Responsabilité civile et recours entre assureurs : enjeux d’une collision mortelle

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Responsabilité civile et recours entre assureurs : enjeux d’une collision mortelle

L’Essentiel : Le 7 janvier 2017, un tragique accident de la route a eu lieu à [Localité 2] (HERAULT), impliquant un véhicule RENAULT TALISMAN et une VOLKSWAGEN GOLF. Ce dernier, immobilisé sur l’autoroute, a été percuté, entraînant la mort de Monsieur [P] [T], passager de la Golf. Le tribunal a condamné Monsieur [W] [Z] pour homicide involontaire, le reconnaissant comme seul responsable. AGPM ASSURANCES a indemnisé les ayants-droits de Monsieur [P] [T] et a assigné AXA FRANCE IARD pour remboursement. Cependant, AXA a contesté cette responsabilité, affirmant que les conditions de circulation étaient défavorables. Le tribunal a finalement rejeté les demandes d’AGPM.

Contexte de l’accident

Le 7 janvier 2017, un accident de la route s’est produit à [Localité 2] (HERAULT) impliquant un véhicule RENAULT TALISMAN, conduit par Monsieur [Y] [X], et un véhicule VOLKSWAGEN GOLF, conduit par Monsieur [W] [Z]. Ce dernier était immobilisé sur l’autoroute lorsque le premier véhicule l’a percuté, entraînant la mort de Monsieur [P] [T], passager du VOLKSWAGEN.

Condamnation de Monsieur [W] [Z]

Suite à cet accident, le tribunal correctionnel a condamné Monsieur [W] [Z] le 13 novembre 2018 pour homicide involontaire, récidive de conduite sous l’emprise de l’alcool et mise en danger d’autrui. Il a été reconnu comme étant le seul responsable du décès de Monsieur [P] [T].

Indemnisation des ayants-droits

La compagnie d’assurance AGPM ASSURANCES a indemnisé les ayants-droits de Monsieur [P] [T] à hauteur de 276 671 euros. Par la suite, elle a assigné AXA FRANCE IARD, l’assureur de Monsieur [Y] [X], pour obtenir le remboursement de cette somme, ainsi que des frais supplémentaires.

Arguments de la compagnie AGPM

AGPM ASSURANCES soutient que Monsieur [Y] [X] a confirmé son implication dans l’accident et que sa responsabilité civile est engagée, malgré le fait qu’il n’ait pas été poursuivi pénalement. Elle argue que l’impact entre les véhicules a directement causé le décès de Monsieur [P] [T] et que la faute de Monsieur [Y] [X] doit être reconnue.

Réponse d’AXA FRANCE IARD

AXA FRANCE IARD conteste les demandes d’AGPM, affirmant que la responsabilité de l’accident incombe uniquement à Monsieur [W] [Z]. Elle soutient que Monsieur [Y] [X] n’a commis aucune faute, citant des conditions de circulation défavorables et la position du véhicule VOLKSWAGEN GOLF sur la chaussée.

Décision du tribunal

Le tribunal a rejeté les demandes de la compagnie AGPM ASSURANCES, considérant que Monsieur [Y] [X] n’avait pas commis de faute ayant contribué à l’accident. La responsabilité de l’accident a été attribuée exclusivement à Monsieur [W] [Z], et AGPM a été condamnée aux dépens.

Conséquences financières

En plus des dépens, AGPM ASSURANCES a été condamnée à verser 2 000 euros à AXA FRANCE IARD au titre des frais irrépétibles. La décision a été rendue exécutoire à titre provisoire, permettant à AXA de récupérer les sommes dues en cas de réformation ultérieure.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la responsabilité de Monsieur [Y] [X] dans l’accident ?

La responsabilité de Monsieur [Y] [X] dans l’accident est examinée à la lumière des dispositions de l’article 1240 du code civil, qui stipule que « tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. »

Dans cette affaire, il est essentiel de déterminer si Monsieur [Y] [X] a commis une faute ayant contribué à l’accident.

Le tribunal a constaté que Monsieur [Y] [X] circulait à une vitesse comprise entre 125 et 128 km/h, ce qui est en dessous de la vitesse maximale autorisée sur l’autoroute.

Aucune circonstance particulière ne lui imposait de réduire sa vitesse, car il ne croisait ni ne dépassait un autre véhicule, et les conditions de visibilité étaient jugées bonnes.

De plus, le véhicule de marque VOLKSWAGEN GOLF était positionné de manière à ne pas être visible, étant perpendiculaire aux voies de circulation et collé à la glissière centrale.

Ainsi, le tribunal a conclu que Monsieur [Y] [X] n’avait commis aucune faute ayant contribué à la survenance de l’accident.

Quelles sont les implications de l’autorité de la chose jugée au pénal sur le civil ?

L’autorité de la chose jugée au pénal sur le civil est régie par les articles 4 et 4-1 du code de procédure pénale, qui stipulent que ce qui a été définitivement décidé par le juge pénal s’impose au juge civil concernant l’existence du fait, sa qualification, et les fautes imputées.

Dans cette affaire, le tribunal correctionnel a condamné Monsieur [W] [Z] pour homicide involontaire, le déclarant « seul et entièrement responsable du préjudice subi » par les ayants-droits de Monsieur [P] [T].

Cependant, cette décision ne s’applique pas à Monsieur [Y] [X], qui n’a pas été poursuivi et, par conséquent, n’a pas été relaxé.

Cela signifie que, bien que la faute pénale de Monsieur [W] [Z] soit établie, cela n’exclut pas la possibilité que Monsieur [Y] [X] ait également commis une faute civile.

Le tribunal a donc pu examiner la responsabilité de Monsieur [Y] [X] indépendamment de la décision pénale.

Comment se répartit la charge de l’indemnisation en cas d’accident impliquant plusieurs véhicules ?

La répartition de la charge d’indemnisation en cas d’accident impliquant plusieurs véhicules est régie par les principes énoncés dans l’article 1240 du code civil et les dispositions de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985.

En l’absence de faute des coauteurs, l’indemnisation est répartie par parts égales.

Si chaque conducteur a commis une faute, la réparation est proportionnelle à la gravité des fautes respectives et à leur rôle causal dans l’accident.

Dans le cas où le conducteur solvens n’a pas commis de faute, il peut se retourner contre un autre conducteur impliqué qui est fautif.

Inversement, si le conducteur solvens a commis une faute, il ne peut pas exercer d’action récursoire contre un autre conducteur qui n’aurait pas commis de faute.

Dans cette affaire, le tribunal a conclu que Monsieur [Y] [X] n’avait pas commis de faute, ce qui a conduit à un rejet de la demande de la compagnie d’assurance AGPM ASSURANCES pour un partage de responsabilité.

Quelles sont les conséquences des frais irrépétibles et des dépens dans cette affaire ?

Les frais irrépétibles et les dépens sont régis par l’article 696 du code de procédure civile et l’article 700 du même code.

L’article 696 stipule que la partie perdante est condamnée aux dépens, sauf décision motivée du juge.

En l’espèce, la compagnie d’assurance AGPM ASSURANCES, qui a perdu son procès, a été condamnée aux dépens.

Concernant les frais irrépétibles, l’article 700 permet au juge de condamner la partie perdante à payer à l’autre partie une somme pour couvrir les frais exposés et non compris dans les dépens.

Le tribunal a condamné la compagnie d’assurance AGPM ASSURANCES à verser 2 000 euros à la société AXA FRANCE IARD sur ce fondement, tout en rejetant la demande de la compagnie d’assurance AGPM ASSURANCES à ce titre.

Cela souligne l’importance de la décision du tribunal en matière de frais et de dépens dans le cadre de litiges d’assurance.

COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

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N° : N° RG 21/03276 – N° Portalis DBYB-W-B7F-NIQW
Pôle Civil section 3

Date : 31 Janvier 2025

LE TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MONTPELLIER

Pôle Civil section 3

a rendu le jugement dont la teneur suit :

DEMANDERESSE

Compagnie d’assurance AGPM ASSURANCES, immatriculée au RCS de TOULON sous le n° 312786163, prise en la personne de son représentant légal en exercice agissant en cette qualité audit siège, dont le siège social est sis [Adresse 5]

représentée par Maître Sophie ORTAL de la SCP CASCIO,ORTAL, DOMMEE, MARC, DANET, GILLOT, avocats au barreau de MONTPELLIER

DEFENDERESSE

Compagnie d’assurance AXA FANCE IARD, RCS Nanterre 722 057 460, prise en la personne de son représentant légal en exercice agissant en cette qualité audit siège; et en qualité d’assureur automobile du véhicule de Monsieur [Y] [X], un Renault TALISMAN immatriculé [Immatriculation 4], sous le n° de contrat 7337476004, dont le siège social est sis [Adresse 1]

représentée par Me Thierry BERGER, avocat au barreau de MONTPELLIER

COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré :

Président : Sophie BEN HAMIDA, Juge unique

assisté de Cassandra CLAIRET, lors des débats et de Tlidja MESSAOUDI greffier, lors du prononcé.

DEBATS : en audience publique du 17 Octobre 2024

MIS EN DELIBERE au 17 décembre 2024 délibéré prorogé au 31 Janvier 2025

JUGEMENT : signé par le président et le greffier et mis à disposition le 31 Janvier 2025

EXPOSE DU LITIGE
Faits et procédure
Le 7 janvier 2017 à [Localité 2] (HERAULT), un véhicule de marque RENAULT TALISMAN immatriculé [Immatriculation 4], assuré après de la société anonyme AXA FRANCE IARD, et conduit par Monsieur [Y] [X], a percuté un véhicule de marque VOLKSWAGEN GOLF immatriculé [Immatriculation 3], appartenant à Monsieur [P] [T], assuré auprès de la compagnie d’assurance AGPM ASSURANCES, mais conduit par Monsieur [W] [Z], alors qu’il était immobilisé sur l’autoroute.
Monsieur [P] [T], passager du véhicule conduit par Monsieur [W] [Z], est décédé de ses blessures à la suite de cette collision.
Par jugement correctionnel du 13 novembre 2018, Monsieur [W] [Z] a été condamné pour homicide involontaire par conducteur, récidive de conduite sous l’empire d’un état alcoolique et mise en danger d’autrui, commis le 7 janvier 2017 à [Localité 2].
La compagnie d’assurance AGPM a indemnisé les ayants-droits de Monsieur [P] [T] à hauteur d’une somme totale de 276 671 euros.
Par jugement en date du 20 janvier 2020, le tribunal correctionnel de MONTPELLIER a constaté le désistement de Monsieur [V] [T], de Madame [C] [T], de Madame [A] [T] et de Madame [D] [T], ayants-droits de Monsieur [P] [T], de leurs constitutions de parties civiles.
Par acte d’huissier de justice en date du 4 août 2021, la compagnie d’assurance AGPM ASSURANCES a assigné la société anonyme AXA FRANCE devant le tribunal judiciaire de MONTPELLIER aux fins d’obtenir, au titre de son recours subrogatoire, sa condamnation à lui payer les sommes de :
276 671 euros en remboursement des sommes versées aux ayants-droits de Monsieur [P] [T], 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens. Prétentions et moyens des parties
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique en date du 15 avril 2024, la compagnie d’assurance AGPM ASSURANCES demande au tribunal de :
Ordonner la révocation de l’ordonnance de clôture,Condamner la société anonyme AXA FRANCE IARD à lui verser la somme de 276 671 euros en remboursement des sommes versées aux ayants-droits de Monsieur [P] [T], A titre subsidiaire, condamner la société anonyme AXA FRANCE IARD à la relever et garantir à hauteur de 75 % des sommes qu’elle a versées aux ayants-droits de Monsieur [P] [T], A titre infiniment subsidiaire, condamner la société anonyme AXA FRANCE IARD à la relever et garantir à hauteur de 50 % des sommes qu’elle a versées aux ayants-droits de Monsieur [P] [T], En tout état de cause : Condamner la société anonyme AXA FRANCE IARD aux dépens, Condamner la société anonyme AXA FRANCE IARD à lui verser la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.A l’appui de son action récursoire à l’encontre de l’assureur de l’autre conducteur impliqué, elle fait valoir, sur le fondement de l’article 1240 du code civil, que Monsieur [Y] [X] a confirmé son implication dans l’accident auprès des enquêteurs et que le fait qu’il n’ait pas été poursuivi devant le tribunal correctionnel de MONTPELLIER ne l’exonère pas de sa responsabilité civile. Elle ajoute que l’impact entre son véhicule et celui dans lequel se trouvait Monsieur [P] [T] a eu pour conséquence directe le décès de ce dernier. Elle précise, sur le fondement de l’article R. 412-6 du code de la route, que cet impact caractérise l’absence de maîtrise du véhicule et la faute du conducteur. Elle ajoute que Monsieur [Y] [X] n’a pas été relaxé et s’étonne qu’il n’ait pas été poursuivi dès lors qu’il a reconnu sa responsabilité dans le cadre de l’enquête pénale.
Elle souligne, sur le fondement de la loi du 5 juillet 1985, que Monsieur [P] [T], en tant que passager, doit être considéré comme une victime non conductrice dont l’indemnisation nécessite uniquement la preuve de l’implication du véhicule dans l’accident en dehors de toute faute du conducteur. Elle estime qu’il n’y a pas lieu de tenir compte de la faute de Monsieur [W] [Z] puisque Monsieur [P] [T] est une victime non conductrice propriétaire et assurée.
Sur le fondement des articles L. 121-12 du code des assurances et 1346 du code civil, elle fait valoir qu’elle a indemnisé les ayants-droits de Monsieur [P] [T] mais que la charge définitive de ce paiement incombe à la société anonyme AXA FRANCE IARD compte tenu de l’entière responsabilité de Monsieur [Y] [X] dans le décès de Monsieur [P] [T].
Au soutien de sa demande subsidiaire, elle met en avant la qualité de la victime, l’absence de faute de cette dernière et la faute de Monsieur [Y] [X]. Elle rappelle que Monsieur [Y] [X] a concouru au dommage et que la société anonyme AXA FRANCE IARD ne peut se prévaloir de l’autorité de la chose jugée dans la mesure où aucune décision de relaxe n’est intervenue.
A titre infiniment subsidiaire, elle rappelle le principe selon lequel en l’absence de faute prouvée, à la charge des conducteurs impliqués, la contribution se fait entre eux à parts égales. Or, elle souligne que Monsieur [Y] [X] a concouru au dommage et que la société anonyme AXA FRANCE IARD ne peut se prévaloir de l’autorité de la chose jugée dans la mesure où aucune décision de relaxe n’est intervenue.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 28 mars 2024, la société anonyme AXA FRANCE s’oppose aux demandes de la compagnie d’assurance AGPM ASSURANCES et, reconventionnellement, demande au tribunal de :
Condamner la compagnie d’assurance AGPM ASSURANCES aux dépens, Condamner la compagnie d’assurance AGPM ASSURANCES à lui verser la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, A titre subsidiaire : Réduire à la plus infime proportion, qui ne saurait être supérieure à 5 %, la contribution à la dette qui pourrait être prononcée à son encontre, Ecarter l’exécution provisoire. A l’appui de ses demandes, elle fait valoir que la compagnie d’assurance AGPM ASSURANCES fonde son action sur les dispositions de la loi du 5 juillet 1985, qui ne prévoit pas la possibilité d’un recours contre un autre conducteur impliqué dans l’accident. Elle précise que les recours entre assureurs des conducteurs co-impliqués ne sont possibles que sur le fondement de l’article 1382 ancien ou 1240 nouveau du code civil et qu’ils donnent lieu à un partage à l’aune de la gravité des fautes respectives.
Elle ajoute que le conducteur du véhicule de marque VOLKSWAGEN GOLF est le seul à avoir commis des fautes à l’origine de l’accident, que celles-ci sont graves et qu’il a été condamné pénalement à ce titre en tant que seul et entier responsable du préjudice subi par les ayants-droits de Monsieur [P] [T]. Elle souligne que l’existence d’une faute pénale entraîne nécessairement l’existence d’une faute civile.
Elle soutient, en outre, qu’aucune faute ne saurait être reprochée à Monsieur [Y] [X] qui a percuté le véhicule de marque VOLKSWAGEN GOLF du fait de la position latérale du véhicule sur la chaussée, le coffre contre la glissière centrale et des conditions de visibilité réduites sur une autoroute dépourvue d’éclairage de sorte que ses feux n’étaient pas visibles par les autres usagers.
Elle soutient qu’il ne peut être jugé que son assuré a commis une faute car cela violerait l’autorité de la chose jugée quant à l’appréciation des fautes par le tribunal correctionnel ayant condamné Monsieur [W] [Z] en tant que seul et entier responsable de l’accident. Elle soutient, en outre, que Monsieur [Y] [X] n’a commis aucune faute, circulant à allure normale sur la voie de droite de l’autoroute de sorte qu’il n’était pas en capacité de voir les feux du véhicule de marque VOLKSWAGEN GOLF compte tenu de sa position sur la chaussée.
Elle ajoute que les circonstances peuvent être assimilées à un cas de force majeure car la présence d’un véhicule était imprévisible, irrésistible et extérieure. Elle indique finalement qu’il incombait à la compagnie d’assurance AGPM ASSURANCES de prouver que Monsieur [Y] [X] a commis une faute, le simple impact ne prouvant pas la faute ni le défaut de maîtrise du véhicule.
A l’appui de ses demandes subsidiaires, elle rappelle que Monsieur [W] [Z] a commis de multiples fautes d’une extrême gravité sans lesquelles l’accident ne serait pas intervenu. Elle rappelle que cette faute doit nécessairement être prise en compte dans les recours entre assureurs de conducteurs co-impliqués.
En ce qui concerne l’exécution provisoire, elle explique qu’il n’est pas démontré que la compagnie d’assurance AGPM ASSURANCES présente des garanties de solvabilité suffisantes pour lui restituer les sommes allouées en cas de réformation de la décision et qu’il n’y a pas d’urgence au vu de la nature de l’affaire.
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L’ordonnance de clôture a été rendue le 7 octobre 2024.
A l’audience du 17 octobre 2024, l’affaire a été mise en délibéré au 17 décembre 2024.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur les demandes en paiement et en garantie de la compagnie d’assurance AGPM ASSURANCES
Il résulte des dispositions de l’article 1240 du code civil, dans sa version applicable au présent litige, que tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
Le conducteur d’un véhicule terrestre à moteur impliqué dans un accident de la circulation et son assureur qui a indemnisé les dommages causés à un tiers ne peuvent exercer un recours contre un autre conducteur impliqué que sur le fondement du droit commun de la responsabilité civile. Ils ne peuvent donc pas invoquer à l’encontre du co-auteur allégué les dispositions de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985.
Lorsque plusieurs véhicules sont impliqués dans un accident, la charge définitive de l’indemnisation est répartie de la manière suivante :
En l’absence de faute des coauteurs, l’indemnisation pèse en définitive sur eux par parts viriles, Si chacun d’eux a commis une faute, le poids de la réparation est réparti entre eux compte tenu de la gravité des fautes respectives et de leur rôle causal,Lorsque le conducteur solvens n’a pas commis de faute, il peut se retourner pour le tout contre un autre conducteur impliqué dès lors que celui-ci est fautif, Si le conducteur solvens a commis une faute, il ne peut exercer aucune action récursoire contre un autre conducteur impliqué qui n’aurait pas commis de faute. Aux termes des dispositions de l’article 1346 du code civil, la subrogation a lieu par le seul effet de la loi au profit de celui qui, y ayant un intérêt légitime, paie dès lors que son paiement libère envers le créancier celui sur qui doit peser la charge définitive de tout ou partie de la dette.
L’article L. 121-12 du code des assurances dispose quant à lui que l’assureur qui a payé l’indemnité d’assurance est subrogé, jusqu’à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l’assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l’assureur.
Sur le fondement des articles 4 et 4-1 du code de procédure pénale, le principe de l’autorité de la chose jugée au pénal sur le civil implique que ce qui a été définitivement décidé par le juge pénal sur l’existence du fait qui forme la base commune de l’action civile et de l’action pénale, sur sa qualification, sur les fautes et l’implication de celui ou ceux à qui le fait est imputé s’impose au juge civil.

Il résulte des dispositions de l’article R. 413-17 du code pénal que :
I. Les vitesses maximales autorisées par les dispositions du présent code, ainsi que celles plus réduites éventuellement prescrites par les autorités investies du pouvoir de police de la circulation, ne s’entendent que dans des conditions optimales de circulation : bonnes conditions atmosphériques, trafic fluide, véhicule en bon état.
II. Elles ne dispensent en aucun cas le conducteur de rester constamment maître de sa vitesse et de régler cette dernière en fonction de l’état de la chaussée, des difficultés de la circulation, notamment sur les voies adjacentes et des obstacles prévisibles.
III. Sa vitesse doit être réduite :
1° Lors du croisement ou du dépassement de piétons y compris ceux ayant quitté un véhicule ou de cyclistes isolés ou en groupe ;
1° bis Lors du croisement ou du dépassement de tout véhicule, immobilisé ou circulant à faible allure sur un accotement, une bande d’arrêt d’urgence ou une chaussée, équipé des feux spéciaux mentionnés aux articles R. 313-27 et R. 313-28 ou dont le conducteur fait usage de ses feux de détresse dans les conditions prévues au premier alinéa de l’article R. 416-18 ;
2° Lors du dépassement de convois à l’arrêt ;
3° Lors du croisement ou du dépassement de véhicules de transport en commun ou de véhicules affectés au transport d’enfants et faisant l’objet d’une signalisation spéciale, au moment de la descente et de la montée des voyageurs ;
4° Dans tous les cas où la route ne lui apparaît pas entièrement dégagée, ou risque d’être glissante;
5° Lorsque les conditions de visibilité sont insuffisantes (temps de pluie et autres précipitations, brouillard…) ;
6° Dans les virages ;
7° Dans les descentes rapides ;
8° Dans les sections de routes étroites ou encombrées ou bordées d’habitations ;
9° A l’approche des sommets de côtes et des intersections où la visibilité n’est pas assurée;
10° Lorsqu’il fait usage de dispositifs spéciaux d’éclairage et en particulier de ses feux de croisement;
11° Lors du croisement ou du dépassement d’animaux.
IV. Le fait, pour tout conducteur, de ne pas rester maître de sa vitesse ou de ne pas la réduire dans les cas prévus au présent article est puni de l’amende prévue pour les contraventions de la quatrième classe.
En l’espèce, la compagnie d’assurance AGPM ASSURANCES, assureur du conducteur d’un véhicule terrestre à moteur impliqué dans l’accident de la circulation du 7 janvier 2017, exerce un recours à l’encontre de la société anonyme AXA FRANCE IARD. En effet, elle estime que Monsieur [Y] [X], assuré auprès de cette compagnie d’assurance, est un autre conducteur impliqué dans l’accident précité.
Dans ces conditions, il appartient à la compagnie d’assurance AGPM ASSURANCES de démontrer, sur le fondement du droit commun de la responsabilité civile, l’existence d’une faute de Monsieur [Y] [X], co-auteur allégué, pour obtenir un partage de responsabilité.
Il importe donc peu que Monsieur [P] [T] soit une victime non conductrice au sens de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 non tenue, à ce titre, de démontrer l’existence d’une faute dans la mesure où la compagnie d’assurance AGPM ASSURANCES ne saurait exercer son recours sur ce fondement.
La compagnie d’assurance AGPM ASSURANCES fait valoir que Monsieur [Y] [X] a commis une faute, en l’espèce le défaut de maîtrise de son véhicule, directement à l’origine du décès de Monsieur [P] [T] et affirme qu’il aurait reconnu sa responsabilité au cours de l’enquête.
Par jugement du 13 novembre 2018, le tribunal correctionnel de MONTPELLIER a condamné Monsieur [W] [Z] pour homicide involontaire par conducteur, récidive de conduite sous l’empire d’un état alcoolique et mise en danger d’autrui pour les faits commis le 7 janvier 2017 à [Localité 2] et constitutif de l’accident évoqué. Il a en outre, sur l’action civile, déclaré Monsieur [W] [Z] « seul et entièrement responsable du préjudice subi » par les ayants-droits de Monsieur [P] [T].
Le principe de l’autorité de la chose jugée au pénal sur le civil implique donc de considérer que Monsieur [W] [Z] a commis une faute, à l’origine de l’accident.
Toutefois, en ce qui concerne Monsieur [Y] [X], il n’était pas poursuivi devant le tribunal correctionnel et, partant, n’a pas été relaxé par ce dernier. Le principe de l’autorité de la chose jugée au pénal sur le civil n’exclut donc pas que Monsieur [Y] [X] ait commis une faute civile ayant contribué à la survenance de l’accident. Certes, l’existence d’une faute pénale implique ipso facto l’existence d’une faute civile mais n’exclut pas la caractérisation de la faute civile d’un autre conducteur.
Il résulte des auditions de Monsieur [B] [O], témoin s’étant arrêté à proximité du véhicule de marque VOLKSWAGEN GOLF quelques minutes avant l’accident que le véhicule se trouvait en travers de la chaussée, perpendiculaire aux voies de circulation. Le témoin précise que l’arrière du véhicule était collé à la glissière centrale de sécurité. Il précise néanmoins que les feux étaient allumés et qu’il a vu le véhicule ce qui lui a permis de s’arrêter.
Il résulte de l’audition de Monsieur [Y] [X] qu’il circulait à une allure comprise entre 125 et 128 kilomètres / heure, sur la voie de droite de l’autoroute, avec ses feux allumés. Il précise qu’il se sentait apte à conduire. Il ajoute que la couleur du véhicule, gris clair, se confondait avec les couleurs du lever du jour mais que les conditions météorologiques étaient bonnes. Dans ces conditions, il explique ne pas avoir vu le véhicule de marque VOLKSWAGEN GOLF suffisamment en amont pour pouvoir agir en vue d’éviter le choc. Il précise, en outre, que le véhicule était à cheval sur les voies de circulation de sorte que l’arrière ou l’avant du véhicule était positionné contre les barrières de sécurité du terre-plein central. Il convient en outre de souligner que si Monsieur [Y] [X] reconnaît son implication dans l’accident, il ne reconnaît pas pour autant sa responsabilité dans la survenance de cet événement.
Ainsi, Monsieur [Y] [X] circulait à une vitesse inférieure à la vitesse maximale autorisée sur l’autoroute. Aucune circonstance particulière ne lui imposait de réduire davantage sa vitesse dans la mesure où il n’était pas en train de croiser ou dépasser un autre véhicule, la route n’état pas glissante, les conditions de visibilité étaient bonnes, il ne se trouvait pas dans un virage, dans une descente, à proximité d’habitations ou au sommet d’une côte. Il se sentait, en outre, en état de conduire et ses feux étaient allumés. Ainsi, il ne peut lui être reproché aucune faute ayant contribué à la survenance de l’accident. En effet, tant Monsieur [Y] [X] que le témoin, Monsieur [B] [O], font état de ce que l’arrière du véhicule était collé au terre-plein central de l’autoroute. Il était, dans ces conditions, impossible de percevoir ses phares et donc de détecter sa présence. En outre, le fait que Monsieur [B] [O] ait vu le véhicule arrêté sur la chaussée ne signifie pas ipso facto que Monsieur [Y] [X] a commis une faute, son attention ayant pu être attirée sur le véhicule de marque VOLKSWAGEN GOLF pour un motif quelconque.
Par conséquent, compte tenu de la position du véhicule sur la chaussée et des conditions de visibilité dans lesquelles s’est déroulé l’accident, il convient de considérer que Monsieur [Y] [X] n’a commis aucune faute dans la survenance dudit accident.
Dès lors, la demande en paiement de la compagnie d’assurance AGPM ASSURANCES ne peut qu’être rejetée.
Il en ira de mêmes des demandes de la compagnie d’assurance AGPM ASSURANCES tendant à ce que la société anonyme AXA FRANCE IARD la relève et garantisse d’une partie des sommes versées aux ayants-droits de Monsieur [P] [T].
En effet, faire droit à cette demande impliquerait de caractériser un partage de responsabilité entre Monsieur [W] [Z] et Monsieur [Y] [X], en contradiction avec ce qui vient d’être dit.

Sur les dépens, les frais irrépétibles et l’exécution provisoire
Sur les dépensEn application de l’article 696 du code procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.
En l’espèce la compagnie d’assurance AGPM ASSURANCES, qui succombe, sera condamnée aux dépens.
Sur les frais irrépétiblesEn vertu de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
En l’espèce la compagnie d’assurance AGPM ASSURANCES, condamnée aux dépens, sera également condamnée à verser à la SA AXA FRANCE la somme de 2 000 euros sur le fondement de cet article.
La demande de la compagnie d’assurance AGPM ASSURANCES à ce titre sera quant à elle rejetée.
Sur l’exécution provisoireIl sera rappelé, conformément aux dispositions de l’article 514 du code de procédure civile, que les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement.

PAR CES MOTIFS,
Le tribunal statuant publiquement, par jugement contradictoire, mis à disposition au greffe et en premier ressort,
REJETTE la demande en paiement de la compagnie d’assurance AGPM ASSURANCES,
REJETTE les demandes en garantie de la compagnie d’assurance AGPM ASSURANCES,
CONDAMNE la compagnie d’assurance AGPM ASSURANCES aux dépens,
CONDAMNE la compagnie d’assurance AGPM ASSURANCES à verser à la société anonyme AXA FRANCE IARD la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
REJETTE la demande de la compagnie d’assurance AGPM ASSURANCES sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
RAPPELLE l’exécution provisoire de droit du jugement.

La greffière La présidente
Madame Tlidja MESSAOUDI Madame Sophie BEN HAMIDA


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