L’Essentiel : Monsieur [M] a été victime de malfaiteurs en mai 2020, ce qui a entraîné des retraits et des virements non autorisés sur ses comptes à la CAISSE D’EPARGNE. Bien qu’il ait déposé plainte et demandé un remboursement, la banque n’a remboursé qu’une partie des sommes perdues. Dans ses conclusions, Monsieur [M] réclame 9 100,78 € et d’autres indemnités, tandis que la banque conteste ces demandes, arguant de la négligence de Monsieur [M]. Le tribunal conclut qu’il a fait preuve de négligence grave, déboutant sa demande de remboursement des virements, mais condamne la banque à rembourser 150 euros pour un paiement non autorisé.
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Exposé du litigeMonsieur [X] [M] est titulaire de plusieurs comptes et livrets à la CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE DE RHONE ALPES. En mai 2020, il a été menacé par des malfaiteurs qui l’ont contraint à effectuer des retraits et à communiquer ses codes d’accès à sa banque en ligne. Cela a permis d’effectuer des virements importants et des dépôts de chèques volés. Monsieur [M] a déposé plainte le 25 mai 2020 et a demandé le remboursement des sommes perdues à sa banque, qui a remboursé une partie des montants, mais pas l’intégralité. Demandes de Monsieur [M]Dans ses conclusions du 13 octobre 2023, Monsieur [M] demande au tribunal de juger ses demandes recevables et fondées, de condamner la CAISSE D’ÉPARGNE à lui rembourser 9 100,78 €, de lui verser 3 000 € pour résistance abusive, et 3 500 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile. Il souhaite également que la banque soit déboutée de ses demandes et condamnée aux dépens. Réponses de la CAISSE D’ÉPARGNEDans ses conclusions du 2 février 2024, la CAISSE D’EPARGNE demande le rejet des demandes de Monsieur [M] et soutient qu’il a commis des fautes ayant contribué à son préjudice. La banque affirme que Monsieur [M] a négligé de signaler le détournement de ses codes d’accès et qu’il a approuvé les opérations contestées. Elle demande également le remboursement de 3 500 € pour ses frais de justice. Analyse des virements et chèquesMonsieur [M] reproche à la CAISSE D’EPARGNE de ne pas avoir vérifié la signature des chèques déposés. Cependant, il ne prouve pas de préjudice financier lié à ces chèques. Concernant les virements, la banque soutient que Monsieur [M] a validé les opérations via un système d’authentification. Le tribunal conclut que Monsieur [M] a fait preuve de négligence grave, ce qui l’empêche de récupérer les pertes liées aux virements. Paiement par carte bancaireMonsieur [M] conteste un paiement par carte bancaire de 150 euros. Le tribunal estime que la CAISSE D’EPARGNE n’a pas prouvé que cette opération était autorisée par Monsieur [M]. Par conséquent, la banque est condamnée à rembourser cette somme. Résistance abusive et dépensLe tribunal rejette la demande de Monsieur [M] pour résistance abusive, considérant que la banque n’a pas agi de manière abusive. Les dépens sont à la charge de la CAISSE D’EPARGNE, qui a partiellement succombé, tandis que les frais des parties sont laissés à leur charge respective. Conclusion du tribunalLe tribunal déboute Monsieur [M] de sa demande de remboursement des virements, condamne la CAISSE D’EPARGNE à rembourser 150 euros pour le paiement par carte non autorisé, et rejette toutes les autres demandes. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelles sont les obligations de la banque en matière de vérification des chèques déposés ?La question des obligations de la banque en matière de vérification des chèques est régie par l’article L. 131-19 du Code monétaire et financier. Cet article stipule que : « Le banquier doit s’assurer de la régularité de l’endossement des chèques qui lui sont présentés. » Dans le cas présent, Monsieur [M] reproche à la CAISSE D’EPARGNE de ne pas avoir vérifié la signature d’endossement des chèques déposés sur son compte. Cependant, le tribunal a noté que Monsieur [M] ne demande pas de remboursement en lien avec ces chèques, ce qui rend la question de la vérification de la signature sans objet. En effet, le tribunal a observé que : « Par suite, il n’y a pas lieu d’examiner le manquement reproché à la banque. » Ainsi, même si la banque a une obligation de vérification, l’absence de préjudice financier lié aux chèques déposés limite la portée de cette obligation dans le litige. Comment la responsabilité du payeur est-elle déterminée en cas d’opération non autorisée ?La responsabilité du payeur en cas d’opération non autorisée est principalement régie par l’article L. 133-19 du Code monétaire et financier. Cet article précise que : « En cas d’opération de paiement non autorisée consécutive à la perte ou au vol de l’instrument de paiement, le payeur supporte, avant l’information prévue à l’article L. 133-17, les pertes liées à l’utilisation de cet instrument, dans la limite d’un plafond de 50 €. » Il est également précisé que la responsabilité du payeur n’est pas engagée si l’opération a été effectuée sans utilisation des données de sécurité personnalisées ou si le détournement a été réalisé à son insu. Dans le cas de Monsieur [M], la banque a soutenu que les virements litigieux avaient été validés par un code reçu par SMS, ce qui implique que Monsieur [M] a utilisé ses données de sécurité. Le tribunal a donc conclu que : « Monsieur [M] a commis une négligence grave ayant permis les opérations critiquées. » Ainsi, la responsabilité de Monsieur [M] a été retenue, et il a été condamné à supporter les pertes résultant des virements non autorisés. Quelles sont les conséquences d’une résistance abusive dans le cadre d’une procédure judiciaire ?La résistance abusive est abordée par l’article 1231-6 du Code civil, qui stipule que : « Le débiteur qui refuse d’exécuter son obligation sans motif légitime est tenu de réparer le préjudice causé par ce refus. » Dans le litige, Monsieur [M] a demandé des dommages-intérêts pour résistance abusive de la part de la CAISSE D’EPARGNE. Cependant, le tribunal a constaté que l’essentiel des demandes de Monsieur [M] avait été rejeté, ce qui signifie qu’aucune résistance abusive ne pouvait être raisonnablement imputée à la banque. Le tribunal a donc décidé que : « La prétention indemnitaire afférente doit être rejetée. » Cela signifie que, en l’absence de fondement légitime pour ses demandes, Monsieur [M] ne peut pas obtenir de réparation pour résistance abusive. Quelles sont les implications de l’article 700 du Code de procédure civile dans ce litige ?L’article 700 du Code de procédure civile prévoit que : « La partie qui succombe dans ses prétentions peut être condamnée à payer à l’autre partie une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. » Dans le cas présent, le tribunal a décidé de laisser à la charge de chacune des parties les frais engagés au titre de cet article. Cela signifie que, bien que la CAISSE D’EPARGNE ait succombé partiellement, les frais ne seront pas remboursés à Monsieur [M] en raison du rejet de ses principales demandes. Le tribunal a ainsi statué que : « Il est équitable de laisser à la charge de chacune des parties, les frais engagés au titre de l’article 700 du code de procédure civile. » Cela souligne l’importance de l’équité dans la répartition des frais de justice, même lorsque l’une des parties a partiellement gagné. |
DE LYON
Quatrième Chambre
N° RG 22/00466 – N° Portalis DB2H-W-B7G-WPGG
Jugement du 14 Janvier 2025
Minute Numéro :
Notifié le :
1 Grosse et 1 Copie à
Me Laurent PRUDON,
vestiaire : 533
Me Jacques BOURBONNEUX de la SELARL QUADRANCE, vestiaire : 1020
Copie Dossier
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Le Tribunal judiciaire de LYON, statuant publiquement et en premier ressort, a rendu par mise à disposition au greffe, en son audience de la Quatrième chambre du 14 Janvier 2025 le jugement contradictoire suivant,
Le dossier initialement mis en délibéré au 10 Décembre 2024 a été prorogé au 14 Janvier 2025
Après que l’instruction eut été clôturée le 28 Mai 2024, et que la cause eut été débattue à l’audience publique du 24 Septembre 2024 devant :
Président : Véronique OLIVIERO, Vice-Président
Siégeant en formation Juge Unique
Greffier : Marianne KERBRAT
Et après qu’il en eut été délibéré par le magistrat ayant assisté aux débats dans l’affaire opposant :
DEMANDEUR
Monsieur [X] [M]
né le [Date naissance 2] 2001 à [Localité 3] (38)
[Adresse 1]
[Localité 3]
représenté par Maître Laurent PRUDON, avocat au barreau de LYON, avocat postulant, Maître Laure BELIN de la SELARL BSV Avocats, avocats au barreau de GRENOBLE, avocat plaidant
DEFENDERESSE
CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE RHONE ALPES, Société coopérative à forme anonyme, directoire et conseil de surveillance, prise en la personne de son représentant légal en exercice dont le siège social est
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 4]
représentée par Maître Jacques BOURBONNEUX de la SELARL QUADRANCE, avocats au barreau de LYON
Monsieur [X] [M] est titulaire de plusieurs compte et livret dans les livres de la CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE DE RHONE ALPES.
Il expose avoir été, en mai 2020, menacé par un groupe de malfaiteurs qui :
L’a forcé à trois retraits le 20 mai 2020 pour une somme totale de 1 000 eurosL’a forcé à communiquer ses codes d’accès à sa banque en ligne, permettant d’effectuer trois virements les 20 et 21 mai 2020 depuis son livret A vers son compte-chèques, pour un montant total de 6 200 euros, puis de réaliser trois virements depuis son compte-chèques vers des comptes tiers pour un montant total de 9 700 euros, enfin d’opérer un règlement par carte bancaire le 25 mai 2020 pour 150 euros.A déposé 17 chèques volés sur son compte-chèques, les 20 et 22 mai 2020.
Monsieur [M] a déposé plainte le 25 mai 2020.
Il s’est ensuite rapproché de sa banque pour obtenir le remboursement des diverses sommes. La CAISSE D’EPARGNE a accepté de lui rembourser la somme de 1 000 euros correspondant aux retraits et la somme de 749,22 euros suite au retour de fonds accepté par l’une des banques tirées.
Aucune issue amiable n’a été trouvée pour le surplus.
Par acte d’huissier de justice signifié le 13 janvier 2022, Monsieur [X] [M] a fait assigner en remboursement la CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE DE RHONE ALPES devant le tribunal judiciaire de Lyon.
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Dans ses dernières conclusions notifiées le 13 octobre 2023, Monsieur [X] [M] sollicite du tribunal de :
JUGER recevables et bien fondées ses demandes
CONDAMNER la CAISSE D’ÉPARGNE ET DE PRÉVOYANCE D’AUVERGNE RHÔNE ALPES à lui rembourser la somme de 9 100,78 €
CONDAMNER la CAISSE D’ÉPARGNE ET DE PRÉVOYANCE D’AUVERGNE RHÔNE ALPES à lui verser la somme de 3 000 € pour résistance abusive
CONDAMNER la CAISSE D’ÉPARGNE ET DE PRÉVOYANCE D’AUVERGNE RHÔNE ALPES à lui verser la somme de 3 500 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile
DEBOUTER la CAISSE D’ÉPARGNE ET DE PRÉVOYANCE D’AUVERGNE RHÔNE ALPES de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions
CONDAMNER la CAISSE D’ÉPARGNE ET DE PRÉVOYANCE D’AUVERGNE RHÔNE ALPES aux entiers dépens de la procédure, sur le fondement des articles 695 et suivants du Code de procédure civile, dont distraction au profit de la SELARL BSV AVOCATS sur son affirmation de droit
REJETER toute demande visant à voir écarter l’exécution provisoire de droit.
Au visa de l’article 1231-1 du Code civil et des articles L. 131-19, L. 133-24, L. 133-18, L. 133-19, L. 133-23, L. 133-24, L. 561 du Code monétaire et financier, Monsieur [M] reproche à la CAISSE D’EPARGNE :
De s’être abstenue de contrôler la signature de l’endosseur des chèques, qui ne correspond pas à la sienne, ce qui l’aurait conduite à bloquer tous les chèques déposésDe ne pas s’être alertée du nombre conséquent de chèques, avoisinant les 1000 euros, présentés dans différentes agences en l’espace de deux joursDe ne pas l’avoir alerté des virements inhabituels depuis son livret A vers son compte-chèquesDe refuser d’exécuter ses obligations de remboursement, au motif de sa prétendue négligence qui n’est pas caractérisée dès lors qu’il n’a pas consenti aux opérations, consécutives à une escroquerie et à des violences.
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Dans ses dernières conclusions notifiées le 2 février 2024, la CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE DE RHONE ALPES sollicite du tribunal de :
A titre principal,
REJETER l’ensemble des demandes de Monsieur [M]
A titre subsidiaire,
JUGER que Monsieur [M] a commis une faute ayant participé à la réalisation du préjudice dont il sollicite réparation, n’accueillir ses demandes indemnitaires qu’à proportion des fautes imputables à la banque, les rejeter pour le surplus,
CONDAMNER Monsieur [M] à lui payer une somme de 3 500 € au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile et le condamner aux entiers dépens de l’instance.
La banque soutient que les fautes commises par Monsieur [M] sont à l’origine exclusive de son préjudice. Elle souligne qu’il a communiqué le numéro de son compte-chèques et les codes d’accès par internet, puis que les virements litigieux ont nécessairement été validés par le demandeur, soit par un code reçu par sms, soit par la validation par téléphone via l’authentification forte Secur’Pass. Elle ajoute qu’à supposer que les codes d’accès aient été détournés, Monsieur [M] a omis de le signaler sans tarder à sa banque en application de l’article L. 133-17 du Code monétaire et financier.
La banque réfute toute faute en lien avec l’endossement des chèques, observant d’une part que Monsieur [M] a approuvé leur encaissement lorsque l’établissement bancaire a pris son attache le 20 mai 2020, d’autre part qu’il ne peut alléguer aucun préjudice financier en lien de causalité avec lesdits chèques, tous contrepassés.
Par ailleurs, la CAISSE D’EPARGNE estime qu’en application de l’article L. 133-19 II du Code monétaire et financier, il appartient à Monsieur [M] de rapporter la preuve que son instrument de paiement a été détourné, s’il ne veut pas voir sa responsabilité engagée. Or, la banque considère que le demandeur échoue dans la démonstration du détournement qu’il invoque. Dès lors, en l’absence de détournement, la banque soutient que la remise des données liées à l’instrument de paiement constitue une négligence grave au sens de l’article L. 133-19 IV du Code monétaire et financier justifiant que Monsieur [M] supporte ses pertes. Elle ajoute qu’en tout état de cause, Monsieur [M] a tardé à faire opposition avant l’accomplissement de toute opération frauduleuse, en violation de l’article L. 133-17 du Code monétaire et financier qui se distingue du délai prévu à l’article L. 133-24 du Code monétaire et financier pour contester une opération déjà réalisée.
Subsidiairement, si sa faute est retenue, la CAISSE D’EPARGNE conclut à un partage de responsabilité avec Monsieur [M], en considération de ses propres manquements.
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Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures visées ci-dessus conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
Sur la demande de remboursement
Concernant les chèques
Vu l’article L. 131-19 du Code monétaire et financier
Monsieur [M] reproche à la CAISSE D’EPARGNE de n’avoir pas vérifié la régularité de la signature d’endos, figurant au verso des 17 chèques déposés sur son compte entre les 20 et 22 mai 2020.
Il est d’emblée observé que Monsieur [M] sollicite le remboursement d’une somme totale de 9100,78 euros correspondant à l’addition des trois virements vers des comptes tiers (4700+1300+3700=9700 euros) ordonnés les 20 et 21 mai 2020 et du paiement par carte bancaire du 20 mai 2020 (150 euros), de laquelle il déduit 749,22 euros, correspondant à un retour de fonds accepté par l’une des banques tirées. En ce sens, il n’invoque aucun préjudice financier en lien avec les chèques litigieux. Par suite, il n’y a pas lieu d’examiner le manquement reproché à la banque.
Concernant les virements vers des comptes tiers
L’article L. 133-19 du Code monétaire et financier, applicable aux instruments de paiement dotés d’un dispositif de sécurité personnalisé, dispose : I. En cas d’opération de paiement non autorisée consécutive à la perte ou au vol de l’instrument de paiement, le payeur supporte, avant l’information prévue à l’article L. 133-17, les pertes liées à l’utilisation de cet instrument, dans la limite d’un plafond de 50 €.
Toutefois, la responsabilité du payeur n’est pas engagée en cas :
– D’opération de paiement non autorisée effectuée sans utilisation des données de sécurité personnalisées ;
– De perte ou de vol d’un instrument de paiement ne pouvant être détecté par le payeur avant le paiement ;
– De perte due à des actes ou à une carence d’un salarié, d’un agent ou d’une succursale d’un prestataire de services de paiement ou d’une entité vers laquelle ses activités ont été externalisées.
II. La responsabilité du payeur n’est pas engagée si l’opération de paiement non autorisée a été effectuée en détournant, à l’insu du payeur, l’instrument de paiement ou les données qui lui sont liées.
Elle n’est pas engagée non plus en cas de contrefaçon de l’instrument de paiement si, au moment de l’opération de paiement non autorisée, le payeur était en possession de son instrument.
III. Sauf agissement frauduleux de sa part, le payeur ne supporte aucune conséquence financière si le prestataire de services de paiement ne fournit pas de moyens appropriés permettant l’information aux fins de blocage de l’instrument de paiement prévue à l’article L. 133-17.
IV. Le payeur supporte toutes les pertes occasionnées par des opérations de paiement non autorisées si ces pertes résultent d’un agissement frauduleux de sa part ou s’il n’a pas satisfait intentionnellement ou par négligence grave aux obligations mentionnées aux articles L. 133-16 et L. 133-17.
V. Sauf agissement frauduleux de sa part, le payeur ne supporte aucune conséquence financière si l’opération de paiement non autorisée a été effectuée sans que le prestataire de services de paiement du payeur n’exige une authentification forte du payeur prévue à l’article L. 133-44.
VI. Lorsque le bénéficiaire ou son prestataire de services de paiement n’accepte pas une authentification forte du payeur prévue à l’article L. 133-44, il rembourse le préjudice financier causé au prestataire de services de paiement du payeur.
Il convient de rappeler qu’en vertu de l’article L. 133-1 I du Code monétaire et financier, une opération de paiement est une action consistant à verser, transférer ou retirer des fonds, indépendamment de toute obligation sous-jacente entre le payeur et le bénéficiaire, initiée par le payeur, ou pour son compte, ou par le bénéficiaire.
La CAISSE D’EPARGNE verse au débat des captures d’écran correspondant aux virements contestés, effectués depuis le compte-chèques de Monsieur [M] vers des comptes tiers. Chacune mentionne une « saisie via internet mobile avec authentification sms ». Le demandeur ne conteste pas l’existence de ce dispositif d’authentification. Il convient donc d’examiner son éventuelle responsabilité à l’aune des dispositions de l’article L. 133-19 du Code monétaire et financier, ci-dessus rappelées.
L’article L. 133-19 II du Code monétaire et financier évoque l’hypothèse d’un détournement de l’instrument de paiement ou des données qui lui sont liées. Toutefois, ce détournement doit s’être opéré « à l’insu du payeur ». Or, Monsieur [M] affirme que ses codes d’accès à son compte sur internet lui ont été extorqués sous la menace de violences et de dégradations, par deux individus qui se sont présentés à son domicile. Dès lors, à supposer qu’une telle extorsion puisse être assimilée à un « détournement » au sens du texte précité, celui-ci n’a pas été accompli à l’insu de Monsieur [M]. Ce texte n’est donc pas applicable.
La CAISSE D’EPARGNE se prévaut ensuite de l’article L. 133-19 IV du Code monétaire et financier, en particulier de la négligence grave de Monsieur [M].
Sur ce point, Monsieur [M] a expliqué lors de son dépôt de plainte avoir été contacté le 17 mai 2020 via l’application Snapchat par une personne se présentant sous un pseudonyme, qui lui a proposé de recevoir des virements sur son compte puis de les transférer sur un compte tiers afin d’échapper aux impôts suisses, et ce contre une rémunération composée d’un pourcentage sur chaque somme versée. Monsieur [M] admet avoir ainsi communiqué le numéro de son compte-chèques. Il expose ensuite que c’est une quinzaine de chèques, pour des montants de 800 à 1 000 euros, qui ont été déposés sur son compte. Monsieur [M] soutient que, le 20 mai 2020, deux individus se sont présentés à deux reprises à son domicile et l’ont menacé de commettre « des dingueries » dans sa maison ou de s’en prendre à sa copine s’il ne leur remettait pas ses codes d’accès à internet et des espèces retirées au distributeur de billets.
Le tribunal observe tout d’abord que Monsieur [M] a immédiatement et spontanément livré le numéro de son compte bancaire à un inconnu entré en contact via un réseau social. Puis, le 20 mai 2020, soit le jour où il soutient avoir été menacé, il a confirmé à la CAISSE D’EPARGNE qui prenait son attache téléphonique au regard des premiers dépôts de chèques qu’il en avait connaissance et qu’il s’agissait d’un arrangement avec un ami pour une raison fiscale. Par ailleurs, le récit de son extorsion ne repose que sur son dépôt de plainte, aucune autre pièce ne permettant de le corroborer. L’issue de l’enquête n’est d’ailleurs pas connue. Enfin, Monsieur [M] ne réfute pas les captures d’écran produites par la banque, selon lesquelles chacun des virements litigieux a été authentifié par sms. Sur ce point, l’établissement bancaire relève à juste titre que Monsieur [M] n’évoque jamais la subtilisation de son téléphone portable ayant permis la validation des opérations. La mise en perspective de ces éléments conduit à retenir que Monsieur [M] a commis une négligence grave ayant permis les opérations critiquées. Il doit donc en assumer les pertes.
Concernant le paiement par carte bancaire
Vu l’article L. 133-19 IV du Code monétaire et financier
Monsieur [M] conteste un paiement par carte bancaire effectué le 20 mai 2020 pour un montant de 150 euros, débité sur son compte le 26 mai 2020.
Il appartient à la CAISSE D’EPARGNE de rapporter la preuve que la perte subie par Monsieur [M] consécutivement à cette opération qu’il prétend non autorisée résulte d’un agissement frauduleux de sa part ou qu’il n’a pas satisfait intentionnellement ou par négligence grave aux obligations mentionnées aux articles L. 133-16 et L. 133-17 du Code monétaire et financier. Or la banque reste taisante sur ce point, étant observé qu’il s’agit d’une opération distincte des virements précédemment examinés, ayant nécessité l’usage de la carte bancaire ou de son numéro. Dès lors, la partie défenderesse doit être condamnée à rembourser à Monsieur [M] la somme de 150 euros.
Sur la prétention indemnitaire au titre de la résistance abusive
Vu l’article 1231-6 du Code civil
L’essentiel des prétentions de Monsieur [M] étant rejeté, aucune résistance abusive ne peut être raisonnablement imputée à la CAISSE D’EPARGNE. La prétention indemnitaire afférente doit être rejetée.
Sur les demandes accessoires
Il convient de condamner la CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE DE RHONE ALPES, qui succombe partiellement, aux dépens conformément à l’article 696 du code de procédure civile.
En revanche, il est équitable de laisser à la charge de chacune des parties, les frais engagés au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
L’article 514 du code de procédure civile applicable aux instances introduites depuis le 1er janvier 2020 dispose que les décisions de première instance sont, de droit, exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement.
Le Tribunal,
DEBOUTE Monsieur [X] [M] de sa demande de remboursement des trois virements vers des comptes tiers contestés
CONDAMNE la CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE DE RHONE ALPES à rembourser à Monsieur [X] [M] la somme de 150 euros au titre du paiement par carte bancaire non autorisé
DEBOUTE Monsieur [X] [M] de sa prétention indemnitaire au titre de la résistance abusive
CONDAMNE la CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE DE RHONE ALPES aux dépens
ADMET les avocats qui en ont fait la demande et qui peuvent y prétendre au bénéfice des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile
REJETTE les prétentions formées en application de l’article 700 du Code de procédure civile
REJETTE toutes les autres demandes plus amples ou contraires formées par les parties.
Prononcé à la date de mise à disposition au greffe par Véronique OLIVIERO, vice-président,
En foi de quoi, le présent jugement a été signé par le Président, Véronique OLIVIERO, et Karine ORTI, Greffier, présent lors du prononcé.
LE GREFFIER LE PRESIDENT
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