Aucun engagement contractuel n’est perpétuel et une cession de droit à l’image ne fait pas exception à ce principe.
Cession de droit à l’image non formalisée
Suite à son départ de la société Time to relax, une associée a obtenu le retrait judiciaire de son image, de tous les supports exploités par la société (photographies, vidéos, sites web …) ainsi que de tous ses programmes et documents publicitaires, et de détruire les fichiers sources des vidéos, webinaires et extraits de webinaires sur lesquels elle apparaissait (le coeur de l’activité de la société : plus de 137 webinaires et 1600 extraits de webinaires).
Cession tacite du droit à l’image
Aucun contrat écrit n’avait été signé par les parties et l’associée n’avait pas donné de façon expresse son consentement à la diffusion de son image. Cependant, elle a participé à la réalisation de vidéos, publications et webinaires en toute connaissance de cause, en vue de leur diffusion par la société Time to relax, dont elle était l’associée.
Elle a ainsi, à l’évidence, donné son consentement tacite à la publication de son image à des fins commerciales, une part importante de son activité au sein de la société qu’elle a créée avec son compagnon reposant sur la réalisation et la diffusion de vidéos en ligne.
C’est ainsi qu’elle apparaît sur les vidéos face à la caméra, s’adressant directement aux internautes et menant parfois des entretiens et interviews en ligne avec divers intervenants. L’autorisation tacite initiale était donc établie sans équivoque.
Droit de retrait d’une autorisation
Toutefois, il résulte de l’article 1210 du code civil que les engagements perpétuels sont prohibés, de sorte que chaque contractant peut y mettre fin dans les conditions prévues pour le contrat à durée indéterminée.
En l’espèce, en l’absence de terme prévu pour l’autorisation donnée par l’associée d’utiliser et d’exploiter son image, le contrat verbal entre les parties a été interprété comme un contrat à durée indéterminée dont la résiliation est offerte aux deux parties.
L’atteinte au droit à l’image étant établie, en l’absence d’autorisation à ce jour, et l’urgence avérée dès lors que l’associée subit des atteintes à son droit à l’image depuis plusieurs mois, toutes ses demandes ont été accueillies par la juridiction.
Pour rappel, l’article 8, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales dispose que toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.
Aux termes de l’article 9 du code civil, chacun a droit au respect de sa vie privée ; les juges peuvent, sans préjudice de la réparation du dommage subi, prescrire toutes mesures, telles que séquestre, saisie et autres, propres à empêcher ou faire cesser une atteinte à l’intimité de la vie privée : ces mesures peuvent, s’il y a urgence, être ordonnées en référé.
Selon l’article 835 du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Le droit au respect de la vie privée garanti par les premiers de ces textes permet à toute personne, quelle que soit sa notoriété, de s’opposer à la captation et à la diffusion, sans son autorisation, de son image, attribut de sa personnalité. Cette autorisation peut toutefois résulter de manière tacite des circonstances. Elle peut également résulter d’un contrat, les dispositions de l’article 9 du code civil ne faisant pas obstacle à la liberté contractuelle.
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REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 1 – Chambre 8
ARRET DU 08 OCTOBRE 2021
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/17579 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CCYA4
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 20 Octobre 2020 -Président du TJ de Paris – RG n° 20/56156
APPELANTE
Mme Z Y
[…]
[…]
Représentée par Me Martine LEBOUCQ BERNARD de la SCP Société Civile Professionnelle d’avocats HUVELIN & associés, avocat au barreau de PARIS, toque : R285
Assistée par Me Valérie BATIFOI de la SELAS PICOVSCHI, avocat au barreau de PARIS, toque : B228
INTIMEE
S.A.S. TIME TO RELAX prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège,
[…]
Lotissement 41
[…]
R e p r é s e n t é e p a r M e M a t t h i e u B O C C O N G I B O D d e l a S E L A R L L E X A V O U E PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477
Assistée par Me Aurélie DURON du cabinet ITEANU AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, substituant Me Olivier ITEANU, avocat au barreau de PARIS, toque : D1380
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 1er juillet 2021, en audience publique, les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Rachel LE COTTY, Conseiller, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Florence LAGEMI, Président,
Rachel LE COTTY, Conseiller,
Laure ALDEBERT, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Marie GOIN
ARRÊT :
— CONTRADICTOIRE
— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
— signé par Florence LAGEMI, Président et par Marie GOIN, Greffier.
M. X et Mme Y sont associés égalitaires à 50% de la société Time to relax, qu’ils ont créée en 2013 alors qu’ils vivaient maritalement. M. X en est le président.
La société édite des formations en ligne de développement personnel : séminaires en ligne, w e b i n a i r e s , v i d é o s , a u d i o s e t c . . . E l l e e s t l ‘ é d i t e u r d e s s i t e s w e b www.academie-developpement-personnel. com et www.templedesoracles.com.
Elle vend également des produits e-commerce en ligne via les sites « monpremieroeufdeyoni.com » et « Amazon ».
M. X et Mme Y se sont séparés fin 2018. Un protocole transactionnel destiné à régler à l’amiable les conséquences de cette séparation pour la société a été établi fin 2019 mais il n’a jamais été signé.
Le 1er juin 2019, la société a engagé Mme Y en qualité de chef de projet. Le 6 mars 2020, elle l’a licenciée.
Le 15 avril 2020, Mme Y a mis en demeure la société Time to relax de cesser d’utiliser son image dans les vidéos diffusées sur le site de la société et sur les comptes publicitaires.
Le 23 juin 2020, elle a assigné la société Time to relax devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris pour qu’il lui soit ordonné de supprimer son image de son site web, de cesser d’utiliser son image sur tous les programmes de vente et de cesser la diffusion de toutes les vidéos dans lesquelles elle apparaît.
Elle a également sollicité la somme de 200.574 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice lié à l’exploitation de son image sans autorisation.
Par ordonnance du 20 octobre 2020, le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris a dit n’y avoir lieu à référé et condamné Mme Y aux dépens ainsi qu’au paiement, à la société Time to relax, de la somme de 2.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration du 4 décembre 2020, Mme Y a relevé appel de cette décision.
Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 21 juin 2021, elle demande à la cour de :
• juger que la demande d’irrecevabilité des mesures conservatoires formulée par la société Time to relax est une demande nouvelle en appel et la déclarer irrecevable ;
• juger qu’elle est fondée à solliciter des mesures conservatoires en vue de la protection de son image tant sur le fondement de l’article 9 du code civil que sur le fondement de l’article 835 du code de procédure civile ;
• infirmer la décision entreprise ;
• juger qu’elle a résilié le contrat à durée indéterminée d’exploiter son image par la société Time to relax par courrier RAR du 23 avril 2020 ;
• juger qu’en vertu des contrats du 19 juin 2019, la société Time to relax ne pouvait continuer à exploiter jusqu’au 19 juin 2021 que les vidéos des coffrets de méditation « s’ouvrir à l’amour », « harmoniser ses chakras », « abondance », « ying et yang » « blessures du passé », « faire la paix avec les hommes » et « animaux Totem » ;
• juger que la société Time to relax n’a pas cessé d’exploiter son image au 19 juin 2021 au titre du contrat du 19 juin 2019 ;
• ordonner à la société Time to relax ainsi qu’à toute personne physique ou morale venant aux droits de cette dernière, de cesser de diffuser, quel que soit le support photographie et vidéo, du site web de la société Time to relax, de tous les noms de domaines appartenant à la société Time to relax, soit monpremieroeufdeyoni.com et académie-développement-personnel.com, de tous ses programmes de vente ou autres ainsi que de tous ses programmes et documents publicitaires, dans les 15 jours suivant la signification de la décision à intervenir, sous astreinte de 1000 euros par jour et par diffusion constatée, et de détruire les fichiers sources de 137 webinaires ;
• ordonner à la société Time to relax ainsi qu’à toute personne physique ou morale venant aux droits de cette dernière, de diffuser [sic, cesser de diffuser], dans les 15 jours suivant la signification de la décision à intervenir, sous astreinte de 1000 euros par jour et par diffusion constatée, et de détruire les extraits de 1.600 webinaires ;
• ordonner à la société Time to relax ainsi qu’à toute personne physique ou morale venant aux droits de cette dernière, de donner pour instructions à tous ses publicitaires de cesser de diffuser, dans les 15 jours suivant la signification de la décision à intervenir, sous astreinte de 1000 euros par jour et par diffusion constatée, des 137 webinaires susvisés ainsi que l’intégralité des extraits de webinaires de ces 137 webinaires susvisés, en leur communiquant la décision à intervenir, et d’en justifier auprès d’elle, sous un délai de 15 jours à compter du prononcé de la décision à intervenir sous astreinte de 1000 euros par jours de retard ;
• ordonner à la société Time to relax ainsi qu’à toute personne physique ou morale venant aux droits de cette dernière, de cesser de diffuser et de détruire, dans les 15 jours suivant la signification de la décision à intervenir, sous astreinte de 1000 euros par jour et par diffusion constatée, 4 vidéos de présentations d’oracles et 17 vidéos de méditation ;
• ordonner à la société Time to relax ainsi qu’à toute personne physique ou morale venant aux droits de cette dernière, de cesser de diffuser et de détruire dans les 15 jours suivant la signification de la décision à intervenir, sous astreinte de 1000 euros par jour et par diffusion constatée, 230 webinaires de formation ;
• ordonner à la société Time to relax ainsi qu’à toute personne physique ou morale venant aux droits de cette dernière, de cesser de diffuser et de détruire, dans les 15 jours suivant la signification de la décision à intervenir, sous astreinte de 1000 euros par jour et par diffusion constatée, 4 vidéos de présentations d’oracles et 17 vidéos de méditation [il s’agit des mêmes vidéos que celles précédemment mentionnées] ;
• condamner la société Time to relax à lui payer une provision de 390.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice subi du fait de l’exploitation de son image sans autorisation, avec intérêts au taux légal à compter du 28 avril 2020 et anatocisme ;
• condamner la société Time to relax à lui payer la somme de 8.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens, y compris le coût du
• procès-verbal d’huissier du 24 novembre 2020 d’un montant de 800 euros TTC ; juger qu’elle n’a cédé ses droits à l’image que sur les vidéos précisément listées dans les contrats du 16 juin 2019 et uniquement pour une durée limitée jusqu’au 19 juin 2021 ; débouter la société Time to relax de toutes ses demandes.
Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 28 juin 2021, la société Time to relax demande à la cour de :
• constater le consentement donné par Mme Y à la publication de tous les webinaires visés dans ses demandes, comprenant les extraits des webinaires, d’une part, pour avoir contribué audits webinaires dans le but évident de les publier, d’autre part, pour lui avoir cédé ses droits d’auteur et son droit à l’image en exécution des contrats du 19 juin 2019 ;
• dire et juger qu’aucun contrat oral n’a été conclu entre les parties ;
• confirmer en toutes ses dispositions l’ordonnance de référé entreprise ;
• dire qu’il n’y a lieu à référé et débouter Mme Y de l’intégralité de ses demandes ;
• condamner Mme Y à lui payer la somme de 8.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 30 juin 2021 à 13h30.
Le 30 juin 2021 à 16h47, l’appelante a remis par RPVA de nouvelles conclusions, précisant que seul le dispositif de ses conclusions était modifié.
Le même jour à 19h36, l’intimée a remis par RPVA des conclusions de rejet de ces conclusions.
SUR CE, LA COUR,
Sur la demande de la société Time to relax tendant à ce que les dernières conclusions de Mme Y soient déclarées irrecevables
Aux termes de l’article 802, alinéa 1er, du code de procédure civile, après l’ordonnance de clôture, aucune conclusion ne peut être déposée ni aucune pièce produite aux débats, à peine d’irrecevabilité prononcée d’office.
En l’espèce, Mme Y a déposé des conclusions le 30 juin 2021 à 16h47, après l’ordonnance de clôture intervenue le même jour à 13h30.
Ces conclusions sont par conséquent irrecevables, étant précisé que l’appelante n’a pas sollicité la révocation de l’ordonnance de clôture et que son conseil a précisé à l’audience qu’il s’agissait d’une simple clarification du dispositif.
Sur les demandes de Mme Y tendant à l’interdiction de toute diffusion des vidéos, webinaires et extraits de webinaires réalisés pour la société Time to relax
L’article 8, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales dispose que toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.
Aux termes de l’article 9 du code civil, chacun a droit au respect de sa vie privée ; les juges peuvent, sans préjudice de la réparation du dommage subi, prescrire toutes mesures, telles que séquestre, saisie et autres, propres à empêcher ou faire cesser une atteinte à l’intimité de la vie privée : ces mesures peuvent, s’il y a urgence, être ordonnées en référé.
Selon l’article 835 du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire peut toujours,
même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Le droit au respect de la vie privée garanti par les premiers de ces textes permet à toute personne, quelle que soit sa notoriété, de s’opposer à la captation et à la diffusion, sans son autorisation, de son image, attribut de sa personnalité.
Cette autorisation peut toutefois résulter de manière tacite des circonstances.
Elle peut également résulter d’un contrat, les dispositions de l’article 9 du code civil ne faisant pas obstacle à la liberté contractuelle.
En l’espèce, il est constant qu’aucun contrat écrit n’a été signé par les parties avant juin 2019 et que Mme Y n’a pas donné de façon expresse son consentement à la diffusion de son image avant cette date, soit de 2013 à 2019.
Cependant, elle a participé à la réalisation de vidéos, publications et webinaires en toute connaissance de cause, en vue de leur diffusion par la société Time to relax, dont elle est l’associée.
Elle a ainsi, à l’évidence, donné son consentement tacite à la publication de son image à des fins commerciales, une part importante de son activité au sein de la société qu’elle a créée avec son compagnon reposant sur la réalisation et la diffusion de vidéos en ligne.
C’est ainsi qu’elle apparaît sur les vidéos face à la caméra, s’adressant directement aux internautes et menant parfois des entretiens et interviews en ligne avec divers intervenants. Il résulte au demeurant de ses propres écritures qu’elle a « réalisé, entre juillet 2013 et décembre 2019, 137 webinaires de vente ou vidéos de présentation d’une durée de 2 h à 3 h », qu’elle qualifie elle-même de « vidéos commerciales ».
L’autorisation tacite initiale est donc établie sans équivoque.
La société Time to relax soutient que, dès lors que Mme Y avait donné son consentement à la publication de son image, elle ne pouvait en solliciter le retrait.
Mais il résulte de l’article 1210 du code civil que les engagements perpétuels sont prohibés, de sorte que chaque contractant peut y mettre fin dans les conditions prévues pour le contrat à durée indéterminée.
En l’espèce, en l’absence de terme prévu pour l’autorisation donnée par Mme Y d’utiliser et d’exploiter son image, le contrat verbal entre les parties doit s’interpréter comme un contrat à durée indéterminée dont la résiliation est offerte aux deux parties.
Il convient d’ajouter que l’autorisation tacite donnée par Mme Y porte sur de très nombreux webinaires, vidéos et publications (plus de 137 webinaires et 1600 extraits de webinaires), sans identification précise de ceux-ci ni délimitation des contours de l’autorisation, de sorte que, revêtant un caractère illimité et perpétuel, elle doit pouvoir être résiliée par l’intéressée.
La lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 15 avril 2020 (postée le 23 avril 2020 et réceptionnée le 4 mai 2020) adressée par l’appelante à M. X, président de la société Time to relax, manifeste sans ambiguïté sa volonté de mettre fin à l’autorisation d’utiliser son image.
Celle-ci y indique en effet, au visa de l’article 9 du code civil, qu’elle a déjà demandé verbalement depuis le 5 décembre 2019 à M. X de cesser d’utiliser son image pour la société Time to relax et qu’un délai de plus de trois mois pour qu’il puisse s’organiser est « amplement suffisant ».
Elle précise qu’elle le « met en demeure de cesser d’utiliser son image sur tous les programmes de vente de Time to relax » et qu’il « convient également de cesser la diffusion de toutes les vidéos dans lesquelles [elle apparaît], notamment sur les noms de domaines appartenant à la société Time to relax […], les vidéos teasing, les webinaires de formation, de méditation et d’oracle, et de donner instruction à tous les publicitaires de Time to relax de cesser de diffuser les vidéos sur lesquels [elle apparaît] ».
Le 14 mai 2020, la société Time to relax lui a répondu, par la voix de son conseil, qu’elle n’entendait pas procéder au retrait des contenus diffusant l’image de Mme Y dès lors qu’elle avait consenti à ces diffusions en parfaite connaissance de cause.
L’intimée soutient que la lettre de Mme Y du 15 avril 2020 ne constitue pas une résiliation dès lors qu’elle est qualifiée de mise en demeure. Mais le contenu est sans équivoque sur la résiliation de l’autorisation d’exploiter son image, celle-ci précisant même avoir d’ores et déjà accordé un préavis suffisant.
La jurisprudence citée par l’intimée n’est pas transposable (2e Civ., 10 mars 2004, pourvoi n° 02-16.354, Bull. 2004, II, n° 118) dès lors qu’au cas présent, Mme Y n’a pas retiré son autorisation avant la diffusion des vidéos, sans justification, mais a au contraire autorisé leur diffusion pendant plusieurs années, jusqu’à la rupture des relations avec son compagnon, lequel apparaît comme tel à ses côtés sur les vidéos, justifiant son refus d’une diffusion perpétuelle de l’image d’un couple qui n’existe plus.
Il résulte de ces éléments que Mme Y a donné une autorisation tacite à l’utilisation de son image à la société Time to relax et pendant plusieurs années mais qu’elle l’a retirée le 15 avril 2020 ou, à tout le moins, à l’issue d’un préavis raisonnable, expiré à ce jour.
Il convient à cet égard d’ajouter que le protocole transactionnel qui avait été établi fin 2019 entre les parties prévoyait expressément une autorisation donnée pour l’utilisation, par la société Time to relax, du droit à l’image de Mme Y pour les besoins de son activité, pour « toutes les vidéos, photos, textes, sons publiés depuis la création de la société » et ce, pendant une durée de dix ans renouvelable (article 3), ce qui atteste que la société ne bénéficiait plus, alors, d’une telle autorisation.
Sur les demandes relatives aux méditations et web-seminaires visés par les contrats signés le 19 juin 2019
Les parties ont signé le 19 juin 2019 un contrat de « droit d’auteur conception de méditations d’aide au développement personnel » et un contrat de « conception de web-séminaires d’aide au développement personnel ».
Ces contrats comportent, outre la cession des droits de propriété intellectuelle, une clause plus générale sur le droit de diffusion de tout contenu numérique sur lequel figure Mme Y dans les termes suivants : « s’agissant du Contenu Numérique, le Prestataire [Mme Y] concède le temps du présent Contrat à TTR, le droit de mettre sur le marché, distribuer le Contenu Numérique, comprenant [‘] le droit de diffuser comme bon lui semble le Contenu Numérique sur tous supports. »
Le contenu numérique est défini en page 1 des deux contrats comme « le ou les contenus numériques, de type, notamment, documents en format pdf, vidéos, audios etc’, conçus, réalisés et/ou produits par le Prestataire, en tous cas dont le Prestataire dispose des droits aux fins des présentes, qui seront distribués par TTR. »
L’objet du premier contrat est « la conception et la réalisation de Méditations par le Prestataire pour TTR et/ou en collaboration avec ce dernier selon les modalités définies à l’Annexe 1 au présent Contrat ou la distribution de Contenu Numérique par TTR » (article 2).
L’objet du second est « la conception et la réalisation de Webinaires par le Prestataire pour TTR et/ou en collaboration avec ce dernier selon les modalités définies à l’Annexe 1 au présent Contrat ou la distribution de Contenu Numérique par TTR » (article 2).
En annexe au premier contrat figure une « description des méditations », à savoir : « méditation s’ouvrir à l’amour », « harmoniser ses chakras », « abondance », « Yin yang », « blessures du passé », « animaux Totem ».
En annexe au second figure une « description du/des webinaires », dont le titre est : « méditation messages du coeur », une méditation par mois de 30 minutes étant prévue.
La société Time to relax soutient que toutes les vidéos, webinaires, photographies entrent dans le champ d’application des thèmes de ces contrats et qu’en conséquence, Mme Y a donné son consentement exprès à la diffusion de l’ensemble des webinaires et extraits dans lesquels elle apparaît.
Elle ajoute qu’elle a perçu des redevances pour un montant total de 22.804,88 euros en exécution de ces contrats et de la cession de son droit à l’image.
Cependant, il résulte de la comparaison des listes détaillées de vidéos et webinaires produits par Mme Y en cause d’appel que les vidéos correspondant aux « coffrets méditation » objets du contrat du 19 juin 2019 précité diffèrent de celles objets de sa demande principale relative aux 137 webinaires et 1600 extraits de webinaires identifiés en pièces 13, 14, 16 et 19.
Ainsi, la somme de 14.495,49 euros perçue par Mme Y en mars 2021 correspond à l’exécution du premier contrat du 19 juin 2019, au titre des commissions sur les ventes de « coffrets méditations » du 2e semestre 2019 et de l’année 2020 (facture du 2 mars 2021 et virement du 5 mars 2021).
Il s’agit bien de prestations spécifiques, en exécution de ce contrat, précisément déterminées, et non de l’ensemble des vidéos ou webinaires réalisées avant 2019.
En conséquence, l’autorisation donnée par Mme Y dans les deux contrats du 19 juin 2019 ne s’étend pas à l’ensemble des vidéos qu’elle a réalisées au profit de la société Time to relax.
En outre, par courriel du 29 mars 2020, celle-ci a dénoncé le contrat du 19 juin 2019 relatif aux « coffrets de méditation », demandant le retrait de ces coffrets de la vente à compter du 19 juin 2020.
L’intimée fait valoir que, contrairement à ce que soutient l’appelante, les deux contrats sont « toujours en vigueur et ce jusqu’au 19 juin 2021 » car elle n’a pas respecté le préavis de trois mois contractuellement prévu, de sorte qu’ils ont été reconduits d’une année soit jusqu’au 19 juin 2021.
L’article 8 du premier contrat du 19 juin 2019 stipule que « le présent Contrat est conclu pour une durée initiale d’une (1) année à compter du jour de la livraison complète des méditations. […] Au terme de cette durée initiale, le présent Contrat poursuivra ses effets pour des périodes successives additionnelles d’un an, sauf dénonciation effectuée par l’une ou l’autre des parties par l’envoi d’une lettre recommandée avec accusé de réception effectué au moins trois mois avant sa date d’anniversaire indiquant le souhait de cette partie de ne plus étendre la durée du présent Contrat. »
Le délai de préavis de trois mois n’ayant pas été respecté, le contrat s’est poursuivi jusqu’au 19 juin 2021, mais il n’est plus, à ce jour, en vigueur, ainsi que l’intimée le reconnaît elle-même expressément dans ses conclusions.
La cour relève en revanche que Mme Y n’a jamais dénoncé le second contrat du 19 juin 2019, intitulé « contrat de conception de web-séminaires d’aide au développement personnel » et portant sur la « méditation messages du coeur ».
Il ressort de l’ensemble de ces éléments que le contrat de « droit d’auteur conception de méditations d’aide au développement personnel » du 19 juin 2019 n’est plus en vigueur à ce jour.
En outre, il découle des conclusions de l’intimée que celle-ci considère, d’une part, que le contrat du 19 juin 2019 relatif aux « coffrets de méditation » couvrait l’ensemble des vidéos et productions de Mme Y, d’autre part, que ce contrat est arrivé à son terme le 19 juin 2021. En conséquence, selon sa propre analyse, elle aurait dû, depuis cette date, cesser la diffusion de toutes les vidéos sur lesquelles Mme Y apparaît puisqu’elle n’a plus, depuis cette date, aucune autorisation.
Or, il n’en est rien puisque l’appelante justifie par les pièces qu’elle produit que la société Time to relax continue à diffuser l’ensemble des vidéos sur lesquelles elle apparaît.
L’atteinte au droit à l’image étant établie, en l’absence d’autorisation à ce jour, et l’urgence avérée dès lors que Mme Y subit des atteintes à son droit à l’image depuis plusieurs mois, ses demandes seront accueillies dans les termes du dispositif.
Sur la demande de provision
Selon l’article 835, alinéa 2, du code de procédure civile, dans les cas où l’existence d’une obligation n’est pas sérieusement contestable, le président du tribunal judiciaire peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.
La seule constatation de l’atteinte au respect dû à la vie privée et au droit à l’image ouvre droit à réparation, de sorte que Mme Y subit nécessairement un préjudice du fait de la diffusion et de l’exploitation par la société Time to relax de son image sans son autorisation.
Elle soutient que la société Time to relax a réalisé un chiffre d’affaires de 1.002.870,40 euros grâce à la vente des programmes sur lesquels elle apparaît et qu’elle est fondée à solliciter une provision de 20% de ce chiffre d’affaires, soit 390.000 euros.
Cependant, le préjudice lié à l’utilisation de son image est sans rapport avec le chiffre d’affaires de la société et il est rappelé qu’elle a déjà été rémunérée à hauteur de 22.804,88 euros au titre de l’exécution du contrat du 19 juin 2019, même si, ainsi qu’il a été précédemment exposé, ce contrat ne couvrait pas l’intégralité des vidéos publiées.
En outre, elle est associée à 50% de la société Time to relax et a vocation à bénéficier des fruits de la croissance de cette société.
Mme Y ne précise pas, dans ses conclusions, en quoi l’atteinte à son droit à l’image a généré un préjudice particulier ni la nature de ce préjudice. La cour relève, à l’examen des vidéos et pièces produites, que celui-ci est limité dès lors que les images et vidéos diffusées la présentent sous un angle positif, la seule particularité étant que Mme Y et M. X apparaissent sur les vidéos en duo et comme un couple, alors qu’il n’en est plus rien.
En conséquence, au regard des éléments soumis à la cour, statuant en référé, il lui sera alloué une provision de 10.000 euros en réparation de son préjudice, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.
Comme sollicité par l’appelante, les intérêts dus pour une année entière seront capitalisés dans les conditions de l’article 1343-2 du code civil.
Sur les demandes accessoires
La société Time to relax, partie perdante, sera tenue aux dépens de première instance et d’appel et condamnée à payer à Mme Y la somme de 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Déclare irrecevables les conclusions déposées par Mme Y le 30 juin 2021, postérieurement à l’ordonnance de clôture ;
Infirme en toutes ses dispositions l’ordonnance entreprise ;
Statuant à nouveau,
Ordonne à la société Time to relax ainsi qu’à toute personne physique ou morale venant aux droits de cette dernière, de supprimer l’image de Mme Y, quel que soit le support, photographie et vidéo, du site web de la société Time to relax, de tous les noms de domaines appartenant à la société Time to relax, soit monpremieroeufdeyoni.com et académie-développement-personnel.com, de tous ses programmes de vente ainsi que de tous ses programmes et documents publicitaires, et de détruire les fichiers sources des vidéos, webinaires et extraits de webinaires sur lesquels elle apparaît ;
Ordonne à la société Time to relax ainsi qu’à toute personne physique ou morale venant aux droits de cette dernière, de donner pour instructions à tous ses publicitaires de cesser de diffuser les vidéos sur lesquelles elle apparaît, en leur communiquant le présent arrêt ;
Assortit ces injonctions d’une astreinte provisoire de 1.000 euros par jour de retard, passé un délai d’un mois à compter de la signification du présent arrêt et ce, pendant un délai de trois mois, au-delà duquel il sera à nouveau statué sur l’astreinte ;
Condamne la société Time to relax à payer à Mme Y une provision de 10.000 euros en réparation de son préjudice, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt et capitalisation dans les conditions de l’article 1343-2 du code civil ;
Condamne la société Time to relax aux dépens de première instance et d’appel, qui incluront le coût du procès-verbal d’huissier du 24 novembre 2020 d’un montant de 800 euros TTC ;
Condamne la société Time to relax à payer à Mme Y la somme de 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Le Greffier, Le Président,