L’Essentiel : La société Astalia Investment Ltd, propriétaire de NB Mining, a cédé ses parts à Necotrans Mining en 2015. En juin 2017, Necotrans Holding a été placée en redressement judiciaire. Suite à un plan de cession, Astalia et Padang ont formé une opposition, qui a été validée par la cour d’appel de Paris en 2018. En 2022, elles ont assigné les administrateurs judiciaires, et en mars 2024, le juge a statué en leur faveur. Les administrateurs ont interjeté appel, mais la cour a confirmé la recevabilité de l’action, condamnant les administrateurs à verser 7 000 euros d’indemnité.
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Contexte de l’affaireLa société Astalia Investment Ltd est propriétaire de la SA Mining Company Katanga Trucks, qui a été renommée NB Mining. En 2015, la société Necotrans Holding a créé Necotrans Mining et a cédé 15 % de son capital à Padang Trust Singapore Pte Ltd. Le 24 octobre 2015, Astalia a cédé l’intégralité du capital de NB Mining à Necotrans Mining. Procédures judiciairesLe 29 juin 2017, le tribunal de commerce de Paris a placé Necotrans Holding en redressement judiciaire, désignant des administrateurs judiciaires. Le 25 août 2017, un plan de cession a été arrêté, ordonnant la cession des titres de Necotrans Mining à la société Octavia, ce qui a conduit Astalia et Padang à former une tierce opposition. Le 15 mai 2018, la cour d’appel de Paris a annulé cette cession, décision confirmée par la Cour de cassation le 5 février 2020. Actions en justice des sociétés Astalia et PadangLes 24 et 27 juin 2022, Astalia et Padang ont assigné les administrateurs judiciaires devant le tribunal judiciaire de Paris. Le 12 janvier 2023, l’affaire a été renvoyée au tribunal judiciaire de Nanterre. Le 30 juin 2023, les administrateurs ont soulevé un incident, et le 14 mars 2024, le juge a statué en faveur d’Astalia et Padang sur plusieurs points, y compris la recevabilité de leurs prétentions. Appel des administrateurs judiciairesLe 23 avril 2024, les administrateurs ont interjeté appel de l’ordonnance du 14 mars 2024. Ils ont contesté la recevabilité des actions d’Astalia et Padang, arguant d’un défaut d’intérêt et de qualité à agir. Ils ont également demandé des indemnités et la condamnation des sociétés Astalia et Padang aux dépens. Réponse des sociétés Astalia et PadangEn réponse, Astalia et Padang ont soutenu leur droit à agir en responsabilité contre les administrateurs pour violation de leurs droits contractuels. Elles ont affirmé que l’intérêt à agir ne dépend pas de la démonstration préalable du bien-fondé de leur action. Décision de la courLa cour a confirmé que l’intérêt à agir des sociétés Astalia et Padang était suffisamment caractérisé. Elle a également statué que les administrateurs ne pouvaient pas contester la recevabilité de l’action sur la base de l’absence de déclaration de créance. En conséquence, l’ordonnance du 14 mars 2024 a été confirmée dans toutes ses dispositions. Conséquences financièresLes administrateurs ont été condamnés solidairement à verser 7 000 euros d’indemnité de procédure aux sociétés Astalia et Padang, ainsi qu’à supporter les dépens exposés en appel. |
Q/R juridiques soulevées :
Sur la recevabilité de l’actionLes sociétés [G] Partners, AJRS, M. [G] et Mme [J] soutiennent que les sociétés Astalia et Padang n’ont pas d’intérêt et de qualité à agir. Ils affirment que ces sociétés ne peuvent prouver l’existence d’un préjudice indemnisable, car l’action en responsabilité civile contre un professionnel n’est pas subsidiaire à l’action formée à l’encontre de la procédure collective. Selon l’article 31 du code de procédure civile, « toute personne a qualité pour agir en justice si elle justifie d’un intérêt légitime ». Ainsi, les sociétés Astalia et Padang, en tant qu’actionnaires, peuvent revendiquer un intérêt à agir pour rechercher la responsabilité des administrateurs judiciaires pour des fautes commises dans l’exercice de leur mission. En effet, la cour rappelle que la démonstration de l’intérêt à agir n’est pas subordonnée à la démonstration préalable du bien-fondé de l’action. Les sociétés demanderesses doivent seulement prouver qu’elles se prétendent titulaires d’un droit, ce qui est le cas ici. Les administrateurs ne peuvent donc pas arguer de l’absence de déclaration de créance pour contester la recevabilité de l’action, car cela ne fait pas obstacle à la recherche de responsabilité civile professionnelle. Sur les demandes accessoiresLes sociétés Astalia et Padang ont également demandé des dépens et une indemnité de procédure. L’article 699 du code de procédure civile stipule que « la partie qui succombe est condamnée aux dépens ». Dans ce cas, les sociétés [G] Partners et AJRS, ainsi que M. [G] et Mme [J], ayant succombé en appel, sont condamnées à payer solidairement une somme de 7 000 euros à titre d’indemnité de procédure. Cette décision est conforme aux dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, qui prévoit que « le juge peut condamner la partie perdante à payer à l’autre partie une somme au titre des frais exposés ». Ainsi, les administrateurs judiciaires devront également supporter les dépens exposés à hauteur d’appel, conformément à l’article 699, qui précise que ces dépens seront recouvrés par l’avocat de la partie gagnante. La cour confirme donc l’ordonnance sur les dépens et l’indemnité de procédure, en condamnant les sociétés [G] Partners et AJRS, ainsi que M. [G] et Mme [J], à payer les sommes dues aux sociétés Astalia et Padang. |
DE
VERSAILLES
Code nac : 4IE
Chambre commerciale 3-2
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 26 NOVEMBRE 2024
N° RG 24/02604 – N° Portalis DBV3-V-B7I-WPWT
AFFAIRE :
[C] [G]
…
C/
Société ASTALIA INVESTMENT LTD
…
Décision déférée à la cour : Ordonnance rendu le 14 Mars 2024 par le Juge de la mise en état de NANTERRE
N° chambre : 1
N° RG : 23/02445
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Stéphanie TERIITEHAU
Me Mélina PEDROLETTI
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT SIX NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
APPELANTS
Monsieur [C] [G]
né le [Date naissance 1] 1964 à [Localité 11]
de nationalité Française
[Adresse 7]
[Localité 8]
Représentant : Me Stéphanie TERIITEHAU de la SELEURL MINAULT TERIITEHAU, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 619 – N° du dossier 20240120
Plaidant : Me Yves-marie LE CORFF de l’ASSOCIATION FABRE GUEUGNOT ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R044 Plaidant : Me Antoine BENECH – SYGNA PARTNERS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0540
Maître [L], [V], [M] [J]
né le [Date naissance 5] 1970 à [Localité 12]
de nationalité Française
[Adresse 10]
[Localité 9]
Représentant : Me Stéphanie TERIITEHAU de la SELEURL MINAULT TERIITEHAU, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 619 – N° du dossier 20240120
Plaidant : Me Yves-marie LE CORFF de l’ASSOCIATION FABRE GUEUGNOT ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R044 Plaidant : Me Antoine BENECH – SYGNA PARTNERS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0540
S.E.L.A.R.L. [G] PARTNERS SELARL
Ayant son siège
[Adresse 7]
[Localité 8]
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social
Représentant : Me Stéphanie TERIITEHAU de la SELEURL MINAULT TERIITEHAU, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 619 – N° du dossier 20240120
Plaidant : Me Yves-marie LE CORFF de l’ASSOCIATION FABRE GUEUGNOT ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R044 Plaidant : Me Antoine BENECH – SYGNA PARTNERS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0540
S.E.L.A.R.L. AJRS SELARL
Ayant son siège
[Adresse 10]
[Localité 9]
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social
Représentant : Me Stéphanie TERIITEHAU de la SELEURL MINAULT TERIITEHAU, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 619 – N° du dossier 20240120
Plaidant : Me Yves-marie LE CORFF de l’ASSOCIATION FABRE GUEUGNOT ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R044 Plaidant : Me Antoine BENECH – SYGNA PARTNERS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0540
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INTIMES
Société ASTALIA INVESTMENT LTD Société de droit étranger
Ayant son siège
C/O
AAMIL MAURITIUS LIMITED [Adresse 6]
[Adresse 6]
[Localité 3]
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social
Représentant : Me Mélina PEDROLETTI, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 626 – N° du dossier 26423
Plaidant : Me Nicolas DEMIGNEUX de l’AARPI STEPHENSON HARWOOD, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0161
Société PADANG TRUST SINGAPORE PTE LTD Société de droit étranger
Ayant son siège
[Adresse 4]
[Localité 2]
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social
Représentant : Me Mélina PEDROLETTI, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 626 – N° du dossier 26423
Plaidant : Me Nicolas DEMIGNEUX de l’AARPI STEPHENSON HARWOOD, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0161
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Composition de la cour :
L’affaire a été débattue à l’audience publique du 14 Octobre 2024, Madame Gwenael COUGARD,conseillère, ayant été entendue en son rapport, devant la cour composée de :
Monsieur Ronan GUERLOT, Président de chambre,
Monsieur Cyril ROTH, Président de chambre,
Madame Gwenael COUGARD, Conseillère,
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Madame Françoise DUCAMIN
La société Astalia Investment Ltd (ci-après la société Astalia) est propriétaire de la SA Mining Company Katanga Trucks, devenue société NB Mining.
En 2015, la société Necotrans Holding a créé la société Necotrans Mining et a cédé 15 % de son capital à la société Padang Trust Singapore Pte Ltd (ci-après la société Padang).
Le 24 octobre 2015, la société Astalia a cédé l’intégralité du capital de la société NB Mining à la société Necotrans Mining.
Le 29 juin 2017, le tribunal de commerce de Paris a placé la société Necotrans Holding en redressement judiciaire, ainsi que d’autres sociétés du même groupe, et a désigné en qualité d’administrateurs judiciaires la société [G] Partners, prise en la personne de M. [G], et la société AJRS, prise en la personne de Mme [J].
Le 25 août 2017, le tribunal de commerce de Paris a arrêté un plan de cession de la société Necotrans Holding et a ordonné la cession des titres de la société Necotrans Mining au profit d’un tiers repreneur, la société Octavia.
Les sociétés Padang et Astalia ont formé une tierce opposition.
Le 15 mai 2018, la cour d’appel de Paris a annulé le jugement du tribunal de commerce en ce qu’il a ordonné la cession de 85 % des actions de la société Necotrans Mining au profit de la société Octavia. Le 5 février 2020, la Cour de cassation a rejeté les pourvois formés contre cet arrêt.
Les 24 et 27 juin 2022, les sociétés Astalia et Padang ont assigné les sociétés [G] Partners et AJRS, ainsi que M. [G] et Mme [J] devant le tribunal judiciaire de Paris. Le 12 janvier 2023, le juge de la mise en état a ordonné le renvoi de l’affaire devant le tribunal judiciaire de Nanterre.
Le 30 juin 2023, les sociétés [G] Partners et AJRS, ainsi M. [G] et Mme [J] ont saisi le juge de la mise en état d’un incident.
Le 14 mars 2024, par ordonnance contradictoire, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Nanterre a :
– débouté les sociétés [G] Partners et AJRS, ainsi que M. [G] et Mme [J] de leur fin de non-recevoir soulevée à l’encontre des prétentions formées par les sociétés Astalia et Padang ;
– déclaré recevables les prétentions formées par les sociétés Astalia et Padang contenues dans leur assignation ;
– condamné in solidum les sociétés [G] Partners et AJRS, ainsi que M. [G] et Mme [J] aux dépens ;
– condamné in solidum les sociétés [G] Partners et AJRS, ainsi que M. [G] et Mme [J] à verser aux sociétés Astalia et Padang la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– renvoyé l’affaire à l’audience de mise en état du 13 juin 2024 pour conclusions en défense, à défaut clôture ;
– rappelé que la présente décision est exécutoire à titre provisoire.
Le 23 avril 2024, les sociétés [G] Partners et AJRS, ainsi que M. [G] et Mme [J] ont interjeté appel de cette ordonnance en tous ses chefs de disposition.
Par dernières conclusions du 23 août 2024, ils demandent à la cour de :
– infirmer l’ordonnance du 14 mars 2024 en toutes ses dispositions ;
Vu l’article 122 du code de procédure civile,
Vu l’absence de déclaration de créance de la société Astalia au passif des sociétés du groupe Necotrans,
– dire irrecevable pour défaut de qualité et d’intérêt à agir la société Astalia à leur encontre ;
Vu le jugement du 12 septembre 2017,
Vu le pacte d’actionnaires en date du 31 mars 2016,
– dire irrecevable pour défaut de qualité et d’intérêt à agir la société Padang à leur encontre ;
– condamner les sociétés Astalia et Padang à payer une indemnité d’un montant de 6 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
Par dernières conclusions du 26 juillet 2024, les sociétés Astalia et Padang demandent à la cour de :
– débouter les sociétés [G] Partners et AJRS, ainsi que M. [G] et Mme [J] de leur appel ainsi que de toutes leurs demandes, fins et conclusions ;
– juger qu’elles disposent d’un intérêt à agir à l’encontre des sociétés [G] Partners et AJRS, ainsi que M. [G] et Mme [J] ;
En conséquence,
– confirmer l’ordonnance de mise en état du 14 mars 2024 en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant :
– condamner solidairement les sociétés [G] Partners et AJRS, ainsi que M. [G] et Mme [J] à leur payer la somme de 25 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens dont le montant sera recouvré par maître [N], avocat, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
La clôture de l’instruction a été prononcée le 16 septembre 2024.
Pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux conclusions susvisées.
– Sur la recevabilité de l’action
Les sociétés [G] Partners, AJRS, M. [G] et Mme [J] excipent du défaut d’intérêt et de qualité à agir des sociétés Astalia et Padang. Ils affirment en effet que ces sociétés, qui entendent rechercher leur responsabilité civile professionnelle, et pour cela rapporter la triple preuve cumulative d’une faute, d’un préjudice, et d’un lien de causalité entre la faute alléguée et le préjudice invoqué, ne peuvent caractériser l’existence d’un préjudice indemnisable.
Ils soutiennent que l’action en responsabilité civile formée contre un professionnel n’est pas subsidiaire à l’action formée à l’encontre de la procédure collective et les décisions du juge de la procédure collective ne lient pas le juge de la responsabilité civile. Ils prétendent que les parties ne sont pas dans l’attente d’un constat in futurum du fait que la liquidation judiciaire des sociétés du groupe Necotrans ne pourra remplir de leurs droits les intimés qui invoquent à son encontre des obligations contractuelles qui n’auraient pas été respectées. Ils ajoutent que du fait de sa propre négligence, la société Astalia a omis de régulariser une déclaration de créance au passif de la procédure collective, en considération du fait que le solde du prix de cession n’avait pas été payé intégralement. Ils en déduisent qu’en l’absence de déclaration de créance au passif, tout principe de créance ainsi que toute garantie subséquente qu’aurait pu invoquer la société Astalia afin d’obtenir le règlement des sommes qui pouvaient encore lui être dues sont éteints à l’égard de la liquidation judiciaire, de sorte qu’elle ne peut exciper à l’égard des administrateurs judiciaires un quelconque préjudice consécutif au fait que les actions litigieuses ont été cédées par la procédure collective.
Par ailleurs, ils relèvent que c’est bien au motif que la société Astalia n’a pas pu procéder à l’acquisition escomptée qu’elle prétend avoir subi un dommage à raison de son éviction de 33 % du capital de la société Necotrans Mining. Pourtant, ils prétendent que la clause d’inaliénabilité et l’option d’achat invoquées par la société Astalia n’avait d’autre objet que de garantir le paiement intégral du prix d’acquisition par la société Necotrans Mining des actions composant le capital social de la société NB Mining.
Ils soutiennent que, faute pour la société Astalia d’avoir procédé à la déclaration de créance pour la somme de 99 millions de US dollars qui restait impayée à l’ouverture de la procédure collective, le principe même de la créance qu’elle pouvait détenir est strictement inopposable à la procédure collective, et qu’en conséquence le prétendu droit de propriété invoqué par la société Astalia sur les titres litigieux, accessoires du principe de créance invoqué par la demanderesse, est inopposable à la procédure collective des sociétés du groupe Necotrans. Ils estiment en conséquence que la société Astalia, qui ne peut utilement invoquer une option d’achat qui n’était mobilisable qu’à défaut de paiement complet du prix de cession, lequel n’a pas fait l’objet d’une déclaration de créance, ne peut pas non plus invoquer l’option d’achat, garantie de l’impayé.
Ensuite, ils rappellent que les accords contractuels régularisés entre la société Astalia et la société Necotrans Holding alors in bonis, prévoyaient une clause d’inaliénabilité et une option d’achat afin de garantir à la partie venderesse le paiement intégral du prix d’acquisition des actions composant le capital social de la société NB Mining. Ils rappellent que la cour d’appel de Paris a jugé, au contradictoire de la liquidation judiciaire des sociétés du groupe Necotrans, que l’inaliénabilité des actions avait été convenues tant que la totalité du prix de cession n’aurait pas été réglée, de sorte que les droits invoqués à l’occasion de la présente instance par la société Astalia découlant des conventions régularisées avec la société Necotrans Holding alors in bonis sont inopposables à la procédure collective.
Enfin, ils arguent de ce que la société Astalia ne peut pas plus, sur un fondement contractuel, exciper d’un principe de créance opposable à la liquidation judiciaire des sociétés du groupe Necotrans.
S’agissant de la société Padang, les administrateurs contestent tout intérêt et qualité à agir » pour les mêmes motifs « .
En réponse, les sociétés Astalia et Padang disent être recevables à attraire les administrateurs judiciaires en responsabilité consécutivement à la violation des droits contractuels qui leur avaient été consentis. Elles soutiennent que l’intérêt à agir n’est pas subordonné à la démonstration préalable du bien-fondé de l’action, et le demandeur n’a pas, de plus, à démontrer l’existence du droit dont il se prétend titulaire, ni du préjudice qu’il invoque pour être recevable à agir. Elles arguent de ce que, en l’état du droit positif, il suffit que le demandeur puisse se prétendre titulaire d’un droit pour disposer d’un intérêt à agir au sens de l’article 31 du code de procédure civile.
Elles observent être recevables à agir directement contre l’administrateur judiciaire, en responsabilité civile professionnelle, à raison des fautes commises, indépendamment de l’issue de la procédure collective qu’il a administrée.
Elles critiquent la position des administrateurs judiciaires qui, selon elles, tentent délibérément d’entretenir une confusion entre l’action en responsabilité dirigée à leur encontre consécutivement aux fautes commises dans l’exercice de leur mission et une action dirigée directement à l’encontre de la société Necotrans Holding par des créanciers insatisfaits.
Réponse de la cour
Le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Nanterre a rappelé à juste titre que la démonstration de l’intérêt à agir n’était nullement subordonnée à la démonstration préalable du bien-fondé de l’action (voir par exemple civ. 1ère, 17 mai 1993, n° 91-15.761 ; civ. 3ème, 16 avril 2008, n° 07-13.846), pas plus qu’à celle du droit dont le demandeur se prétend titulaire ou du préjudice qu’il invoque.
Les sociétés Padang et Astalia recherchent, sur le fondement de l’article 1240 du code civil, la responsabilité civile professionnelle des administrateurs de la société Necotrans Holding, pour des fautes qu’elles leur imputent à l’occasion de l’exercice de leur mission, au motif notamment de ce qu’ils auraient ignoré une clause d’inaliénabilité et une option d’achat, et autorisé une cession en méconnaissance de ces stipulations contractuelles. Les prétentions des sociétés demanderesses tendant à la réparation du préjudice qu’elles disent subir en conséquence des fautes prétendues justifient de l’intérêt à agir de celles-ci.
La réalité ou non des fautes alléguées, l’existence ou non du préjudice qu’elles disent subir, enfin la démonstration d’un rapport de causalité entre faute et dommage dont elles se prévalent, sont indifférentes au stade de la recevabilité de l’action, qui suppose seulement la démonstration d’un intérêt légitime, né, certain, actuel, conformément à l’article 31 du code de procédure civile.
Les sociétés demanderesses font grief aux organes de la procédure mis en cause d’avoir envisagé la cession de titres qui se trouvaient inaliénables en vertu d’accords contractuels. Elles font valoir, à raison, qu’il ne s’agit pas d’une action initiée par un créancier à l’encontre de la procédure collective, mais bien d’une action dirigée contre les administrateurs judiciaires en leur nom personnel, et non ès qualités.
La cour rappelle que l’action en responsabilité civile formée contre un professionnel n’est pas subsidiaire à l’action formée à l’encontre d’un professionnel, et notamment des organes de la procédure collective (Civ. 1ère, 22 septembre 2016, 15-13.840 ; Com. 18 septembre 2007, n° 06-12.398). Une telle action peut être mise en ‘uvre, peu important les décisions du juge de la procédure collective, qui ne lient pas le juge de la responsabilité civile professionnelle. La recevabilité d’une telle action est indépendante du sort de la procédure collective.
C’est ainsi que les administrateurs ne peuvent arguer, au stade de la recevabilité de l’action, du caractère prétendument inopposable de la créance au titre du prix de cession des parts sociales, au motif de l’absence de déclaration de créance à la procédure collective de la société Necotrans Holding. En effet, l’absence de déclaration de créance, à supposer que cette question soit pertinente, ne peut faire obstacle à la recherche de responsabilité civile professionnelle par la société Astalia, actionnaire se disant évincée du capital de la société Necotrans Mining consécutivement aux fautes imputées aux administrateurs, et affirmant solliciter la réparation d’un préjudice d’une autre nature que celui résultant du solde du prix de cession impayé.
L’argument invoqué enfin par les administrateurs selon lequel la cour d’appel de Paris a jugé, au contradictoire de la liquidation judiciaire des sociétés du groupe Necotrans, que l’inaliénabilité des actions avait été convenues tant que la totalité du prix de cession n’aurait pas été réglée, de sorte que les droits invoqués à l’occasion de la présente instance par la société Astalia découlant des conventions régularisées avec la société Necotrans alors in bonis sont inopposables à la procédure collective, n’est pas plus sérieux pour apprécier l’existence d’un intérêt à agir, l’ensemble de ces questions relevant de l’examen du bien-fondé de l’action.
Les administrateurs, qui excipent également du défaut de qualité pour agir des sociétés Astalia et Padang, n’ont pas développé spécifiquement cette fin de non-recevoir. Il est cependant établi que ces sociétés ont qualité pour initier une procédure en responsabilité civile contre un organe de la procédure collective en son nom personnel, une telle action fondée sur la responsabilité délictuelle ne supposant pas la démonstration d’une qualité particulière pour agir, comme l’a jugé le premier juge.
En conséquence, l’intérêt et la qualité à qualité à agir des sociétés Astalia et Padang sont suffisamment caractérisés, sans qu’il y ait lieu d’entrer plus avant dans le détail de l’argumentation des parties qui relève du fond du dossier, et l’ordonnance dont appel sera confirmée.
– Sur les demandes accessoires
Les dispositions de l’ordonnance sur les dépens et l’indemnité de procédure seront confirmées.
Les administrateurs, qui succombent en leur appel, seront condamnés solidairement à payer aux sociétés Astalia et Padang ensemble une somme de 7 000 euros d’indemnité de procédure.
Ils supporteront également solidairement les dépens exposés à hauteur d’appel pour cet incident, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile, par Mme [N].
La cour, statuant contradictoirement
Confirme l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne solidairement les sociétés [G] Partners et AJRS, ainsi que M. [G] et Mme [J] à payer aux sociétés Astalia et Padang la somme globale de 7 000 euros à titre d’indemnité de procédure,
Condamne solidairement les sociétés [G] Partners et AJRS, ainsi que M. [G] et Mme [J] aux dépens exposés en appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile, par Mme [N].
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Monsieur Ronan GUERLOT, Président, et par Madame Françoise DUCAMIN, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT,
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