revendiquer suite à la résiliation du contrat ?La SAS GA Entreprise a revendiqué plusieurs préjudices suite à la résiliation du contrat, en se fondant sur les articles 1184 et 1149 anciens du Code civil. Ces articles stipulent que : « La réparation du préjudice doit comprendre la perte faite et le gain dont la partie a été privée. » Dans le cadre de cette affaire, les préjudices revendiqués par la SAS GA Entreprise incluent : 1. **Le manque à gagner** : Ce préjudice est lié à la perte de revenus que la société aurait générés si le contrat avait été exécuté jusqu’à son terme. 2. **Les travaux engagés non réglés** : La société a également demandé réparation pour les coûts des travaux déjà réalisés mais non payés. 3. **L’immobilisation des personnels** : La SAS GA Entreprise a évoqué les coûts liés à l’immobilisation de son personnel pendant la période d’interruption des travaux. 4. **Les coûts fixes exposés** : Cela inclut les frais liés aux cautionnements souscrits pour garantir les sous-traitants. L’expert judiciaire a évalué le préjudice global subi par la SAS GA Entreprise à 253’315,30 euros, en tenant compte de ces différents postes de préjudice. Le tribunal a retenu que la méthode d’évaluation des préjudices était justifiée et fondée sur des éléments probants. Quelles sont les conséquences financières de la décision du tribunal de commerce d’Aurillac ?La décision du tribunal de commerce d’Aurillac a eu plusieurs conséquences financières pour la SA Greencel. En premier lieu, la SA Greencel a été condamnée à verser à la SAS GA Entreprise la somme de 253’315,30 euros en réparation de ses préjudices, avec intérêts légaux à compter de la mise en demeure du 1er juin 2017. Les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produiront également des intérêts, conformément aux dispositions légales. De plus, le tribunal a ordonné l’exécution provisoire du jugement, ce qui signifie que la SA Greencel doit s’acquitter de cette somme même en cas d’appel, dans la limite de 130’000 euros. La SA Greencel a également été condamnée à payer 3’500 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, qui prévoit le remboursement des frais irrépétibles exposés par la partie gagnante. Enfin, la SA Greencel a été condamnée aux dépens de la procédure, ce qui inclut tous les frais liés à l’expertise et aux procédures judiciaires engagées. Ces conséquences financières soulignent l’importance de respecter les obligations contractuelles pour éviter des litiges coûteux. |
DE RIOM
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
Du 19 novembre 2024
N° RG 22/02179 – N° Portalis DBVU-V-B7G-F5F5
-LB- Arrêt n° 470
Société GREENCEL anciennement dénommée BIOVITIS / S.A.S. GA ENTREPRISE
Jugement Au fond, origine Tribunal de Commerce d’AURILLAC, décision attaquée en date du 09 Septembre 2022, enregistrée sous le n° 2017J00039
Arrêt rendu le MARDI DIX NEUF NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE
COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :
M. Philippe VALLEIX, Président
Mme Laurence BEDOS, Conseiller
Mme Clémence CIROTTE, Conseiller
En présence de :
Mme Marlène BERTHET, greffier lors de l’appel des causes et du prononcé
ENTRE :
Société GREENCEL anciennement dénommée BIOVITIS
BIPOLE [Localité 4] LIMAGNE
[Adresse 5]
[Localité 2]
Représentée par Me Charles FRIBOURG de la SELARL POLE AVOCATS, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND
Timbre fiscal acquitté
APPELANTE
ET :
S.A.S. GA ENTREPRISE
[Adresse 3]
[Localité 1]
Représentée par Me Barbara GUTTON PERRIN de la SELARL LX RIOM-CLERMONT, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND
et par Me Eric-Gilbert LANEELLE de la SELAS CLAMENS CONSEIL, avocat au barreau de TOULOUSE
Timbre fiscal acquitté
INTIMEE
DÉBATS :
L’affaire a été débattue à l’audience publique du 23 septembre 2024, en application des dispositions de l’article 786 du code de procédure civile, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. VALLEIX et Mme BEDOS, rapporteurs.
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 19 novembre 2024 après prorogé du délibéré initialement prévu le 12 novembre 2024 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
Signé par M. VALLEIX, président et par Mme BERTHET, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La SA Biovitis, dont la dénomination sociale est désormais « Greencel », a entrepris la construction d’un bâtiment destiné à abriter des bureaux et un laboratoire sur un terrain situé à [Localité 2] (Puy-de-Dôme). Dans cette perspective, elle a conclu le 23 mars 2016 avec un groupement momentané conjoint de sociétés constitué par la SARL CDA Architectes et la SAS GA Entreprise, cette dernière intervenant également en qualité de mandataire du groupement, un contrat de « conception-réalisation » pour un montant global forfaitaire de 2’390’000 euros HT, soit 75’000 euros HT au titre des études préalables et du dossier de permis de construire (phase 1) et 2’315’000 euros HT au titre des études d’exécution et des travaux préliminaires (phase 2) et des travaux de construction (phase 3).
Le contrat prévoyait le règlement d’un acompte représentant 20 % du montant des travaux des phases 2 et 3 (soit la somme de 463’000 euros ) au plus tard à l’émission de l’ordre de service prescrivant le démarrage des études d’exécution et travaux préliminaires.
Le permis de construire a été déposé le 1er avril 2016, avec une déclaration d’ouverture de chantier demandée le 2 avril 2016. Les travaux ont commencé en novembre 2016.
Par courrier du 16 décembre 2016, la SAS GA Entreprise a signifié à la société Biovitis qu’elle interrompait le cours du chantier en l’absence de règlement total de l’acompte prévu au contrat, précisant n’avoir reçu que 10 % d’acompte (soit la somme de 231’500 euros), ce qui avait permis de réaliser les terrassements et la plate-forme et de lancer les études d’exécution. Dans ce même courrier, elle invitait la société Biovitis à lui communiquer la date de versement du complément d’acompte afin « de relancer la préfabrication et de programmer [son] intervention sur chantier » et d’engager le démarrage de la phase 2 du projet.
Le même jour, la société GA Entreprise a adressé à la société Biovitis un avenant n°1, d’un montant de 1’178’361 euros HT, que celle-ci n’a pas signé.
Le 28 avril 2017, la société GA Entreprise a fait constater par huissier l’état d’avancement du chantier. Les travaux n’ont pas été repris par la suite par cette dernière. Le permis de construire a été transféré au profit d’une autre entreprise qui a réalisé les travaux d’édification du bâtiment.
Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 1er juin 2017, adressé à la société Biovitis, la société GA Entreprise s’est prévalue de la résiliation du marché à l’initiative du maître d’ouvrage, la mettant en demeure de lui régler au titre des dépenses exposées (charges engagées, règlement des sous-traitants et immobilisation), la somme totale 36’260 euros, après déduction de l’acompte versé à hauteur de 306’500 euros outre celle de 597’500 euros d’indemnité au titre du manque à gagner.
Par acte d’huissier en date du 28 septembre 2017, la SAS GA Entreprise a fait assigner devant le tribunal de commerce d’Aurillac la société Biovitis pour que soit constatée la résiliation du marché de travaux à ses torts exclusifs et pour obtenir sa condamnation au paiement des sommes de 36’960 euros au titre du solde des dépenses exposées et 597’500 euros en réparation de son préjudice constitué par le manque à gagner résultant de la cessation anticipée du marché.
Par jugement du 8 octobre 2019, le tribunal de commerce d’Aurillac a ordonné une mesure d’expertise, qui a été confiée à M. [Z]. L’expert a déposé son rapport le 12 avril 2021.
Par jugement rendu le 9 septembre 2022, le tribunal de commerce a statué en ces termes :
-Condamne la SA Greencel, anciennement dénommée Biovitis, à payer et porter à la SAS GA Entreprise la somme de 253’315,30 euros en réparation de ses préjudices, avec intérêts légaux à compter de la mise en demeure du 1er juin 2017 ;
-Dit que les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produiront intérêts ;
-Ordonne l’exécution provisoire du présent jugement, nonobstant toutes voies de recours et sans caution, dans la limite de 130’000 euros ;
-Ordonne la mainlevée des différentes cautions souscrites par la SAS GA Entreprise auprès de LCL et de la Banque Européenne du Crédit Mutuel concernant ce chantier ;
-Condamne la SA Greencel, anciennement dénommée Biovitis, à payer et porter à la SAS GA Entreprise la somme de 3500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
-Déboute les parties de leurs autres demandes, fins et conclusions plus amples et contraires ;
-Condamne la SA Greencel, anciennement dénommée Biovitis, aux entiers dépens de la procédure, comprenant les frais d’expertise.
La SA Greencel a relevé appel de cette décision par déclaration électronique enregistrée le 21 novembre 2022.
La clôture de l’instruction a été prononcée par ordonnance du 13 juin 2024.
Vu les conclusions transmises par la SA Greencel le 20 février 2023 ;
Vu les conclusions transmises par la SAS GA Entreprise le 16 mai 2023 ;
En application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions susvisées pour l’exposé complet des prétentions respectives des parties et de leurs moyens.
Il sera rappelé en premier lieu qu’en application des dispositions de l’article 954 du code de procédure civile la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions et qu’elle n’a pas à se prononcer sur les demandes de « constater que… » ou de « dire et juger que…» lorsque celles-ci ne correspondent pas à des prétentions au sens des articles 4, 31 et 954 du code de procédure civile, mais en réalité à des moyens ou arguments invoqués au soutien des véritables prétentions.
-Sur la demande tendant au prononcé de la résiliation du contrat conclu le 23 mars 2016 :
Il sera observé que si la société GA Entreprise, dans le courrier adressé à la société Biovitis le 1er juin 2017, s’est prévalue de la résiliation du marché à l’initiative du maître d’ouvrage, elle a saisi le tribunal de commerce d’une demande tendant au prononcé de la résiliation du contrat pour faute de son cocontractant, et non d’une demande de qualification de la rupture de la relation contractuelle en résiliation unilatérale du marché. Devant la cour, la société Greencel sollicite la confirmation du jugement en ce qu’il a prononcé la résiliation du marché aux torts exclusifs de la société Biovitis. Les prétentions doivent en conséquence être examinées sur le fondement de l’article 1184 du code civil, dans sa version antérieure au 1er octobre 2016, applicable à la cause, qui dispose :
« La condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l’une des deux parties ne satisfera point à son engagement.
Dans ce cas, le contrat n’est point résolu de plein droit. La partie envers laquelle l’engagement n’a point été exécuté, a le choix ou de forcer l’autre à l’exécution de la convention lorsqu’elle est possible, ou d’en demander la résolution avec dommages et intérêts.
La résolution doit être demandée en justice, et il peut être accordé au défendeur un délai selon les circonstances. »
Il ressort en l’espèce des stipulations du contrat conclu le 23 mars 2016 que la société Biovitis, désormais dénommée Greencel, avait pour obligation de régler un acompte représentant 20 % du montant des travaux des phases 2 et 3 du marché (soit la somme de 463’000 euros ) au plus tard à l’émission de l’ordre de service prescrivant le démarrage des études d’exécution et travaux préliminaires.
Le contrat prévoyait en outre, dans le paragraphe consacré aux retards de paiement :
« En cas de défaut de paiement à la date contractuelle, le GROUPEMENT pourra suspendre les travaux après mise en demeure préalable restée sans effet pendant 15 jours calendaires.
Le défaut de paiement rend immédiatement exigibles toutes les créances du GROUPEMENT.
Le MAÎTRE DE L’OUVRAGE sera responsable des conséquences de toute interruption de travaux résultant de la non observation de ses obligations ».
La société GA Entreprise a réclamé à la société Biovitis le règlement du solde de l’acompte dû par courrier du 16 décembre 2016, l’avertissant en outre qu’elle ne pourrait poursuivre le chantier qu’après paiement du solde de l’acompte dû. Elle a adressé en vain à la société Biovitis une mise en demeure par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 1er juin 2017.
L’appelante ne conteste pas ne pas s’être acquittée de ses obligations au titre de l’acompte prévu au contrat mais soutient que, pour autant, la résiliation judiciaire doit être prononcée aux torts de la société GA Entreprise, reprochant à cette dernière d’avoir manqué à ses obligations en ne procédant pas à une recherche d’optimisation des coûts dans le cadre de l’opération envisagée. Elle estime que ce défaut s’est traduit par un dépassement anormal du marché à forfait, concrétisé par l’émission d’un avenant n°1 d’un montant de 1’178’361 euros ayant eu pour conséquence de porter le montant du marché à la somme de 3’568’361 euros, soit une hausse de 23 %.
Toutefois, ainsi que le souligne la société GA Entreprise, la faute reprochée à la SA Greencel se situe en amont de la discussion ayant opposé les parties au sujet de la signature de cet avenant.
Il ressort par ailleurs des éléments du dossier, notamment du rapport d’expertise, d’une part que les prestations prévues au marché étaient précisément décrites dans le CCTP (Cahier des Clauses Techniques Particulières), l’expert n’ayant à cet égard relevé aucune insuffisance, d’autre part que l’avenant n°1 correspondait à des travaux concernant l’aménagement intérieur et les équipements de l’espace de production et d’exploitation liés au process industriel, travaux non compris dans le CCTP. La société GA Entreprise se réfère sur ce point en pages 7 et 8 de ses écritures non seulement au CCTP, mais encore au rapport initial du contrôle technique du 22 novembre 2016 et aux échanges entre les parties, dont il ressort que des travaux supplémentaires devaient être chiffrés lorsque la société Biovitis aurait défini l’implantation du process industriel d’exploitation du bâtiment.
L’appelante n’apporte aucune contestation pertinente sur ces éléments, se limitant à critiquer le rapport d’expertise, et l’expert lui-même, par référence à une affaire sans aucun rapport avec le présent litige, communiquant devant la cour les pièces de cette procédure. Elle soutient également avoir consulté « différentes entreprises concurrentes » qui lui auraient expliqué que le marché de travaux était insuffisamment précis et que ses besoins n’avaient pas été pris en considération au regard de l’optimisation des coûts, mais ne produit aucun document à l’appui de ses affirmations.
Il résulte de ces explications, en premier lieu qu’il n’est pas démontré que la société GA Entreprise ait manqué à ses propres obligations, ensuite que l’ajournement des travaux, qui s’est transformé en arrêt du chantier confié à la société Greencel, chantier en définitive transféré à une autre entreprise, est exclusivement imputable au manquement de la société Biovitis à son obligation contractuelle de s’acquitter de l’acompte prévu au contrat au terme convenu. Or, le règlement du solde de l’acompte dû, d’un montant conséquent, conditionnait nécessairement la poursuite du chantier.
Le tribunal de commerce a dès lors justement considéré que ce manquement était suffisamment grave pour justifier le prononcé de la résiliation du contrat aux torts de la SA Greencel, étant observé que cette décision, énoncée dans les motifs du jugement, n’a pas été reprise dans le dispositif.
En l’absence de faute retenue à l’encontre de la société GA Entreprise, le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté la société Greencel de sa demande de dommages et intérêts.
– Sur les préjudices résultant pour la SAS GA Entreprise de la résiliation du contrat :
La résiliation du marché étant prononcée aux torts exclusifs de la société Greencel, la société GA Entreprise est fondée, en application des articles 1184 et 1149 anciens du code civil, à obtenir réparation de ses préjudices, les dommages et intérêts dus étant de la perte faite et du gain dont elle a été privée, et n’étant pas limités, contrairement à ce que soutient l’appelante, à l’indemnisation du seul « coût des études et travaux réalisés jusqu’à la date de résiliation » : cette stipulation, prévue à l’article IX du CCAP, est en effet applicable uniquement au cas de résiliation de plein droit du contrat à l’initiative du groupement.
La société GA Entreprise évoque divers préjudices résultant, du manque à gagner subi, des travaux engagés non réglés, du coût d’immobilisation des personnels et des coûts fixes exposés au titre des cautionnements souscrits auprès du Crédit Lyonnais et du Crédit Mutuel.
L’expert judiciaire indique que :
-Les travaux ont été exécutés et payés au titre de la phase 1, les travaux prévus au titre de la phase 2 ont été partiellement réalisés, cette phase n’étant pas soldée intégralement, les travaux concernés par la phase 3 sont sans objet ;
-S’agissant des frais engagés, il convient d’écarter les factures relatives à des travaux déjà réglés en phase 1 et aux travaux et prestations intégrés à la phase 2 ;
-S’agissant de l’immobilisation des personnels pendant la durée de suspension des travaux, il peut être retenu uniquement une période de 15 jours, pendant laquelle la mobilisation de personnel a été nécessaire pour deux personnes la première semaine et une seule personne la seconde semaine ;
– S’agissant du manque à gagner et des coûts fixes, il apparaît, après étude des réclamations sur la base des documents communiqués par la société GA Entreprise, que ce poste de préjudice peut être estimé à un montant équivalent à la prise en compte dans son intégralité du montant de la phase 2 au titre de laquelle les travaux ont été partiellement réalisés ;
-S’agissant des cautionnements, il subsiste à la charge de la société GA Entreprise, nonobstant l’annulation des cautionnements du fait de l’absence de réalisation des travaux, des frais financiers de commission.
Sur cette base, le tribunal de commerce a évalué le préjudice global subi par la société GA Entreprise à la somme de 253’315,30 euros, en retenant les postes de préjudice suivants :
-Préjudice lié au manque à gagner et à l’amortissement des coûts fixes : 231’500 euros
-Préjudice au titre des dépenses exposées : 14’090,30 euros
-Préjudice lié à l’immobilisation de personnel : 7000 euros
-Préjudice lié aux frais de commission afférents aux cautionnements : 725 euros
La méthode d’évaluation des préjudices proposée par l’expert et retenue par le tribunal de commerce, qui a procédé à des rectificatifs uniquement sur les montants en fonction des justificatifs communiqués, n’est pas en elle-même critiquée par l’appelante, qui conteste l’expertise uniquement sur l’analyse de la situation résultant de l’émission de l’avenant n°1.
La société intimée forme appel incident en ce que le jugement a rejeté sa demande au titre des frais de commission afférents aux cautionnements souscrits auprès du Crédit Mutuel pour la garantie des sous-traitants. Toutefois, le tribunal a justement retenu sur ce point que le relevé produit ne permettait pas d’établir que les frais prélevés correspondaient à la garantie des sous-traitants du chantier Biovitis.
En l’absence de critique utile du jugement entrepris et de toute production de pièces nouvelles susceptibles de remettre en question devant la cour l’appréciation des faits de la cause à laquelle a procédé le premier juge, le jugement mérite confirmation en ce qu’il a condamné la SA Greencel, anciennement dénommée Biovitis, à payer à la société GA Entreprise la somme de 253’315,30 euros en réparation de son entier préjudice.
– Sur les dépens et les frais irrépétibles :
Le jugement sera confirmé sur les dépens et l’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
La SA Greencel sera condamnée aux dépens d’appel ainsi qu’à payer à la SAS GA Entreprise la somme de 5000 euros au titre des frais irrépétibles exposés pour les besoins de la procédure devant la cour.
LA COUR,
Statuant publiquement et contradictoirement,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Condamne la SA Greencel aux dépens d’appel, cette condamnation étant assortie au profit de maître Gutton du droit de recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont elle a fait l’avance sans avoir reçu provision, en application de l’article 699 du code de procédure civile ;
Condamne la SA Greencel à payer à la SAS GA Entreprise la somme de 5000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre irrépétibles exposés pour les besoins de la procédure la cour.
Le Greffier Le Président
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