Responsabilité bancaire et fraude : enjeux de consentement et d’authentification

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Responsabilité bancaire et fraude : enjeux de consentement et d’authentification

L’Essentiel : Madame [O] [M] a été victime d’une fraude sur son compte à la SOCIETE GENERALE, entraînant un préjudice de 8.110,40 euros. Malgré ses demandes de remboursement, le tribunal a constaté qu’elle avait transmis ses informations de connexion au fraudeur, ce qui a permis les transactions non autorisées. En conséquence, la SOCIETE GENERALE a agi conformément aux obligations de sécurité. Le tribunal a débouté Madame [M] de ses demandes, l’a condamnée aux dépens et a décidé de ne pas appliquer l’article 700 du code de procédure civile, considérant qu’elle avait succombé dans ses prétentions.

Exposé du litige

Madame [O] [M] a été victime d’une fraude sur son compte à la SOCIETE GENERALE. Le 30 octobre 2020, un chèque de 4.700 euros a été crédité sur son compte, permettant au fraudeur d’effectuer des virements et des paiements par carte totalisant 7.500 euros le même jour. Le chèque a été déclaré volé et contrepassé le 4 novembre 2020. En juillet 2023, Madame [M] a assigné la banque pour obtenir le remboursement des sommes perdues.

Demandes des parties

La SOCIETE GENERALE a demandé au tribunal de débouter Madame [M] de ses demandes et de la condamner à verser 2.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. En revanche, Madame [O] [M] a demandé la reconnaissance de ses demandes, le remboursement de 8.110,40 euros avec intérêts, ainsi que des frais supplémentaires au titre des articles 700 et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Ordonnance de clôture

L’ordonnance de clôture a été rendue le 26 septembre 2024, avec une audience fixée au 5 décembre 2024. L’affaire a été mise en délibéré pour le 16 janvier 2025.

Sur les demandes de remboursement

Les articles du code monétaire et financier stipulent que les opérations de paiement doivent être autorisées par le payeur. La responsabilité de la banque n’est engagée que si elle ne respecte pas les obligations de sécurité et d’authentification. Madame [M] a reconnu avoir transmis ses informations de connexion au fraudeur, ce qui a permis les transactions litigieuses. La SOCIETE GENERALE a donc exécuté les ordres de sa cliente de manière appropriée.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Madame [O] [M] ayant succombé dans ses demandes, elle sera condamnée aux dépens. Toutefois, le tribunal a décidé de ne pas faire droit aux demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Décision du tribunal

Le tribunal a débouté Madame [O] [M] de toutes ses demandes contre la SOCIETE GENERALE, l’a condamnée aux dépens et a décidé qu’il n’y avait pas lieu d’appliquer les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les obligations de la banque en matière d’exécution des opérations de paiement ?

La banque, en tant que prestataire de services de paiement, a des obligations précises en matière d’exécution des opérations de paiement, notamment en vertu des articles du code monétaire et financier.

L’article L.133-6 du code monétaire et financier stipule que :

« I. – Une opération de paiement est autorisée si le payeur a donné son consentement à son exécution.

Toutefois, le payeur et son prestataire de services de paiement peuvent convenir que le payeur pourra donner son consentement à l’opération de paiement après l’exécution de cette dernière. »

Cela signifie que la banque doit s’assurer que le consentement du client est valide avant d’exécuter une opération de paiement.

De plus, l’article L.133-7 précise que :

« le consentement est donné sous la forme convenue [en ce compris une authentification forte] entre le payeur et son prestataire de services de paiement […] ».

Ainsi, la banque doit mettre en place des dispositifs de sécurité pour garantir que les opérations de paiement sont authentifiées de manière adéquate.

L’article L.133-19, quant à lui, indique que :

« le payeur supporte toutes les pertes occasionnées par des opérations de paiement non autorisées si ces pertes résultent d’un agissement frauduleux de sa part ou s’il n’a pas satisfait intentionnellement ou par négligence grave aux obligations mentionnées aux articles L. 133-16 et L. 133-17. »

Cela implique que si le client a été négligent dans la protection de ses informations de paiement, la banque ne peut être tenue responsable des pertes.

En conclusion, la banque a l’obligation d’exécuter les opérations de paiement autorisées par le client, mais elle n’est pas responsable si le client a agi de manière négligente.

Quelles sont les conséquences de la négligence du client dans le cadre d’une opération de paiement ?

La négligence du client dans le cadre d’une opération de paiement a des conséquences significatives sur la responsabilité de la banque.

L’article L.133-19 du code monétaire et financier précise que :

« le payeur supporte toutes les pertes occasionnées par des opérations de paiement non autorisées si ces pertes résultent d’un agissement frauduleux de sa part ou s’il n’a pas satisfait intentionnellement ou par négligence grave aux obligations mentionnées aux articles L. 133-16 et L. 133-17. »

Cela signifie que si le client a agi de manière négligente, par exemple en divulguant ses informations de connexion ou en ne protégeant pas ses dispositifs de sécurité, il peut être tenu responsable des pertes subies.

De plus, l’article L.133-23 stipule que :

« Lorsqu’un utilisateur de services de paiement nie avoir autorisé une opération de paiement qui a été exécutée, ou affirme que l’opération de paiement n’a pas été exécutée correctement, il incombe à son prestataire de services de paiement de prouver que l’opération en question a été authentifiée, dûment enregistrée et comptabilisée. »

Ainsi, si le client conteste une opération, la banque doit prouver que l’opération a été correctement authentifiée et exécutée.

En résumé, la négligence du client peut entraîner sa responsabilité pour les pertes subies, et la banque doit prouver la validité des opérations en cas de contestation.

Quels sont les principes de non-ingérence et de non-immixion du banquier dans les affaires de son client ?

Les principes de non-ingérence et de non-immixion du banquier dans les affaires de son client sont des fondements importants du droit bancaire.

Ces principes stipulent que la banque ne doit pas s’immiscer dans les opérations de son client tant que celles-ci semblent régulières.

La jurisprudence a établi que la banque, en tant que simple teneur de compte, a une obligation de résultat dans l’exécution des ordres donnés par son client.

Cela signifie que la banque doit exécuter les instructions de son client dès lors qu’elles ont l’apparence de la régularité.

En effet, le principe de non-ingérence cède devant l’obligation de vigilance de la banque concernant la régularité apparente du fonctionnement d’un compte.

Ainsi, la banque ne peut s’opposer aux virements émanant de son client, à condition que ceux-ci soient dûment authentifiés et autorisés.

En conclusion, la banque doit respecter les instructions de son client tant qu’elles semblent conformes, sans avoir à contrôler l’usage des fonds dont le client a la libre disposition.

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le :

à
Me SMAIL
Me MEUNIER

9ème chambre 3ème section

N° RG 23/09486
N° Portalis 352J-W-B7H-C2GY7

N° MINUTE : 5

Assignation du :
21 Juillet 2023

JUGEMENT
rendu le 16 Janvier 2025
DEMANDERESSE

Madame [O] [M]
[Adresse 1]
[Localité 2]

représentée par Maître Nadia SMAIL, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, vestiaire #208

DÉFENDERESSE

S.A. SOCIETE GENERALE
[Adresse 3]
[Localité 4]

représentée par Maître Caroline MEUNIER, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #K0126

Décision du 16 Janvier 2025
9ème chambre 3ème section
N° RG 23/09486 – N° Portalis 352J-W-B7H-C2GY7

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Par application des articles R.212-9 du Code de l’Organisation Judiciaire et 812 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été attribuée au Juge unique.

Avis en a été donné aux avocats constitués qui ne s’y sont pas opposés.

Béatrice CHARLIER-BONATTI, Vice-président, statuant en juge unique assistée de Chloé DOS SANTOS, Greffière.

DÉBATS

A l’audience du 05 Décembre 2024 tenue en audience publique, avis a été donné aux avocats des parties que la décision serait rendue le 16 Janvier 2025.

JUGEMENT

Rendu publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
En premier ressort

EXPOSE DU LITIGE

Madame [O] [M] détenait un compte dans les livres de la banque SOCIETE GENERALE et a été victime d’une fraude qui s’est déroulée ainsi : Le 30 octobre 2020, un chèque a été porté au crédit de son compte pour un montant de 4.700 euros, à la suite d’une remise effectuée le 29 octobre 2020; grâce à la provision ainsi constituée, le fraudeur a réalisé 3 virements pour un montant global de 4.000 euros, le 30 octobre 2020, 4 paiements par carte vers un compte Lydia pour un montant global de 3.500 euros le même jour, soit le 30 octobre 2020 .

Par la suite, le chèque litigieux ayant fait l’objet d’une déclaration de vol , le montant du chèque a été contrepassé le 4 novembre 2020.

Par acte de commissaire de justice en date du 21 juillet 2023, Madame [M] a assigné la SOCIETE GENERALE aux fins d’obtenir le remboursement de ces sommes.

Par conclusions en date du 3 juillet 2024, la SOCIETE GENERALE demande au tribunal de :
“- DEBOUTER Madame [M] de l’ensemble de ses demandes ;
– CONDAMNER Madame [M] à verser à SOCIETE GENERALE la somme de 2.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.”

Par conclusions en date du 4 septembre 2024, Madame [O] [M] demande au tribunal de :
“- DECLARER recevable et bien fondée Mme [M] en ses présentes demandes ;
– CONDAMNER la Société Générale au paiement de la somme de 8 110,40 € augmentée des intérêts au taux légal majoré à compter de la date de la mise en demeure, soit le 5 novembre 2022 ;
– PRONONCER la capitalisation des intérêts échus annuellement ;
– CONDAMNER la Société Générale au paiement d’une somme de 1 500 € au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens et 1 500 € au titre de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
– DEBOUTER la Société Générale de l’ensemble de ses demandes.”

Conformément à l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures susvisées pour l’exposé complet des prétentions respectives des parties et de leurs moyens.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 26 septembre 2024 avec fixation à l’audience de juge unique du 5 décembre 2024. L’affaire a été mise en délibéré au 16 janvier 2025.

SUR CE,

I. Sur les demandes de remboursement

L’article L.133-6 du code monétaire et financier dispose que :
« I. – Une opération de paiement est autorisée si le payeur a donné son consentement à son exécution.
Toutefois, le payeur et son prestataire de services de paiement peuvent convenir que le payeur pourra donner son consentement à l’opération de paiement après l’exécution de cette dernière.
II. – Une série d’opérations de paiement est autorisée si le payeur a donné son consentement à l’exécution de la série d’opérations, notamment sous la forme d’un mandat de prélèvement ».

L’article L.133-7 du même code souligne que « le consentement est donné sous la forme convenue [en ce compris une authentification forte] entre le payeur et son prestataire de services de paiement […] ».

Les articles L.133-3, L.133-8 et L.133-13 du code monétaire et financier prévoient quant à eux qu’à réception par l’établissement bancaire du consentement de son client, et de l’autorisation susmentionnée, celui-ci a l’obligation de l’exécuter, l’opération étant devenue irrévocable.

L’article L. 133-4 du code monétaire et financier qui impose aux prestataires de services de paiement de mettre en place un dispositif de sécurisation des instruments de paiement dispose notamment que :
« a) Les données de sécurité personnalisées s’entendent des données personnalisées fournies à un utilisateur de services de paiement par le prestataire de services de paiement à des fins d’authentification; […]
c) Un instrument de paiement s’entend, alternativement ou cumulativement, de tout dispositif personnalisé et de l’ensemble de procédures convenu entre l’utilisateur de services de paiement et le prestataire de services de paiement et « utilisé » pour donner un ordre de paiement ; […]
e) Une authentification s’entend d’une procédure permettant au prestataire de services de paiement de vérifier l’identité d’un utilisateur de services de paiement ou la validité de l’utilisation d’un instrument de paiement spécifique, y compris l’utilisation des données de sécurité personnalisées de l’utilisateur.
f) Une authentification forte du client s’entend d’une authentification reposant sur l’utilisation de deux éléments ou plus appartenant aux catégories  » connaissance »,  » possession  » et « inhérence  » et indépendants en ce sens que la compromission de l’un ne remet pas en question la fiabilité des autres, et qui est conçue de manière à protéger
la confidentialité des données d’authentification ; »

L’article L.133-44 du code monétaire et financier poursuit en disposant :
« I. – Le prestataire de services de paiement applique l’authentification forte du client définie au f de l’article L. 133-4 lorsque le payeur :
1° Accède à son compte de paiement en ligne ;
2° Initie une opération de paiement électronique ;
3° Exécute une opération par le biais d’un moyen de communication à distance, susceptible de comporter un risque de fraude en matière de paiement ou de toute autre utilisation frauduleuse.
II. – Pour les opérations de paiement électronique à distance, l’authentification forte du client définie au f de l’article L. 133-4 comporte des éléments qui établissent un lien dynamique entre l’opération, le montant et le bénéficiaire donnés. »

L’article L. 133-16 du code monétaire et financier dispose que « dès qu’il reçoit l’instrument de paiement, l’utilisateur de services de paiement prend toute mesure raisonnable pour préserver la sécurité de ses dispositifs de sécurité personnalisés. Il utilise l’instrument de paiement conformément aux conditions régissant sa délivrance et son utilisation ».

L’article L 133-19 du code monétaire et financier énonce en son IV que « le payeur supporte toutes les pertes occasionnées par des opérations de paiement non autorisées si ces pertes résultent d’un agissement frauduleux de sa part ou s’il n’a pas satisfait intentionnellement ou par négligence grave aux obligations mentionnées aux articles L. 133-16 et L. 133-17. »

Enfin, l’article L.133-21 du code de monétaire et financer dispose :
« Un ordre de paiement exécuté conformément à l’identifiant unique fourni par l’utilisateur du service de paiement est réputé dûment exécuté pour ce qui concerne le bénéficiaire désigné par l’identifiant unique.
Si l’identifiant unique fourni par l’utilisateur du service de paiement est inexact, le prestataire de services de paiement n’est pas responsable de la mauvaise exécution ou de la non-exécution de l’opération de paiement […] ».

L’article L.133-23 du code monétaire et financier prévoit que :
« Lorsqu’un utilisateur de services de paiement nie avoir autorisé une opération de paiement qui a été exécutée, ou affirme que l’opération de paiement n’a pas été exécutée correctement, il incombe à son prestataire de services de paiement de prouver que l’opération en question a été authentifiée, dûment enregistrée et comptabilisée et qu’elle n’a pas été affectée par une déficience technique ou autre.
L’utilisation de l’instrument de paiement telle qu’enregistrée par le prestataire de services de paiement ne suffit pas nécessairement en tant que telle à prouver que l’opération a été autorisée par le payeur ou que celui-ci n’a pas satisfait intentionnellement ou par négligence grave aux obligations lui incombant en la matière. Le prestataire de services de paiement, y compris, le cas échéant, le prestataire de services de paiement fournissant un service d’initiation de paiement, fournit des éléments afin de prouver la fraude ou la négligence grave commise par l’utilisateur de services de paiement.»

En vertu de l’article L.133-23 du code monétaire et financier, la responsabilité du prestataire de services de paiement n’est pas engagée s’il prouve la négligence grave commise par l’utilisateur de services de paiement.
Cette négligence grave évoquée aux termes de l’article L. 133-19 susvisé s’apprécie in concreto, par référence à un utilisateur normalement attentif.

Sur ce point, Madame [M] reconnaît qu’elle a transmis au fraudeur les numéros de connexion et code de carte qui lui ont permis de faire les achats vers un compte Lydia.

Par ailleurs, il résulte de ses propres déclarations notamment à l’occasion de sa plainte, qu’elle a réalisé elle même les virements litigieux de 4.000 euros

La SOCIETE GENERALE, simple teneuse de compte, a donc convenablement exécuté les opérations ordonnées par sa cliente.

La SOCIETE GENERALE, banque émettrice des virements litigieux, avait une obligation de résultat dans l’exécution des ordres donnés et simple mandataire du client, elle n’avait pas à contrôler l’usage de fonds dont ils avaient la libre disposition.

Le principe de la non-ingérence du banquier dans les affaires de son client cède devant son obligation de vigilance portant sur la régularité apparente du fonctionnement d’un compte. Ce principe oblige le banquier à exécuter rapidement les instructions reçues de son client pour son compte dès lors que les instructions qu’il reçoit ont l’apparence de la régularité.

En application des principes de non ingérence et de non immixion qui s’imposent à un établissement bancaire, la SOCIETE GENERALE ne pouvait s’opposer aux virements émanant de sa cliente, parfaitement authentifiés et dûment autorisés.Sa responsabilité ne peut être mise en cause.

En conséquence de quoi, Madame [O] [M] sera déboutée de ses demandes.

II. Sur les frais irrépétibles et les dépens

Succombant à l’instance, Madame [O] [M] sera condamnée aux dépens.

L’équité commande cependant de ne pas faire droit aux demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement, par jugement contradictoire, rendu en premier ressort, par mise à disposition au greffe :

DEBOUTE Madame [O] [M] de l’ensemble de ses demandes formées contre la SOCIETE GENERALE ;

CONDAMNE Madame [O] [M] aux dépens ;

DIT n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Fait et jugé à Paris le 16 Janvier 2025.

LA GREFFIERE LA PRÉSIDENTE


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