Responsabilité bancaire et clauses contractuelles : enjeux de la mise en garde et de l’abus.

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Responsabilité bancaire et clauses contractuelles : enjeux de la mise en garde et de l’abus.

L’Essentiel : Le litige oppose Monsieur [B] au CREDIT AGRICOLE MUTUEL CENTRE EST suite à un prêt de 356 100 CHF accordé en 2006 pour l’acquisition d’un logement en France. Monsieur [B] reproche à la banque un manquement à son devoir de mise en garde concernant les risques d’un taux d’intérêt variable. Il demande des dommages et intérêts, la substitution du taux variable par le taux légal, ainsi que le remboursement de frais de procédure. Le tribunal, après analyse, conclut que Monsieur [B] n’a pas prouvé son statut d’emprunteur non averti et déboute ses demandes, condamnant même Monsieur [B] aux dépens.

Contexte du litige

La caisse régionale de CREDIT AGRICOLE MUTUEL CENTRE EST a accordé un prêt de 356 100 CHF à Monsieur [T] [B] le 2 octobre 2006, destiné à l’acquisition d’un logement en France. Ce prêt, remboursable trimestriellement en franc suisse, était soumis à un taux d’intérêt variable. En novembre 2020, Monsieur [B] a assigné le CREDIT AGRICOLE en justice, alléguant un manquement à son devoir de mise en garde.

Demandes de Monsieur [B]

Dans ses conclusions, Monsieur [B] a demandé au tribunal de condamner le CREDIT AGRICOLE à lui verser 31 044,38 € en dommages et intérêts pour perte de chance, de substituer le taux variable par le taux légal, de ne pas écarter l’exécution provisoire de la décision, et de condamner la banque à payer 2 000 € pour les frais de procédure.

Arguments de Monsieur [B]

Monsieur [B] se considère comme un emprunteur non averti et reproche à la banque de ne pas avoir suffisamment attiré son attention sur les risques liés à la variation du taux d’intérêt et à la contre-valeur en euros. Il soutient également que la clause fixant le taux d’intérêt est abusive, créant un déséquilibre significatif entre les parties.

Réponse du CREDIT AGRICOLE

Le CREDIT AGRICOLE a demandé au tribunal de débouter Monsieur [B] de toutes ses demandes, arguant qu’il n’y avait pas de manquement à son devoir de mise en garde. La banque a souligné que Monsieur [B] avait les capacités intellectuelles pour comprendre le prêt et qu’il n’avait pas sollicité de remboursement anticipé. Elle a également noté que l’évolution des taux d’intérêt avait été favorable à l’emprunteur.

Analyse de la responsabilité de la banque

Le tribunal a examiné si le CREDIT AGRICOLE avait manqué à son devoir de mise en garde. Il a conclu que Monsieur [B] n’avait pas prouvé qu’il était un emprunteur non averti et que la banque avait respecté ses obligations. Le tribunal a noté que le contrat prévoyait un amortissement fixe et que le risque de change n’était pas applicable dans ce cas.

Évaluation de la clause d’indexation

Concernant la clause d’indexation du taux d’intérêt, le tribunal a jugé qu’elle était claire et compréhensible. Il a également constaté que le montant des intérêts avait diminué au fil du temps, ce qui contredisait l’argument de Monsieur [B] sur le déséquilibre significatif.

Décision du tribunal

Le tribunal a débouté Monsieur [B] de toutes ses prétentions, l’a condamné aux dépens, et a ordonné le paiement de 2 000 € au CREDIT AGRICOLE pour les frais de procédure. Toutes les autres demandes ont été rejetées.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la portée du devoir de mise en garde du banquier envers un emprunteur non averti ?

Le devoir de mise en garde du banquier est régi par l’article 1231-1 du Code civil, qui stipule que :

« Le banquier est tenu à l’égard de son client, emprunteur non averti, d’un devoir de mise en garde, lequel n’existe qu’en cas de risque d’endettement excessif. Il oblige le banquier, avant d’apporter son concours, à vérifier les capacités financières de son client, lesquelles comprennent ses biens et revenus. »

Il appartient à l’emprunteur de prouver que sa situation financière justifiait une mise en garde de la part de la banque.

En l’espèce, Monsieur [B] se considère comme un emprunteur non averti, mais il n’a pas fourni de preuves suffisantes pour établir un risque d’endettement excessif.

La banque, de son côté, doit démontrer qu’elle a satisfait à son devoir de mise en garde.

Le tribunal a constaté que Monsieur [B] n’a pas justifié d’une situation financière précaire, et que son salaire était suffisant pour couvrir les remboursements.

Ainsi, la responsabilité du CREDIT AGRICOLE pour manquement à ce devoir n’est pas engagée.

Quelles sont les conditions de validité d’une clause d’intérêt dans un contrat de prêt ?

Les conditions de validité d’une clause d’intérêt sont définies par l’article 1907 du Code civil, qui précise que :

« L’intérêt est légal ou conventionnel. L’intérêt légal est fixé par la loi. L’intérêt conventionnel peut excéder celui de la loi, toutes les fois que la loi ne le prohibe pas. Le taux de l’intérêt conventionnel doit être fixé par écrit. »

De plus, l’article L. 132-1 du Code de la consommation stipule que :

« Sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. »

Dans le cas présent, Monsieur [B] conteste la clause fixant le taux d’intérêt, arguant qu’elle est imprécise.

Cependant, le tribunal a jugé que la clause était claire et compréhensible, car elle précisait les modalités de fixation et de révision du taux d’intérêt.

De plus, l’évolution des taux d’intérêt a été favorable à l’emprunteur, ce qui ne permet pas de conclure à un déséquilibre significatif.

Ainsi, la clause d’intérêt ne peut être qualifiée d’abusive.

Quelles sont les conséquences d’une décision de première instance en matière d’exécution provisoire ?

L’article 514 du Code de procédure civile dispose que :

« Les décisions de première instance sont, de droit, exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement. »

Cela signifie que, sauf disposition contraire, les décisions rendues en première instance peuvent être exécutées immédiatement, même si elles sont susceptibles d’appel.

Dans cette affaire, le tribunal a statué en faveur du CREDIT AGRICOLE et a débouté Monsieur [B] de toutes ses prétentions.

Par conséquent, la décision est exécutoire à titre provisoire, ce qui permet au CREDIT AGRICOLE de récupérer les sommes dues sans attendre l’issue d’un éventuel appel.

Cette règle vise à garantir l’efficacité des décisions judiciaires et à éviter que les créanciers ne subissent des préjudices en raison de délais d’appel.

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE LYON

Quatrième Chambre

N° RG 20/08244 – N° Portalis DB2H-W-B7E-VMLM

Jugement du 14 Janvier 2025

Notifié le :

Grosse et copie à :
Me Amna OUERHANI – 3164
la SELARL SELARL ASCALONE AVOCATS – 572

Copie dossier

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Le Tribunal judiciaire de LYON, statuant publiquement et en premier ressort, a rendu, le 14 Janvier 2025, après prorogation du délibéré, devant la Quatrième Chambre le jugement contradictoire suivant,

Après que l’instruction eut été clôturée le 21 Mai 2024, et que la cause eut été débattue à l’audience publique du 24 septembre 2024 devant :

Véronique OLIVIERO, Président,
siégeant en formation Juge Unique,

Assistée de Marianne KERBRAT, Greffier,
Et après qu’il en eut été délibéré par le magistrat ayant assisté aux débats dans l’affaire opposant :

DEMANDEUR

Monsieur [T] [B]
né le [Date naissance 1] 1964 à [Localité 4] (99),
demeurant [Adresse 3]

représenté par Me Amna OUERHANI, avocat au barreau de LYON et par Maître Olivier HASENFRATZ de la SELARL Cabinet HASENFRATZ, avocat plaidant au barreau de PARIS

DEFENDERESSE

La CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL CENTRE- EST, société à capital variable
dont le siège social est sis [Adresse 2]
prise en la personne de son représentant légal en exercice

représentée par Maître Catherine TERESZKO de la SELARL SELARL ASCALONE AVOCATS, avocats au barreau de LYON

EXPOSE DU LITIGE

Suivant offre du 12 septembre 2006 acceptée le 2 octobre suivant, la caisse régionale de CREDIT AGRICOLE MUTUEL CENTRE EST (ci-après le CREDIT AGRICOLE) a consenti à Monsieur [T] [B], travailleur frontalier, un prêt d’un montant de 356 100 CHF remboursable trimestriellement en franc suisse, en amortissant une quotité fixe de capital et des intérêts suivant un taux variable, aux fins d’acquérir un logement en l’état futur d’achèvement situé en France.

Par acte d’huissier de justice signifié le 19 novembre 2020, Monsieur [T] [B] a fait assigner en responsabilité le CREDIT AGRICOLE devant le tribunal judiciaire de Lyon.

Par ordonnance du 1er février 2022, le juge de la mise en état a rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de la demande en paiement.

***

Dans ses dernières conclusions notifiées le 20 septembre 2020, Monsieur [T] [B] sollicite du tribunal de :

CONDAMNER le CREDIT AGRICOLE CENTRE EST à lui verser la somme en principal de 31044,38 € à titre de dommages et intérêts, pour perte de chance de ne pas contracter

CONDAMNER le CREDIT AGRICOLE CENTRE EST à substituer au taux variable tel que figurant sur l’offre de crédit immobilier du 12 septembre 2006, le taux légal en vigueur à la date de signature du contrat de prêt

DIRE n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire de la décision à intervenir

CONDAMNER le CREDIT AGRICOLE CENTRE EST au paiement de la somme de 2 000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile

CONDAMNER le CREDIT AGRICOLE CENTRE EST aux dépens.

Se considérant emprunteur non averti, Monsieur [B] recherche en premier lieu la responsabilité de la banque pour manquement à son devoir de mise en garde, sur le fondement de l’article 1231-1 du Code civil. Il lui reproche de s’être bornée à des explications générales figurant dans son offre de prêt, sans attirer précisément son attention ni sur la variation de la contre-valeur en euros en particulier en cas de remboursement anticipé, ni sur les modalités de variation du taux d’intérêt susceptible d’intervenir tout au long de l’amortissement. Il estime avoir subi une perte de chance de ne pas contracter et d’éviter un remboursement excessif de l’encours. Il l’évalue à la différence entre l’encours restant dû augmenté de l’indemnité de remboursement anticipé exprimé en euros en décembre 2020 et l’encours restant dû augmenté de l’indemnité de remboursement anticipé exprimé en euros en octobre 2006, date de conclusion du contrat.

En second lieu, au visa de l’article 1907 du Code civil et de l’article L. 132-1 du code de la Consommation dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance du 14 mars 2016, Monsieur [B] soutient que la clause fixant le taux d’intérêt conventionnel est abusive en ce qu’elle est imprécise et ne permet pas d’en vérifier l’évolution. Il ajoute que l’instauration d’une marge a pour effet de faire supporter le risque de change au seul emprunteur, ce qui créé un déséquilibre significatif entre les parties. Il sollicite en conséquence la substitution du taux d’intérêt légal en vigueur à la date de conclusion du contrat au taux conventionnel.

***

Dans ses dernières conclusions notifiées le 31 janvier 2024, la caisse régionale de CREDIT AGRICOLE MUTUEL CENTRE EST (CREDIT AGRICOLE) sollicite du tribunal de :

S’agissant de la demande formée au titre du devoir de mise en garde,

A titre principal,

DEBOUTER Monsieur [T] [B] de toutes ses demandes, fins et prétentions,

A titre subsidiaire,

REDUIRE à de plus justes proportions l’indemnité sollicitée par Monsieur [T] [B],

S’agissant de la demande formée au titre des clauses abusives,

DEBOUTER Monsieur [T] [B] de toutes ses demandes, fins et prétentions,

En toute hypothèse,

ECARTER l’exécution provisoire de droit,

DEBOUTER Monsieur [T] [B] de toute demande plus ample ou contraire,

CONDAMNER Monsieur [T] [B] à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,

CONDAMNER le même aux entiers dépens d’instance avec droit de recouvrement direct au profit de Maître Catherine TERESZKO de la SELARL ASCALONE AVOCATS en vertu de l’article 699 du Code de procédure civile et sur son affirmation de droit.

Le CREDIT AGRICOLE rappelle que Monsieur [B] a souscrit un prêt en franc suisse remboursable en franc suisse, sans risque de change puisque correspondant à sa situation de travailleur frontalier, exerçant et percevant ses revenus en Suisse et résidant en France. La banque s’en remet au tribunal sur la qualité d’emprunteur non averti, mais réfute tout manquement à son devoir de mise en garde dès lors qu’aucune disproportion avec les moyens du client n’est avérée, que son attention a été attirée dans l’offre sur l’évolution éventuelle de la contre-valeur en euros. Elle note que Monsieur [B] n’a jamais officiellement sollicité le remboursement anticipé du prêt. L’établissement observe également que l’évolution du taux d’intérêt a été favorable à l’emprunteur depuis 2007, jusqu’à atteindre zéro en 2015.

Par ailleurs, le CREDIT AGRICOLE conteste que la clause fixant le taux d’intérêt variable puisse être qualifiée d’abusive, au motif que cette qualification ne peut concerner l’objet du contrat, ni l’adéquation du prix à la prestation, si la stipulation est claire et compréhensible. Il observe qu’en 2006, il n’était pas recommandé aux banques d’insérer des exemples chiffrés. Il note également que le risque d’évolution du taux d’intérêt était partagé entre l’emprunteur et le prêteur. Enfin, la partie défenderesse relève que la sanction déduite par Monsieur [B] est inexacte.

***

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures visées ci-dessus conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

Sur la responsabilité de la banque pour manquement au devoir de mise en garde

Vu l’article 1231-1 du Code civil

Le banquier est tenu à l’égard de son client, emprunteur non averti, d’un devoir de mise en garde, lequel n’existe qu’en cas de risque d’endettement excessif. Il oblige le banquier, avant d’apporter son concours, à vérifier les capacités financières de son client, lesquelles comprennent ses biens et revenus.

Il appartient à l’emprunteur de rapporter la preuve qu’à l’époque de la souscription du crédit litigieux, sa situation financière imposait l’accomplissement par la banque de son devoir de mise en garde. Puis il incombe à la banque de rapporter la preuve qu’elle y a satisfait.

Le préjudice né du manquement par un établissement de crédit à son obligation de mise en garde s’analyse en la perte d’une chance de ne pas contracter.

En l’espèce, Monsieur [B] se considère comme un emprunteur non averti, dès lors qu’il exerçait comme ingénieur-technicien au sein de l’organisation européenne pour la recherche nucléaire, en Suisse, et n’avait jamais conclu d’opération de crédit à des conditions similaires. Bien qu’il ne produise aucune pièce, son emploi au CERN début 2006 est confirmé par les bulletins de paie versés par la banque. Celle-ci s’en remet à l’appréciation du tribunal, se bornant à souligner que le demandeur avait toutes les capacités intellectuelles pour comprendre le mécanisme du prêt et était rompu aux modalités de change de par son parcours de vie (né en Belgique, de nationalité italienne, travaillant en Suisse et vivant en France). En tout état de cause, les éléments précités ne permettent pas de démontrer avec suffisamment de force que Monsieur [B] était un emprunteur averti.

Il incombe à Monsieur [B] d’établir que sa situation financière et patrimoniale imposait au CREDIT AGRICOLE de lui dispenser une mise en garde concernant un risque d’endettement excessif. Or, le demandeur ne justifie d’aucune pièce sur ce point. En outre, il est constant que le contrat prévoyait, trimestriellement, un amortissement fixe du capital de 4451,25 CHF et un intérêt variable. Le tableau d’amortissement théorique, suivant le taux d’intérêt initial visé à l’offre de prêt, mentionnait des échéances trimestrielles de 5286,69 CHF au maximum, avant de décroître, soit au maximum 1762,23 CHF par mois. Or, Monsieur [B] a perçu en janvier-février-mars un salaire mensuel moyen de 7338,85 CHF. Par ailleurs, on sait désormais que l’emprunteur n’a connu aucune défaillance dans le remboursement de son emprunt, au moins jusqu’en 2020, date de l’introduction de l’instance.

Par ailleurs, le demandeur soutient à tort que le contrat comportait un risque d’augmentation du capital restant à rembourser en fonction de l’évolution du taux de change, dès lors qu’il a emprunté et remboursé en franc suisse et que l’amortissement du capital était fixe. Seuls les intérêts, donc le coût du crédit pour l’emprunteur, étaient variables. Le fait que la somme empruntée n’ait pas la même contre-valeur en euros à la date de conclusion du contrat et à l’achèvement de son amortissement est inopérant.

Dans ce contexte, Monsieur [B] ne rapporte pas la preuve d’un risque d’endettement excessif justifiant un devoir de mise en garde par la banque. Par suite, la responsabilité du CREDIT AGRICOLE au titre d’un manquement au devoir de mise en garde n’est pas engagée et Monsieur [B] doit être débouté des prétentions indemnitaires afférentes.

Sur le caractère abusif de la clause d’indexation du taux de prêt

L’article 1907 du Code civil dispose que l’intérêt est légal ou conventionnel. L’intérêt légal est fixé par la loi. L’intérêt conventionnel peut excéder celui de la loi, toutes les fois que la loi ne le prohibe pas. Le taux de l’intérêt conventionnel doit être fixé par écrit.

L’article L. 132-1 du Code de la consommation, dans sa version applicable le 2 octobre 20026, dispose que, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.
Des décrets en Conseil d’Etat, pris après avis de la commission instituée à l’article L. 132-2, peuvent déterminer des types de clauses qui doivent être regardées comme abusives au sens du premier alinéa.
Une annexe au présent code comprend une liste indicative et non exhaustive de clauses qui peuvent être regardées comme abusives si elles satisfont aux conditions posées au premier alinéa. En cas de litige concernant un contrat comportant une telle clause, le demandeur n’est pas dispensé d’apporter la preuve du caractère abusif de cette clause.
Ces dispositions sont applicables quels que soient la forme ou le support du contrat. Il en est ainsi notamment des bons de commande, factures, bons de garantie, bordereaux ou bons de livraison, billets ou tickets, contenant des stipulations négociées librement ou non ou des références à des conditions générales préétablies.
Sans préjudice des règles d’interprétation prévues aux articles 1156 à 1161, 1163 et 1164 du Code civil, le caractère abusif d’une clause s’apprécie en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu’à toutes les autres clauses du contrat. Il s’apprécie également au regard de celles contenues dans un autre contrat lorsque la conclusion ou l’exécution de ces deux contrats dépendent juridiquement l’une de l’autre.
Les clauses abusives sont réputées non écrites.
L’appréciation du caractère abusif des clauses au sens du premier alinéa ne porte ni sur la définition de l’objet principal du contrat ni sur l’adéquation du prix ou de la rémunération au bien vendu ou au service offert pour autant que les clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible.
Le contrat restera applicable dans toutes ses dispositions autres que celles jugées abusives s’il peut subsister sans lesdites clauses.
Les dispositions du présent article sont d’ordre public.

Monsieur [B] critique la clause contractuelle suivante :
« Taux d’intérêt annuel initial
2,27500 % révisable proportionnel. (En vigueur à la date d’édition du présent contrat).

Modalités de fixation et de révision du taux
Le taux d’intérêt est composé du taux de référence, à savoir le taux du franc suisse à 3 mois sur le marché interbancaire de [Localité 5], relevé chez CREDIT AGRICOLE INDOSUEZ S.A. (…), majoré d’une marge fixée à 0,7000 point.
Compte-tenu des variations de la devise choisie, le taux d’intérêt est susceptible de varier, à la hausse comme à la baisse, entre la date de signature de la présente offre et la date de mise à disposition des fonds, ainsi que pendant toute la durée du prêt. Ainsi le taux d’intérêt initial indiqué sur la présente offre, calculée sur la base du taux du franc suisse, soit 1,57500 % à la date de l’établissement de la présente offre, n’est donné qu’à titre indicatif.
La révision du taux interviendra au lendemain du règlement de chaque échéance du présent prêt.
Le taux de référence est celui relevé deux jours ouvrés avant, selon le cas, soit la mise à disposition de fonds, soit la révision de taux. »

Il estime que cette clause n’est pas suffisamment claire et précise pour un profane.

Le CREDIT AGRICOLE soutient à juste titre que la clause litigieuse porte sur la définition de l’objet principal du contrat ou sur l’adéquation du prix ou de la rémunération au bien vendu ou au service offert, puisqu’elle concerne la détermination du taux d’intérêt conventionnel, c’est-à-dire la détermination du coût du crédit pour l’emprunteur. Par suite, le caractère abusif de cette stipulation ne peut être retenu, sauf à démontrer qu’elle n’est pas rédigée de façon claire et compréhensible.

Or, la clause précise bien que le taux d’intérêt est variable et révisable et elle détaille les modalités de sa fixation et de sa révision, toutes deux calquées sur le remboursement trimestriel de l’emprunt. En ce sens, le taux est susceptible d’évoluer à chaque échéance de remboursement. Même si le taux de référence n’est pas d’emblée identifié de l’emprunteur, il reste identifiable. Il ne peut être considéré que l’énonciation n’est pas claire et compréhensible.

Par ailleurs, Monsieur [B] ne peut valablement soutenir que cette clause entraîne un déséquilibre significatif à son détriment dès lors que l’examen du tableau d’amortissement réel met en évidence que le montant des intérêts n’a fait que décroître jusqu’à atteindre zéro à l’échéance du 20 octobre 2015. Et, depuis cette date jusque avril 2021, l’emprunteur n’a réglé que 45,08 CHF d’intérêts.

Par conséquent, la clause critiquée ne saurait être qualifiée d’abusive. La sanction déduite par Monsieur [B], tenant à la substitution du taux légal, qui n’est pas strictement celle applicable aux clauses abusives, doit être écartée.

Sur les demandes accessoires

Il convient de condamner Monsieur [B] aux dépens, conformément à l’article 696 du code de procédure civile.

Monsieur [B] sera également condamné à payer au CREDIT AGRICOLE la somme de 2 000 euros au titre des frais de procédure non compris dans les dépens en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

L’article 514 du code de procédure civile applicable aux instances introduites depuis le 1er janvier 2020 dispose que les décisions de première instance sont, de droit, exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal, statuant publiquement, par jugement contradictoire, et en premier ressort

DEBOUTE Monsieur [T] [B] de toutes ses prétentions

CONDAMNE Monsieur [T] [B] aux dépens

ADMET les avocats qui en ont fait la demande et qui peuvent y prétendre au bénéfice des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile

CONDAMNE Monsieur [T] [B] à payer à la caisse régionale de CREDIT AGRICOLE MUTUEL CENTRE EST la somme de 2 000 euros au titre des frais non répétibles de l’instance

REJETTE toutes les autres demandes plus amples ou contraires formées par les parties

Prononcé à la date de mise à disposition au greffe par Véronique OLIVIERO, vice-président,

En foi de quoi, le présent jugement a été signé par le Président, Véronique OLIVIERO, et Sylvie ANTHOUARD, Greffier, présent lors du prononcé.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


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