L’Essentiel : M. [B] a été victime d’escroqueries en mai 2022, totalisant 10.027,23 euros, suite à des achats frauduleux réalisés via ses cartes bancaires. Il a également signalé une tentative d’escroquerie où un individu se faisant passer pour un employé de la banque a tenté de lui soutirer 11.000 euros. En mars 2023, M. [B] a assigné la Société Générale, héritière du Crédit du Nord, pour obtenir le remboursement des sommes détournées. Le tribunal a finalement condamné la banque à lui verser 4.533,03 euros, ainsi qu’une indemnité de 1.000 euros pour les frais de justice.
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Contexte de l’affaireM. [B] détenait un compte courant au Crédit du Nord, associé à deux cartes bancaires. En février 2020, il a contracté un prêt personnel de 25.000 euros, mais a cessé de payer les mensualités à partir de mai 2022, dépassant sa facilité de trésorerie. Escroqueries subies par M. [B]Entre le 18 et le 27 mai 2022, M. [B] a été victime d’achats frauduleux totalisant 10.027,23 euros, réalisés via ses cartes bancaires à la suite d’une escroquerie de type phishing. Il a également signalé une seconde escroquerie, où un individu se faisant passer pour un employé de la banque lui a demandé de récupérer des codes de paiement pour un montant de 11.000 euros. Demandes de remboursement et procédures judiciairesM. [B] a demandé le remboursement des sommes détournées et une indemnisation pour son inscription au FICP. En mars 2023, il a assigné la Société Générale, héritière du Crédit du Nord, devant le tribunal judiciaire de Paris, réclamant des montants spécifiques en raison des préjudices subis. Décision du juge de la mise en étatLe 15 mai 2024, le juge a déclaré incompétent pour traiter certaines demandes de M. [B] concernant des délais de paiement et a renvoyé l’affaire devant le juge des contentieux de la protection à Draguignan. Les autres demandes ont continué à être examinées par le tribunal de Paris. Analyse des demandes de remboursementM. [B] a soutenu que les escroqueries étaient dues à un défaut de sécurisation de l’application « Mon epaiement sécurisé ». La Société Générale a affirmé avoir remboursé les montants contestés, mais M. [B] a prouvé qu’il n’avait reçu qu’une partie des remboursements. Conclusion sur les remboursementsLe tribunal a conclu que la Société Générale devait rembourser à M. [B] la somme de 4.533,03 euros, en raison de l’absence de preuve de remboursement intégral. Les intérêts ont été fixés à compter du 28 juin 2022. Décision finale du tribunalLe tribunal a condamné la Société Générale à payer M. [B] 4.533,03 euros, ainsi qu’une somme de 1.000 euros pour les frais de justice. La décision a été rendue exécutoire immédiatement, sans écarter l’exécution provisoire. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelle est la responsabilité de la banque en cas d’opération de paiement non autorisée ?La responsabilité d’un prestataire de services de paiement, comme une banque, est régie par les articles L.133-18 à L.133-24 du Code monétaire et financier. Ces articles stipulent que : – **Article L.133-18** : « Le prestataire de services de paiement rembourse au payeur le montant de l’opération de paiement non autorisée, sauf s’il a de bonnes raisons de soupçonner une fraude de la part de l’utilisateur. » – **Article L.133-19** : « Le prestataire de services de paiement n’est pas tenu de rembourser si l’utilisateur a agi frauduleusement ou n’a pas satisfait intentionnellement ou par négligence grave aux obligations qui lui incombent. » Ainsi, pour qu’une banque soit exonérée de sa responsabilité, elle doit prouver que l’opération a été effectuée avec une authentification forte et que l’utilisateur a commis une négligence grave. Dans le cas de M. [B], la banque a reconnu avoir remboursé certaines opérations, mais n’a pas prouvé qu’elle avait remboursé l’intégralité des montants contestés. Le tribunal a donc condamné la banque à rembourser la différence, soit 4.533,03 euros, en raison de son obligation de remboursement selon les articles précités. Quelles sont les conséquences d’une escroquerie sur les opérations bancaires ?Les conséquences d’une escroquerie sur les opérations bancaires sont traitées dans le cadre des articles L.133-3 et L.133-6 du Code monétaire et financier. Ces articles précisent que : – **Article L.133-3** : « Une opération de paiement n’est autorisée que si le payeur l’a initiée et a consenti au montant de l’opération. » – **Article L.133-6** : « Le prestataire de services de paiement doit s’assurer que l’utilisateur a donné son consentement pour l’opération de paiement. » Dans le cas de M. [B], il a été victime d’une escroquerie de type phishing, où des tiers ont utilisé ses informations pour effectuer des paiements non autorisés. La banque a l’obligation de rembourser les montants des opérations non autorisées, sauf si elle peut prouver que l’utilisateur a agi de manière frauduleuse ou a négligé ses obligations de sécurité. Le tribunal a jugé que la banque n’avait pas prouvé qu’elle avait respecté ses obligations de remboursement, ce qui a conduit à la condamnation de la banque à payer M. [B]. Comment se calcule le montant des intérêts en cas de remboursement tardif ?Le calcul des intérêts en cas de remboursement tardif est régi par l’article 1231-6 du Code civil, qui stipule que : – **Article 1231-6** : « Les dommages et intérêts dus à raison du retard dans le paiement d’une obligation de somme d’argent consistent dans l’intérêt au taux légal, à compter de la mise en demeure. » Dans le cas présent, M. [B] a mis en demeure la banque par lettre recommandée en date du 27 juin 2022. Ainsi, le tribunal a décidé que les intérêts sur la somme due de 4.533,03 euros commenceraient à courir à partir du 28 juin 2022, au taux légal. Cela signifie que M. [B] a droit à des intérêts sur le montant dû à partir de la date de sa mise en demeure, conformément aux dispositions du Code civil. Quelles sont les implications de l’article 700 du Code de procédure civile dans ce litige ?L’article 700 du Code de procédure civile prévoit que : – **Article 700** : « Le juge peut condamner la partie perdante à payer à l’autre partie une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. » Dans cette affaire, la Société générale a été condamnée à payer 1.000 euros à M. [B] en application de cet article. Cette somme est destinée à couvrir les frais de justice engagés par M. [B] pour faire valoir ses droits. Le tribunal a jugé que, étant donné que la Société générale a succombé dans ses demandes, elle devait indemniser M. [B] pour les frais qu’il a engagés dans le cadre de cette procédure. Cela souligne l’importance de l’article 700 dans la protection des droits des parties en matière de frais de justice. |
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]
[1] Copies délivrées le: 29/01/2025
Me ORDONNEAU – B1195 (exécutoire)
Me FOURNIER GILLE – J008 (certifiée conforme)
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9ème chambre 2ème section
N° RG 23/04502 – N° Portalis 352J-W-B7H-CZMY2
N° MINUTE :
Assignation du :
22 Mars 2023
JUGEMENT
rendu le 29 Janvier 2025
DEMANDEUR
Monsieur [F] [B]
[Adresse 2]
[Localité 4] FRANCE
représenté par Maître Nicole ORDONNEAU de la SCP MARCEL NORMAND KARPIK ORDONNEAU, avocats au barreau de PARIS, avocats plaidant, vestiaire #B1195
DÉFENDERESSE
S.A SOCIETE GENERALE, prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Maître Marie-Christine FOURNIER GILLE du LLP KRAMER LEVIN NAFTALIS & FRANKEL LLP, avocats au barreau de PARIS, avocats plaidant, vestiaire #J0008
Décision du 29 Janvier 2025
9ème chambre 2ème section
N° RG 23/04502 – N° Portalis 352J-W-B7H-CZMY2
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Par application des articles R.212-9 du Code de l’Organisation Judiciaire et 812 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été attribuée au Juge unique.
Avis en a été donné aux avocats constitués qui ne s’y sont pas opposés.
Monsieur Alexandre PARASTATIDIS, Juge, statuant en juge unique, assisté de Madame Alice LEFAUCONNIER, Greffière.
DÉBATS
A l’audience du 11 décembre 2024 tenue en audience publique, avis a été donné aux avocats que la décision serait rendue le 29 janvier 2025.
JUGEMENT
Rendu publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
En premier ressort
M. [B] était titulaire d’un compte courant ouvert dans les livres du Crédit du nord auquel étaient rattachées deux cartes bancaires.
Il avait par ailleurs souscrit auprès de cet établissement en février 2020 un prêt personnel d’un montant de 25.000 euros dont il n’a plus honoré les mensualités à compter du mois de mai 2022, sa facilité de trésorerie provisoire étant dépassée.
Suite à une escroquerie de type « phishing », M. [B] a déploré plusieurs achats frauduleux réalisés entre les 18 et 27 mai 2022 au moyen de ses cartes bancaires pour un montant total de 10.027,23 euros dont il a réclamé le remboursement auprès de sa banque.
Dans une plainte en date du 24 mai 2022, il a dénoncé auprès des services de la gendarmerie nationale une seconde escroquerie sur la même période, déclarant qu’une personne se faisant passer pour un préposé du Crédit du nord et prétextant une fraude à ses cartes bancaires lui avait donné pour instructions depuis un téléphone mobile de récupérer dans un bureau de tabac des codes « PCS » ou « Transcash » pour un montant total de 11.000 euros qu’il lui a ensuite transmis aux fins prétendument de stopper la fraude.
La banque a adressé différentes mises en demeure de combler le solde débiteur de son compte, qui sont demeurées infructueuses, à M. [B] qui, quant à lui, a sollicité le remboursement des sommes détournées ainsi qu’une indemnisation du préjudice résultant de son inscription au Fichier des incidents de remboursement des crédits aux particuliers (ci-après FICP).
C’est dans ce contexte que par exploit de commissaire de justice du 22 mars 2023 constituant ses seules écritures au fond, M. [F] [B] a fait assigner la SA Société générale, cette dernière venant aux droits de la SA Crédit du nord ensuite d’une fusion absorption de la seconde par la première intervenue le 1er janvier 2023, devant le tribunal judiciaire de Paris auquel, au visa de l’article 1240 du code civil, il est demandé de :
« Déclarer recevable et bien fondé Monsieur [F] [B] en ses demandes.
Condamner la Société Générale du fait des préjudices de Monsieur [F] [B] à lui payer les sommes de 10027,23 euros augmentés des intérêts conformément au Code Monétaire et Financier article L133- 18, de 3000 euros au titre de 1`incident de paiement Banque de France notifié à tort par le Crédit du Nord, de 9.500 euros au titre des escroqueries dont a été victime [F] [B] en raison du défaut de sécurisation de l`application « Mon epaiement »
Dire et Juger que Monsieur [F] [B] sera autorisé par le Tribunal à rembourser à la Société Générale la dite somme de 15 797 euros sur une durée de 7 ans à compter du jugement à intervenir soit la somme mensuelle de 179 euros mensuels sur 7 ans.
Condamner la Société Générale à payer à Monsieur [F] [B] la somme de 3000 euros au titre de l’artic1e 700 du code de procédure Civile
Condamner la Société Générale à payer les entiers dépens dont distraction au profit de Me Nicole Ordonneau Avocat ».
Par ordonnance du 15 mai 2024, le juge de la mise en état saisi d’une exception d’incompétence par conclusions du 9 février 2024 de la Société générale s’est déclaré incompétent pour connaître des demandes au fond présentées par M. [B] et a :
dit recevable et fondée l’exception d’incompétence partielle soulevée par la SA Société Générale s’agissant des demandes de délais de paiement et d’indemnisation au titre de l’incident de paiement relatives au crédit souscrit le 14 février 2020 ;déclaré le tribunal judiciaire de Paris matériellement incompétent pour connaître de ces prétentions ;renvoyé en ce qui concerne ces prétentions, l’affaire et les parties devant le juge des contentieux de la protection près le tribunal judiciaire de Draguignan siégeant au tribunal de proximité de Fréjus ;dit qu’une copie du dossier de l’affaire sera aussitôt transmise par le greffe à la juridiction de renvoi, sauf appel ;dit que l’instance se poursuit devant la présente juridiction s’agissant des autres prétentions ; joint les dépens de l’incident à ceux du fond ;débouté M. [B] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;et renvoyé l’affaire à la mise en état pour les conclusions au fond du demandeur.
Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux dernières écritures des parties pour l’exposé des moyens et arguments venant au soutien de leurs demandes.
La clôture a été prononcée le 13 novembre 2024. L’affaire a été évoquée à l’audience de plaidoiries tenue en juge unique du 11 décembre 2024 et mise en délibéré au 29 janvier 2025.
Conformément à l’ordonnance de mise en état du 15 mai 2024, le tribunal n’examinera pas les moyens et prétentions relatives au crédit souscrit le 14 février 2020.
1 – Sur la demande de remboursement
Aux termes de son acte introductif d’instance, M. [B] expose qu’il a été victime au mois de mai 2022 de deux actes de fraudes sur son compte bancaire ouvert dans les livres du Crédit du nord pour les montants de 10.027,23 euros et 9.500 euros, qu’il attribue à un défaut de sécurisation de l’application « Mon epaiement sécurisé » qui selon lui a permis au fraudeur dans le cadre de la deuxième escroquerie de se faire passer pour un salarié de la banque et obtenir de lui des coupons « PCS » ou « Transcash » censés créditer son compte et qui en réalité ont été détournés. Il ajoute que les diverses demandes de remboursement adressées par lui-même ou son conseil sont demeurées infructueuses.
Il sollicite en conséquence la condamnation de la banque à lui payer la somme de 10.027,23 euros augmentée des intérêts conformément aux dispositions de l’article L.133-18 du code monétaire et financier, et celle de 9.500 euros au titre des escroqueries dont il a été victime « en raison du défaut de sécurisation de l’application « Mon epaiement » ».
En réplique, la Société générale expose que s’agissant de la première escroquerie de type « phishing », M. [B] a déploré plusieurs achats frauduleux réalisés entre les 18 et 27 mai 2022 au moyen de ses cartes bancaires pour un montant total de 10.027,23 euros qui lui a été, contrairement à ce qu’il soutient, intégralement remboursé entre les 8 juin et 9 décembre 2022, ce qui résulte de ses relevés de compte. Elle conclut en conséquence au caractère abusif de la demande de remboursement qui est sans objet.
S’agissant de la seconde escroquerie, elle soutient qu’en l’absence d’argumentaire développé, il se déduit de la demande de M. [B] sur le fondement de l’article 1240 du code civil que celui-ci recherche sa responsabilité délictuelle sans pour autant rapporter la preuve d’un préjudice, d’une faute de sa part et d’un lien de causalité entre les deux dès lors qu’il résulte de sa plainte qu’il a suivi les instructions du fraudeur données par téléphone et SMS et donc procédé, après avoir retiré des espèces à un distributeur automatique, à l’achat de coupons « Transcash » ou « PCS » chez un buraliste, sans utiliser l’application « Mon epaiement sécurisé ». Elle fait valoir que les achats de coupons et leur remise au fraudeur ne résultent donc pas d’une utilisation frauduleuse des cartes bancaires de M. [B] qui a la libre disposition de ses fonds et conclut dès lors à l’absence de tout manquement de sa part pouvant engager sa responsabilité. En tout état de cause, elle souligne la négligence grave du demandeur qui a suivi les instructions suspectes (de par leur teneur et les fautes d’orthographe contenues dans les SMS) et incohérentes données depuis un téléphone mobile par un tiers qu’il ne connaissait pas, et ce sans aucune vérification auprès de sa banque en dépit des recommandations données par les établissements bancaires et les autorités concernant ce type d’escroqueries. Elle conclut en conséquence au rejet des demandes.
Enfin, dans l’hypothèse de sa condamnation, la Société générale sollicite que l’exécution provisoire soit écartée au regard des incertitudes quant à la solvabilité du requérant et sa capacité de restitution des éventuelles sommes versées en cas d’infirmation par la cour d’appel.
Sur ce,
1.1 – Sur les opérations pour un montant de 10.027,23 euros
Une opération de paiement n’est autorisée au sens des articles L.133-3 et L.133-6 du code monétaire et financier que si le payeur l’a initiée et a consenti au montant de l’opération.
Dès lors que la responsabilité d’un prestataire de services de paiement est recherchée en raison d’une opération de paiement non autorisée ou mal exécutée, seul est applicable le régime de responsabilité défini aux articles L. 133-18 à L. 133-24 du code monétaire et financier qui transposent les articles 58, 59 et 60, § 1, de la directive 2007/64/CE, tout autre régime alternatif de responsabilité résultant du droit national devant être écarté.
Ainsi, en cas d’opération de paiement non autorisée signalée par l’utilisateur dans les délais prévus par l’article L.133-24 du même code, le prestataire de services de paiement du payeur rembourse à ce dernier le montant de l’opération non autorisée sauf s’il a de bonnes raisons de soupçonner une fraude de l’utilisateur du service de paiement.
Dans cette hypothèse, il incombe au prestataire de paiement de prouver que l’opération litigieuse a été effectuée après une authentification forte, dûment enregistrée et comptabilisée et qu’elle n’a pas été affectée par une déficience technique ou autre, l’utilisation de l’instrument de paiement telle qu’enregistrée par le prestataire de services de paiement, à savoir l’utilisation des identifiants du client et l’absence de déficience technique ou autre, notamment par le biais de la production d’un relevé de ses connexions, ne suffisant pas nécessairement en tant que telle à prouver que l’opération a été autorisée par le payeur.
L’article L.133-4 (f) du code précité précise qu’une authentification forte s’entend d’une authentification reposant sur l’utilisation de deux éléments ou plus appartenant aux catégories « connaissance » (quelque chose que seul l’utilisateur connaît telle qu’un mot de passe, un code secret, une question secrète, etc…), « possession » (quelque chose que seul l’utilisateur possède telle qu’un téléphone portable, une montre connectée, une clé USB etc…) et « inhérence » (quelque chose que l’utilisateur est telle que la reconnaissance faciale ou vocale, la reconnaissance par empreinte digitale, etc…) et indépendants en ce sens que la compromission de l’un ne remet pas en question la fiabilité des autres, et qui est conçue de manière à protéger la confidentialité des données d’authentification. L’authentification forte repose donc sur l’utilisation de deux de ces éléments, voire plus.
Par ailleurs, la responsabilité du payeur n’est pas engagée si l’opération de paiement non autorisée a été effectuée en détournant, à son insu, l’instrument de paiement ou les données qui lui sont liées. Cependant, il supporte toutes les pertes occasionnées par des opérations de paiement non autorisées si ces pertes résultent d’agissements frauduleux de sa part ou s’il n’a pas satisfait intentionnellement ou par négligence grave aux obligations mentionnées aux articles L.133-16 et L.133-17 du code précité.
Ainsi, pour échapper au remboursement de l’opération contestée, le prestataire de services de paiement doit démontrer, soit que l’ordre émanait bel et bien du client dûment authentifié dans son espace personnel, soit que le vol des identifiants de connexion (ou d’autres données) n’est que la conséquence d’une faute grave de sa part consistant à ne pas avoir satisfait intentionnellement aux obligations lui incombant en la matière ou à les avoir gravement négligées.
En l’espèce, si M. [B] ne produit aucun élément démontrant, d’une part, la fraude qu’il allègue et, d’autre part, le montant de son préjudice, la banque verse aux débats en revanche les cinq formulaires de contestation en date des 24 mai 2022, pour trois d’entre eux, et 29 mai 2022, pour les deux autres, détaillant les opérations contestées pour un montant total de 10.027,33 euros.
De plus, à l’examen des écritures de la Société générale ainsi que d’une lettre en date du 16 mars 2023, il apparaît que cette dernière ne conteste ni le caractère non autorisé des paiements litigieux effectués au moyen des cartes bancaires de M. [B] entre les 18 et 27 mai 2022, ni le montant de 10.027,33 euros, indiquant dans ladite correspondance « Vous indiquez que notre établissement n’aurait pas procédé au remboursement des opérations par cartes bancaires que vous aviez contestées en mai 2022, et vous nous demandez donc de vous régler à ce titre la somme de 10.027,33 euros. Sans y être obligé, notre établissement a procédé au remboursement des opérations contestées et nous vous invitons à vous référer à vos relevés de compte des mois de juin et décembre 2022 ».
Il en résulte que la banque ne conteste pas l’obligation de remboursement qui lui incombe conformément aux dispositions des articles L.133-18 et 19 du code monétaire et financier.
Or, si la banque soutient avoir remboursé intégralement le demandeur, il ressort de la lecture des relevés de compte produits par la défenderesse en pièce n°3 pour la période de juin à décembre 2022 qu’au cours de cette période, le compte de M. [B] a été crédité des sommes suivantes avec le motif « REGUL OPERATION DU (dates comprises entre le 17 et le 23 mai 2022) » :
Le 8 juin 2022 : six opérations pour un montant total de 489,75 euros ;Le 10 juin 2022 : une opération pour un montant de 43 euros ;Le 21 juin 2022 : sept opérations pour un montant total de 650 euros ;Le 8 décembre 2022 : douze opérations pour un montant total de 4.311,55 euros
Soit la somme totale de 5.494,30 euros.
Aucun intitulé des autres lignes portées au crédit du compte ne permet d’identifier de manière explicite d’autres opérations de remboursement en lien avec la fraude dénoncée par M. [B].
Faute pour la défenderesse, qui ne fait pas valoir de cause d’exonération au sens de l’article L.133-19 du code monétaire et financier, de rapporter la preuve qu’elle a rempli intégralement l’obligation de remboursement qui pesait sur elle, celle-ci est condamnée à payer à M. [B] la somme de (10.027,33 – 5.494,30) 4.533,03 euros.
Les dispositions relatives aux intérêts dont M. [B] sollicite l’application n’ont été ajoutées à l’article L.133-18 du code monétaire et financier que depuis le 18 août 2022. Elles ne sont donc pas applicables aux faits du présent litige survenus en mai 2022.
A défaut de dispositions spécifiques, il y a lieu de faire application des dispositions de l’article 1231-6 du code civil selon lequel les dommages et intérêts dus à raison du retard dans le paiement d’une obligation de somme d’argent consistent dans l’intérêt au taux légal, à compter de la mise en demeure.
M. [B] a mis en demeure la défenderesse de lui rembourser le montant des opérations contestées par lettre recommandée en date du 27 juin 2022.
Dans ces conditions, la somme précitée que la Société générale est condamnée à payer portera intérêts au taux légal à compter du 28 juin 2022.
Enfin, seul le régime de responsabilité défini aux articles L.133-18 à L.133-24 du code monétaire et financier étant applicable en matière d’opération de paiement non autorisée ou mal exécutée, il convient de rejeter la demande formée sur le fondement de l’article 1240 du code civil.
1.2 – Sur les opérations pour un montant de 11.000 euros
En l’espèce, M. [B] n’explicite pas les faits constitutifs d’une faute imputable à la banque dans le cadre de leur relation contractuelle, la seule prétention portant sur le paiement d’une somme de 9.500 euros « au titre des escroqueries » dont il a été victime « en raison du défaut de sécurisation de l’application « mon epaiement »» étant insuffisante à caractériser un manquement, et ce d’autant plus, comme le soutient légitimement la Société générale, qu’il n’allègue pas d’une utilisation de ladite application dans le modus operandi mis en place par le fraudeur pour l’amener à lui communiquer des codes « Transcash » ou « Pcs » achetés par lui-même dans un bureau de tabac après avoir retiré des espèces à des distributeurs automatiques.
Il convient dès lors de considérer que le moyen soulevé par [B] sur le fondement de l’article 1240 du code civil manque tant en fait qu’en droit et de rejeter la demande.
2 – Sur les autres demandes
La Société générale qui succombe est condamnée aux dépens.
Elle est également condamnée à payer la somme de 1.000 euros à M. [B] sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
La présente décision est revêtue de droit de l’exécution provisoire conformément aux dispositions de l’article 514 du code de procédure civile, l’instance ayant été introduite postérieurement au 31 décembre 2019.
Toutefois, selon l’article 514-1 du même code, le juge peut écarter l’exécution provisoire de droit, en tout ou partie, s’il estime qu’elle est incompatible avec la nature de l’affaire. Il statue, d’office ou à la demande d’une partie, par décision spécialement motivée.
En l’espèce, considérant la nature de l’affaire et le montant de la condamnation, il est dit n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire.
Le tribunal statuant publiquement par jugement contradictoire, en premier ressort et par mise à disposition au greffe :
CONDAMNE la SA Société générale à payer à M. [F] [B] la somme de 4.533,03 euros avec intérêts au taux légal à compter du 28 juin 2022 ;
DEBOUTE les parties de toute demande plus ample ou contraire ;
CONDAMNE la SA Société générale aux dépens ;
CONDAMNE la SA Société générale à payer à M. [F] [B] la somme de 1.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Fait et jugé à Paris le 29 Janvier 2025
La Greffière Le Président
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