Responsabilité des acteurs financiers face aux chèques falsifiés

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Responsabilité des acteurs financiers face aux chèques falsifiés

L’Essentiel : La SCP LEX61 a été victime d’une fraude impliquant cinq chèques émis pour des cotisations à la CAVOM, totalisant 17 939 euros. Bien que ces chèques aient été débités de son compte, ils ont été encaissés par des tiers, suscitant des soupçons de falsification. La SCP a déposé plainte et a assigné la Caisse des dépôts et consignations (CDC) ainsi que la CAVOM, les accusant de négligence. La CDC conteste sa responsabilité, affirmant que l’opposition aux chèques a été faite trop tard. Une audience est prévue pour le 16 octobre 2024 pour examiner les arguments des parties.

Contexte de l’affaire

La SCP LEX61, une étude d’huissiers de justice, a rencontré des problèmes liés à des chèques qu’elle a émis pour le paiement de cotisations à la CAVOM. Ces chèques, envoyés par voie postale, n’ont pas été encaissés par la CAVOM, mais ont été débités de son compte et encaissés par des tiers.

Détails des chèques concernés

Cinq chèques ont été émis entre 2019 et 2020, totalisant 17 939 euros. Bien qu’ils aient été débités du compte de la SCP LEX61, ils ont été encaissés par des bénéficiaires différents, ce qui a conduit la SCP à suspecter une falsification. La SCP a déposé plainte et a fait opposition aux chèques.

Actions judiciaires entreprises

La SCP LEX61 a assigné en responsabilité la Caisse des dépôts et consignations (CDC) et la CAVOM, arguant que la CDC avait encaissé des chèques falsifiés. La CDC a, à son tour, assigné les banques qui avaient présenté les chèques, demandant leur garantie en cas de condamnation.

Arguments de la SCP LEX61

La SCP LEX61 soutient qu’elle a agi rapidement en faisant opposition aux chèques dès qu’elle a découvert la fraude. Elle reproche à la CDC de ne pas avoir détecté les anomalies sur les chèques et de ne pas avoir fourni les originaux pour prouver leur validité.

Réponses de la Caisse des dépôts et consignations

La CDC conteste toute responsabilité, affirmant qu’elle n’a pas encaissé de chèques frappés d’opposition et que les chèques ne présentaient pas d’anomalies apparentes. Elle souligne que l’opposition a été faite trop tard pour être valable.

Position de la CAVOM

La CAVOM rejette les accusations de négligence, affirmant qu’elle a alerté ses affiliés dès qu’elle a eu connaissance des détournements. Elle conteste également que des travaux de rénovation aient facilité les détournements.

Arguments des banques présentatrices

Les banques présentatrices, dont la Banque Postale, la BRED Banque Populaire, la Caisse de Crédit Mutuel Saint Denis et le Crédit Lyonnais, soutiennent qu’elles n’ont commis aucune faute. Elles affirment que les chèques étaient en apparence réguliers et que la SCP LEX61 a fait preuve de négligence dans le traitement des paiements.

Conclusion et prochaines étapes

L’affaire a été clôturée par le juge de la mise en état, et une audience est prévue pour le 16 octobre 2024, où les parties présenteront leurs arguments et moyens respectifs.

Q/R juridiques soulevées :

Quel est le contexte de l’affaire impliquant la SCP LEX61 ?

La SCP LEX61, une étude d’huissiers de justice, a rencontré des problèmes liés à des chèques qu’elle a émis pour le paiement de cotisations à la CAVOM. Ces chèques, envoyés par voie postale, n’ont pas été encaissés par la CAVOM, mais ont été débités de son compte et encaissés par des tiers.

Quels sont les détails des chèques concernés dans cette affaire ?

Cinq chèques ont été émis entre 2019 et 2020, totalisant 17 939 euros. Bien qu’ils aient été débités du compte de la SCP LEX61, ils ont été encaissés par des bénéficiaires différents, ce qui a conduit la SCP à suspecter une falsification. La SCP a déposé plainte et a fait opposition aux chèques.

Quelles actions judiciaires ont été entreprises par la SCP LEX61 ?

La SCP LEX61 a assigné en responsabilité la Caisse des dépôts et consignations (CDC) et la CAVOM, arguant que la CDC avait encaissé des chèques falsifiés. La CDC a, à son tour, assigné les banques qui avaient présenté les chèques, demandant leur garantie en cas de condamnation.

Quels sont les arguments avancés par la SCP LEX61 ?

La SCP LEX61 soutient qu’elle a agi rapidement en faisant opposition aux chèques dès qu’elle a découvert la fraude. Elle reproche à la CDC de ne pas avoir détecté les anomalies sur les chèques et de ne pas avoir fourni les originaux pour prouver leur validité.

Quelle est la réponse de la Caisse des dépôts et consignations ?

La CDC conteste toute responsabilité, affirmant qu’elle n’a pas encaissé de chèques frappés d’opposition et que les chèques ne présentaient pas d’anomalies apparentes. Elle souligne que l’opposition a été faite trop tard pour être valable.

Quelle est la position de la CAVOM dans cette affaire ?

La CAVOM rejette les accusations de négligence, affirmant qu’elle a alerté ses affiliés dès qu’elle a eu connaissance des détournements. Elle conteste également que des travaux de rénovation aient facilité les détournements.

Quels sont les arguments des banques présentatrices concernant leur responsabilité ?

Les banques présentatrices, dont la Banque Postale, la BRED Banque Populaire, la Caisse de Crédit Mutuel Saint Denis et le Crédit Lyonnais, soutiennent qu’elles n’ont commis aucune faute. Elles affirment que les chèques étaient en apparence réguliers et que la SCP LEX61 a fait preuve de négligence dans le traitement des paiements.

Quelles sont les conclusions et les prochaines étapes de cette affaire ?

L’affaire a été clôturée par le juge de la mise en état, et une audience est prévue pour le 16 octobre 2024, où les parties présenteront leurs arguments et moyens respectifs.

Quels sont les motifs de la décision concernant la responsabilité de la Caisse des dépôts et consignations ?

1. Sur la responsabilité de la Caisse des dépôts et consignations

1.1. Sur le paiement des chèques malgré l’opposition

Aux termes de l’article L.131-32 du code monétaire et financier, le chèque émis et payable dans la France métropolitaine doit être présenté au paiement dans le délai de huit jours. En application de l’article L.131-35 du code monétaire et financier, le tiré doit payer même après l’expiration du délai de présentation. Il n’est admis d’opposition au paiement par chèque qu’en cas de perte, de vol ou d’utilisation frauduleuse du chèque, de procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaires du porteur.

Selon l’article L.131-38 du code monétaire et financier, celui qui paie un chèque sans opposition est présumé valablement libéré. Le tiré qui paie un chèque endossable est obligé de vérifier la régularité de la suite des endossements, mais non la signature des endosseurs. Il en résulte que la banque tirée est tenue d’une obligation au paiement lorsque les chèques ne sont pas frappés d’opposition au moment de leur présentation.

En l’espèce, les chèques litigieux ont été émis entre le 4 décembre 2019 et le 10 août 2020. Ils ont été encaissés entre le 10 décembre 2019 et le 19 août 2020. La SCP LEX61 a formé opposition le 27 novembre 2020, soit plusieurs mois après l’encaissement du dernier chèque. Par conséquent, les chèques n’étaient pas frappés d’opposition au moment de leur présentation.

Quelles anomalies apparentes ont été examinées dans le cadre de la responsabilité de la CDC ?

Le banquier est tenu à un devoir général de vigilance. En application de ce devoir de vigilance, le banquier doit relever les anomalies apparentes d’un chèque qui lui est présenté. L’anomalie apparente est celle qui ne doit pas échapper au contrôle d’un banquier normalement diligent.

En conséquence, si le banquier paye un chèque alors que la falsification du titre est apparente, le banquier engage sa responsabilité. Cette obligation de vigilance, s’agissant des chèques, s’impose tant à la banque tirée qu’à la banque présentatrice.

En vertu des articles 1231-1 du code civil et L131-2 du code monétaire et financier, il incombe au banquier tiré de vérifier la régularité formelle du chèque qui doit comporter toutes les mentions exigées par la seconde de ces dispositions, et de s’assurer qu’il ne présente aucune anomalie décelable par un préposé normalement diligent, tels grattage, surcharge, altération visible.

En revanche, il résulte du principe de non-ingérence dans les affaires de son client que le banquier n’a pas à s’enquérir de la conformité du montant du chèque ou de son bénéficiaire aux habitudes de son client, sauf circonstances constituant une anomalie matérielle ou intellectuelle apparente.

Par ailleurs, il résulte de la combinaison des articles 9 du code de procédure civile et 1315, alinéa 2, devenu 1353, alinéa 2, du code civil que s’il incombe à l’émetteur d’un chèque d’établir que celui-ci a été falsifié, il revient à la banque tirée, dont la responsabilité est recherchée pour avoir manqué à son obligation de vigilance et qui ne peut représenter l’original de ce chèque, de prouver que celui-ci n’était pas affecté d’une anomalie apparente, à moins que le chèque n’ait été restitué au tireur.

La SCP LEX61 met en cause en premier lieu la responsabilité de la banque tirée, la CDC. Il est acquis aux débats que les chèques litigieux étaient en réalité destinés à la CAVOM mais qu’ils ont été encaissés frauduleusement par des tiers. Il revient donc à la CDC d’établir que les chèques litigieux n’étaient pas affectés d’une anomalie apparente.

Quelles sont les responsabilités des banques présentatrices dans cette affaire ?

Aucune faute n’étant retenue à la charge de la CDC, il n’y a pas lieu d’examiner la responsabilité des banques présentatrices sur le fondement de l’appel en garantie de la CDC. Toutefois, la SCP LEX61 formule des demandes indemnitaires à l’égard des banques présentatrices.

Il y a donc lieu d’examiner la responsabilité des banques présentatrices à l’égard de la SCP LEX61. En vertu des articles 1240 du code civil et de l’article L.131-2 du code monétaire et financier, la banque présentatrice du chèque est tenue, comme la banque du tireur, de s’assurer de la régularité matérielle du titre et de sa régularité apparente en ce qu’il comporte toutes les mentions obligatoires de l’article L132-2 du code monétaire et financier.

Le banquier récepteur, chargé de l’encaissement d’un chèque, est tenu de vérifier la régularité apparente de l’endos apposé sur un chèque remis à l’encaissement. Ainsi, il doit vérifier que la signature d’endos correspond à celle du bénéficiaire désigné. Dans cette perspective, il doit s’assurer que la signature d’endossement correspond bien au spécimen de signature d’une personne habilitée à faire fonctionner le compte au crédit duquel le montant du chèque sera inscrit.

Il a été jugé précédemment que les chèques litigieux ne présentaient pas d’anomalies apparentes au niveau de la mention du bénéficiaire. La CDC ne pouvait donc déceler la falsification du chèque à cet égard, pas plus que les banques présentatrices.

En revanche, s’agissant de la signature figurant sur l’endos du chèque, seule la banque présentatrice peut effectuer la comparaison avec le spécimen de son client qu’elle détient. C’est pourquoi il y a lieu d’apprécier pour chaque chèque litigieux si l’endos présentait une anomalie apparente.

Quelles sont les responsabilités spécifiques des banques présentatrices, comme la Banque Postale et la BRED Banque Populaire ?

La Banque Postale est la présentatrice de deux chèques : le chèque d’un montant de 7 072 euros tiré le 4 décembre 2019 et encaissé le 10 décembre 2019 au bénéfice de M. [C], et le chèque d’un montant de 2000 euros tiré le 10 août 2020 et encaissé le 17 août 2020 au bénéfice de M. [A] [I].

La Banque Postale ne produit ni les originaux ni les copies des chèques litigieux. L’endos du chèque est illisible et ne permet pas au tribunal d’effectuer une comparaison entre la signature y figurant et la signature de M. [C] dont disposait la Banque Postale. Or, il revient à la Banque Postale, qui ne fournit pas l’original, de prouver que le chèque n’était pas affecté d’une anomalie apparente.

La BRED Banque Populaire est la présentatrice du chèque d’un montant de 2 000 euros tiré le 7 juillet 2020 et encaissé le 17 juillet 2020 au bénéfice de sa cliente la SASU CPF. La BRED Banque Populaire ne fournit ni l’original ni la copie du chèque litigieux.

L’endos du chèque de 2 000 euros tiré le 7 juillet 2020 comporte une signature commençant par un R majuscule et se poursuivant par quatre lettres minuscules semblant être les lettres a s s et d, toutes les lettres étant écrites de manière rapprochées et soulignées d’un trait horizontal. Dans les documents fournis par la BRED Banque Populaire, la signature du représentant légal de la SASU CPF est toujours identique.

Cette différence constitue une anomalie apparente que la BRED Banque Populaire aurait dû déceler. En ne la décelant pas, la BRED Banque Populaire a engagé sa responsabilité à l’égard de la SCP LEX 61.

Quelle est la responsabilité du Crédit Lyonnais dans cette affaire ?

Le Crédit Lyonnais est la banque présentatrice du chèque d’un montant de 4 578 euros encaissé le 17 août 2020 au bénéfice de la société TSA 24 SERVICES. Sur l’endos du chèque, figurent le cachet de la société TSA 24 SERVICES avec une signature ainsi que le numéro du compte de cette société.

La signature permet de déchiffrer distinctement les lettres « M. [S] » soulignées d’un trait recourbé à ses deux extrémités. Le spécimen de signature fourni par le Crédit Lyonnais est très similaire à la signature qui figure sur le chéquier.

La SCP LEX61 reproche également au Crédit Lyonnais de ne pas fournir les pièces d’identité ou justificatifs de domicile de sa cliente ni la convention d’ouverture de compte ou tout autre élément bancaire. Cependant, la SCP LEX61 ne précise pas en quoi le Crédit Lyonnais n’aurait pas pris de précautions suffisantes.

Dans ces conditions, la responsabilité du Crédit Lyonnais n’est pas engagée.

Quelles sont les responsabilités de la Caisse de Crédit Mutuel Saint Denis ?

La Caisse de Crédit Mutuel Saint Denis est la banque présentatrice du chèque d’un montant de 2 289 euros tiré le 8 juillet 2020 et encaissé le 16 juillet 2020 au bénéfice de M. [F] [L]. La Caisse de Crédit Mutuel Saint Denis ne fournit ni l’original ni la copie du chèque litigieux.

La comparaison de la signature sur l’endos du chèque de 2 289 euros d’une part avec la signature figurant sur la convention d’ouverture de compte du 14 mai 2020 et celle figurant sur la carte d’identité de M. [L] d’autre part, montre que la signature de M. [L] est similaire sur la convention d’ouverture de compte et sur la carte d’identité.

Il en résulte que la signature sur l’endos du chèque diffère manifestement des signatures dont disposait la Caisse de Crédit Mutuel Saint Denis. Cette différence constitue une anomalie apparente que la Caisse de Crédit Mutuel Saint Denis aurait dû déceler. En ne la décelant pas, la Caisse de Crédit Mutuel a engagé sa responsabilité à l’égard de la SCP LEX61.

Quelle est la responsabilité de la CAVOM dans cette affaire ?

La SCP LEX61 demande la condamnation de la CAVOM in solidum à l’indemniser de son préjudice. La Banque Postale demande la condamnation de la CAVOM à la garantir de toutes condamnations prononcées à son égard.

La Banque Postale considère que la CAVOM a fait preuve d’une négligence dans la réception et le traitement des chèques reçus dès lors que 53 chèques transmis par ses affiliés ont été détournés et falsifiés. Cependant, la SCP LEX61 n’apporte aucun justificatif à l’appui de ses allégations liées aux détournements commis au préjudice de la CIPAV.

Il n’est pas établi que la CAVOM a pu identifier l’existence d’une fraude avant l’émission des chèques litigieux et aurait commis une faute en omettant d’en aviser ses affiliés. Par conséquent, la responsabilité de la CAVOM n’est pas engagée.

Quelles fautes ont été relevées à l’encontre de la SCP LEX61 ?

La faute du signataire du chèque qui facilite la réalisation de la fraude peut exonérer totalement ou partiellement le banquier de sa responsabilité. Une négligence grave, constitutive de la cause exclusive des dommages invoqués, est de nature à exonérer la banque de sa responsabilité.

La Banque Postale reproche trois fautes à la SCP LEX61 : en premier lieu d’avoir envoyé ses chèques par courrier simple, en deuxième lieu de ne pas avoir payé par prélèvement ou virement, en troisième lieu de ne pas attraire en la cause Messieurs [C] ET [A] qui ont encaissé les chèques.

S’agissant de l’envoi des chèques par lettre simple, il a été jugé qu’en l’absence de circonstances de nature à lui imposer une vigilance particulière, le fait pour le tireur d’expédier par courrier simple un chèque n’est pas à lui seul constitutif d’une faute.

Il en résulte qu’aucune faute ne peut être reprochée à la SCP LEX61 pour avoir envoyé les chèques litigieux par courrier simple.

Quelles sont les décisions concernant la garantie de la Caisse des dépôts et consignations ?

Aucune faute n’a été retenue à l’égard de la CDC. Par conséquent, les demandes de condamnation in solidum formées à son égard par la SCP LEX61 seront rejetées. Pour la même raison, les demandes de garantie formées à son égard par la BRED Banque Populaire seront également rejetées.

Quel est le montant des condamnations prononcées dans cette affaire ?

En l’absence de faute retenue à l’encontre de la CDC, de la CAVOM et du Crédit Lyonnais, seules la Banque Postale, la BRED Banque Populaire et la Caisse de Crédit Mutuel Saint Denis seront condamnées à payer à la SCP LEX61 le montant des chèques détournés.

La SCP LEX61 demande d’assortir la condamnation des banques présentatrices des intérêts au taux légal à compter de ses conclusions du 10 octobre 2023. En l’espèce, le principe de la responsabilité de la Banque Postale de la BRED Banque Populaire et de la Caisse de Crédit Mutuel Saint Denis résulte du présent jugement.

Il y aura donc lieu de condamner :
– la Banque Postale à payer à la SCP LEX61 la somme de 9 072 euros, avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement,
– la Caisse de Crédit Mutuel Saint Denis à payer à la SCP LEX61 la somme de 2 289 euros, avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement,
– la BRED Banque Populaire à payer la SCP LEX61 la somme de 2 000 euros, avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement.

Quels sont les frais du procès et qui en est responsable ?

L’article 695 du code de procédure civile énumère les frais du procès qui entrent dans la catégorie des dépens. Il est de principe que les dépens sont à la charge de la partie perdante, conformément à l’article 696 du code de procédure civile.

Parties perdantes au procès, les sociétés la Banque Postale, la BRED Banque Populaire, et la Caisse de Crédit Mutuel Saint Denis seront condamnées in solidum au paiement des entiers dépens, conformément à l’article 696 du code de procédure civile.

La SCP LEX61, qui succombe en ses demandes à l’égard de la CDC et de la CAVOM, sera condamnée à payer la somme de 2 000 euros à la CDC ainsi que la somme de 2000 euros à la CAVOM au titre de l’article 700 du CPC.

Quelles sont les décisions concernant l’exécution provisoire ?

Les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire, en application de l’article 514 du code de procédure civile. Le juge peut toutefois écarter l’exécution provisoire de droit, en tout ou partie, s’il estime qu’elle est incompatible avec la nature de l’affaire, conformément à l’article 514-1 du code de procédure civile.

Aucune circonstance du présent litige n’impose d’écarter l’exécution provisoire.

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1]

Copies exécutoires délivrées le :

9ème chambre 1ère section

N° RG 21/10046
N° Portalis 352J-W-B7F-CU37X

N° MINUTE :

Contradictoire

Assignation du :
26 juillet 2021

JUGEMENT
rendu le 27 novembre 2024
DEMANDERESSE

S.C.P. DELACROIX RICHARD CROC BARAULT
exerçant sous l’enseigne commerciale LEX61
[Adresse 8]
[Localité 7]

représentée par Maître Blandine DAVID de la SELARL BALAVOINE et DAVID Avocats – BMP & Associés, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #R110

DÉFENDERESSES

CAISSE DES DÉPÔTS ET CONSIGNATIONS
[Adresse 6]
[Localité 11]

représentée par Me Thierry BISSIER, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #B0481

Société CAVOM
[Adresse 4]
[Localité 12]

représentée par Maître Paul-albert IWEINS de la SELAS SELAS VALSAMIDIS AMSALLEM JONATH FLAICHER et ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #J0010

INTERVENANTS FORCÉS

S.A. LA BANQUE POSTALE
[Adresse 1]
[Localité 10]

représentée par Maître Jean-philippe GOSSET de la SELEURL CABINET GOSSET, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #B0812
Décision du 27 Novembre 2024
9ème chambre 1ère section
N° RG 21/10046 – N° Portalis 352J-W-B7F-CU37X

Société BRED BANQUE POPULAIRE
[Adresse 2]
[Localité 13]

représentée par Maître Frédéric DOCEUL de la SELAS LHUMEAU GIORGETTI HENNEQUIN & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #P0483

S.A. LE CRÉDIT LYONNAIS
[Adresse 3]
[Localité 9]

représentée par Maître Frédéric LEVADE de l’AARPI NMCG AARPI, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #L007

INTERVENANT VOLONTAIRE

CAISSE DE CREDIT MUTUEL SAINT DENIS (CCM SAINT DENIS)
[Adresse 5]
[Localité 14]

représentée par Me Pauline BINET, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #G0560

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame Anne-Cécile SOULARD, Vice-présidente,
Monsieur Patrick NAVARRI, Vice-président,
Madame Marine PARNAUDEAU, Vice-présidente,

assistés de Madame Sandrine BREARD, Greffière.

DÉBATS

A l’audience du 16 octobre 2024 tenue en audience publique devant Madame Anne-Cécile SOULARD, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seule l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de procédure civile.

JUGEMENT

Rendu publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
En premier ressort

EXPOSÉ DU LITIGE
La société civile professionnelle Guillaume Delacroix – Véronique Richard – Emilien Barrault – Pierre Lerick est une étude d’huissiers de justice située à [Localité 15] (61) qui exerce sous l’enseigne commerciale LEX61 (ci-après la SCP LEX61).
Les huissiers membres de cette étude sont affiliés à la Caisse d’Assurance Vieillesse des Offices Ministériels, des Officiers Publics et des Compagnies Judiciaires (ci-après la CAVOM). Ils versent à la CAVOM des cotisations sociales en vue de leur retraite.
Plusieurs huissiers de la SCP LEX61 ont réglé leurs cotisations par chèques en 2019 et 2020.
Ils ont adressé par voie postale à la CAVOM les chèques suivants, tirés sur le compte de l’étude ouvert auprès de la Caisse des dépôts et consignations (ci-après la CDC) :
– chèque n°1160 d’un montant de 7 072 euros tiré le 4 décembre 2019,
– chèque n°1304 d’un montant de 2 000 euros tiré le 7 juillet 2000,
– chèque n°121 d’un montant de 2 289 euros tiré le 8 juillet 2020,
– chèque n°1307 d’un montant de 2 000 euros tiré le 10 août 2020,
– chèque n°1308 d’un montant de 4578 euros tiré le 10 août 2020.
Ces 5 chèques ont été débités du compte de la SCP LEX61 ouvert auprès de la CDC mais n’ont pas été encaissés par la CAVOM.
Ils ont été débités de la façon suivante :
– le chèque n°1160 d’un montant de 7 072 euros tiré le 4 décembre 2019 a été débité le 10 décembre 2019 et encaissé au bénéfice de M. [C] sur un compte ouvert dans les livres de la Banque Postale,
– le chèque n°1304 d’un montant de 2 000 euros tiré le 7 juillet 2020 a été débité le 17 juillet 2020 et encaissé au bénéfice de la SASU CPF sur un compte ouvert auprès de la BRED Banque Populaire,
– le chèque n°121 d’un montant de 2 289 euros tiré le 8 juillet 2020 a été débité le 16 juillet 2020 et encaissé au bénéfice de M. [F] [L] sur un compte ouvert au Crédit Mutuel,
– le chèque n°1307 d’un montant de 2 000 euros tiré le 10 août 2020 a été débité le 19 août 2020 et encaissé au bénéfice de M. [A] [I] sur un compte ouvert à la Banque Postale.
– le chèque n°1308 d’un montant de 4 578 euros tiré le 10 août 2020 a été débité le 17 août 2020 et encaissé au bénéfice de TSA 24 SERVICES sur un compte ouvert au Crédit Lyonnais.
Le 27 novembre 2020, la SCP LEX61 a déposé plainte auprès des services de police d’[Localité 15].
Par lettre du 27 novembre 2020, la SCP LEX61 a fait opposition aux 5 chèques litigieux et demandé le remboursement de la somme de 17 939 euros à la CDC en considérant que les chèques litigieux avaient fait l’objet d’une falsification.
Par courrier du 15 décembre 2020, la CAVOM a avisé le Procureur de la République de Paris que 47 de ses affiliés ont été victimes de détournements de chèques.
La CDC a sollicité, en vain, le remboursement de chacun des 5 chèques auprès des banques présentatrices.
Par actes en date du 26 juillet 2021, la SCP LEX61 a fait assigner en responsabilité :
– la Caisse des dépôts et Consignations en tant que banque tirée pour cause d’encaissement en dépit d’une falsification du nom du bénéficiaire des chèques,
– la CAVOM, destinataire initiale de ces chèques dans les locaux de laquelle ils se seraient trouvés avant leur présentation à l’encaissement par des tiers.
La SCP Lex 61 agit sur le fondement des articles L. 131-2, L. 131-6 et L. 131-38 du code monétaire et financier et des articles 1231-1, 1240, 1310 et 1937 du code civil, aux fins d’indemnisation d’un préjudice matériel d’un montant de 17 939 euros correspondant à la somme des cinq chèques litigieux.
Par actes en date des 9 et 10 décembre 2021, la CDC a fait assigner en intervention forcée les banques présentatrices des cinq chèques litigieux :
– la SA La Banque Postale,
– la société BRED Banque Populaire,
– la société Caisse Fédérale de Crédit Mutuel
– et la SA Crédit Lyonnais,
Elle sollicite leur garantie en cas de condamnation à indemniser la SCP Lex 61.
La jonction des deux instances a été ordonnée par le juge de la mise en état le 26 janvier 2022.
La Caisse des dépôts et consignations a sollicité un sursis à statuer dans l’attente de l’issue de la plainte avec constitution de partie civile qu’elle a déposée le 27 octobre 2021. Dans cette plainte, elle fait état de nombreux autres chèques destinés à la CAVOM, émis par différents professionnels du droit, qui ont fait l’objet de détournements.
Par ordonnance du 31 août 2022, le juge de la mise en état a :
– déclaré recevable l’exception de sursis à statuer soulevée par la Caisse des dépôts et Consignations,
– rejeté la demande de sursis à statuer formée par la Caisse des dépôts et Consignations,
– mis hors de cause la société Caisse Fédérale de Crédit Mutuel d’Ile de France,
– reçu la société Caisse de Crédit Mutuel Saint Denis en son intervention volontaire,
– débouté la S.C.P. Guillaume Delacroix-Véronique Richard-Charlotte Croc- Emilien Brault-Pierre Lerick de sa demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– dit que les dépens de l’incident suivront le sort qui sera donné par le Tribunal à ceux du fond,
– renvoyé l’affaire et les parties à la mise en état.

Demandes et moyens de la SCP LEX61
Dans ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 10 avril 2024, la SCP LEX61 demande au tribunal de :
« Condamner in solidum la Caisse des Dépôts et Consignations et la Caisse d’Assurance Vieillesse des Officiers Ministériels, des officiers publics et des compagnies judiciaires à payer à la SOCIETE CIVILE PROFESSIONNELLE GUILLAUME DELACROIX – VERONIQUE RICHARD – EMILIEN BARAULT – PIERRE LERICK TITULAIRE DES OFFICES DE [Localité 16] ET [Localité 15] la somme de 17.939 € à titre de dommages et intérêts, outre les intérêts au taux légal à compter de l’assignation introductive d’instance,
Condamner la Caisse de Crédit Mutuel Saint Denis à payer à la SOCIETE CIVILE PROFESSIONNELLE GUILLAUME DELACROIX – VERONIQUE RICHARD – EMILIEN BARAULT – PIERRE LERICK TITULAIRE DES OFFICES DE [Localité 16] ET [Localité 15] la somme de 2.289 € in solidum avec la Caisse des Dépôts et Consignations et la Caisse d’Assurance Vieillesse des Officiers Ministériels, des officiers publics et des compagnies judiciaires, outre les intérêts au taux légal à compter des conclusions du 10 octobre 2023,
Condamner la société Le Crédit Lyonnais LCL à payer à la SOCIETE CIVILE PROFESSIONNELLE GUILLAUME DELACROIX – VERONIQUE RICHARD – EMILIEN BARAULT – PIERRE LERICK TITULAIRE DES OFFICES DE [Localité 16] ET [Localité 15] la somme de 4.578 € in solidum avec la Caisse des Dépôts et Consignations et la Caisse d’Assurance Vieillesse des Officiers Ministériels, des officiers publics et des compagnies judiciaires, outre les intérêts au taux légal à compter des conclusions du 10 octobre 2023,
Condamner la société La Banque Postale à payer à la SOCIETE CIVILE PROFESSIONNELLE GUILLAUME DELACROIX – VERONIQUE RICHARD – EMILIEN BARAULT – PIERRE LERICK TITULAIRE DES OFFICES DE [Localité 16] ET [Localité 15] la somme de 9.072 € in solidum avec la Caisse des Dépôts et Consignations et la Caisse d’Assurance Vieillesse des Officiers Ministériels, des officiers publics et des compagnies judiciaires, outre les intérêts au taux légal à compter des conclusions du 10 octobre 2023,
Condamner la société BRED Banque Populaire à payer à la SOCIETE CIVILE PROFESSIONNELLE GUILLAUME DELACROIX – VERONIQUE RICHARD – EMILIEN BARAULT – PIERRE LERICK TITULAIRE DES OFFICES DE [Localité 16] ET [Localité 15] la somme de 2.000 € in solidum avec la Caisse des Dépôts et Consignations et la Caisse d’Assurance Vieillesse des Officiers Ministériels, des officiers publics et des compagnies judiciaires, outre les intérêts au taux légal à compter des conclusions du 10 octobre 2023,
Ordonner la capitalisation des intérêts,
Débouter les défendeurs de toutes leurs demandes, fins et prétentions dirigées à l’encontre de la SOCIETE CIVILE PROFESSIONNELLE GUILLAUME DELACROIX – VERONIQUE RICHARD – EMILIEN BARAULT – PIERRE LERICK TITULAIRE DES OFFICES DE [Localité 16] ET [Localité 15],
Condamner in solidum l’ensemble des sociétés défenderesses à payer à la SOCIETE CIVILE PROFESSIONNELLE GUILLAUME DELACROIX – VERONIQUE RICHARD – EMILIEN BARAULT – PIERRE LERICK TITULAIRE DES OFFICES DE [Localité 16] ET [Localité 15] la somme 5.000 € en application de l’article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens. »
La SCP LEX61 expose qu’elle a bien émis les chèques litigieux mais que des tiers ont falsifié le nom du bénéficiaire desdits chèques, la CAVOM, pour le remplacer par un autre nom. Elle indique qu’elle n’a été avisée de la fraude que le 26 novembre 2020 et qu’elle a immédiatement formé opposition, le 27 novembre 2020. Elle reproche à la CDC d’avoir payé les chèques nonobstant son opposition. Elle souligne qu’elle a formé opposition dans le délai légal d’un an et 8 jours.
La SCP LEX61 reproche également à la CDC d’avoir manqué à son obligation de vigilance et de ne pas avoir décelé les anomalies manifestes figurant sur les chèques. Elle relève que le nom du bénéficiaire initial, la CAVOM, a été gratté ou effacé et remplacé par l’indication d’autres bénéficiaires. Elle constate que l’écriture figurant sur la ligne du bénéficiaire et l’encre utilisée pour cette écriture sont différentes par rapport aux autres mentions du chèque.
La SCP LEX61 reproche à la CDC de ne pas fournir les originaux des chèques mais seulement des copies alors qu’il lui revient de prouver que ceux-ci n’étaient pas affectés d’une anomalie apparente.
Elle conteste toute faute et soutient qu’elle n’était pas tenue d’envoyer les chèques par courrier recommandé et qu’elle était autorisée par la CAVOM à payer par chèque. Elle précise que le paiement par chèque était le seul moyen de procéder à un paiement échelonné.
A l’appui de ses griefs à l’encontre de la CAVOM, la SCP LEX61 évoque des détournements de chèques commis au bénéfice d’une autre caisse de retraite, la CIPAV, en 2010. Elle souligne que la CIPAV partageait le même siège social que la CAVOM jusqu’en septembre 2019. Elle considère que la CAVOM aurait dû être particulièrement vigilante compte tenu de ce précédent. Elle estime que la CAVOM a tardé à réagir en n’alertant ses affiliés du risque de détournement de leurs chèques qu’en novembre 2020 alors que la première plainte pour chèque détourné remonte au 24 janvier 2020.
La SCP LEX61 engage également la responsabilité des banques présentatrices pour n’avoir pas détecté les anomalies apparentes sur les chèques qu’elles ont encaissés. Elle leur reproche de ne pas fournir les documents contractuels justifiant qu’elles se sont acquittées de leurs obligations lors de l’ouverture du compte. Elle relève qu’elles ne fournissent que des copies des chèques litigieux, parfois dans une version illisible, et soutient que la signature sur l’endos des chèques ne correspond pas à celle du bénéficiaire du compte.
Demandes et moyens de la Caisse des dépôts et consignations
Dans ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 7 juin 2024, la Caisse des dépôts et consignations demande au tribunal de :
« A TITRE PRINCIPAL
Vu l’article L 131-35 et L 131-38 du Code Monétaire et Financier,
Vu l’absence d’anomalie apparente relative aux cinq chèques litigieux pour un employé de banque normalement diligent.
Vu les chèques litigieux dits « non-circulants » car d’un montant inférieur à 10.000 €.
Juger que la CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS n’a commis aucune faute de nature à engager sa responsabilité.
En conséquence, mettre hors de cause la CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS.
A TITRE SUBSIDIAIRE
Vu l’article 1240 du Code Civil
Juger que la SCP LEX61, tireur, la CAVOM et les banques présentatrices (LA BANQUE POSTALE, la BRED BANQUE POPULAIRE, LA CAISSE DE CREDIT MUTUEL SAINT DENIS et le LCL), ont commis des fautes à l’origine directe et exclusive du dommage, ce qui exonère toute part éventuelle de responsabilité de la CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS.
Débouter la SCP LEX61 de ses demandes, fins et conclusions.
Débouter l’ensemble des parties de toutes demandes contraires.
A TITRE INFINIMENT SUBSIDIAIRE
Si par extraordinaire, le Tribunal de céans retenait l’existence d’anomalies apparentes sur les chèques litigieux :
En cas de partage de responsabilité et d’éventuelle condamnation de la CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS, surseoir à statuer sur son appel en garantie à l’encontre des autres parties dans l’attente de l’issue de procédure pénale en cours.
A défaut de surseoir à statuer, ordonner le partage de responsabilité essentiellement entre LA BANQUE POSTALE, la BRED BANQUE POPULAIRE, LA CAISSE DE CREDIT MUTUEL SAINT DENIS et le LCL, les banques présentatrices, mais également avec la CAVOM et la SCP LEX61 qui ont commis des fautes en lien direct avec le préjudice invoqué, et limiter à 10% la part de responsabilité de la CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS, banque tirée.
EN TOUTES HYPOTHESES
Condamner la SCP LEX61 et/ou toute partie succombante à payer à la CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS la somme de 5.000 € au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile.
Et la/les condamner, au besoin in solidum, aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Thierry BISSIER, Avocat Postulant aux offres de droit. »
La CDC conteste avoir commis la moindre faute lors du traitement des chèques litigieux. En revanche, elle considère que la SCP LEX61 et les banques présentatrices ont commis des fautes de nature à l’exonérer de toute responsabilité.
La CDC affirme qu’elle n’a pas payé des chèques frappés d’opposition. Elle relève que la SCP LEX61 a formé opposition aux chèques le 27 novembre 2020 alors que ceux-ci ont été présentés à l’encaissement entre le 10 décembre 2019 et le 19 août 2020. Elle souligne que l’opposition de la SCP LEX61 a également été formée au-delà du délai de 60 jours pour demander le rejet d’un chèque déjà encaissé, délai qui court à compter de la date d’émission du chèque.
La CDC considère que les chèques litigieux ne présentaient aucune anomalie apparente décelable par un employé normalement diligent. Elle observe que les chèques contenaient toutes les mentions obligatoires et que l’éventuelle différence de calligraphie entre le nom du bénéficiaire et les autres mentions du chèque ne constitue pas une anomalie, celle-ci n’étant pas manifeste et constituant au demeurant une pratique courante qui ne remet pas en cause la validité du chèque.
La CDC soutient que la SCP LEX61 aurait dû procéder au paiement des cotisations par voie dématérialisée ou à tout le moins envoyer les chèques par lettre recommandée avec accusé de réception, d’autant plus que la période de crise sanitaire justifiait de telles précautions. Elle reproche également à la SCP LEX61 de ne pas avoir réagi et vérifié le bon encaissement de ses chèques malgré le rejet d’un chèque de 1 500 euros tiré le 17 décembre 2019.
La CDC estime également que des négligences ont été commises dans la réception et le traitement des chèques reçus au sein de la CAVOM. Elle considère que la CAVOM a tardé à réagir malgré la découverte de divers chèques falsifiés et l’existence de précédents détournements commis à l’égard de chèques destinés à la CIPAV, autre caisse de retraite domiciliée à la même adresse que la CAVOM.
La CDC met en cause la responsabilité des banques présentatrices en leur reprochant les faits suivants :
– la Banque Postale n’a pas relevé la différence de signature de M. [I] entre la signature sur l’endos du chèque et celle figurant sur sa pièce d’identité,
– la Banque Postale ne justifie pas, comme elle l’allègue, de la clôture du compte de M ; [C] et ne fournit qu’une copie du verso du chèque non lisible,
– la Caisse de Crédit Mutuel Saint Denis n’a pas relevé la différence de signature de M. [L] entre celle figurant sur la convention d’ouverture du compte et celle figurant sur l’endos du chèque, elle n’a pas été vigilante malgré son refus concomitant d’encaisser d’autres chèques d’origine douteuse,
– la BRED Banque Populaire n’a pas relevé la différence de signature de M. [X] [D], président de la SASU CPF entre l’endos du chèque et les différents documents dont elle disposait,
– le Crédit Lyonnais n’a pas relevé la différence de signature du représentant de la société TSA 24 SERVICES entre l’endos du chèque et le spécimen dont elle disposait.
Enfin, à titre infiniment subsidiaire, la Caisse des dépôts et consignations sollicite la garantie des banques présentatrices, de la CAVOM et de la SCP LEX61 en raison des fautes qu’elles ont commises ainsi que le sursis à statuer dans l’attente de l’issue de la procédure pénale.
Elle rappelle que les chèques litigieux sont des chèques « non-circulants » qui ne sont pas transmis en original à la banque tirée pour vérification. Elle remarque que seules les banques présentatrices ont été en possession des originaux des chèques et qu’il leur appartenait de détecter, en premier, les anomalies sur les chèques.
Demandes et moyens de la CAVOM
Dans ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 19 avril 2024, la CAVOM demande au tribunal de :
« Juger que la CAVOM n’a pas engagé sa responsabilité à l’égard de la SCP Guillaume Delacroix – Véronique Richard – Charlotte Croc – Emilien Barault -Pierre Lerick et par conséquent débouter cette dernière de toute demande qu’elle forme à l’encontre de la CAVOM ;
Débouter toute partie de toute demande qui serait formée à l’encontre de la CAVOM ;
En tout état de cause :
Condamner la SCP Guillaume Delacroix – Véronique Richard – Charlotte Croc – Emilien Barault -Pierre Lerick à verser à la CAVOM la somme de 5.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens. »
La CAVOM conteste toute faute de sa part et reproche au contraire à la SCP LEX61 d’avoir été négligente. Elle relève qu’elle demandait à ses affiliés de payer leurs cotisations par voie dématérialisée, soit par prélèvement soit par TIP SEPA. Elle remarque que les affiliés devaient adresser leur paiement à un centre de traitement et non au siège social de la CAVOM comme l’a fait la SCP LEX61.
La CAVOM conteste les allégations de la SCP LEX61 selon laquelle les détournements de chèques auraient été rendus possibles par des travaux de rénovation réalisés en son siège social. Elle réfute toute analogie avec les détournements de chèques commis en 2010 au préjudice d’une autre caisse de retraite, la CIPAV.
La CAVOM estime que la SCP LEX61 a tardé à vérifier l’encaissement des chèques alors qu’elle avait eu connaissance dès décembre 2019 d’un chèque adressé à la CAVOM et rejeté.
La CAVOM rejette les griefs que lui adresse la CDC et soutient au contraire qu’elle a fait preuve de diligence dans l’intérêt de ses affiliés. Elle relève qu’elle a été avisée des détournements de chèques tardivement, fin 2020, et qu’elle a immédiatement alerté ses affiliés du risque en leur demandant de l’avertir de tout détournement constaté. Elle observe qu’elle a adressé le 15 décembre 2020 un courrier au parquet de Paris afin qu’un parquet unique soit saisi de l’ensemble des faits commis au préjudice d’affiliés disséminés sur tout le territoire national.

Demandes et moyens de la Caisse de Crédit Mutuel Saint Denis
Dans ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 14 février 2023, la Caisse de Crédit Mutuel Saint Denis demande au tribunal de :
« RECEVOIR la CCM SAINT DENIS en ses conclusions et demandes, l’y déclarant bien fondée,
DIRE ET JUGER que la CCM SAINT DENIS n’a pas engagé sa responsabilité, en sa qualité de banquier présentateur du chèque ne s’étant rendue l’auteur d’aucune faute ayant causé un préjudice à la CDC et à la SCP LEX61,
En conséquence,
DEBOUTER la CDC de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
En toutes hypothèses,
CONDAMNER la CDC à payer à la CCM SAINT DENIS la somme de 2.000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile,
CONDAMNER la CDC aux entiers dépens de l’instance. »
La Caisse de Crédit Mutuel Saint Denis soutient que la banque présentatrice est libérée de son obligation de restitution des fonds lorsque le chèque litigieux ne présente pas de traces évidentes de falsification. Elle remarque que le chèque libellé au nom de Monsieur [F] [L] ne présentait aucune rature, surcharge, irrégularité de traits, lavage ou grattage visible.
Elle relève également qu’elle a été destinataire d’une demande de remboursement de la SCP LEX61 le 2 décembre 2020 alors que le chèque a été émis le 8 juillet 2020 et qu’elle avait clôturé le compte de M. [L] au mois de novembre 2020.
La Caisse de Crédit Mutuel Saint Denis conteste toute garantie en faveur de la Caisse des dépôts et consignations. Elle estime que si une condamnation devait être prononcée, celle-ci aurait participé à son préjudice. Elle ajoute que la SCP LEX61 n’apporte pas la preuve qu’elle aurait à l’origine libellé le chèque à l’ordre de la CAVOM.

Demandes et moyens du Crédit Lyonnais
Dans ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 28 juin 2024, le Crédit Lyonnais demande au tribunal de :
« Recevoir le CREDIT LYONNAIS en ses conclusions et demandes, l’y déclarant bien fondé.
A titre principal,
Débouter la CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions.
A titre infiniment subsidiaire et dans l’hypothèse extraordinaire où une somme devait être mise à la charge du CREDIT LYONNAIS au titre du chèque d’un montant de 4.478,00 Euros remis à l’encaissement par la société TSA 24 SERVICES,
Condamner la CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS à garantir le CREDIT LYONNAIS de toutes sommes qui pourraient être mises à sa charge.
En tout état de cause,
Condamner la CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS à payer au CREDIT LYONNAIS la somme de 3.000,00 € au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile.
Condamner la CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS aux entiers dépens. »
Le Crédit Lyonnais fait valoir que l’obligation de vigilance pèse sur le banquier tiré, qui est en l’espèce la Caisse des dépôts et consignations. Il considère qu’en sa qualité de banquier présentateur en paiement, il était uniquement tenu de vérifier la présence d’un endos.
Le Crédit Lyonnais relève que l’endos du chèque pour le compte de la société TSA 24 SERVICES était régulier et qu’il n’existait pas de différence décelable entre la signature sur l’endos et le spécimen de signature dont il disposait. Il en conclut qu’aucune anomalie apparente n’était décelable pour un employé de banque normalement diligent.

Demandes et moyens de la BRED Banque Populaire
Dans ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 23 avril 2024, la BRED Banque Populaire demande au tribunal de :
« RECEVOIR la BRED BANQUE POPULAIRE en ses demandes et conclusions, et les déclarer bien fondées,
DEBOUTER la CDC de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions à l’égard de la BRED BANQUE POPULAIRE,
DEBOUTER la SCP LEX 61 de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions à l’égard de la BRED BANQUE POPULAIRE,
A TITRE SUBSIDIAIRE, CONDAMNER la CDC à garantir la BRED BANQUE POPULAIRE de toute condamnation éventuelle qui pourrait être par extraordinaire prononcée à son encontre par le Tribunal de céans,
CONDAMNER toute partie succombante à verser à la BRED BANQUE POPULAIRE la somme de 5.000 €, en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile,
CONDAMNER toute partie succombante aux entiers dépens, dont distraction au profit de la SELAS LGH & ASSOCIES, avocat aux offres de droit, et ce en application des dispositions spécifiques de l’article 699 du Code de procédure civile, »
La BRED Banque Populaire expose que la copie du recto de chèque de 2 000 euros ne présentait aucune falsification aisément décelable, ce qui l’exonère de toute faute en tant que banque présentatrice. Elle allègue que la signature sur l’endos du chèque litigieux ne présente aucune différence évidente avec celle figurant sur les documents contractuels de la SASU CPF remis lors de l’ouverture du compte.

Demandes et moyens de la Banque Postale
Dans ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 8 avril 2024, la Banque Postale demande au tribunal de :
« RECEVOIR LA BANQUE POSTALE dans ses conclusions, l’y déclarant bien fondé ;
A titre principal :
JUGER que la responsabilité de LA BANQUE POSTALE n’est pas engagée ;
JUGER que la SCP LEX 61 a fait preuve d’une particulière négligence de nature à exonérer LA BANQUE POSTALE de toute éventuelle responsabilité ;
DEBOUTER LA CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS et La SCP LEX 61 de l’ensemble de leurs demandes, fins et prétentions à l’encontre de LA BANQUE POSTALE ;
A titre subsidiaire :
Si par extraordinaire, le Tribunal devait considérer qu’il existe une falsification apparente des titres de paiement :
LIMITER l’appel en garantie formulé par LA CAISSE DES DEPOTS ETCONSIGNATIONS à la seule moitié du montant du chèque litigieux soit 4.536 euros et à l’exclusion de toutes les autres demandes formées par la SCP LEX 61 à l’encontre de LA CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS ;
CONDAMNER la CAVOM à garantir LA BANQUE POSTALE de toutes condamnations prononcées à son égard.
En tout état de cause :
CONDAMNER la ou les partie(s) succombante(s) à verser à LA BANQUE POSTALE la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;
CONDAMNER la ou les partie(s) succombante(s) aux entiers dépens. »
La Banque Postale fait valoir que les deux chèques litigieux, remis à l’encaissement respectivement par M. [C] et M. [A], présentaient une apparence de régularité. Elle observe en particulier que le numéro de compte et la signature figurant sur l’endos de chaque chèque litigieux étaient parfaitement conformes.
La Banque Postale considère que la SCP LEX61 a commis des fautes à l’origine de son préjudice notamment en n’envoyant pas les chèques par courrier recommandé et en payant par chèque au lieu de payer par virement ou prélèvement. Elle souligne que la CAVOM a également fait preuve de négligence dans la réception et le traitement des chèques reçus.
* * *
Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il sera renvoyé aux dernières écritures des parties pour l’exposé des moyens et arguments venant au soutien de leurs demandes et de leurs défenses.
Le juge de la mise en état a clôturé l’instruction de l’affaire par ordonnance du 3 juillet 2024 et fixé l’affaire pour être plaidée à l’audience tenue en juge rapporteur du 16 octobre 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION
1. Sur la responsabilité de la Caisse des dépôts et consignations
1.1. Sur le paiement des chèques malgré l’opposition
Aux termes de l’article L.131-32 du code monétaire et financier, le chèque émis et payable dans la France métropolitaine doit être présenté au paiement dans le délai de huit jours.
En application de l’article L.131-35 du code monétaire et financier, le tiré doit payer même après l’expiration du délai de présentation. Il n’est admis d’opposition au paiement par chèque qu’en cas de perte, de vol ou d’utilisation frauduleuse du chèque, de procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaires du porteur.
Selon l’article L.131-38 du code monétaire et financier, celui qui paie un chèque sans opposition est présumé valablement libéré. Le tiré qui paie un chèque endossable est obligé de vérifier la régularité de la suite des endossements, mais non la signature des endosseurs.
Il en résulte que la banque tirée est tenue d’une obligation au paiement lorsque les chèques ne sont pas frappés d’opposition au moment de leur présentation.
En l’espèce les chèques litigieux ont été émis entre le 4 décembre 2019 et le 10 août 2020. Ils ont été encaissés entre le 10 décembre 2019 et le 19 août 2020.
La SCP LEX61 a formé opposition le 27 novembre 2020, soit plusieurs mois après l’encaissement du dernier chèque.
Par conséquent, les chèques n’étaient pas frappés d’opposition au moment de leur présentation.
La SCP LEX61 se prévaut d’un délai d’opposition de un an et huit jours qui résulterait de l’article L.131-59 du code monétaire et financier.
Aux termes de l’article L.131-59 du code monétaire et financier, l’action du porteur du chèque contre le tiré se prescrit par un an à partir de l’expiration du délai de présentation.
Ces dispositions sont relatives au délai de prescription de l’action du porteur du chèque contre le tiré. Elles n’établissent pas de durée relative au délai d’opposition.
Dans ces conditions, il ne saurait être reproché à la CDC d’avoir payé des chèques frappés d’opposition.
1.2. Sur les anomalies apparentes
Le banquier est tenu à un devoir général de vigilance.
En application de ce devoir de vigilance, le banquier doit relever les anomalies apparentes d’un chèque qui lui est présenté. L’anomalie apparente est celle qui ne doit pas échapper au contrôle d’un banquier normalement diligent.
En conséquence, si le banquier paye un chèque alors que la falsification du titre est apparente, le banquier engage sa responsabilité.
Cette obligation de vigilance, s’agissant des chèques s’impose tant à la banque tirée qu’à la banque présentatrice.
En vertu des articles 1231-1 du code civil et L131-2 du code monétaire et financier, il incombe au banquier tiré de vérifier la régularité formelle du chèque qui doit comporter toutes les mentions exigées par la seconde de ces dispositions, et de s’assurer qu’il ne présente aucune anomalie décelable par un préposé normalement diligent, tels grattage, surcharge, altération visible. En revanche, il résulte du principe de non-ingérence dans les affaires de son client que le banquier n’a pas à s’enquérir de la conformité du montant du chèque ou de son bénéficiaire aux habitudes de son client, sauf circonstances constituant une anomalie matérielle ou intellectuelle apparente.
Par ailleurs, il résulte de la combinaison des articles 9 du code de procédure civile et 1315, alinéa 2, devenu 1353, alinéa 2, du code civil que s’il incombe à l’émetteur d’un chèque d’établir que celui-ci a été falsifié, il revient à la banque tirée, dont la responsabilité est recherchée pour avoir manqué à son obligation de vigilance et qui ne peut représenter l’original de ce chèque, de prouver que celui-ci n’était pas affecté d’une anomalie apparente, à moins que le chèque n’ait été restitué au tireur. (C. cass. Com. 9 novembre 2022 , n°20-20.031)
La SCP LEX61 met en cause en premier lieu la responsabilité de la banque tirée, la CDC. Il est acquis aux débats que les chèques litigieux étaient en réalité destinés à la CAVOM mais qu’ils ont été encaissés frauduleusement par des tiers. Il revient donc à la CDC d’établir que les chèques litigieux n’étaient pas affectés d’une anomalie apparente.
La CDC fournit l’image recto de chacun des chèques litigieux ainsi que la copie recto verso de ces chèques. Elle souligne qu’elle n’a disposé que de copies des rectos des chèques lors de leur présentation s’agissant de chèques d’une valeur inférieure à 10 000 euros, dits « non-circulants ». Elle affirme sans être contredite par les banques présentatrices qu’elle n’a jamais disposé des originaux des chèques.
Dans ces conditions, il n’appartient pas à la CDC de fournir les originaux des chèques mais aux banques présentatrices et il convient d’apprécier si la CDC pouvait déceler une anomalie apparente à partir de la copie des chèques dont elle disposait.
La SCP LEX61 fait valoir que le nom du bénéficiaire a été altéré puisque le bénéficiaire initial était la CAVOM. Elle ne produit cependant pas de copies des chèques telles qu’elle les a envoyés. Le tribunal ne peut donc comparer le chèque initial et celui sur la base duquel les banques ont procédé à l’encaissement.
La copie des chèques litigieux (pièces 3 à 7) fournie par la CDC ne laisse pas apparaître de surcharge, de lavage ou de grattage au niveau de la mention du bénéficiaire. La mention du bénéficiaire semble d’une écriture différente de celles des autres mentions. Cependant, il est de pratique courante que le bénéficiaire du chèque soit libellé au moyen d’une écriture et d’une encre distincte de celle des autres mentions du chèque. Une telle différence ne constitue donc pas une anomalie que le banquier devait détecter.
La SCP LEX61 évoque également des discontinuités sur la ligne du bénéficiaire du chèque. Toutefois, de telles discontinuités ne sont pas visibles sur les pièces précitées.
Les chèques litigieux comprennent en outre toutes les mentions obligatoires énumérées par l’article L.131-2 du code monétaire et financier dont le nom du bénéficiaire ne fait pas partie.
Il en résulte que ces chèques ne présentaient aucune anomalie apparente, que la CDC, banque tirée, devait déceler.
Par conséquent, la responsabilité de la CDC n’est pas engagée.
2. Sur la responsabilité des banques présentatrices
Aucune faute n’étant retenue à la charge de la CDC, il n’y a pas lieu d’examiner la responsabilité des banques présentatrices sur le fondement de l’appel en garantie de la CDC.
Toutefois, la SCP LEX61 formule des demandes indemnitaires à l’égard des banques présentatrices.
Il y a donc lieu d’examiner la responsabilité des banques présentatrices à l’égard de la SCP LEX61.
En vertu des articles 1240 du code civil et de l’article L.131-2 du code monétaire et financier, la banque présentatrice du chèque est tenue, comme la banque du tireur, de s’assurer de la régularité matérielle du titre et de sa régularité apparente en ce qu’il comporte toutes les mentions obligatoires de l’article L132-2 du code monétaire et financier.
Le banquier récepteur, chargé de l’encaissement d’un chèque, est tenu de vérifier la régularité apparente de l’endos apposé sur un chèque remis à l’encaissement (Com. 28 octobre 2008 n°07-08.818). Ainsi, il doit vérifier que la signature d’endos correspond à celle du bénéficiaire désigné. Dans cette perspective, il doit s’assurer que la signature d’endossement correspond bien au spécimen de signature d’une personne habilitée à faire fonctionner le compte au crédit duquel le montant du chèque sera inscrit.
Il a été jugé précédemment que les chèques litigieux ne présentaient pas d’anomalies apparentes au niveau de la mention du bénéficiaire. La CDC ne pouvait donc déceler la falsification du chèque à cet égard, pas plus que les banques présentatrices.
En revanche, s’agissant de la signature figurant sur l’endos du chèque, seule la banque présentatrice peut effectuer la comparaison avec le spécimen de son client qu’elle détient. C’est pourquoi il y a lieu d’apprécier pour chaque chèque litigieux si l’endos présentait une anomalie apparente.
Il n’est pas contesté que les chèques litigieux constituent des chèques « non-circulants » dès lors que leur montant respectif est inférieur à 10 000 euros.
Il en résulte que seules les banques présentatrices ont disposé de l’original du chèque lors de l’encaissement mais qu’elles n’ont transmis à la CDC qu’une copie de ces chèques.
Aucune des banques présentatrices ne verse aux débats l’original des chèques litigieux alors qu’il leur revient de prouver que les chèques présentés à l’encaissement n’étaient pas affectés d’une anomalie apparente.
2.1. Sur la responsabilité de la Banque Postale
La Banque Postale est la présentatrice de deux chèques :
– le chèque d’un montant de 7 072 euros tiré le 4 décembre 2019 et encaissé le 10 décembre 2019 au bénéfice de M. [C],
– le chèque d’un montant de 2000 euros tiré le 10 août 2020 et encaissé le 17 août 2020 au bénéfice de M. [A] [I].
La Banque Postale verse aux débats :
– la copie du passeport de M. [V] [C]
– une facture Orange au nom de ce dernier,
– la copie du passeport de M. [A] [I],
– une attestation d’hébergement au nom de ce dernier accompagnée d’une facture EDF au nom de l’hébergeur.
La Banque Postale ne produit ni les originaux ni les copies des chèques litigieux.
La copie recto verso du chèque litigieux encaissé au bénéfice de M. [C] est fournie par la CDC en sa pièce 3.2.
L’endos du chèque est illisible et ne permet pas au tribunal d’effectuer une comparaison entre la signature y figurant et la signature de M. [C] dont disposait la Banque Postale.
Or, il revient à la Banque Postale, qui ne fournit pas l’original, de prouver que le chèque n’était pas affecté d’une anomalie apparente.
La Banque Postale ne rapporte pas cette preuve. Dans ces conditions, sa responsabilité est engagée à l’égard de la SCP LEX61 pour le détournement de la somme de 7 072 euros correspondant au chèque encaissé par M. [C].
La copie recto verso du chèque litigieux encaissé au bénéfice de M. [A] [I] est produit par la CDC en sa pièce 7.2.
L’endos de ce chèque comprend une signature formée de deux boucles et deux traits pouvant évoquer la lettre A.
La seule autre signature fournie par la Banque Postale est celle figurant sur le passeport de M. [A] [I]. Cette signature est formée de deux traits horizontaux que croise en son milieu un trait vertical et d’une boucle formée sous la partie gauche des traits horizontaux.
Cette signature n’est pas similaire à celle figurant sur l’endos du chèque. Elle constitue une anomalie apparente que la Banque Postale aurait dû déceler.
En ne la décelant pas, la Banque Postale a commis une faute qui engage sa responsabilité vis-à-vis de la SCP LEX61.
2.2. Sur la responsabilité de la BRED Banque Populaire
La BRED Banque Populaire est la présentatrice du chèque d’un montant de 2 000 euros tiré le 7 juillet 2020 et encaissé le 17 juillet 2020 au bénéfice de sa cliente la SASU CPF.
La BRED Banque Populaire verse aux débats :
– les conditions particulières de la convention de compte de dépôt de la société par actions simplifiée à associé unique CPF dont le représentant légal est M. [X] [D],
– l’extrait Kbis de cette société,
– sa situation au répertoire SIRENE au 26 décembre 2019,
– les statuts de la SASU CPF au 31 octobre 2019,
– le bail commercial consenti le 2 novembre 2019 à la SASU CPF.
La BRED Banque Populaire ne fournit ni l’original ni la copie du chèque litigieux.
La copie recto verso du chèque litigieux est fournie par la CDC en sa pièce 5.2.
L’endos du chèque de 2 000 euros tiré le 7 juillet 2020 comporte une signature commençant par un R majuscule et se poursuivant par quatre lettre minuscules semblant être les lettres a s s et d, toutes les lettres étant écrites de manière rapprochées et soulignées d’un trait horizontal.
Dans les documents fournis par la BRED Banque Populaire, la signature du représentant légal de la SASU CPF est toujours identique. Elle commence par un R majuscule et se poursuit par 3 lettres minuscules : a s et i. La signature forme le mot « Rasi » écrit de manière toujours aisément déchiffrable et souligné d’un trait.
Ainsi, dans les documents fournis par la BRED Banque Populaire, la signature du représentant légal de la SASU CPF forme systématiquement le mot « Rasi » tandis que sur l’endos du chèque litigieux, la signature semble former le mot « Rassd », les lettres écrites en minuscule n’étant pas déchiffrables avec certitude.
Cette différence constitue une anomalie apparente que la BRED Banque Populaire aurait dû déceler.
En ne la décelant pas, la BRED Banque Populaire a engagé sa responsabilité à l’égard de la SCP LEX 61.
2.3. Sur la responsabilité du Crédit Lyonnais
Le Crédit Lyonnais est la banque présentatrice du chèque d’un montant de 4 578 euros encaissé le 17 août 2020 au bénéfice de la société TSA 24 SERVICES.
Sur l’endos du chèque, figurent le cachet de la société TSA 24 SERVICES avec une signature ainsi que le numéro du compte de cette société.
La signature permet de déchiffrer distinctement les lettres « M. [S] » soulignées d’un trait recourbé à ses deux extrémités.
Le spécimen de signature fourni par le Crédit Lyonnais est très similaire à la signature qui figure sur le chéquier. Le tracé des lettres est identique, le trait sous les lettres est bien présent même s’il n’est recourbé, sur le spécimen, qu’à son extrémité gauche. Cette différence mineure n’est pas de nature à constituer une anomalie apparente.
La SCP LEX61 remarque que la signature sur le chèque litigieux est différente de la signature qui figure sur les statuts de la TSA 24 SERVICES qu’elle produit (pièce 31). La signature qui apparaît sur les statuts est également très aisément déchiffrable et permet de lire « [S] [H] » souligné d’un trait. Le tracé des lettres est très similaire à celui des signatures sur l’endos du chèque et sur le spécimen fourni par le Crédit Lyonnais. La seule différence réside dans le déplacement de la lettre M en fin de signature.
Il s’agit d’une différence mineure qui n’est pas de nature à constituer une anomalie apparente. En outre, le Crédit Lyonnais disposait d’un spécimen de signature conforme à la signature figurant sur l’endos du chèque et pouvait considérer que la signature commençant par un M était authentique.
La SCP LEX61 reproche également au Crédit Lyonnais de ne pas fournir les pièces d’identité ou justificatifs de domicile de sa cliente ni la convention d’ouverture de compte ou tout autre élément bancaire.
L’article R.312-2 du code monétaire et financier, dans sa version antérieure à son abrogation au 14 février 2020, dispose : « Le banquier doit, préalablement à l’ouverture d’un compte, vérifier le domicile et l’identité du postulant, qui est tenu de présenter un document officiel comportant sa photographie. Le banquier doit recueillir et conserver les informations suivantes : nom, prénoms, date et lieu de naissance du postulant, nature, date et lieu de délivrance du document présenté et nom de l’autorité ou de la personne qui l’a délivré ou authentifié.
Pour l’ouverture d’un compte au nom d’une personne morale, le banquier demande la présentation de l’original ou l’expédition ou la copie de tout acte ou extrait de registre officiel datant de moins de trois mois constatant la dénomination, la forme juridique, l’adresse du siège social et l’identité des dirigeants. »
Le fait pour une banque d’ouvrir sans précaution suffisante le compte sur lequel l’auteur du détournement a encaissé le chèque litigieux concourt au succès de la fraude commis par celui-ci (Com., 23 juin 2004, pourvoi n° 02-17.789).
Cependant, la SCP LEX61 ne précise pas en quoi le Crédit Lyonnais n’aurait pas pris de précautions suffisantes alors qu’il n’est pas contesté que le signataire est bien le représentant légal de la société et que la société dispose d’une existence juridique.
Dans ces conditions, la responsabilité du Crédit Lyonnais n’est pas engagée.
2.4. Sur la responsabilité de la Caisse de Crédit Mutuel Saint Denis
La Caisse de Crédit Mutuel Saint Denis est la banque présentatrice du chèque d’un montant de 2 289 euros tiré le 8 juillet 2020 et encaissé le 16 juillet 2020 au bénéfice de M. [F] [L].
La Caisse de Crédit Mutuel Saint Denis ne fournit ni l’original ni la copie du chèque litigieux. La copie recto verso du chèque est fournie par la CDC en sa pièce 4.2.
La Caisse de Crédit Mutuel Saint Denis fournit la copie de la convention d’ouverture de compte du 14 mai 2020 signée par M. [L], avec une copie de sa carte d’identité.
La comparaison de la signature sur l’endos du chèque de 2 289 euros d’une part avec la signature figurant sur la convention d’ouverture de compte du 14 mai 2020 et celle figurant sur la carte d’identité de M. [L] d’autre part, montre que la signature de M. [L] est similaire sur la convention d’ouverture de compte et sur la carte d’identité et qu’elle consiste en l’écriture complète des lettres du nom [L] alors que la signature sur l’endos du chèque consiste en plusieurs boucles superposées en une forme de nœud ne permettant pas de distinguer les lettres du nom [L].
Il en résulte que la signature sur l’endos du chèque diffère manifestement des signatures dont disposait la Caisse de Crédit Mutuel Saint Denis. Cette différence constitue une anomalie apparente que la Caisse de Crédit Mutuel Saint Denis aurait dû déceler.
En ne la décelant pas, la Caisse de Crédit Mutuel a engagé sa responsabilité à l’égard de la SCP LEX61.

3. Sur la responsabilité de la CAVOM
La SCP LEX61 demande la condamnation de la CAVOM in solidum à l’indemniser de son préjudice.
Par ailleurs, la Banque Postale demande la condamnation de la CAVOM à la garantir de toutes condamnations prononcées à son égard.
Les autres banques présentatrices ne présentent pas de demande de garantie à l’égard de la CAVOM.
La Banque Postale considère que la CAVOM a fait preuve d’une négligence dans la réception et le traitement des chèques reçus dès lors que 53 chèques transmis par ses affiliés ont été détournés et falsifiés.
La SCP LEX61 reproche à la CAVOM son inertie compte tenu des précédents détournements commis au préjudice d’une autre caisse de retraite, la CIPAV, et compte tenu de l’ampleur des détournements.
Toutefois, la SCP LEX61 n’apporte aucun justificatif à l’appui de ses allégations liées aux détournements commis au préjudice de la CIPAV. En outre, ces éventuels détournements remonteraient à 2010, de telle sorte qu’il ne peut être reproché à la CAVOM de ne pas avoir tenu compte de ce précédent pour sécuriser la réception des chèques qui lui sont destinés dix ans plus tard.
Contrairement à ce que soutient la SCP LEX61, aucun élément ne permet d’établir un lien entre les travaux de rénovation menés au siège de la CAVOM et la SASU CPF. Les intervenants mandatés par la CAVOM ont confirmé qu’ils ne connaissaient pas cette entreprise (pièces 8 et 9 de la CAVOM).
La SCP LEX61 n’a eu connaissance des détournements des chèques que lorsqu’elle a pris attache avec la CAVOM en novembre 2020 pour déterminer pourquoi certaines cotisations apparaissaient impayées selon les relevés de la CAVOM. Ainsi, c’est également à cette date et grâce aux échanges avec ses affiliés que la CAVOM a pu avoir connaissance des détournements des 5 chèques litigieux.
Ces détournements s’inscrivent dans le cadre d’une fraude de grande ampleur ayant également concerné d’autres affiliés. Ainsi que le précise la CAVOM dans son courrier au Procureur de la République de Paris du 15 décembre 2020, « les victimes ont pour la plupart pris conscience des détournements à réception de l’appel de cotisations de la CAVOM portant récapitulatif de leurs paiements pour l’année 2020 ».
Ainsi, il n’est pas établi que la CAVOM a pu identifier l’existence d’une fraude avant l’émission des chèques litigieux et aurait commis une faute en omettant d’en aviser ses affiliés.
Par conséquent, la responsabilité de la CAVOM n’est pas engagée.
4. Sur les fautes de la SCP LEX61
La faute du signataire du chèque qui facilite la réalisation de la fraude peut exonérer totalement ou partiellement le banquier de sa responsabilité. Une négligence grave, constitutive de la cause exclusive des dommages invoqués, est de nature à exonérer la banque de sa responsabilité (Com., 15 décembre 2021, pourvoi n° 20-15.107).
Parmi les banques présentatrices dont la responsabilité est engagée, seule la Banque Postale demande au tribunal de juger que la SCP LEX 61 a fait preuve d’une particulière négligence de nature à exonérer la Banque Postale de toute responsabilité.
Elle reproche trois fautes à la SCP LEX61 : en premier lieu d’avoir envoyé ses chèques par courrier simple, en deuxième lieu de ne pas avoir payé par prélèvement ou virement, en troisième lieu de ne pas attraire en la cause Messieurs [C] ET [A] qui ont encaissé les chèques.
S’agissant de l’envoi des chèques par lettre simple, il a été jugé qu’en l’absence de circonstances de nature à lui imposer une vigilance particulière, le fait pour le tireur d’expédier par courrier simple un chèque n’est pas à lui seul constitutif d’une faute (Com 10 décembre 2003 00-18.653).
Il en résulte qu’aucune faute ne peut être reprochée à la SCP LEX61 pour avoir envoyé les chèques litigieux par courrier simple.
S’agissant du choix de payer les cotisations par virement, la SCP LEX61 fait valoir qu’elle y a été contrainte par la nécessité de payer en plusieurs échéances. Il ressort des appels de cotisation de la CAVOM pour l’année 2019 qu’un TIP -SEPA est joint à cet appel mais que le chèque n’est pas pour autant prohibé. L’appel à cotisations précise que le règlement par chèques doit être envoyé dans un centre de traitement dont l’adresse est indiquée au recto.
Cependant, la notice explicative de 2019 indique « à compter du 1er janvier 2019, le paiement des cotisations doit être réalisé exclusivement par voie dématérialisée, quel que soit le niveau des revenus. » Il existe ainsi une contradiction entre l’appel à cotisations qui donne des indications pour un paiement par chèque et la notice explicative qui l’exclut.
L’appel à cotisations pour l’année 2020 comprend un formulaire à retourner TIP SEPA et ne comprend plus de mention du paiement par chèque. Pour autant, il n’est pas expressément mentionné sur l’appel à cotisations que le paiement par chèque est prohibé.
La notice explicative de 2020 indique également « depuis le 1er janvier 2019, le paiement des cotisations doit être réalisé exclusivement par voie dématérialisée ».
Ainsi, le règlement par chèque est expressément prévu sur l’appel à cotisations 2019 mais disparaît sans autre explication sur l’appel à cotisations de 2020. Seule la notice explicative fait état de l’obligation de payer par voie dématérialisée mais n’indique pas expressément que le paiement par chèque est prohibé.
Dans ces conditions, il existe une ambiguïté sur la possibilité de payer les cotisations par chèques et c’est sans commettre de faute que la SCP LEX61 a pu procéder au paiement de ses cotisations par chèques.
Enfin, l’absence des bénéficiaires des chèques dans la présente instance ne modifie en rien le préjudice de la SCP LEX61 puisque celui-ci s’est réalisé lors du détournement des chèques litigieux.
Par conséquent, il n’y a pas lieu de diminuer l’indemnisation de la SCP LEX61 à raison des prétendues fautes alléguées à son encontre qui auraient participées à son préjudice.
5. Sur la garantie de la Caisse des dépôts et consignations
Aucune faute n’a été retenue à l’égard de la CDC.
Par conséquent, les demandes de condamnation in solidum formées à son égard par la SCP LEX61 seront rejetées.
Pour la même raison, les demandes de garantie formées à son égard par la BRED Banque Populaire seront également rejetées.
6. Sur le montant des condamnations
En l’absence de faute retenue à l’encontre de la CDC, de la CAVOM et du Crédit Lyonnais, seules la Banque Postale, la BRED Banque Populaire et la Caisse de Crédit Mutuel Saint Denis seront condamnées à payer à la SCP LEX61 le montant des chèques détournés.
En l’absence de faute commise par la SCP LEX61 ayant concouru à son préjudice, elles seront condamnées à payer à la SCP LEX61 l’intégralité de la somme détournée.
La SCP LEX61 demande d’assortir la condamnation des banques présentatrices des intérêts au taux légal à compter de ses conclusions du 10 octobre 2023.
Aux termes de l’article 1231-7 du code civil, en toute matière, la condamnation à une indemnité emporte intérêts au taux légal même en l’absence de demande ou de disposition spéciale du jugement. Sauf disposition contraire de la loi, ces intérêts courent à compter du prononcé du jugement à moins que le juge n’en décide autrement.
En l’espèce, le principe de la responsabilité de la Banque Postale de la BRED Banque Populaire et de la Caisse de Crédit Mutuel Saint Denis résulte du présent jugement et il n’y a pas lieu de faire courir les intérêts à compter d’une date antérieure.
Il y aura donc lieu de condamner :
– la Banque Postale à payer à la SCP LEX61 la somme de 9 072 euros, avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement,
– la Caisse de Crédit Mutuel Saint Denis à payer à la SCP LEX61 la somme de 2 289 euros, avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement
– la BRED Banque Populaire à payer la SCP LEX61 la somme de 2 000 euros, avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement.
Selon l’article 1343-2 du code civil, les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produisent intérêt si le contrat l’a prévu ou si une décision de justice le précise.
Conformément à la demande de la SCP LEX61, il y aura lieu de prononcer la capitalisation des intérêts.

7. Sur les frais du procès
L’article 695 du code de procédure civile énumère les frais du procès qui entrent dans la catégorie des dépens. Il est de principe que les dépens sont à la charge de la partie perdante, conformément à l’article 696 du code de procédure civile.
Parties perdantes au procès, les sociétés la Banque Postale, la BRED Banque Populaire, et la Caisse de Crédit Mutuel Saint Denis seront condamnées in solidum au paiement des entiers dépens, conformément à l’article 696 du code de procédure civile.
Le paiement des dépens se fera avec distraction au profit de Maître Thierry BISSIER, avocat postulant aux offres de droit, pour les frais dont il aura fait l’avance.
La SCP LEX61, qui succombe en ses demandes à l’égard de la CDC et de la CAVOM, sera condamnée à payer la somme de 2 000 euros à la CDC ainsi que la somme de 2000 euros à la CAVOM au titre de l’article 700 du CPC.
Le Crédit Lyonnais ne formule de demande de condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile qu’à l’égard de la CDC. Or, il est jugé que la responsabilité de celle-ci n’est pas engagée. Par conséquent, la demande de condamnation du Crédit Lyonnais à l’encontre de la CDC au titre de l’article 700 du code de procédure civile sera rejetée.
Les sociétés la Banque Postale, la BRED Banque Populaire et la Caisse de Crédit Mutuel Saint Denis, qui succombent à la présente instance, seront condamnées, in solidum, à payer 4 000 euros à la SCP LEX61 au titre de l’article 700 du CPC.
Les demandes des sociétés la Banque Postale, la BRED Banque Populaire, le Crédit Lyonnais et la Caisse de Crédit Mutuel Saint Denis au titre de l’article 700 du code de procédure civile seront rejetées.
8. Sur l’exécution provisoire
Les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire, en application de l’article 514 du code de procédure civile.
Le juge peut toutefois écarter l’exécution provisoire de droit, en tout ou partie, s’il estime qu’elle est incompatible avec la nature de l’affaire, conformément à l’article 514-1 du code de procédure civile.
Aucune circonstance du présent litige n’impose d’écarter l’exécution provisoire.

PAR CES MOTIFS
Le tribunal, statuant publiquement, par jugement contradictoire, mis à disposition au greffe et en premier ressort,
REJETTE les demandes de la société civile professionnelle Guillaume Delacroix – Véronique Richard – Emilien Barrault – Pierre Lerick à l’égard de la Caisse des dépôts et consignations ;
REJETTE les demandes de la société civile professionnelle Guillaume Delacroix – Véronique Richard – Emilien Barrault – Pierre Lerick à l’égard de la Caisse d’Assurance Vieillesse des Offices Ministériels, des Officiers Publics et des Compagnies Judiciaires (CAVOM)  ;
REJETTE les demandes de la société civile professionnelle Guillaume Delacroix – Véronique Richard – Emilien Barrault – Pierre Lerick à l’égard de la société Crédit Lyonnais ;
CONDAMNE la société Banque Postale à payer à la société civile professionnelle Guillaume Delacroix – Véronique Richard – Emilien Barrault – Pierre Lerick la somme de 9 072 euros, avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement ;
CONDAMNE la société BRED Banque Populaire à payer à la société civile professionnelle Guillaume Delacroix – Véronique Richard – Emilien Barrault – Pierre Lerick la somme de 2 000 euros, avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement ;
CONDAMNE la société Caisse de Crédit Mutuel Saint Denis à payer à la société civile professionnelle Guillaume Delacroix – Véronique Richard – Emilien Barrault – Pierre Lerick la somme de 2 289 euros, avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement ;
ORDONNE la capitalisation des intérêts pour les précédentes condamnations ;
REJETTE la demande de garantie formée par la Banque Postale à l’égard de la Caisse d’Assurance Vieillesse des Offices Ministériels, des Officiers Publics et des Compagnies Judiciaires (CAVOM) ;
REJETTE la demande de garantie formée par la BRED Banque Populaire à l’égard de la Caisse des dépôts et consignations ;
CONDAMNE les sociétés la Banque Postale, la BRED Banque Populaire, et la Caisse de Crédit Mutuel Saint Denis in solidum au paiement des entiers dépens, avec distraction au profit de Maître Thierry BISSIER, avocat postulant aux offres de droit, pour les frais dont il aura fait l’avance ;
CONDAMNE la société civile professionnelle Guillaume Delacroix – Véronique Richard – Emilien Barrault – Pierre Lerick à payer à la Caisse des dépôts et consignations la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la société civile professionnelle Guillaume Delacroix – Véronique Richard – Emilien Barrault – Pierre Lerick à payer à la Caisse d’Assurance Vieillesse des Offices Ministériels, des Officiers Publics et des Compagnies Judiciaires (CAVOM) la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE les sociétés la Banque Postale, la BRED Banque Populaire et la Caisse de Crédit Mutuel Saint Denis in solidum à payer à la société civile professionnelle Guillaume Delacroix – Véronique Richard – Emilien Barrault – Pierre Lerick la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
REJETTE les demandes des sociétés la Banque Postale, la BRED Banque Populaire, la Caisse de Crédit Mutuel Saint Denis et le Crédit Lyonnais au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
REJETTE toute autre demande plus ample ou contraire ;
RAPPELLE que le présent jugement est de droit exécutoire à titre provisoire.

Fait et jugé à Paris le 27 novembre 2024.

La Greffière La Présidente


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