L’Essentiel : La société [X] ET ASSOCIES a ouvert un compte courant professionnel au CRÉDIT LYONNAIS en mai 2019. En septembre 2021, sa gérante a signalé un non-crédit de 12.319,29 euros suite à un dépôt de chèques. La banque a évoqué une effraction, conditionnant le crédit à des preuves de démarches auprès des émetteurs. Après un dépôt de plainte pour vol, la banque a refusé de créditer le compte, entraînant une assignation en justice. Le tribunal a reconnu un contrat de dépôt et a condamné le CRÉDIT LYONNAIS à verser 10.471,40 euros, ainsi qu’une indemnité de 2.500 euros pour frais de justice.
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Exposé du litigeLa société [X] ET ASSOCIES, spécialisée dans l’exploitation d’un cabinet de chirurgiens-dentistes, a ouvert un compte courant professionnel au CRÉDIT LYONNAIS en mai 2019. En septembre 2021, sa gérante, Madame [I] [X], a signalé à la banque que son compte n’avait pas été crédité suite à un dépôt de chèques d’un montant total de 12.319,29 euros effectué le 28 août 2021. La banque a informé la société que son agence avait subi une effraction ce jour-là. Malgré plusieurs courriers demandant le crédit de la somme, la banque a conditionné ce crédit à la preuve de démarches auprès des émetteurs des chèques. En avril 2022, Madame [I] [X] a déposé plainte pour vol des chèques. La banque a finalement refusé de créditer le compte, entraînant une assignation en justice de la société [X] ET ASSOCIES contre le CRÉDIT LYONNAIS. Prétentions et moyens des partiesLa société [X] ET ASSOCIES demande au tribunal de condamner le CRÉDIT LYONNAIS à lui verser 12.319,29 euros, avec intérêts, ainsi qu’une indemnité de 2.500 euros pour couvrir ses frais de justice. Elle soutient que le dépôt des chèques constitue un contrat de dépôt, et que la banque est responsable de la perte des chèques. De son côté, le CRÉDIT LYONNAIS demande le rejet des demandes de la société [X] ET ASSOCIES, arguant qu’elle n’a pas prouvé le dépôt des chèques et que la banque n’est pas responsable de la perte. La banque souligne que la preuve du dépôt doit être apportée par le client et que la société [X] ET ASSOCIES n’a pas démontré avoir effectué les démarches nécessaires auprès des émetteurs des chèques. MotivationLe tribunal rappelle que le dépôt est un acte par lequel une personne remet une chose à une autre pour qu’elle la garde et la restitue. La société [X] ET ASSOCIES doit prouver la matérialité du dépôt des chèques. Bien que la banque ait reconnu le vol, la société [X] ET ASSOCIES a produit des éléments prouvant le dépôt, tels que le bordereau de remise de chèques et des échanges de courriels. Le tribunal conclut qu’un contrat de dépôt a été établi et que le CRÉDIT LYONNAIS avait une obligation de conservation. La banque n’a pas prouvé avoir pris les mesures nécessaires pour éviter le vol, et elle est donc responsable du préjudice subi par la société [X] ET ASSOCIES. Sur les frais du procès et l’exécution provisoireLe tribunal condamne le CRÉDIT LYONNAIS à payer à la société [X] ET ASSOCIES la somme de 10.471,40 euros, ainsi qu’une indemnité de 2.500 euros pour les frais de justice. La banque est également condamnée aux dépens. L’exécution provisoire de cette décision est de droit, ce qui signifie qu’elle doit être appliquée immédiatement, sans attendre l’éventuel appel. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelle est la nature du contrat de dépôt entre la société [X] ET ASSOCIES et la société CRÉDIT LYONNAIS ?Le contrat de dépôt est défini par l’article 1915 du Code civil, qui stipule que « le dépôt, en général, est un acte par lequel on reçoit la chose d’autrui, à la charge de la garder et de la restituer en nature. » Dans le cas présent, la société [X] ET ASSOCIES a remis des chèques à la société CRÉDIT LYONNAIS, ce qui constitue un contrat de dépôt. La société CRÉDIT LYONNAIS, en tant que dépositaire, a l’obligation de conserver les chèques et de les protéger contre toute atteinte extérieure. En cas de perte ou de détérioration, le dépositaire doit prouver qu’il a apporté tous les soins nécessaires à la conservation de la chose déposée, conformément à l’article 1927 du Code civil, qui précise que « le dépositaire doit apporter, dans la garde de la chose déposée, les mêmes soins qu’il apporte dans la garde des choses qui lui appartiennent. » Ainsi, la société CRÉDIT LYONNAIS est tenue d’indemniser la société [X] ET ASSOCIES pour le préjudice subi en raison du vol des chèques, sauf à prouver qu’elle a respecté ses obligations de conservation. Quelles sont les obligations de la banque en matière de dépôt de chèques ?Les obligations de la banque en matière de dépôt de chèques sont régies par les articles 1927 et 1353 du Code civil. L’article 1927 stipule que « le dépositaire doit apporter, dans la garde de la chose déposée, les mêmes soins qu’il apporte dans la garde des choses qui lui appartiennent. » Cela signifie que la banque doit prendre toutes les mesures nécessaires pour protéger les chèques déposés contre le vol ou toute autre forme de perte. De plus, l’article 1353, alinéa 1er, précise que « celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. » Dans ce contexte, la banque doit prouver qu’elle a respecté ses obligations de conservation et qu’elle n’est pas responsable de la perte des chèques. En l’espèce, la société CRÉDIT LYONNAIS n’a pas démontré qu’elle avait pris toutes les précautions nécessaires pour éviter le vol, ce qui engage sa responsabilité. Comment la preuve du dépôt des chèques est-elle établie dans ce litige ?La preuve du dépôt des chèques est un élément central dans ce litige. Selon l’article 1356, alinéa 1er du Code civil, « les contrats sur la preuve sont valables lorsqu’ils portent sur des droits dont les parties ont la libre disposition. » Dans le cas présent, la société [X] ET ASSOCIES a produit un double du bordereau des chèques déposés ainsi qu’un ticket de remise, qui indiquent que 35 chèques ont été déposés pour un montant total de 12.319,29 euros. Cependant, la société CRÉDIT LYONNAIS conteste la matérialité du dépôt, arguant que la preuve du dépôt résulte de l’inventaire ultérieur réalisé par la banque, sauf preuve contraire, conformément à l’article 3.1 des Dispositions Générales de Banque. Étant donné qu’un vol a eu lieu le jour du dépôt, la société [X] ET ASSOCIES a dû apporter la preuve de la matérialité du dépôt par tous moyens, ce qu’elle a réussi à faire en produisant des éléments corroborants, tels que des échanges de courriels et une plainte pénale. Quel est le préjudice subi par la société [X] ET ASSOCIES et comment est-il évalué ?Le préjudice subi par la société [X] ET ASSOCIES résulte de la perte de chance d’encaisser les chèques déposés. Selon l’article 1231-1 du Code civil, « le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, s’il ne justifie pas que l’exécution a été empêchée par la force majeure. » Dans ce cas, la société CRÉDIT LYONNAIS a manqué à son obligation d’encaisser les chèques, ce qui a entraîné une perte de chance pour la société [X] ET ASSOCIES. La réparation de cette perte de chance doit être mesurée à la probabilité que l’éventualité favorable se soit produite. Le tribunal a évalué cette probabilité à 85 %, ce qui signifie que la société [X] ET ASSOCIES avait une chance significative d’encaisser les chèques si le vol n’avait pas eu lieu. Ainsi, le montant de l’indemnisation a été fixé à 10.471,40 euros, correspondant à la perte de chance d’encaissement des chèques. |
JUDICIAIRE
DE NANTERRE
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PÔLE CIVIL
6ème Chambre
JUGEMENT RENDU LE
17 Janvier 2025
N° RG 22/06958 – N° Portalis DB3R-W-B7G-XWUP
N° Minute : 25/
AFFAIRE
Société [X] ET ASSOCIES
C/
Société CREDIT LYONNAIS
Copies délivrées le :
DEMANDERESSE
Société [X] ET ASSOCIES
[Adresse 1]
[Localité 5]
représentée par Me Ivan ITZKOVITCH, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, vestiaire : 296
DEFENDERESSE
Société CREDIT LYONNAIS
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Maître Magali TARDIEU-CONFAVREUX de l’AARPI TARDIEU GALTIER LAURENT DARMON associés, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : R010
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 02 Décembre 2024 en audience publique devant :
Louise ESTEVE, Magistrat placé, magistrat chargé du rapport, les avocats ne s’y étant pas opposés.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries au tribunal composé de :
François BEYLS, Premier Vice-Président Adjoint
Caroline KALIS, Juge
Louise ESTEVE, Magistrat placé
qui en ont délibéré.
Greffier lors du prononcé : Sylvie CHARRON, Greffier.
JUGEMENT
prononcé en premier ressort, par décision contradictoire et mise à disposition au greffe du tribunal conformément à l’avis donné à l’issue des débats.
Faits et procédure
La société [X] ET ASSOCIES, société d’exercice libéral ayant pour objet l’exploitation d’un cabinet de chirurgiens-dentistes dont le siège social est situé [Adresse 1] à [Localité 5], est titulaire, depuis le 31mai 2019, d’un compte courant professionnel dans les livres de la société CRÉDIT LYONNAIS, société anonyme ayant son siège social sis [Adresse 3] à [Localité 6].
Au cours du mois de septembre 2021, Madame [I] [X], gérante de la société [X] ET ASSOCIES, s’est rapprochée de sa banque afin de lui indiquer que le compte courant de sa société n’avait pas été crédité à la suite d’un dépôt, le 28 août 2021, de chèques établis par ses patients pour un montant total de 12.319,29 euros.
Par un courriel du 2 octobre 2021, la société CRÉDIT LYONNAIS a précisé à la société [X] ET ASSOCIES que l’agence du CRÉDIT LYONNAIS, située à [Localité 5], avait été victime d’une effraction du dépôt express de chèques le 28 août 2021.
Par courriers du 20 octobre 2021 et du 1er décembre 2021, la société [X] ET ASSOCIES a sollicité, par l’intermédiaire de son assureur, que la somme de 12.319,29 euros soit créditée sur son compte bancaire.
Par courrier du 1er mars 2022, la société CRÉDIT LYONNAIS a accepté de porter au crédit du compte bancaire de la société [X] ET ASSOCIES ladite somme, à condition que cette dernière justifie de démarches auprès de ses patients, émetteurs des chèques.
Le 8 avril 2022, Madame [I] [X] a déposé plainte pour le vol des chèques litigieux.
Faisant grief à la société [X] ET ASSOCIES de ne pas avoir apporté la preuve que les démarches sollicitées avaient été effectuées auprès des émetteurs des chèques, la société CRÉDIT LYONNAIS n’a finalement pas crédité le compte bancaire de sa cliente.
C’est dans ce contexte que par exploit en date du 2 août 2022, la société [X] ET ASSOCIES a assigné la société CRÉDIT LYONNAIS devant le tribunal judiciaire de NANTERRE aux fins d’obtenir sa condamnation à lui verser la somme de 12.319,29 euros.
La clôture est intervenue le 16 novembre 2023, par ordonnance du même jour.
Prétentions et moyens des parties
Dans son assignation signifiée le 2 août 2022, la société [X] ET ASSOCIES demande au tribunal de :
– Condamner la société CRÉDIT LYONNAIS à lui verser la somme de 12.319,29 euros, avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 20 octobre 2021,
– Condamner la société CRÉDIT LYONNAIS aux dépens,
– Condamner la société CRÉDIT LYONNAIS au versement d’une indemnité d’un montant de 2.500 euros, en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Au soutien de sa demande, la société [X] ET ASSOCIES se fonde sur les dispositions de l’article 1927 du code civil et explique que le 28 août 2021 elle a déposé des chèques dans une agence du CRÉDIT LYONNAIS, pour un montant de 12.319,29 euros, mais que cette somme n’a jamais été créditée par la défenderesse, laquelle a expressément reconnu qu’un vol avait été commis le jour-même au sein de l’agence de [Localité 5]. La demanderesse soutient que la remise des chèques vaut conclusion d’un contrat de dépôt et que, dans ces conditions, le dépositaire est tenu responsable des détériorations ou pertes des choses confiées à ses bons soins. Elle estime ainsi que le refus opposé par sa banque de créditer son compte courant et son invitation à se rapprocher des émetteurs des chèques sont injustifiés.
Aux termes de ses dernières écritures notifiées le 13 septembre 2023 par RPVA, la société CRÉDIT LYONNAIS sollicite du tribunal de :
– Débouter la société [X] ET ASSOCIES de ses demandes,
– Condamner la société [X] ET ASSOCIES aux dépens,
– Condamner la société [X] ET ASSOCIES au paiement d’une somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Au soutien de sa demande de rejet des prétentions adverses, la société CRÉDIT LYONNAIS se fonde sur l’article 1924 du code civil et expose qu’en vertu des dispositions générales de la banque, dûment acceptées et signées par Madame [I] [X], la preuve du dépôt résulte de l’inventaire ultérieur réalisé par les soins de la banque ou par ses mandataires, sauf preuve contraire. Dans ces conditions, la société CRÉDIT LYONNAIS soutient que la demanderesse ne rapporte pas la preuve de la réalité du dépôt des chèques litigieux et de leurs montants au moyen du seul bordereau de remise de chèque établi par elle-même de manière non-contradictoire lors du dépôt. La société CRÉDIT LYONNAIS en déduit qu’elle ne saurait être tenue de procéder à l’inscription de la somme réclamée au crédit du compte de sa cliente, sans avoir pu opérer diverses vérifications (adéquation entre les montants des chèques et ceux inscrits sur le bordereau, respect des mentions obligatoires, absence d’irrégularités matérielles, endossement des chèques par les clients bénéficiaires).
Toutefois, la société CRÉDIT LYONNAIS explique que, compte tenu de l’impossibilité d’établir la réalité du dépôt de chèques ainsi que de leurs montants, elle a accepté de procéder à l’inscription au crédit du compte bancaire de sa cliente des sommes réclamées, à la seule condition que celle-ci prenne attache avec les émetteurs des chèques afin qu’ils vérifient si leurs comptes bancaires avaient été débités et qu’ils puissent, selon le cas, soit solliciter le rejet des chèques et le remboursement des sommes auprès de leurs banques respectives, soit former opposition avant d’émettre de nouveaux chèques. Or, la société CRÉDIT LYONNAIS indique que la société [X] ET ASSOCIES n’a jamais rapporté la preuve des diligences effectuées auprès de ses patients, émetteurs des chèques. La défenderesse en déduit qu’elle est bien fondée à refuser d’inscrire la somme réclamée au crédit du compte bancaire de sa cliente.
Par ailleurs, se fondant sur les articles 1231-1 et 1353 du code civil, la société CRÉDIT LYONNAIS explique qu’en matière de chèque, le préjudice né d’un manquement de la banque à son obligation d’encaisser le chèque présenté par son client s’analyse en une perte de chance de ne pas recouvrer les sommes dues par l’émetteur dudit chèque. Ainsi, la société CRÉDIT LYONNAIS indique que l’absence d’encaissement des chèques prétendument déposés auprès d’elle par la société [X] ET ASSOCIES ne fait pas disparaître la créance que détient cette dernière sur ses patients mais seulement la chance qu’elle avait d’obtenir le règlement des sommes dues par ces derniers. La banque ajoute qu’il n’est pas démontré, d’une part, que les chèques litigieux présentaient l’ensemble des mentions obligatoires précitées et ne comportaient pas d’irrégularités matérielles empêchant leur encaissement et, d’autre part, que les comptes bancaires des émetteurs des chèques étaient suffisamment provisionnés pour en permettre l’exécution et l’approvisionnement du compte bancaire de la demanderesse. Enfin, la société CRÉDIT LYONNAIS allègue que sa cliente a perdu une chance de voir créditée sur son compte bancaire la somme réclamée en n’apportant pas la preuve qu’elle a entrepris des démarches auprès de ses patients, émetteurs des chèques.
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MOTIVATION
L’article 1915 du code civil dispose que le dépôt, en général, est un acte par lequel on reçoit la chose d’autrui, à la charge de la garder et de la restituer en nature.
L’article 1353, alinéa 1er du même code prévoit que celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver.
Concernant la remise de chèques à un guichet automatique bancaire, il est constant qu’en cas de contestation relative au dépôt, c’est au client qui affirme avoir déposé une somme d’argent au guichet automatique de la banque qu’il revient de prouver la matérialité du dépôt.
Aux termes de l’article 1356, alinéa 1er du code civil, les contrats sur la preuve sont valables lorsqu’ils portent sur des droits dont les parties ont la libre disposition.
L’article L. 110-3 du code de commerce dispose qu’à l’égard des commerçants, les actes de commerce peuvent se prouver par tous moyens à moins qu’il n’en soit autrement disposé par la loi.
Il est constant qu’en présence d’un acte mixte – c’est-à-dire un acte conclu entre un commerçant exerçant dans son activité professionnelle et un non-commerçant – la preuve est libre pour le non-commerçant.
L’article 1927 du code civil dispose que le dépositaire doit apporter, dans la garde de la chose déposée, les mêmes soins qu’il apporte dans la garde des choses qui lui appartiennent.
Il est constant que le dépositaire a la charge de prouver qu’il est étranger à la détérioration ou à la perte de la chose qu’il a reçue en dépôt, soit en établissant qu’il a donné à cette chose les mêmes soins qu’à la garde des choses lui appartenant, soit en démontrant la survenance d’un accident de force majeure.
L’article 1231-1 du code civil dispose que le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, s’il ne justifie pas que l’exécution a été empêchée par la force majeure.
Le préjudice subi par le créancier peut consister en une perte de chance, laquelle est indemnisable.
Seule constitue une perte de chance réparable, la disparition actuelle et certaine d’une éventualité favorable. En outre, la réparation d’une perte de chance doit être mesurée à la chance perdue et ne peut être égale à l’avantage qu’aurait procuré cette chance si elle s’était réalisée.
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En l’espèce, la société [X] ET ASSOCIES affirme avoir déposé divers chèques pour un montant total de 12.319,29 euros, le 28 août 2021.
Or, la société CRÉDIT LYONNAIS reproche à la société [X] ET ASSOCIES de ne pas apporter la preuve de la matérialité du dépôt, ainsi que de son montant.
Aux termes de l’article 3.1 des Dispositions Générales de Banque – Clientèle des Professionnels et des Petites Entreprises, lesquelles ont été dûment acceptées par la société [X] ET ASSOCIES le 31 mai 2019, « le client peut effectuer la remise en agence dans les Dépôts Express Chèques et automates prévus à cet effet ou dans les bornes de numérisation si l’agence en dispose. Sauf preuve contraire, la preuve du dépôt résulte de l’inventaire ultérieur réalisé par les soins de la banque ou par ses mandataires […] ».
Toutefois, il est constant qu’un vol a eu lieu le 28 août 2021 dans l’agence de [Localité 5] où les chèques ont prétendument été déposés, de sorte que la preuve du dépôt ne peut, dans de telles circonstances, résulter de l’inventaire ultérieur réalisé par la banque ou ses mandataires.
Ainsi, dans ces conditions, il convient de faire application des dispositions légales précitées, aux termes desquelles il revient à la société [X] ET ASSOCIES d’apporter la preuve de la matérialité du dépôt, et ce par tous moyens. En effet, la société [X] ET ASSOCIES n’a pas la qualité de commerçant, contrairement à la société CRÉDIT LYONNAIS.
Pour apporter une telle preuve, la société [X] ET ASSOCIES produit aux débats le double du bordereau des chèques déposés, ainsi que la copie du ticket intitulé « Remise de chèques en euros ». Le bordereau de chèques tout comme la copie du ticket mentionnent que 35 chèques ont été déposés, pour un montant total de 12.319,29 euros.
Ces éléments sont corroborés, d’une part, par les échanges par courriels qu’a eu Madame [I] [X] avec sa banque pour l’alerter sur la situation et, d’autre part, par la plainte pénale qu’elle a déposée le 8 avril 2022.
Ainsi, par la production de ces éléments, la société [X] ET ASSOCIES apporte la preuve de la matérialité du dépôt des chèques litigieux.
Partant, un contrat de dépôt a été conclu entre la société [X] ET ASSOCIES et la société CRÉDIT LYONNAIS.
Dans de telles conditions, la société CRÉDIT LYONNAIS était tenue d’une obligation de conservation, laquelle consiste notamment à protéger la chose déposée contre les atteintes extérieures. Elle ne peut s’exonérer de sa responsabilité qu’en démontrant qu’elle a apporté tous les soins nécessaires à la conservation des chèques ou qu’un évènement de force majeure est survenu.
Or, la société CRÉDIT LYONNAIS ne démontre pas en quoi elle a apporté tous les soins nécessaires pour éviter la survenance du vol, tels que la mise en place d’un système sécurisé ou de mesures de surveillance adéquates, par exemple. En outre, elle ne démontre pas que le vol survenu le 28 août 2021 constitue un évènement de force majeure.
Par conséquent, la société CRÉDIT LYONNAIS est tenue d’indemniser la société [X] ET ASSOCIES du préjudice qu’elle a subi.
Concernant ledit préjudice, il est constant qu’il ne peut correspondre au montant total des chèques volés. En effet, le seul préjudice dont peut se prévaloir la société [X] ET ASSOCIES consiste en la perte de chance que les chèques volés soient encaissés et de voir ainsi inscrite la somme réclamée au crédit de son compte bancaire.
À ce propos, et même si cela est peu probable, il est possible que l’encaissement des chèques n’aient pas pu avoir lieu, faute de présenter l’ensemble des mentions obligatoires, de respecter les exigences matérielles ou encore faute de provision sur les comptes des émetteurs des chèques.
Par conséquent, la probabilité que l’éventualité favorable se soit produite en l’absence du vol des chèques est fixée à 85 %.
Par conséquent, la société CRÉDIT LYONNAIS est condamnée à verser à la société [X] ET ASSOCIES la somme de 10.471,40 euros, avec intérêts au taux légal à compter du jour du présent jugement, date de la fixation par la voie judiciaire du montant de la créance indemnitaire.
Sur les frais du procès et l’exécution provisoire
Sur les dépens
Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.
La société CRÉDIT LYONNAIS, qui succombe à l’instance, est condamnée aux dépens.
Sur les frais irrépétibles
Aux termes de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer (1°) à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans tous les cas, le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à ces condamnations.
La société CRÉDIT LYONNAIS, condamnée aux dépens, est également condamnée à verser à la société [X] ET ASSOCIES, au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens, une somme qu’il est équitable de fixer à 2.500 euros et sera déboutée de sa propre demande de ce chef.
Sur l’exécution provisoire
Aux termes de l’article 514 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement.
Il convient ainsi de rappeler que l’exécution provisoire de la présente décision est de droit.
Le tribunal,
CONDAMNE la société CRÉDIT LYONNAIS à payer à la société [X] ET ASSOCIES la somme de 10.471,40 euros, avec intérêts au taux légal à compter du jour du présent jugement,
CONDAMNE la société CRÉDIT LYONNAIS à verser à la société [X] ET ASSOCIES une indemnité de 2.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
REJETTE la demande d’indemnité formulée par la société CRÉDIT LYONNAIS au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE la société CRÉDIT LYONNAIS aux dépens,
RAPPELLE que l’exécution provisoire de la présente décision est de droit.
Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition de la présente décision au greffe, le 17 janvier 2025, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, la minute étant signée par Monsieur François BEYLS, premier vice-président adjoint, et par Madame Sylvie CHARRON, greffière.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
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