Responsabilité des constructeurs et garanties décennales en matière de désordres immobiliers

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Responsabilité des constructeurs et garanties décennales en matière de désordres immobiliers

L’Essentiel : La SNC [Adresse 12] a été condamnée par le tribunal à verser 9 480 587 francs CFP au syndicat des copropriétaires pour des désordres dans la résidence, notamment des infiltrations d’eau et des problèmes d’étanchéité. L’expertise a révélé des défauts d’étanchéité des jardinières et de corrosion sur la charpente métallique. Plusieurs entreprises, dont la SARL Botanéa, ont été impliquées, mais cette dernière a été placée en liquidation judiciaire, impactant les responsabilités financières. Le tribunal a également ordonné l’exécution provisoire du jugement, et les parties ont été condamnées solidairement aux dépens, y compris les frais d’expertise.

Contexte de l’affaire

La SNC [Adresse 12] a engagé la SARL Willy Porcheron et la SARL Gabriel, Jean-Gabriel Cayrol Architectes pour la conception et la maîtrise d’œuvre de la résidence [Adresse 12]. Le permis de construire a été délivré le 14 septembre 2004. La réalisation des travaux a été confiée à plusieurs entreprises, dont la SARL Entreprise Zuccato pour le gros œuvre, et la société Pacific Etanchéité pour les travaux d’étanchéité. La réception des travaux a eu lieu le 30 janvier 2009.

Litige et assignation

Le 15 novembre 2016, le syndicat des copropriétaires a assigné la SNC [Adresse 12] devant le tribunal de première instance de Nouméa, demandant 70 millions de francs CFP pour des travaux de reprise des désordres dans les parties communes. En réponse, la SNC [Adresse 12] a assigné plusieurs entreprises en intervention forcée pour garantir sa défense.

Expertise et rapports

Une expertise a été ordonnée le 8 janvier 2018, et un expert a été désigné. Après le décès de l’expert initial, un nouveau rapport a été rendu en novembre 2020. Les désordres identifiés incluent des infiltrations d’eau, de la corrosion sur la charpente métallique, et des problèmes d’étanchéité.

Jugement et condamnations

Le tribunal a rejeté les moyens de nullité et de prescription soulevés par la défense. Il a condamné la SNC [Adresse 12] à verser au syndicat des copropriétaires une somme totale de 9 480 587 francs CFP pour divers préjudices, incluant des infiltrations et des désordres structurels. La société Cayrol, Gabriel Jean-Gabriel Cayrol Architectes a été condamnée à garantir la SNC pour une partie de cette somme.

Responsabilités des entreprises

La SNC [Adresse 12] a été jugée responsable des désordres causés par un défaut d’étanchéité des jardinières, ainsi que de la corrosion des structures métalliques. D’autres entreprises, comme la SARL Botanéa, ont également été impliquées, mais ont été placées en liquidation judiciaire, ce qui a conduit à des ajustements dans les responsabilités financières.

Exécution provisoire et dépens

Le tribunal a ordonné l’exécution provisoire du jugement, sauf pour certaines demandes spécifiques. Les parties ont été condamnées solidairement aux dépens, incluant les frais d’expertise, et des sommes ont été fixées au passif de la liquidation de la SARL Botanéa.

Q/R juridiques soulevées :

1. Sur la validité de l’acte introductif d’instance

La société Zuccato conteste la validité de l’acte introductif d’instance en soutenant que le syndicat des copropriétaires n’aurait pas été valablement autorisé à agir en justice.

Selon l’article 117 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie :

“Constituent des irrégularités de fond affectant la validité de l’acte : / Le défaut de capacité d’ester en justice ; / Le défaut de pouvoir d’une partie ou d’une personne figurant au procès comme représentant soit d’une personne morale, soit d’une personne atteinte d’une incapacité d’exercice. / Le défaut de capacité ou de pouvoir d’une personne assurant la représentation d’une partie en justice.”

Le procès-verbal d’assemblée générale du 29 septembre 2016 autorise le syndic à ester en justice contre la SNC [Adresse 12] pour obtenir la prise en charge des travaux de reprise des désordres.

Cette décision, qui mandate le syndic pour représenter la copropriété devant toutes juridictions, répond aux exigences de l’article 55 du décret n°67-223 du 17 mars 1967.

Ainsi, le moyen tiré de la nullité de l’acte introductif d’instance est écarté.

1.2 Sur la prescription

La SARL Botanea soutient que l’action du syndicat des copropriétaires est prescrite.

L’article 122 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie stipule :

“Constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix ou la chose jugée.”

L’article Lp. 1792-4-1 du code civil de la Nouvelle-Calédonie précise que :

“Toute personne physique ou morale dont la responsabilité peut être engagée en vertu de l’article Lp. 1792 est déchargée des responsabilités et garanties pesant sur elle, après dix ans à compter de la réception des travaux.”

La réception des travaux ayant eu lieu le 30 janvier 2009, et la requête introductive d’instance étant datée du 15 novembre 2016, la fin de non-recevoir doit donc être écartée.

2. Sur les demandes principales

2.1 Sur la présence d’eau dans la dalle supérieure du R-1

Le rapport d’expert révèle des infiltrations d’eau dans la dalle supérieure du R-1 et dans certains appartements, causées par un défaut d’étanchéité des jardinières.

Les désordres sont liés à l’implantation inadaptée de palmiers, dont les racines ont déchiré la membrane d’étanchéité.

Le procès-verbal de réception mentionne déjà une étanchéité défectueuse en 2010, ce qui prouve que les désordres sont concomitants à la construction.

La SNC [Adresse 12] est donc responsable des désordres et devra verser 4 039 131 francs CFP au syndicat des copropriétaires.

2.2 Sur l’oxydation de la charpente métallique

Le rapport d’expertise indique des traces de corrosion sur les structures métalliques de charpente, en raison de l’absence de mesures spécifiques pour un environnement proche de la mer.

Le CCTP ne contient pas de prescriptions précises sur la classe environnementale des produits.

Le tribunal adopte la répartition des frais de réparation proposée par l’expert, mettant à la charge de la SNC [Adresse 12] une somme de 3 039 641 francs CFP.

2.3 Sur la fissuration de façade

La société Zuccato reconnaît sa responsabilité dans les désordres structurels de la dalle Est du parking.

Elle s’est engagée à reprendre les travaux mais ne les a pas effectués.

La SNC [Adresse 12] devra verser 261 184 francs CFP au syndicat des copropriétaires, dont elle sera garantie par la société Entreprise Zuccato.

2.4 Sur la rouille des installations de VMC

Le rapport d’expertise révèle une corrosion anormale des moteurs d’extraction des installations de VMC, imputable au maître d’œuvre.

La SNC [Adresse 12] devra verser 1 350 000 francs CFP pour ce préjudice, avec garantie de la société Cayrol, Gabriel Jean-Gabriel Cayrol Architectes.

2.5 Sur la dégradation des clôtures en fer forgé

Le syndicat des copropriétaires a remplacé les clôtures en fer forgé sans preuve de désordres.

Les demandes à ce titre sont donc rejetées.

2.6 Sur l’exécution de la pente des coursives

Le rapport d’expertise indique que la pente des coursives ne permet pas une évacuation satisfaisante de l’eau.

La SNC [Adresse 12] devra verser 300 000 francs CFP au syndicat des copropriétaires, avec garantie de la société Cayrol, Gabriel Jean-Gabriel Cayrol Architectes.

2.7 Sur l’implantation de la ventilation des parkings

Le tribunal n’a pas reçu les éléments demandés pour apprécier la demande de ventilation des parkings.

Ces demandes sont donc rejetées.

2.8 Sur la conception de la ventilation primaire des WC de l’appartement A33

Le maître d’œuvre a reconnu un oubli concernant les réseaux de ventilation.

La SNC [Adresse 12] devra verser 412 496 francs CFP, avec garantie de la société Cayrol, Gabriel Jean-Gabriel Cayrol Architectes.

3. Sur les autres demandes

L’ancienneté de l’affaire justifie l’exécution provisoire du jugement, sauf pour la “division/rattachement” de parcelles.

La SNC [Adresse 12] et les autres sociétés devront payer 800 000 francs CFP au syndicat des copropriétaires au titre de l’article 700 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie.

La société Cayrol, Gabriel Jean-Gabriel Cayrol Architectes devra verser 250 000 francs CFP à la SNC [Adresse 12].

Les autres demandes sont rejetées, et les dépens, y compris les frais d’expertise, sont à la charge des sociétés condamnées.

Rôle général
des affaires civiles
N° RG 16/03284 – N° Portalis DB37-W-B7A-EA4Z

JUGEMENT N°24/

Notification le : 30 décembre 2024

Copie certifiée conforme revêtue de la formule exécutoire + CCC – SARL ZAOUCHE RANSON
Copie certifiée conforme revêtue de la formule exécutoire + CCC – Me Valérie ROBERTSON
CCC – Me Magali MANUOHALAO
CCC – SELARL [R] [V]
CCC – SELARL CDAC
CCC – SELARL LFC
Copie dossier
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DE NOUMEA

JUGEMENT DU 30 DECEMBRE 2024

PARTIES EN CAUSE

DEMANDEUR

Syndicat de copropriétaires DE L’IMMEUBLE [Adresse 12]
représenté par son syndic en exercice, la SNC AGENCE GENERALE immatriculée au registre du commerce et des sociétés de NOUMEA sous le numéro 027 763 dont le siège social est situé [Adresse 5], représentée par son Directeur en exercice

non comparant, représenté par Maître Vanessa ZAOUCHE de la SARL ZAOUCHE RANSON, société d’avocats au barreau de NOUMEA

d’une part,

DEFENDERESSE

S.N.C. [Adresse 12]
Société en Nom Collectif immatriculée au registre du commerce et des sociétés de NOUMEA sous le numéro 644 070 dont le siège social est situé [Adresse 4], représentée par son Directeur en exercice

non comparante, représentée par Me Valérie ROBERTSON, avocat au barreau de NOUMEA
d’autre part,

PARTIES INTERVENANTES :

1- S.A.R.L. PACIFIC ETANCHEITE
Société A Responsabilité Limitée immatriculée au registre du commerce et des sociétés de NOUMEA sous le numéro 681 460 dont le siège social est situé [Adresse 7], représentée par son gérant en exercice

non comparante, ni représentée

2- S.A.R.L. ENTREPRISE ZUCCATO
Société A Responsabilité Limitée immatriculée au registre du commerce et des sociétés de NOUMEA sous le numéro 086 918 dont le siège social est situé [Adresse 10], représentée par son gérant en exercice

non comparante, représentée par Maître Magali MANUOHALALO, avocat au barreau de NOUMEA

3- S.A.R.L. BOTANEA
Société A Responsabilité Limitée immatriculée au registre du commerce et des sociétés de NOUMEA sous le numéro B 859 850 dont le siège social est situé [Adresse 2], représentée par la SELARL [R] [V], Société d’Exercice Libéral à Responsabilité Limitée immatriculée au RCS de Nouméa sous le numéro B 592 279 dont le siège social est sis [Adresse 1], représentée par sa gérante en exercice, ès qualités de mandataire liquidateur, désignée à cette fonction par jugement du tribunal mixte de commerce de Nouméa en date du 02 février 2023

non comparante, concluante par Maître [R] [V],

4- S.A.S. STIV ZUCCATO
Société par actions simplifiées immatriculée au registre du commerce et des sociétés de NOUMEA sous le numéro B 659 144 dont le siège social est situé [Adresse 9], représentée par son Directeur en exercice

non comparante, représentée par Maître Magali MANUOHALALO, avocat au barreau de NOUMEA

5- SOCIETE MUTUELLE D’ASSURANCE DU BATIMENT ET DES TRAVAUX PUBLICS dite SMABTP dont le siège social est situé [Adresse 3], représentée par son Directeur en exercice

non comparante, représentée par Maître Véronique LE THERY de la SELARL CABINET D’AFFAIRES CALEDONIEN, société d’avocats au barreau de NOUMEA

6- S.A.R.L. GABRIEL, JEAN GABRIEL CAYROL ARCHITECTES
Société A Responsabilité Limitée immatriculée au registre du commerce et des sociétés de NOUMEA sous le numéro B 295 840 dont le siège social est situé [Adresse 11], représentée par son gérant en exercice

non comparante, représentée par Maître John LOUZIER de la SELARL LFC AVOCATS, avocats au barreau de NOUMEA

7- S.A.R.L. CABINET D’ARCHITECTURE W.PORCHERON
Société A Responsabilité Limité immatriculée au registre du commerce et des sociétés de NOUMEA sous le numéro B 230 748 dont le siège social est situé [Adresse 6], représentée par son gérant en exercice

non comparante, représentée par Maître John LOUZIER de la SELARL LFC AVOCATS, société d’avocats au barreau de NOUMEA

toutes les sept appelées en intervention forcée,

d’autre part,

COMPOSITION du Tribunal :

PRÉSIDENT : Luc BRIAND, Vice-Président du Tribunal de Première Instance de NOUMÉA,

GREFFIERE lors des débats : Véronique CHAUME

Débats à l’audience publique du 04 Novembre 2024, date à laquelle le Président a informé les parties que la décision serait remise avec le dossier au greffe de la juridiction pour l’audience du 30 Décembre 2024 conformément aux dispositions de l’article 451 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie,

JUGEMENT réputé contradictoire rendu publiquement par remise au greffe avec le dossier pour l’audience du 30 Décembre 2024 et signé par le président et la greffière, Christèle ROUMY, présente lors de la remise.

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE :

Par contrat du 20 novembre 2002, la SNC [Adresse 12] a confié à la SARL Willy Porcheron et à la SARL Gabriel, Jean-Gabriel Cayrol Architectes la conception et la maîtrise d’oeuvre des opérations de construction de la résidence [Adresse 12], située au [Adresse 8], à [Localité 13].

Le permis de construire de cet immeuble a été délivré le 14 septembre 2004.

Par acte d’engagement du 6 novembre 2006, la SNC [Adresse 12] a confié à la SARL Entreprise Zuccato la réalisation du lot “fondations et gros oeuvre”, cette dernière société ayant, par contrat du 15 janvier 2007, sous-traité la réalisation du lot “gros oeuvre” à la SAS STIV Zuccato.

Par acte d’engagement du 8 janvier 2007, la SNC [Adresse 12] a confié la réalisation des travaux d’étanchéité à la société Pacific Etanchéité. Enfin, par acte d’engagement du 31 mars 2008, la SNC [Adresse 12] a confié la réalisation du lot “espaces verts” à la SARL Botanéa.

La réception des travaux a été effectuée le 30 janvier 2009 et l’assurance décennale souscrite le 9 février suivant par la SARL Entreprise Zuccato auprès de la SMABTP.

Par requête introductive d’instance en date du 15 novembre 2016 signifiée à personne habilité le 18 novembre suivant, le syndicat des copropriétaires de l’immeuble [Adresse 12] a assigné la société [Adresse 12] devant le tribunal de première instance de Nouméa aux fins d’obtenir sa condamnation à lui verser la somme de 70 millions de francs CFP au titre de travaux de reprise des désordres qu’elle allègue et relatifs aux parties communes de l’immeuble.

Par acte d’huissier du 16 août 2017, la SNC [Adresse 12] a assigné les sociétés Willy Porcheron, Gabriel, Jean-Gabriel Cayrol Architectes, Entreprise Zuccato, STIV Zuccato et SMABTP en intervention forcée aux fins que celles-ci la garantissent de toute éventuelle condamnation.

Par ordonnance du 8 janvier 2018, le juge de la mise en état a ordonné une expertise, confiée à M. [D] [O].

Par actes d’huissier en date des 28 et 29 mai 2018, la SNC [Adresse 12] a assigné les sociétés Pacific Etanchéité et Botanea aux fins que celles-ci la garantissent de toute éventuelle condamnation.

Par requête devant le juge de la mise en état en date du 5 juin 2018, la SNC [Adresse 12] a sollicité que leur soit rendue opposable l’ordonnance du 8 janvier 2018. Il a été fait droit à cette demande par ordonnance du 8 octobre 2018.

L’expert a déposé son pré-rapport le 12 septembre 2019 mais est décédé au cours de la suite des opérations. Par ordonnance du juge chargé du contrôle des expertises en date du 12 février 2020, M. [T] [I] a été commis comme expert et a rendu son rapport définitif le 12 novembre 2020.

Par jugement du tribunal mixte de commerce de Nouméa du 2 février 2023, la liquidation judiciaire de la SARL Botanéa a été prononcée.

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie, il sera renvoyé, pour l’exposé des prétentions et des moyens des parties, aux conclusions du 20 février 2024 pour le Syndicat des copropriétaires de l’immeuble [Adresse 12], du 30 mai 2023 pour la société SNC [Adresse 12], du 10 mai 2023 pour les sociétés Zuccato et STIV Zuccato, du 16 février 2023 pour la société Cayrol, Gabriel Jean-Gabriel Cayrol Architectes, du 15 juin 2022 (explicitement reprises par le liquidateur judiciaire de cette société) pour la SARL Botanea et du 14 novembre 2022 pour la SMABTP, ainsi le cas échéant qu’aux précédentes conclusions déposées par chacune des parties.

L’ordonnance de clôture est en date du 27 juin 2024.

L’affaire a été fixée à l’audience de plaidoirie du 4 novembre 2024 puis mise en délibéré au 30 décembre suivant.

Le 22 novembre 2024, conformément aux articles 442 et 445 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie, le président a demandé au Syndicat des copropriétaires de l’immeuble [Adresse 12] et à la société [Adresse 12] des éléments d’information supplémentaires sur la demande de “division/rattachement” de parcelle présentée par le syndicat des copropriétaires.

SUR CE :

1. Sur l’exception de nullité et la fin de non-recevoir

1.1 Sur la validité de l’acte introductif d’instance :

Aux termes de l’article 117 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie : “ Constituent des irrégularités de fond affectant la validité de l’acte : / Le défaut de capacité d’ester en justice ; / Le défaut de pouvoir d’une partie ou d’une personne figurant au procès comme représentant soit d’une personne morale, soit d’une personne atteinte d’une incapacité d’exercice. / Le défaut de capacité ou de pouvoir d’une personne assurant la représentation d’une partie en justice. “

La société Zuccato soutient que le syndicat des copropriétaires n’aurait pas été valablement autorisé à agir en justice, dès lors la décision de l’assemblée générale des copropriétaires en date du 29 septembre 2016 ne précise pas la nature de l’action autorisée, au fond ou en incident.

Aux termes du procès-verbal d’assemblée générale du 29 septembre 2016, l’assemblée générale a autorisé le syndic “à ester en justice à l’encontre de la SNC [Adresse 12] et toute société dont la responsabilité pourrait être engagée, pour obtenir leur condamnation à la prise en charge des travaux de reprise des désordres, malfaçons et non-conformités relevés dans l’inexécution des travaux de construction de l’immeuble”, l’assemblée générale donnant mandat à cette fin au syndic pour représenter la copropriété “devant toutes juridictions”.

Il résulte de cette décision de l’assemblée générale des copropriétaires que le syndicat a été autorisé à agir en justice par une décision valant à l’égard de l’ensemble des personnes concernées par l’obligation de garantie décennale des constructeurs et assureurs et pour toute action au fond comme en incident, la nature de cette action étant suffisamment définie par sa finalité et répondant aux exigences de l’article 55 du décret n°67-223 du 17 mars 1967 pris pour l’application de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis.

Le moyen tiré de la nullité de l’acte introductif d’instance ne peut donc qu’être écarté.

1.2 Sur la prescription :

Aux termes de l’article 122 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie : “Constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix ou la chose jugée.”

La SARL Botanea soutient que l’action du syndicat des copropriétaires est prescrite.

Aux termes de l’article Lp. 1792-4-1 du code civil de la Nouvelle-Calédonie : “ Toute personne physique ou morale dont la responsabilité peut être engagée en vertu de l’article Lp. 1792 est déchargée des responsabilités et garanties pesant sur elle, après dix ans à compter de la réception des travaux. “

En l’espèce, la réception des travaux est en date du 30 janvier 2009 et la requête introductive d’instance remise par le syndicat demandeur est en date du 15 novembre 2016.

La fin de non-recevoir doit donc être écartée.

2. Sur les demandes principales :

2.1 Sur la présence d’eau dans la dalle supérieure du R-1 et dans certains appartements du rez-de-chaussée accolés aux jardinières :

Il ressort du rapport d’expert la présence d’eau dans la dalle supérieure du R-1, des traces d’infiltrations dans le local poubelle ainsi que le long de la façade Nord et sur le mur de gauche de l’accès au parking du bâtiment C, ce dernier mur comportant des traces d’infiltration, des boursouflures de la peinture et un décollement de l’enduit de ragréage.

Ces désordres se trouvent en dessous de l’une des jardinières de la résidence, l’appartement directement attenant à cette jardinière subissant également des infiltrations avec présence de traces d’humidité, de salpêtre avec décollement de la peinture, de l’enduit et de la plinthe de l’appartement.

Il ressort également du rapport d’expertise la présence de désordres identiques sur le muret d’une seconde jardinière.

La nature et la localisation des désordres, qui relèvent de la garantie décennale, permettent d’établir que ceux-ci ont été causés par un défaut d’étanchéité des jardinières, dont la membrane a été déchirée par l’action des racines de palmiers de grande hauteur qui y étaient plantés.

L’implantation de palmiers était inadapté à ces jardinières, compte tenu du système racinaire particulièrement vigoureux de ce type de plantes.

Il ressort du procès-verbal de réception pour la levée des réserves que dès l’année 2010 était relevée une étanchéité défectueuse des bacs à plantes entrainant des fuites importantes et imposant une remise en état en urgence, ce qui démontre que les désordres sont concomitants à la construction, et non aux choix de plantes qui auraient pu être effectués ultérieurement.

Sur ce dernier point, le cahier des clauses techniques particulières (CCTP) de la société Botanea mentionne certes que le choix des plantes lui incombait, et que la SNC [Adresse 12] se bornait à préconiser, d’ailleurs à juste titre, dans le CCTP du lot “espaces verts” qu’elle a directement établi, des “végétaux fougères retombantes” d’une hauteur de 60 centimètres au maximum. Toutefois, nonobstant ces prescriptions, le budget estimatif du 10 mars 2008 validé par le maître d’ouvrage porte mention de la plantation d’arbres et de palmiers, dont la hauteur est précisée de manière manuscrite à deux ou trois mètres, c’est à dire une taille impliquant des racines d’un volume nécessairement incompatible avec la protection des éléments d’étanchéité des jardinières.

La SNC [Adresse 12], qui a décidé du choix des palmiers et ne l’a pas seulement “validé”, à supposer même que cette dernière circonstance serait de nature à l’exonérer de sa responsabilité, est responsable des désordres.

Il sera fait juste évaluation de ce préjudice en mettant à la charge de la SNC [Adresse 12] une somme de 4 039 131 francs CFP à verser au syndicat des copropriétaires.

Par ailleurs, au titre des travaux demandés par l’expert et relatifs aux jardinières, la SNC [Adresse 12] est fondée à demander à la société Botanea une somme de 405 120 francs CFP.

La société Botanea ayant été placée en liquidation judiciaire, il y a lieu de fixer ces sommes au passif de la liquidation de cette société, au profit de la SNC [Adresse 12].

2.2 Sur l’oxydation de la charpente métallique :

Il ressort du rapport de l’expert la présence de nombreuses traces de corrosion sur les structures métalliques de charpente, sur les sous-forgets, ce depuis l’année 2014.

Alors que la situation de l’immeuble, à proximité de la mer, imposait que des mesures spécifiques fussent prises, le CCTP rédigé par le maître d’oeuvre se borne à des préconisations générales, sans prescriptions précises sur la classe environnementale requise pour les produits, sur la résistance, les épaisseurs de fils résiduels secs ni sur la qualité de peinture requise et les précautions préalables à l’application de cette dernière.

Au regard des éléments du dossier, le tribunal fait sienne la répartition proposée par l’expert au titre des frais de réparation de ces désordres, de sorte qu’il sera mis à la charge de la SNC [Adresse 12] une somme de 3 039 641 francs CFP à verser au syndicat des copropriétaires au titre de l’indemnisation de ce préjudice.
La société Gabriel, Jean-Gabriel Cayrol Architectes devra garantir la SNC [Adresse 12] de ces condamnations.

2.3 Sur la fissuration de façade :

La société Zuccato ne conteste pas sérieusement sa responsabilité dans les désordres structurels ponctuels de la dalle Est du parking, s’étant d’ailleurs engagée dans son dire du 6 novembre 2020 à les reprendre mais n’ayant pas procédé à ces travaux.

Il sera donc mis à la charge de la SNC [Adresse 12] une somme de 261 184 francs CFP à verser au syndicat des copropriétaires à ce titre, dont elle sera garantie par la société Entreprise Zuccato.

2.4 Sur la rouille des installations de VMC et l’absence de silentblocs :

Il ressort du rapport d’expertise l’inadaptation des installations de VMC, les caissons positionnés en toiture étant corrodés et leur ventilation insuffisante, ce dont il est résulté une corrosion anormale des moteurs d’extraction, imputable au maître d’oeuvre.
Il sera fait juste évaluation de ce préjudice en mettant à la charge à la SNC [Adresse 12] une somme de 1 350 000 francs CFP à ce titre. La société Gabriel, Jean-Gabriel Cayrol Architectes devra garantir la SNC [Adresse 12] de cette condamnation.

S’agissant par ailleurs de silentblocs, il ressort des mentions du CCTP (page 14) que devait être particulièrement prise en compte l’insonorisation de l’installation. Or, dès 2014 a été constatée par l’huissier de justice alors mandaté l’absence de silentblocs sur l’ensemble des moteurs de climatisation installés sur les trois toitures des bâtiments A, B et C.

Il sera fait une juste appréciation du préjudice causé par l’omission de ces éléments, imputable à l’architecte maître d’oeuvre, en mettant à la charge de cette dernière une somme de 1 023 015 francs CFP à verser au syndicat des copropriétaires à ce titre. La société Gabriel, Jean-Gabriel Cayrol Architectes devra garantir la SNC [Adresse 12] de cette condamnation.

2.5 Sur la dégradation des clôtures en fer forgé :

Le syndicat des copropriétaires a fait procéder au remplacement des clôtures en fer forgé environ deux ans après la réception des travaux. Toutefois, en l’asbence de tout élément permettant d’établir l’existence de désordres affectant cet équipement et, à plus forte raison, d’imputer la responsabilité de ceux-ci à une quelconque société, les demandes du syndicat des copropriétaires présentées à ce titre ne peuvent qu’être rejetées.

2.6 Sur l’exécution de la pente des coursives :

Il ressort du rapport d’expertise que la pente des coursives a été conçue et réalisée d’une manière telle qu’elle ne permet pas une évacuation satisfaisante de l’eau de pluie qui peut épisodiquement s’y déverser. Or, trois portes ne comportent pas le seuil de 5 centimètres prescrit par le DTU (36-5), et qui s’appliquaient bien aux portes en cause contrairement à ce que soutient la société Zuccato. Les seuls travaux de reprise possibles sont la mise en place d’une plinthe de bas de porte ainsi que de deux gargouilles en pied des garde-corps en béton de la coursive concernée.

Il sera fait une juste appréciation du préjudice en mettant à la charge de la SNC [Adresse 12] une somme de 300 000 francs CFP à verser au syndicat des copropriétaires à ce titre. La société Gabriel, Jean-Gabriel Cayrol Architectes devra garantir la SNC [Adresse 12] de cette condamnation.

2.7 Sur l’implantation de la ventilation des parkings :

Faute pour le tribunal d’avoir été destinataire des éléments demandés le 22 novembre 2024 en vertu des articles 442 et 445 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie, en l’absence d’élément suffisamment précis sur le cadre juridique de la demande, les numéros de cadastre des parcelles concernées, la propriété de celles-ci à la date du présent jugement, une description plus précise des espaces concernés et l’éventuelle nécessité d’une servitude au cas où il serait fait droit aux demandes présentées, le tribunal n’est pas en mesure d’apprécier le bien fondé de ces demandes, qui ne peuvent donc qu’être rejetées.

2.8 Sur la conception de la ventilation primaire des WC de l’appartement A33 :

Le maître d’oeuvre a reconnu sur ce point un oubli dans la réalisation des travaux portant sur les réseaux de ventilation.
Il sera fait une juste appréciation du préjudice en mettant à la charge de la SNC [Adresse 12] une somme de 412 496 francs CFP à verser au syndicat des copropriétaires à ce titre. La société Gabriel, Jean-Gabriel Cayrol Architectes devra garantir la SNC [Adresse 12] de cette condamnation.

3. Sur les autres demandes :

La nature et l’ancienneté de l’affaire justifient que soit ordonnée en partie l’exécution provisoire du présent jugement. Cette exécution provisoire portera sur l’ensemble des chefs du jugement, sauf ceux portant sur la “division/rattachement” de parcelles.

Il sera mis à la charge de la SNC [Adresse 12], de la société Entreprise Zuccato, de la société Cayrol, Gabriel Jean-Gabriel Cayrol Architectes, et de la SELARL [R] [V] en sa qualité de mandataire liquidateur de la SARL Botanea, solidairement, une somme de 800 000 francs CFP à verser au Syndicat des copropriétaires de l’immeuble [Adresse 12] au titre de l’article 700 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie.

De même, il est équitable de mettre à la charge de la seule société Cayrol, Gabriel Jean-Gabriel Cayrol Architectes une somme de 250 000 francs CFP à payer à la SNC [Adresse 12] à ce même titre.

Il n’est en revanche pas équitable de faire droit aux demandes formées à ce titre par la Société mutuelle d’assurance du bâtiment et des travaux publics (SMABTP), assureur décennal du bâtiment, ni aux demandées formées à ce titre par d’autres parties.

La SNC [Adresse 12], la société Entreprise Zuccato, la société Cayrol, Gabriel Jean-Gabriel Cayrol Architectes, et la SELARL [R] [V] en sa qualité de mandataire liquidateur de la SARL Botanea assumeront solidairement la charge des dépens, ce incluant les frais d’expertise.

PAR CES MOTIFS :

Le tribunal, statuant par jugement réputé contradictoire, en premier ressort, prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe,

REJETTE le moyen tiré de la nullité de l’acte introductif d’instance ;

ECARTE la fin de non-recevoir tirée de la prescription ;

CONDAMNE la SNC [Adresse 12] à verser au syndicat des copropriétaires de l’immeuble [Adresse 12] la somme de neuf millions quatre cent quatre-vingts mille cinq cent quatre-vingt sept (9 480 587) francs CFP ;

CONDAMNE la société Cayrol, Gabriel Jean-Gabriel Cayrol Architectes à garantir la SNC [Adresse 12] de cette condamnation à hauteur de quatre millions quatre cent soixante-quinze mille cent cinquante-deux (4 475 152) francs CFP ;

CONDAMNE solidairement la société Cayrol, Gabriel Jean-Gabriel Cayrol Architectes et la société En treprise Zuccato à garantir la SNC [Adresse 12] de cette condamnation à hauteur de trois cent mille (300 000) francs CFP ;

CONDAMNE la société Entreprise Zuccato à garantir la SNC [Adresse 12] de cette condamnation à hauteur de deux cent soixante et un mille cent quatre-vingt-quatre (261 184) francs CFP ;

FIXE la somme de 405 120 francs CFP au passif de la liquidation judiciaire de la SARL Botanéa, au profit de la SNC [Adresse 12] ;

REJETTE les autres demandes ;

ORDONNE l’exécution provisoire du présent jugement, sauf en ce qui concerne le chef de jugement relatif à la “division/rattachement” de parcelle ;

CONDAMNE solidairement la SNC [Adresse 12], la société Entreprise Zuccato, la société Cayrol, Gabriel Jean-Gabriel Cayrol Architectes, et la SELARL [R] [V] en sa qualité de mandataire liquidateur de la SARL Botanea à payer une somme de huit cent mille (800 000) francs CFP au Syndicat des copropriétaires de l’immeuble [Adresse 12] au titre de l’article 700 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie ;

CONDAMNE la société Cayrol, Gabriel Jean-Gabriel Cayrol Architectes à payer une somme de deux cent cinquante (250 000) francs CFP à la SNC [Adresse 12] au titre de l’article 700 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie ;

CONDAMNE solidairement la SNC [Adresse 12], la société Entreprise Zuccato, la société Cayrol, Gabriel Jean-Gabriel Cayrol Architectes, et la SELARL [R] [V] en sa qualité de mandataire liquidateur de la SARL Botanea aux dépens, ce incluant les frais d’expertise.

Ainsi fait, jugé et prononcé par mise à disposition au greffe de la juridiction les jour, mois et an ci-dessus.

LA GREFFIERE LE PRESIDENT


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