Responsabilité bancaire et devoir d’information sur les assurances emprunteurs

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Responsabilité bancaire et devoir d’information sur les assurances emprunteurs

L’Essentiel : En 2007, la caisse de Crédit mutuel de [Localité 4] a accordé à M. et Mme [I] deux prêts immobiliers, chacun assuré par les co-emprunteurs. En 2012, un prêt relais a été consenti, mais l’assurance n’a été souscrite que par M. [I]. Suite à une agression, Mme [I] a cessé son activité, entraînant une prise en charge partielle des prêts de 2007 par l’assurance, qui a cependant refusé de couvrir le prêt relais. M. et Mme [I] ont alors assigné la banque, arguant d’un manquement à son devoir d’information, mais la cour d’appel a rejeté leur demande.

Contexte des prêts

La caisse de Crédit mutuel de [Localité 4] a accordé à M. et Mme [I] deux prêts en 2007 pour financer une opération immobilière, chacun étant couvert par une assurance souscrite par les co-emprunteurs. Un troisième prêt, qualifié de prêt relais de prévente, a été consenti en 2012, mais cette fois, l’assurance a été souscrite uniquement par M. [I].

Situation de Mme [I]

Suite à une agression, Mme [I] a cessé son activité professionnelle, ce qui a conduit l’assurance à prendre en charge 50 % des échéances des prêts de 2007. Cependant, l’assurance a refusé de couvrir les échéances du prêt de 2012.

Action en justice

M. et Mme [I] ont décidé d’assigner la banque en responsabilité, contestant le refus de l’assurance de prendre en charge les paiements du prêt relais.

Arguments des emprunteurs

Les emprunteurs, soutenus par la Selarl EP & Associés, ont fait valoir que la banque avait manqué à son devoir d’information et de conseil. Ils ont contesté le fait que la banque puisse se dégager de sa responsabilité en se basant sur la signature d’un acte notarié par Mme [I], qui reconnaissait avoir été informée de l’assurance facultative.

Décision de la Cour d’appel

La cour d’appel a jugé que Mme [I] avait été informée des assurances facultatives et que son choix de ne pas y adhérer était éclairé. Elle a conclu que la responsabilité de la banque n’était pas engagée, car seul M. [I] avait souscrit à l’assurance proposée.

Conclusion de la Cour

La cour a donc rejeté le moyen des emprunteurs, considérant que la banque avait respecté son devoir d’information et de conseil, et que l’absence d’adhésion de Mme [I] à l’assurance relevait d’un choix éclairé.

Q/R juridiques soulevées :

Quel est le devoir d’information et de conseil du banquier envers l’emprunteur ?

Le devoir d’information et de conseil du banquier est un principe fondamental du droit bancaire, qui impose à l’établissement de crédit d’informer l’emprunteur des risques liés à la souscription d’un prêt, notamment en ce qui concerne l’assurance.

Selon l’article 1147 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2016-31 du 10 février 2016, « le débiteur est tenu de réparer le dommage causé par son non-respect de ses obligations ». Cela implique que le banquier doit s’assurer que l’emprunteur comprend les implications de son choix de ne pas souscrire une assurance.

En l’espèce, la cour d’appel a considéré que Mme [I] avait été informée de l’importance de souscrire une assurance, mais que cette souscription était facultative.

Ainsi, la mention dans l’acte notarié, où il est précisé que l’emprunteur reconnaît avoir été informé de l’intérêt de souscrire des assurances, joue un rôle crucial dans l’évaluation de la responsabilité de la banque.

Comment la cour d’appel a-t-elle interprété le choix de Mme [I] de ne pas souscrire à l’assurance ?

La cour d’appel a interprété le choix de Mme [I] de ne pas souscrire à l’assurance comme un choix éclairé.

Elle a fondé sa décision sur plusieurs éléments :

1. Mme [I] était co-emprunteur et avait signé l’acte de prêt, ce qui implique qu’elle avait connaissance des conditions du prêt.

2. L’acte notarié stipule que l’emprunteur reconnaît avoir été informé de l’intérêt de souscrire des assurances, ce qui démontre que la banque a respecté son devoir d’information.

3. La cour a noté que l’assurance était facultative et à la discrétion de l’emprunteur, ce qui signifie que la décision de ne pas souscrire à l’assurance relevait de la volonté de Mme [I].

Ainsi, la cour a conclu que la responsabilité de la banque n’était pas engagée, car Mme [I] avait fait un choix éclairé en connaissance de cause.

Quelles sont les conséquences de la décision de la cour d’appel sur la responsabilité de la banque ?

La décision de la cour d’appel a des conséquences significatives sur la responsabilité de la banque.

En rejetant la demande de M. et Mme [I], la cour a établi que la banque avait respecté son devoir d’information et de conseil.

Cela signifie que, même si Mme [I] n’a pas souscrit à l’assurance, la banque ne peut pas être tenue responsable des conséquences de cette décision.

L’article 1147 du Code civil, qui impose la réparation du dommage causé par le non-respect des obligations, ne s’applique pas dans ce cas, car la banque a respecté ses obligations d’information.

En conséquence, la cour a confirmé que la responsabilité de la banque n’était pas engagée, ce qui protège l’établissement de crédit contre toute réclamation liée à la non-souscription d’une assurance par l’emprunteur.

COMM.

SH

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 15 janvier 2025

Rejet

M. VIGNEAU, président

Arrêt n° 14 F-D

Pourvoi n° K 23-14.338

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 15 JANVIER 2025

1°/ M. [R] [I],

2°/ Mme [F] [W], épouse [I],

tous deux domiciliés [Adresse 3],

3°/ la société EP & Associés, société d’exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], en la personne de M. [V], prise en qualité de commissaire à l’exécution du plan de M. [R] [I],

ont formé le pourvoi n° K 23-14.338 contre l’arrêt rendu le 27 janvier 2023 par la cour d’appel de Rennes (2e chambre), dans le litige les opposant à la caisse de Crédit mutuel de [Localité 4], dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l’appui de leur pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Champ, conseiller référendaire, les observations de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de M. et Mme [I] et de la société EP & Associés, ès qualités, de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la caisse de Crédit mutuel de Loctudy, après débats en l’audience publique du 19 novembre 2024 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Champ, conseiller référendaire rapporteur, Mme Schmidt, conseiller doyen, et Mme Sezer, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Rennes, 27 janvier 2023), la caisse de Crédit mutuel de [Localité 4] (la banque) a consenti à M. et Mme [I] deux prêts en 2007 destinés à financer une opération immobilière, couverts par une assurance souscrite par chacun des co-emprunteurs et, un troisième en 2012, qualifié de prêt relais de prévente, couvert par une assurance souscrite uniquement par M. [I].

2. Mme [I] ayant cessé son activité professionnelle à la suite d’une agression, l’assurance a pris en charge 50 % des échéances des prêts de 2007 et refusé de prendre en charge celles du prêt de 2012.

3. M. et Mme [I] ont assigné la banque en responsabilité.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. M. et Mme [I] et la Selarl EP & Associés, en qualité de commissaire à l’exécution du plan de M. [I], font grief à l’arrêt de rejeter leur demande, alors « que le banquier dispensateur de crédit est tenu envers son client d’un devoir d’information et de conseil qui l’oblige à mettre en garde l’emprunteur quant au risque, eu égard à sa situation personnelle, de non souscription d’une assurance destinée à garantir le remboursement du prêt ; qu’en déduisant du seul fait que Mme [I], informée de l’assurance proposée par la banque, qui était facultative, a signé l’acte notarié comportant une mention selon laquelle « l’emprunteur reconnaît avoir été informé de l’intérêt de souscrire des assurances » et « dégage, en conséquence, le prêteur de toute responsabilité en cas de non souscription », que l’absence d’adhésion de Mme [I] à la proposition d’assurance formulée par la banque relevait d’un choix éclairé, de sorte que la banque n’avait pas manqué à son devoir d’information et de conseil, la cour d’appel a violé l’article 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2016-31 du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

5. Ayant retenu que Mme [I] était intervenue à l’acte de prêt en qualité de co-emprunteur, que celui-ci précisait que l’emprunteur reconnaissait avoir été informé de l’intérêt de souscrire des assurances, celles-ci restant facultatives et à son entière discrétion et que, suivant les stipulations de l’acte, seul M. [I] avait souscrit la garantie d’assurance offerte par la banque, la cour d’appel a pu en déduire que l’absence d’adhésion de Mme [I] à la proposition d’assurance formulée par la banque relevait d’un choix éclairé et que la responsabilité de celle-ci n’était pas engagée.

6. Le moyen n’est donc pas fondé.


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