L’Essentiel : M. [R] a effectué deux virements de 6 000 euros à M. [C] le 2 septembre 2022, croyant n’en devoir faire qu’un. Il conteste le second virement, arguant qu’il n’a pas été informé des conséquences de la saisie de son mot de passe. M. [R] réclame le remboursement de 6 000 euros et une indemnité de 5 000 euros pour résistance abusive. La Société générale, quant à elle, soutient que M. [R] a validé le virement et que sa demande est forclose. Le tribunal a finalement condamné M. [C] et la Société générale à rembourser M. [R] et à payer des frais de justice.
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Contexte de l’affaireM. [R] a effectué deux virements de 6 000 euros chacun à M. [C] le 2 septembre 2022, pensant qu’il ne devait en faire qu’un seul. Il soutient qu’il n’a pas été informé que la saisie de son mot de passe entraînerait un second virement, et qu’il n’était pas tenu de vérifier auprès de sa banque avant de saisir son mot de passe. Demandes de M. [R]M. [R] réclame le remboursement de 6 000 euros, ainsi qu’une indemnité de 5 000 euros pour résistance abusive, en raison du refus de M. [C] de restituer la somme. Il évoque un préjudice moral lié au stress et aux démarches nécessaires pour récupérer son argent. Position de la Société généraleLa Société générale conteste les demandes de M. [R], arguant que ce dernier a autorisé le virement en saisissant son mot de passe. Elle affirme également que la demande de remboursement est forclose, car elle a été faite plus de 13 mois après l’opération. La banque demande également une indemnité de 2 500 euros pour ses frais de justice. Arguments de la Société généraleLa banque soutient qu’il n’y a pas eu de faute de sa part, car M. [R] a validé le virement. Elle souligne que le second virement ne présentait pas d’anomalie manifeste et que M. [R] a attendu 11 jours après le virement pour signaler un problème. La Société générale insiste sur le fait que M. [R] a fait preuve de négligence en ne vérifiant pas auprès d’elle. Décision du tribunalLe tribunal a jugé que M. [R] avait bien signalé l’opération non autorisée dans les délais impartis. Il a également reconnu que le second virement était le résultat d’une erreur de l’application, ce qui a conduit à la condamnation de M. [C] et de la Société générale à rembourser la somme de 6 000 euros à M. [R]. Indemnisation pour résistance abusiveLe tribunal a accordé à M. [R] une indemnité de 1 000 euros pour résistance abusive de la part de M. [C], qui avait reconnu devoir cette somme mais avait refusé de la restituer. En revanche, la demande d’indemnisation contre la Société générale pour résistance abusive a été rejetée. Conclusion et condamnationsM. [C] et la Société générale ont été condamnés in solidum à rembourser 6 000 euros à M. [R], avec des intérêts à des dates spécifiques. Ils ont également été condamnés à payer 3 000 euros pour les frais de justice. La demande reconventionnelle de la Société générale contre M. [C] a été déclarée irrecevable. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelles sont les obligations de la Société générale en matière de remboursement d’un virement non autorisé ?La Société générale, en tant que prestataire de services de paiement, a des obligations spécifiques en vertu du Code monétaire et financier. L’article L. 133-23 stipule que « Lorsqu’un utilisateur de services de paiement nie avoir autorisé une opération de paiement qui a été exécutée, ou affirme que l’opération de paiement n’a pas été exécutée correctement, il incombe à son prestataire de services de paiement de prouver que l’opération en question a été authentifiée, dûment enregistrée et comptabilisée et qu’elle n’a pas été affectée par une déficience technique ou autre. » Cela signifie que si un client conteste un virement, la banque doit prouver que le virement a été correctement autorisé et exécuté. En l’espèce, M. [R] a signalé un virement non autorisé dans les délais impartis, conformément à l’article L. 133-24, qui précise que l’utilisateur doit signaler une opération non autorisée « sans tarder » et au plus tard dans les treize mois suivant la date de débit. La Société générale a échoué à prouver que le second virement était dû à une négligence grave de M. [R], ce qui l’oblige à procéder au remboursement de la somme de 6 000 euros. Quelles sont les conséquences d’une résistance abusive selon l’article 1240 du Code civil ?L’article 1240 du Code civil dispose que « Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. » Dans le cas présent, M. [C] a refusé de rembourser la somme de 6 000 euros à M. [R], bien qu’il ait reconnu lui devoir cette somme. Ce refus constitue une résistance abusive, car il a causé à M. [R] un préjudice moral, notamment en raison des démarches qu’il a dû entreprendre pour récupérer son argent. Le tribunal a donc décidé d’allouer à M. [R] une provision de 1 000 euros pour ce préjudice, en l’absence de justificatifs supplémentaires. Il est important de noter que la résistance abusive doit être prouvée, et dans ce cas, M. [R] a réussi à démontrer que le refus de M. [C] était injustifié. Quelles sont les implications de la forclusion selon l’article L. 133-24 du Code monétaire et financier ?L’article L. 133-24 du Code monétaire et financier précise que l’utilisateur de services de paiement doit signaler une opération de paiement non autorisée « sans tarder » et au plus tard dans les treize mois suivant la date de débit, sous peine de forclusion. Dans cette affaire, la Société générale a soutenu que la demande de M. [R] était forclose, car il aurait attendu plus de treize mois pour signaler le virement litigieux. Cependant, le tribunal a constaté que M. [R] avait effectivement signalé l’opération non autorisée dans les délais requis, ce qui a permis de rejeter l’argument de forclusion. Ainsi, la non-conformité aux délais de signalement ne s’applique pas dans ce cas, et M. [R] a pu faire valoir ses droits. Comment le juge des référés évalue-t-il les demandes de mesures conservatoires ?L’article 835 du Code de procédure civile stipule que « le président du tribunal judiciaire peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite. » Le juge des référés doit évaluer si le trouble est manifestement illicite et si l’obligation de remboursement n’est pas sérieusement contestable. Dans cette affaire, le tribunal a jugé que le non-remboursement par M. [C] ne constituait pas un trouble manifestement illicite, car il s’agissait d’une question de droit qui nécessitait une évaluation plus approfondie. Ainsi, les demandes de M. [R] au titre du remboursement ont été examinées sur le fondement de l’article 835, alinéa 2, qui permet d’accorder une provision lorsque l’obligation n’est pas sérieusement contestable. Le juge des référés a donc agi en fonction des éléments présentés et a pris une décision en conséquence. |
JUDICIAIRE
DE PARIS
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N° RG 24/53551 – N° Portalis 352J-W-B7I-C4PR7
N° : 1
Assignation du :
09 et 16 Avril 2024
[1]
[1] 2 Copies exécutoires
délivrées le:
ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ
rendue le 19 novembre 2024
par Sophie COUVEZ, Vice-présidente au Tribunal judiciaire de Paris, agissant par délégation du Président du Tribunal,
Assistée de Pascale GARAVEL, Greffier.
DEMANDEUR
Monsieur [J] [R]
[Adresse 2]
[Localité 5]
représenté par Me Mohammed BENCHEKROUN, avocat au barreau de PARIS – #B0249
DEFENDEURS
1- Monsieur [Z] [C]
[Adresse 1]
[Localité 6]
non constitué
2- La S.A. SOCIETE GENERALE
[Adresse 3]
[Localité 4]
représentée par Me Caroline MEUNIER, avocat au barreau de PARIS – #K0126
DÉBATS
A l’audience du 07 Octobre 2024, tenue publiquement, présidée par Sophie COUVEZ, Vice-présidente, assistée de Pascale GARAVEL, Greffier,
Nous, Président,
Après avoir entendu les conseils des parties,
Soutenant avoir, à la suite d’une erreur de l’application de sa banque, la Société générale, procédé à deux virements d’un montant de 6 000 euros au profit de M. [C] le 2 septembre 2022, M. [R] a, par courriel en date du 23 septembre 2022, signalé l’erreur qui a été commise et a demandé le déclenchement des démarches nécessaires pour qu’il puisse se faire rembourser la somme de 6 000 euros.
Le 8 novembre 2022, la Société générale a demandé à la Banque postale le retour des fonds sur le compte de son client, dès lors que le « paiement a été effectué par erreur en double (même jour/même montant) ».
Le 15 janvier 2023, M. [R] a déposé plainte à l’encontre de M. [C] auprès du commissariat de police du [Localité 5] de [Localité 5].
Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 28 avril 2023, M. [R] a, par l’intermédiaire de son conseil, mis en demeure M. [C] de lui restituer dans un délai de huit jours la somme de 6 000 euros qui lui a été versée par erreur.
Par courrier en date du 11 octobre 2023, la Société générale a informé M. [R] que la tentative de « recall interbancaire » a obtenu une réponse négative de la Banque postale.
Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 10 novembre 2023, M. [R] a mis en demeure la Société générale de lui rembourser, dans un délai de huit jours, la somme de 6 000 euros qui a été débitée de son compte sans son consentement.
C’est dans ce contexte que, par actes de commissaire de justice en date des 9 et 16 avril 2024, M. [R] a fait assigner M. [C] et la Société générale devant le juge des référés aux fins d’obtenir, au visa de l’article 835 du code de procédure civile, des articles 1302 et suivants du code civil, des articles L. 133-6, L. 133-18, L. 133-23 et L. 133-24 du code monétaire et financier, et des articles 1231-1 et suivant du code civil, la condamnation in solidum de M. [C] et de la Société générale à lui payer la somme de 6 000 euros, principalement à titre de remise en état, et subsidiairement à titre de provision, avec intérêts au taux légal à compter du 4 mai 2023 pour M. [C] et avec intérêts au taux légal majoré de cinq points à compter du 2 octobre 2022 à titre principal, ou à compter du 10 novembre 2023 à titre subsidiaire pour la Société générale, leur condamnation in solidum à lui payer la somme provisionnelle de 5 000 euros au titre de son préjudice moral découlant de la résistance abusive et la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
A l’audience qui s’est tenue le 7 octobre 2024, dans ses conclusions déposées et soutenues oralement, M. [R], représenté par son conseil, a maintenu ses demandes telles que contenues dans l’acte introductif d’instance.
A l’appui de ses demandes, M. [R] expose avoir versé à M. [C] la somme de 12 000 euros au lieu de la somme convenue de 6 000 euros en raison d’un dysfonctionnement de l’application de sa banque, la Société générale, de sorte que M. [C] a indument reçu la somme de 6 000 euros qu’il doit être condamné à lui restituer sur le fondement de l’article 1302-1 du code civil.
Il sollicite le remboursement de cette somme, à titre principal, au visa de l’article 835, alinéa 1, du code de procédure civile, le défaut de remboursement de cette somme par M. [C] constituant un trouble manifestement illicite, à titre subsidiaire, au visa de l’article 835, alinéa 2, l’obligation de restitution n’étant pas sérieusement contestable.
Il réclame, en outre, la condamnation in solidum de la Société générale au paiement de la somme de 6 000 euros sur le fondement de l’article 1927 du code civil et des dispositions du code monétaire et financier, dès lors qu’une opération non autorisée par le titulaire d’un compte bancaire caractérise un trouble manifestement illicite résultant de la violation des règles du dépôt et de la convention de compte.
Il précise avoir signalé à la Société générale le paiement effectué en raison d’un dysfonctionnement de l’application immédiatement par téléphone, puis par courriel en date du 23 septembre 2022, soit avant l’expiration du délai de 13 mois prévu par l’article L. 133-24 du code monétaire et financier, de sorte qu’il appartient à la Société générale de rapporter la preuve qu’il a autorisé chacun des deux virements litigieux en donnant son consentement sous la forme convenue entre eux et suivant une authentification forte, que chacun des deux virements n’a pas été affecté par une déficience technique ou autre et, dans l’hypothèse où ces deux derniers éléments seraient démontrés que le doublon de virement découlerait d’une négligence grave de sa part.
Il explique qu’en l’espèce, le virement a été exécuté deux fois, sans que son consentement soit recueilli à deux reprises puisqu’il n’a renseigné les informations relatives au virement qu’une seule fois, qu’après avoir renseigné son code secret, l’application a planté, que lors de son redémarrage, il a renseigné à nouveau son code, pensant que cela validerait le seul ordre de paiement qu’il avait donné, sans se douter qu’un second virement serait déclenché.
Il relève que, dans ses propres conditions générales, la Société générale indique qu’il appartient à la banque de rapporter la preuve que l’opération a été authentifiée, ce qu’elle ne fait pas dès lors que la pièce qu’elle produit révèle qu’il ne s’est écoulé que 26 secondes entre l’exécution des deux virements, soit un temps manifestement insuffisant pour passer par l’ensemble des étapes nécessaires à l’émission d’un ordre de paiement.
Il note, en outre, que la Société générale a admis son erreur aux termes de son courriel de « recall interbancaire ».
Il conteste avoir commis la moindre négligence grave, la Société générale ne démontrant d’ailleurs pas en quoi les reproches qu’elle formule à son encontre constituerait une telle négligence.
Il réclame, par ailleurs, la condamnation de la Société générale au paiement de la somme de 6 000 euros sur le fondement de sa responsabilité contractuelle, dès lors qu’elle est tenue par un devoir de vigilance qui lui impose de relever les anomalies apparentes parmi les opérations qu’il lui est demandé d’effectuer.
Il soutient qu’en l’espèce son conseiller aurait dû relever l’anomalie apparente qui entache la seconde exécution de l’ordre de virement de 6 000 euros, les deux virements ayant le même motif et le même bénéficiaire, portant sur le même montant et ayant été effectués à la même heure.
Il réclame, enfin la somme de 5 000 euros au titre de la résistance abusive, sur le fondement de l’article 1240 du code civil, dès lors que M. [C] a promis le remboursement de la somme de 6 000 euros sans jamais y procéder, que la Société générale résiste sans justification à son obligation incontestable à lui restituer la somme de 6 000 euros et qu’aucun des deux n’ont répondu aux mises en demeure qu’il leur a adressées.
Il argue que cette faute lui a causé un préjudice moral, étant confronté au stress lié à la crainte de ne pas récupérer une somme importante et aux décisions qu’il a dû prendre dans ce litige.
Dans ses écritures déposées et soutenues à l’audience, la Société générale a demandé, à titre principal, qu’il soit dit n’y avoir lieu à référé sur les demandes de M. [R], à titre subsidiaire, qu’il soit jugé que ses demandes se heurtent à la forclusion, à défaut, que M. [C] soit condamné à lui verser une somme égale au montant des condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre et, en toute hypothèse, que M. [R] soit condamné à lui verser la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
La Société générale sollicite le rejet des demandes de M. [R] en ce qu’elle se heurtent à des contestations sérieuses, dès lors que le virement litigieux a été autorisé par M. [R] qui confirme l’avoir validé en saisissant son mot de passe, de sorte que les articles L. 133-18 et suivants du code monétaire et financier ne sont pas applicables et que la demande de remboursement n’a été présentée pour la première fois que le 10 novembre 2023, soit plus de 13 mois après l’opération litigieuse et se heurte, en conséquence, à la forclusion de l’article L. 133-24 du code monétaire et financier.
Elle conteste avoir commis la moindre faute, M. [R] ne rapportant pas la preuve ni du dysfonctionnement de l’application qu’il allègue, ni de ce que ce dysfonctionnement lui serait imputable.
Elle relève, en outre, que l’opération litigieuse ne présentait pas d’anomalie manifeste d’autant que M. [R] l’a autorisée en validant son mot de passe et qu’elle ne pouvait, en toute hypothèse, pas la suspendre s’agissant d’un virement instantané et ce d’autant plus que M. [R] ne l’a contactée pour lui faire état de ses difficultés que le 13 septembre, soit 11 jours après le virement litigieux.
Elle soutient, en conséquence, que M. [R] a commis une faute, ou à tout le moins, a fait preuve d’une grande négligence, dès lors qu’il n’a pas contacté sa banque à la suite du dysfonctionnement de l’application pour s’assurer si le premier virement était passé et qu’il ne l’a contactée que plusieurs jours après le virement litigieux.
Elle relève, enfin, que les demandes de M. [R] échappent à la compétence du juge des référés qui ne peut se prononcer sur une demande de dommages et intérêts qui implique d’avoir à apprécier les conditions d’une éventuelle responsabilité.
Si le juge des référés devait la condamner au paiement de la moindre somme, elle demande à ce que M. [C] soit condamné à lui verser une somme égale au montant des condamnations prononcées à son encontre, dès lors qu’il est celui qui a bénéficié du virement litigieux et qu’il doit in fine être tenu d’en supporter le remboursement.
Bien que régulièrement assigné à personne présente à domicile, M. [C] n’a pas constitué avocat, de sorte qu’il sera statué par décision réputée contradictoire.
Conformément à l’article 446-1 du code de procédure civile, pour plus ample informé de l’exposé et des prétentions des parties, il est renvoyé à l’assignation introductive d’instance et aux écritures déposées et développées oralement à l’audience.
A l’issue de l’audience, la décision a été mise en délibéré au 19 novembre 2024. Il a été demandé en cours de délibéré à la Société générale qu’elle justifie de la signification de ses conclusions à M. [C] ce qu’elle n’a pas fait.
Sur les demandes formées au titre du virement de 6 000 euros
Conformément à l’article 835, alinéa 1, du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
L’existence d’une contestation sérieuse est indifférente à l’application de ces dispositions.
Le trouble manifestement illicite s’entend de toute perturbation résultant d’un fait matériel ou juridique qui, directement ou indirectement, constitue une violation évidente de la règle de droit, étant rappelé que la seule méconnaissance d’une réglementation n’est pas suffisante pour caractériser l’illicéité d’un trouble.
Il appartient au requérant de démontrer l’existence d’une illicéité du trouble et son caractère manifeste.
Il s’ensuit, pour que la mesure sollicitée soit prononcée, qu’il doit nécessairement être constaté à la date à laquelle le juge statue et, avec l’évidence qui s’impose à la juridiction des référés, l’illicéité manifeste d’un trouble.
Le juge des référés doit ainsi se placer, pour ordonner ou refuser des mesures conservatoires ou de remise en état, à la date à laquelle il prononce sa décision.
Il dispose d’un pouvoir souverain pour apprécier l’existence d’un trouble manifestement illicite et d’ordonner la mesure de remise en état qui lui paraît s’imposer pour le faire cesser.
L’article 835, alinéa 2, précise que, dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, le juge des référés peut accorder une provision au créancier ou ordonner l’exécution d’une obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.
Le montant de la provision allouée en référé n’a d’autre limite que le montant non sérieusement contestable de la dette alléguée. Le juge des référés fixe discrétionnairement à l’intérieur de cette limite la somme qu’il convient d’allouer au requérant.
En l’espèce, M. [R] formule ses demandes tendant à la restitution de la somme de 6 000 euros, à titre principal, sur le fondement du trouble manifestement illicite de l’article 835, alinéa 1, du code de procédure civile.
Toutefois, le non-remboursement par M. [C] de la somme de 6 000 euros qu’il a perçue de manière indue ne saurait constituer une violation manifeste d’une règle de droit, en l’occurrence de l’article 1302-1 du code civil, constitutif d’un trouble manifestement illicite au sens de l’article 835, alinéa 1, du code de procédure civile. En effet, l’article 1302-1 du code civil est, en réalité, le fondement de la demande de M. [R] formée à l’encontre de M. [C] en paiement de la somme de 6 000 euros.
Dans ces conditions, l’ensemble des demandes de M. [R] au titre du remboursement de la somme de 6 000 euros seront examinées uniquement sur le fondement de l’article 835, alinéa 2, du code de procédure civile.
Sur la demande formée à l’encontre de M. [C]
Suivant l’article 1302 du code civil, tout paiement suppose une dette ; ce qui a été reçu sans être dû est sujet à restitution
L’article 1302-1 ajoute que celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû doit le restituer à celui de qui il l’a indûment reçu.
L’article 1352-6 précise que la restitution d’une somme d’argent inclut les intérêts au taux légal et les taxes acquittées entre les mains de celui qui l’a reçue.
En l’espèce, il ressort des pièces versées aux débats que M. [R] a procédé au profit de M. [C], le 2 septembre 2022, à deux virements d’un montant de 6 000 euros à chaque fois alors qu’il ne devait lui verser que la somme de 6 000 euros au titre de la motocyclette que M. [Y] lui a achetée.
M. [R] justifie, en conséquence, que M. [C] a perçu de manière indue la somme de 6 000 euros.
Dès lors, l’obligation de M. [C] de restituer cette somme n’étant pas sérieusement contestable, il sera condamné à payer à M. [R] à titre de provision la somme de 6 000 euros.
En application de l’article 1352-6 du code civil, il sera prévu que cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 4 mai 2023 conformément à la demande de M. [R].
Sur les demandes formées à l’encontre de la Société générale
L’article L.133-3 du code monétaire et financier définit l’opération de paiement comme l’action consistant à verser, transférer ou retirer des fonds, indépendamment de toute obligation sous-jacente entre le payeur et le bénéficiaire, initiée par le payeur, ou pour son compte, ou par le bénéficiaire.
Les articles L.133-6, L.133-7 et L.133-8 du code monétaire et financier prévoient qu’une opération de paiement est autorisée si le payeur a donné son consentement à son exécution.
En l’absence d’un tel consentement, l’opération ou la série d’opérations de paiement est réputée non autorisée.
L’article L. 133-23 précise que « Lorsqu’un utilisateur de services de paiement nie avoir autorisé une opération de paiement qui a été exécutée, ou affirme que l’opération de paiement n’a pas été exécutée correctement, il incombe à son prestataire de services de paiement de prouver que l’opération en question a été authentifiée, dûment enregistrée et comptabilisée et qu’elle n’a pas été affectée par une déficience technique ou autre.
L’utilisation de l’instrument de paiement telle qu’enregistrée par le prestataire de services de paiement ne suffit pas nécessairement en tant que telle à prouver que l’opération a été autorisée par le payeur ou que celui-ci n’a pas satisfait intentionnellement ou par négligence grave aux obligations lui incombant en la matière. Le prestataire de services de paiement, y compris, le cas échéant, le prestataire de services de paiement fournissant un service d’initiation de paiement, fournit des éléments afin de prouver la fraude ou la négligence grave commise par l’utilisateur de services de paiement. »
L’article L. 133-23-1 ajoute que « Lorsqu’un utilisateur de services de paiement nie avoir autorisé une opération de paiement qui a été exécutée, ou affirme que l’opération de paiement n’a pas été exécutée correctement, et que l’ordre de paiement est initié par l’intermédiaire d’un prestataire de services de paiement fournissant un service d’initiation de paiement à la demande du payeur, il incombe à ce prestataire de services de paiement de prouver que l’ordre de paiement a été reçu par le prestataire de services de paiement gestionnaire du compte du payeur et que, pour ce qui le concerne, l’opération de paiement a été authentifiée et dûment enregistrée et correctement exécutée qu’elle n’a pas été affectée par une déficience technique ou autre en relation avec soit le service qu’il fournit, soit la non-exécution, la mauvaise exécution ou l’exécution tardive de l’opération. »
Enfin, en application de l’article 133-24, l’utilisateur de services de paiement signale, sans tarder, à son prestataire de services de paiement une opération de paiement non autorisée ou mal exécutée et au plus tard dans les treize mois suivant la date de débit sous peine de forclusion.
En cas d’opération de paiement non autorisée signalée par l’utilisateur dans les conditions prévues à l’article L.133-24, le prestataire de services de paiement du payeur rembourse au payeur le montant de l’opération non autorisée immédiatement après avoir pris connaissance de l’opération ou après en avoir été informé.
En l’espèce, il ressort des pièces versées aux débats que, le 2 septembre 2022, M. [R] a procédé à deux virements d’un même montant, 6 000 euros, au profit du même destinataire, M. [C], et pour le même motif, « moto », le premier ayant été émis à 11 :55 :53 et validé à 11 :56 :11 et le second ayant été émis à 11 :56 :19 et validé à 11 :56 :37.
Compte tenu du temps qui sépare les deux virements, 26 secondes entre le moment où le premier virement a été validé et le moment où le second virement aurait été validé, il est manifeste que ce second virement résulte d’une erreur de l’application comme le soutient M. [R]. Il est en effet impossible qu’en 26 secondes, M. [R] ait pu initier un second virement en renseignant son montant, son destinataire et son motif puis le valider en rentrant son code.
La Société générale avait d’ailleurs reconnu son erreur, puisque, dans son message du 8 novembre 2022 dans lequel elle sollicite à la Banque postale la restitution des fonds sur le compte de son client, elle précise que « le paiement a été effectué par erreur en double (même jour/ même montant) ».
Il s’agit donc d’une opération non autorisée par le titulaire du compte.
Contrairement à ce que soutient la Société générale, M. [R] lui a bien signalé l’opération de virement non autorisée dans les treize mois de sa date de débit conformément à l’article L. 133-24 du code monétaire et financier. En effet, si le courriel en date du 23 septembre 2022 – dans lequel il a signalé que deux virements ont été par erreur débités sur son compte – ne rapporte pas une telle preuve, le destinataire de ce courriel n’apparaissant pas, il est certain que la Société générale en a eu connaissance moins de treize mois après que ce virement soit intervenu, dès lors que, deux mois après l’opération litigieuse, le 8 novembre 2022, cette dernière a tenté d’obtenir la restitution des fonds.
Enfin, la Société générale échoue à rapporter la preuve que ce second virement serait dû à une négligence grave de M. [R], une telle négligence ne pouvant résulter du seul fait que M. [R] ait rentré deux fois son code de validation sans au préalable appeler sa banque pour s’assurer que le premier virement n’avait pas été débité. En effet, M. [R] ne pouvait se douter, lorsqu’il a renseigné une seconde fois son code, que deux virements seraient initiés alors qu’il n’a rempli les renseignements relatifs à l’ordre de virement qu’une seule fois.
Dans ces conditions, l’obligation de la Société générale de procéder au remboursement de la somme de 6 000 euros n’est pas sérieusement contestable.
Elle sera, en conséquence, condamnée à payer à M. [R], par provision, in solidum avec M. [C], la somme de 6 000 euros.
En application des dispositions l’article L. 133-18 du code monétaire et financier, il sera prévu que cette somme portera intérêts au taux légal majoré de cinq points à compter, non pas du 2 octobre 2022, comme le sollicite M. [R] à titre principal, celui-ci ne rapportant pas la preuve avoir immédiatement informé la Société générale du second virement de 6 000 euros non autorisé mais, à compter du 10 novembre 2023, date de présentation de la mise en demeure, conformément à sa demande subsidiaire.
Sur les demandes formées au titre de la résistance abusive
L’article 1240 du code civil dispose que « Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. »
En l’espèce, il ressort des pièces versées aux débats que M. [C] a refusé de rembourser à M. [R] la somme de 6 000 euros alors qu’il reconnaissait lui devoir une telle somme.
Dès lors, le refus de M. [C] de restituer à M. [R] la somme de 6 000 euros qui lui avait été versée par erreur constitue une résistance abusive qui a causé à M. [R] un préjudice moral, celui-ci ayant été contraint de multiplier les démarches auprès de ce dernier et de sa banque afin d’en obtenir le paiement et qui justifie que lui soit alloué une provision qui ne saurait, toutefois, être supérieure à 1 000 euros en l’absence de justificatif particulier.
En revanche, M. [R] échoue à rapporter la preuve d’une résistance abusive de la part de la Société générale avec l’évidence requise en référé, dès lors que cette dernière contestait devoir rembourser à M. [R] la somme de 6 000 euros, soutenant qu’il avait autorisé l’opération litigieuse et qu’il avait fait preuve d’une négligence grave. Or, le simple fait de ne pas répondre à une lettre de mise en demeure et de s’opposer à une demande en justice est insuffisant à caractériser une résistance abusive.
Il sera, en conséquence, dit n’y avoir lieu à référé sur la demande de M. [R] au titre de la résistance abusive formée à l’encontre de la Société générale.
Sur la demande reconventionnelle de la Société générale de condamnation de M. [C]
Suivant l’article 16 du code de procédure civile, « Le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.
Il ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d’en débattre contradictoirement.
Il ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu’il a relevés d’office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations. »
En l’espèce, à titre reconventionnel, la Société générale sollicite, dans les conclusions qu’elle a déposées et soutenues à l’audience du 7 octobre 2024, la condamnation de M. [C] à lui payer toutes les condamnations qui seraient prononcées à son encontre.
Toutefois, alors que M. [C] n’a pas constitué avocat, elle ne justifie pas que ces conclusions ont été signifiées à ce dernier afin que sa demande reconventionnelle soit portée à sa connaissance.
Dans ces conditions, en application de l’article 16 du code de procédure civile, cette demande sera déclarée irrecevable.
Sur les demandes accessoires
M. [C] et la Société générale, qui succombent, seront condamnés in solidum aux entiers dépens de la présente instance conformément à l’article 696 du code de procédure civile.
Par suite, ils seront également condamnés in solidum à verser à M. [C] la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Statuant en référé, par mise à disposition au greffe, après débats en audience publique, par décision réputée contradictoire et en premier ressort,
Condamnons in solidum par provision M. [C] et la Société générale à payer à M. [R] la somme de 6 000 euros en remboursement du virement effectué par erreur le 2 septembre 2022 ;
Disons que cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 4 mai 2023 à l’égard de M. [C] et au taux légal majoré de cinq points à compter du 10 novembre 2023 à l’égard de la Société générale ;
Condamnons par provision M. [C] à payer à M. [R] la somme de 1 000 euros au titre de la résistance abusive en indemnisation de son préjudice moral ;
Disons n’y avoir lieu à référé sur la demande de M. [R] formée à l’encontre de la Société générale au titre de la résistance abusive ;
Déclarons irrecevable la demande de condamnation de la Société générale formée à l’encontre de M. [C] ;
Condamnons in solidum M. [C] et la Société générale aux entiers dépens ;
Condamnons in solidum M. [C] et la Société générale à payer à M. [R] la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
Rejetons toutes autres demandes des parties ;
Rappelons que la présente décision est exécutoire à titre provisoire.
Fait à Paris le 19 novembre 2024
Le Greffier, Le Président,
Pascale GARAVEL Sophie COUVEZ
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