L’Essentiel : La SCCV NP [Localité 6] 1 a résilié le contrat avec la SAS Anizienne de construction le 3 mai 2021, suite à l’abandon du chantier. Elle a déclaré une créance de 652 105,98 euros, contestée par le mandataire judiciaire. Le juge commissaire, déclarant son incompétence, a invité la SCCV à saisir le juge du fond. En réponse, la SCCV a assigné la SAS Anizienne et son mandataire au tribunal judiciaire de Bobigny. Le tribunal a reconnu la résiliation du contrat au 2 avril 2021, débouté la SCCV de ses demandes et condamné celle-ci à verser 3 500 euros à la SELARL Evolution.
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Contexte de l’affaireLa SCCV NP [Localité 6] 1 a confié le lot gros œuvre d’un projet immobilier à la SAS Anizienne de construction par un contrat signé le 26 mars 2019. En raison de difficultés financières, la SAS Anizienne a été placée en redressement judiciaire le 28 janvier 2021, suivi d’une liquidation judiciaire le 23 avril 2021. Résiliation du contratFace à l’abandon du chantier par la SAS Anizienne, la SCCV NP [Localité 6] 1 a résilié le contrat par courrier le 3 mai 2021. La SCCV a également déclaré une créance chirographaire de 652 105,98 euros, contestée par le mandataire judiciaire. Procédure judiciaireLe juge commissaire a déclaré son incompétence pour statuer sur la créance, invitant la SCCV à saisir le juge du fond. La SCCV a alors assigné la SAS Anizienne et son mandataire devant le tribunal judiciaire de Bobigny pour obtenir une indemnisation. Demandes des partiesLa SCCV NP [Localité 6] 1 a demandé au tribunal de se déclarer compétent et de reconnaître la résiliation du contrat aux torts de la SAS Anizienne, tout en sollicitant des dommages-intérêts. De son côté, la SELARL Evolution a contesté la demande d’incompétence et a formulé des demandes reconventionnelles pour le paiement de situations de travaux impayées. Décisions du tribunalLe tribunal a déclaré la résiliation du contrat à la date du 2 avril 2021, a débouté la SCCV de ses demandes en paiement, et a également rejeté les demandes de la SELARL Evolution. Les dépens ont été mis à la charge de la SCCV, qui a été condamnée à verser 3 500 euros à la SELARL au titre des frais irrépétibles. Exécution provisoireLe jugement a été assorti de l’exécution provisoire de droit, conformément aux dispositions du code de procédure civile. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelle est la régularité de la déclaration de créance dans le cadre de la liquidation judiciaire ?La régularité de la déclaration de créance est un point crucial dans le cadre d’une procédure collective. Selon l’article L622-24 du Code de commerce, « le créancier doit déclarer sa créance dans un délai de deux mois à compter de la publication du jugement d’ouverture de la procédure collective ». Dans le cas présent, la SCCV NP [Localité 6] 1 a déclaré sa créance par courrier recommandé le 7 avril 2021, ce qui semble respecter le délai imparti. Toutefois, la SELARL Evolution conteste cette déclaration, arguant qu’elle est inopposable à la liquidation judiciaire. L’article L622-26 précise que « la déclaration de créance doit être faite par écrit et indiquer le montant de la créance ainsi que son origine ». La contestation de la créance par le mandataire judiciaire, Me [J], le 9 juin 2021, soulève des questions sur la validité de la déclaration. Il est donc essentiel d’examiner si la déclaration a été faite conformément aux exigences légales et si les contestations soulevées par le mandataire judiciaire sont fondées. Quelles sont les conditions de résiliation d’un contrat en cas d’abandon de chantier ?La résiliation d’un contrat en cas d’abandon de chantier est régie par les articles 1217 et 1224 du Code civil. L’article 1217 stipule que « la partie envers laquelle l’engagement n’a pas été exécuté peut, à son choix, demander l’exécution forcée en nature, ou la résolution du contrat ». L’article 1224 précise que « la résolution est subordonnée à une mise en demeure restée infructueuse, sauf si la résolution résulte d’une clause résolutoire ». En l’espèce, la SCCV NP [Localité 6] 1 a résilié le contrat le 3 mai 2021, invoquant l’abandon du chantier par la SAS Anizienne de construction. Cependant, l’article 81.1.2 du CCG stipule que « le marché pourra être résilié de plein droit, sans accomplissement d’aucune formalité judiciaire, aux torts de l’entrepreneur après mise en demeure en cas d’abandon de chantier ». Il est donc crucial de déterminer si une mise en demeure a été effectuée et si elle mentionnait expressément la clause résolutoire, car l’absence de cette formalité pourrait rendre la résiliation inefficace. Comment se prononce le tribunal sur les demandes en paiement des parties ?Les demandes en paiement des parties sont examinées à la lumière des articles 696 et 700 du Code de procédure civile. L’article 696 stipule que « la partie perdante est condamnée aux dépens ». Dans cette affaire, la SCCV NP [Localité 6] 1 a été déboutée de ses demandes en paiement, ce qui implique qu’elle est considérée comme la partie perdante. Par conséquent, elle sera condamnée aux dépens, conformément à l’article 696. L’article 700, quant à lui, permet au tribunal d’allouer une somme à la partie gagnante pour couvrir les frais non compris dans les dépens. Le tribunal a décidé d’accorder à la SELARL Evolution une somme de 3 500 euros au titre de l’article 700, en tenant compte des frais exposés et de la situation économique des parties. Ainsi, le tribunal a statué en faveur de la SELARL Evolution, tout en condamnant la SCCV NP [Localité 6] 1 aux dépens et à une indemnité pour frais irrépétibles. |
de BOBIGNY
JUGEMENT CONTENTIEUX DU 20 JANVIER 2025
Chambre 6/Section 5
AFFAIRE: N° RG 22/08090 – N° Portalis DB3S-W-B7G-WVRE
N° de MINUTE : 25/00042
La SCCV NP [Localité 6] 1
[Adresse 4]
[Localité 5]
représentée par Me Arthur BARBAT DU CLOSEL, la SELARL ATTIQUE AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C0301
DEMANDEUR
C/
La S.E.L.A.R.L. EVOLUTION représentée par Maître [S] [J], ès qualités de mandataire liquidateur Judiciaire de la SAS ANIZIENNE DE CONSTRUCTION
[Adresse 3]
[Localité 1]
représentée par Maître Emilia ZELMAT de la SELARL JURIS, avocat ( postulant) au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, vestiaire : 228; Me Dominique ROUSSEL, avocat ( plaidant) au barreau de REIMS
DEFENDEUR
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Monsieur David BRACQ-ARBUS, Juge, statuant en qualité de juge unique, conformément aux dispositions de l’article 812 du code de procédure civile, assisté aux débats de Madame Reine TCHICAYA, Greffier.
DÉBATS
Audience publique du 14 Novembre 2024, à cette date, l’affaire a été mise en délibéré au 20 Janvier 2025.
JUGEMENT
Rendu publiquement, par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort, par Monsieur David BRACQ-ARBUS, assisté de Madame Reine TCHICAYA, Greffier.
Pour les besoins d’une opération de construction d’un ensemble immobilier situé [Adresse 2] à [Localité 6], la SCCV NP [Localité 6] 1 a, en qualité de maître de l’ouvrage, confié le lot gros œuvre à la SAS Anizienne de construction suivant marché signé le 26 mars 2019.
Par jugement du tribunal de commerce de Saint-Quentin du 28 janvier 2021, la SAS Anizienne de construction a été placée en procédure de redressement judiciaire, Me [J] ayant été désigné mandataire judiciaire.
La procédure de redressement a été convertie en liquidation judiciaire par jugement du même tribunal en date du 23 avril 2021.
Considération prise de l’abandon du chantier par la SAS Anizienne de construction, la SCCV NP [Localité 6] 1 lui a adressé un courrier de résiliation du marché le 3 mai 2021.
Par courrier recommandé du 7 avril 2021, la SCCV NP [Localité 6] 1 a déclaré à titre chirographaire sa créance pour un montant total de 652 105,98 euros, qui a été contestée par Me [J] (courrier du 9 juin 2021).
Par ordonnance du 30 juin 2022, le juge commissaire du tribunal de commerce de Saint-Quentin s’est déclaré incompétent pour statuer sur la créance et a invité la SCCV NP [Localité 6] 1 à saisir le juge du fond.
C’est dans ces conditions que la SCCV NP Drancy 1 a, par actes d’huissier du 8 août 2022, fait assigner la Société anizienne de construction et la SELARL Evolution en sa qualité de mandataire liquidateur de la Société anizienne de construction devant le tribunal judiciaire de Bobigny aux fins notamment de solliciter l’indemnisation de son préjudice.
Avisée à étude, la Société anizienne de construction n’a pas constitué avocat.
Aux termes de l’article 472 du code de procédure civile, si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond, et le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l’estime régulière, recevable et bien fondée.
Le présent jugement, susceptible d’appel, sera réputé contradictoire, conformément aux dispositions des articles 473 (en cas de défendeur unique) et 474 (en cas d’une pluralité de défendeurs dont un au moins ne comparaît pas) du code de procédure civile.
Par ordonnance du 5 février 2024, le juge de la mise en état a déclaré irrecevables les demandes présentées par la SELARL Evolution tendant à voir déclarer inopposable ou irrégulière les déclarations de créance dans le cadre de la procédure collective ouverte contre la SAS Anizienne de construction.
La clôture de l’instruction a été prononcée le 22 mai 2024 par ordonnance du même jour, et l’affaire appelée à l’audience de plaidoiries du 14 novembre 2024.
Le jugement a été mis en délibéré au 20 janvier 2025, date de la présente décision.
PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 20 juin 2023, la SCCV NP Drancy 1 demande au tribunal judiciaire de Bobigny de :
– se déclarer incompétent pour juger la créance de la SCCV NP [Localité 6] irrégulière ou inopposable à la procédure collective ;
– recevoir en conséquence, la SCCV NP [Localité 6] 1 de sa demande au fond et la dire bien fondée ;
A titre principal
– prendre acte de la résiliation aux torts exclusifs de la Société anizienne de construction intervenue en application de l’article 81.1.2 du CCG ;
A titre subsidiaire :
– prononcer la résiliation judiciaire du marché du 26 mars 2019 aux torts exclusifs de la Société anizienne de construction à effet au 2 avril 2021 ;
En tout état de cause :
– dire que la société anizienne de construction a engagé sa responsabilité à l’égard de la SCCV NP [Localité 6] 1 ;
– fixer la créance chirographaire de la SCCV NP [Localité 6] 1 à l’encontre de la Société anizienne de construction à hauteur des sommes de 275.356,96 euros HT euros, laquelle somme sera éventuellement réhaussée à la somme de 358.577,15 euros HT si par extraordinaire le Tribunal devait condamner la SCCV NP [Localité 6] 1 au paiement des situations n°22, 23, 24 et 25 de la Société anizienne de construction, augmentant de façon corrélative le coût global des travaux de gros œuvre ;
Sur la demande reconventionnelle articulée par la SELARL Evolution au titre du règlement des situations n°22, 23, 24 et 25 de la Société anizienne de construction :
– dire que la SCCV NP [Localité 6] 1 a réglé les ouvrages exécutés antérieurement à la résiliation du marché de la Société anizienne de construction, de sorte qu’elle n’est redevable d’aucune somme ;
– cantonner subsidiairement le montant des sommes dues au titre des situations de travaux n°22, 23, 24 et 25 à la part en propre de la Société anizienne de construction, déduction faite des sommes dues aux sous-traitants bénéficiaires d’une délégation de paiement, soit à la somme de 147 617,03 euros TTC ;
En cas de condamnation de la maîtrise d’ouvrage à payer quelconques sommes supplémentaires à la liquidation de la SAC :
– ordonner la compensation entre les créances sur le fondement de l’article L622-7 du code de commerce, compte tenu de la connexité entre les créances ;
– débouter la SELARL Evolution en toutes ses demandes, fins et conclusions, notamment au titre de la fourniture d’une garantie de paiement sur le fondement de l’article 1799-1 du code civil et de sa demandes dommages-intérêts ;
– condamner la SELARL Evolution, es-qualité de liquidateur judiciaire la société Société anizienne de construction au paiement des entiers dépens d’instance et d’une somme de 2.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
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Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 11 septembre 2023, la SELARL Evolution en sa qualité de mandataire liquidateur de la Société anizienne de construction demande au tribunal judiciaire de Bobigny de :
A titre principal,
– juger irrecevable la demande d’incompétence présentée par la société SCCV NP [Localité 6] 1, cette exception de procédure n’ayant pas été invoquée avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir ;
A titre subsidiaire,
– juger inopposable à la liquidation judiciaire de la SAC la déclaration de créances (Pièce 10) effectuée par la société SCCV NP [Localité 6] 1 ;
A titre très subsidiaire,
– juger irrégulière la déclaration de créance (Pièce 11) de la SAS Immobel faute de justification du mandat consenti ;
A titre infiniment subsidiaire,
– juger n’y avoir lieu à prendre acte de la résiliation du marché aux torts exclusifs de la SAC ;
– juger n’y avoir lieu à prononcer la résiliation judiciaire du marché aux torts exclusifs de la SAC ;
En tout état de cause et en conséquence,
– débouter la société SCCV NP [Localité 6] 1 de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
A titre reconventionnel,
– juger la demande en paiement de la SELARL Evolution prise en la personne de Maître [J], es qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société SAC recevable et bien fondée ;
– condamner la société SCCV NP [Localité 6] 1 à payer à la SELARL Evolution prise en la personne de Maître [J], es qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société SAC, la somme 157 021, 01 euros TTC au titre des situations impayées N° 22 à 25, avec intérêts au taux appliqué par la banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage, soit en détail :
*Situation N° 22, Facture en date du 22/01/2021 à hauteur de 81 935, 21 euros TTC : à compter du 28/02/2021 jusqu’à la date du paiement,
*Situation N° 23, Facture en date du 12/02/2021 à hauteur de 24 151, 87 euros TTC, : à compter du 31/03/2021 jusqu’à la date du paiement,
*Situation N° 24, Facture en date du 25/02/2021 à hauteur de 24 743, 54 euros TTC : à compter du 31/03/2021 jusqu’à la date du paiement,
*Situation N° 25, Facture en date du 11/03/2021 à hauteur de 26 190, 41 euros TTC : à compter du 30/04/2021 jusqu’à la date du paiement,
– condamner la société SCCV NP [Localité 6] 1 à payer à la SELARL Evolution prise en la personne de Maître [S] [J], es qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société SAC, la somme de 174 098, 89 euros TTC s’agissant du solde du marché, avec intérêts au taux de l’intérêt légal augmenté de dix points à compter du 30 juin 2021 jusqu’à la date du paiement ;
– juger que société SCCV NP [Localité 6] 1, maître d’ouvrage n’a pas fourni la garantie de paiement à l’entrepreneur la SAC, visée à l’article 1799-1 du code civil ;
-condamner la société SCCV NP [Localité 6] 1 à fournir à la SELARL Evolution prise en la personne de Maître [S] [J], es qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société SAC, la garantie de paiement d’un montant de 331 119, 90 TTC (174 098, 89 +157 021, 01) sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir ;
– ordonner la capitalisation des intérêts conformément à l’article 1343-2 du code civil ;
– condamner la société SCCV NP [Localité 6] 1 à payer à la SELARL Evolution prise en la personne de Maître [S] [J], es qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société SAC la somme de 50 000 euros de dommages et intérêts pour inexécution, retard de paiement, résistance abusive et non-respect du marché ;
– condamner la société SCCV NP [Localité 6] 1 à payer à la SELARL Evolution prise en la personne de Maître [S] [J], es qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société SAC, la somme de 10 000 euros au titre des frais irrépétibles (article 700 CPC) ;
– condamner la SCCV NP [Localité 6] 1 aux entiers dépens ;
– maintenir l’exécution provisoire de droit.
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Pour un plus ample exposé des moyens développés les parties, il est renvoyé à la lecture des conclusions précitées, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
A titre liminaire, il convient de rappeler que, aux termes de l’article 768 du code de procédure civile, le tribunal ne doit statuer que sur les prétentions énoncées au dispositif et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion. Or ne constituent pas des prétentions au sens de l’article 4 du code de procédure civile les demandes des parties tendant à voir « constater », « dire », « juger » ou « donner acte », en ce que, hors les cas prévus par la loi, elles ne sont pas susceptibles d’emporter de conséquences juridiques, mais constituent en réalité des moyens ou arguments, de sorte que le tribunal n’y répondra qu’à la condition qu’ils viennent au soutien de la prétention formulée dans le dispositif des conclusions et, en tout état de cause, pas dans son dispositif mais dans ses motifs, sauf à statuer sur les demandes des parties tendant à « dire et juger » lorsqu’elles constituent un élément substantiel et de fond susceptible de constituer une prétention (2ème Civ., 13 avril 2023, pourvoi n° 21-21.463).
Sur la régularité de la déclaration de créance
Au dispositif de ses dernières conclusions, la SELARL Evolution demande notamment au tribunal de :
« A titre principal,
– juger irrecevable la demande d’incompétence présentée par la société SCCV NP [Localité 6] 1, cette exception de procédure n’ayant pas été invoquée avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir ;
A titre subsidiaire,
– juger inopposable à la liquidation judiciaire de la SAC la déclaration de créances (Pièce 10) effectuée par la société SCCV NP [Localité 6] 1 ;
A titre très subsidiaire,
– juger irrégulière la déclaration de créance (Pièce 11) de la SAS Immobel faute de justification du mandat consenti ; »
Or, ces demandes ont été tranchées sur incident par ordonnance du 5 janvier 2024, de sorte qu’il n’y sera pas répondu.
Sur la résiliation du marché
L’article 1103 du code civil dans sa rédaction applicable au litige dispose que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits, sans quoi la partie envers laquelle l’engagement n’a pas été exécuté, ou l’a été imparfaitement, peut, selon les articles 1217 et 1224 du même code, provoquer la résolution du contrat, et/ou demander réparation des conséquences de l’inexécution, le tout cumulable avec l’octroi de dommages et intérêts au sens de l’article 1231-1 du même code.
Conformément aux articles 1224 et 1125 du même code, lorsqu’elle résulte de l’application d’une clause résolutoire, laquelle doit préciser les engagements dont l’inexécution entraînera la résolution du contrat, la résolution est subordonnée à une mise en demeure infructueuse, s’il n’a pas été convenu que celle-ci résulterait du seul fait de l’inexécution, la mise en demeure ne produisant effet que si elle mentionne expressément la clause résolutoire.
En l’absence de dispense expresse et non équivoque, la clause résolutoire ne peut être acquise au créancier sans la délivrance préalable d’une mise en demeure restée infructueuse (voir en ce sens : Civ. 1re, 3 févr. 2004, no 01-02.020 P.).
Conformément aux articles 1224 et 1227 et suivants du même code, lorsque la résolution est demandée en justice, en cas d’inexécution suffisamment grave du débiteur, elle met fin au contrat à la date fixée par le juge ou, à défaut, au jour de l’assignation en justice. Lorsque les prestations échangées ne pouvaient trouver leur utilité que par l’exécution complète du contrat résolu, les parties doivent restituer l’intégralité de ce qu’elles se sont procuré l’une à l’autre.
Lorsque les prestations échangées ont trouvé leur utilité au fur et à mesure de l’exécution réciproque du contrat, il n’y a pas lieu à restitution pour la période antérieure à la dernière prestation n’ayant pas reçu sa contrepartie ; dans ce cas, la résolution est qualifiée de résiliation. Les restitutions ont lieu dans les conditions prévues aux articles 1352 à 1352-9.
En l’espèce, l’article 81.1.2 du CCG stipule : « Résiliation de plein droit
Le marché pourra être résilié de plein droit, sans accomplissement d’aucune formalité judiciaire, aux torts de l’entrepreneur :
– après mise en demeure en cas d’abandon de chantier ou en cas de sous-traitance en infraction avec les dispositions de l’article 33 ;
– sans mise en demeure, dans le cas de tromperie grave et dûment constatée sur la qualité des matériaux ou sur la qualité d’exécution des travaux. »
Le maître de l’ouvrage se fonde manifestement sur la clause prévoyant le cas d’un abandon de chantier. En l’absence de mise en demeure mentionnant expressément la clause résolutoire, il ne démontre pas avoir respecté le formalisme légal et contractuel, de sorte que la résolution est privée d’efficacité.
S’agissant de la résolution judiciaire, il résulte tant du procès-verbal de constat d’huissier que des courriers échangés entre les parties que la Société anizienne de construction a abandonné le chantier – ce qu’elle ne conteste au demeurant pas, ce qui est constitutif d’une inexécution suffisamment grave au sens de l’article 1224 du code civil.
Il sera ici répondu à la Société anizienne de construction que la seule circonstance d’un défaut de paiement des dernières situations de travaux, alors que les précédentes avaient été réglées et qu’il résulte des documents de la maîtrise d’œuvre que les travaux n’avançaient plus, ne pouvait permettre d’abandonner le chantier.
Il y a donc lieu de prononcer la résiliation judiciaire du contrat à la date du 2 avril 2021.
Sur les demandes principales en paiement
Sur la reprise des désordres
L’entrepreneur est tenu exécuter des travaux exempts de tout vice, conformes à leurs engagements contractuels, aux réglementations en vigueur et aux règles de l’art.
Il appartient à celui qui se prévaut de désordres survenus à l’occasion de travaux d’en établir la matérialité, conformément à l’article 9 du code de procédure civile.
Sauf exception, cette preuve peut être rapportée par tous moyens, notamment par expertise. A cet égard, toutefois, une expertise extrajudiciaire ne peut servir de fondement exclusif de la décision sans être corroborée par d’autres éléments, quand bien même l’autre partie y a été convoquée ou y a assisté (voir en ce sens Cass, Civ 1, 26 juin 2019, 18-12.226 et Cass, Civ 2, 19 mars 2020, 19-12.254).
En l’espèce, pour seules preuves des désordres de construction affectant les travaux exécutés par la SAC, la demanderesse fournit des devis et factures correspondant aux reprises confiées à d’autres entreprises.
Ce faisant, elle ne démontre ni la matérialité des désordres, ni l’existence d’une quelconque faute de construction en rapport avec les prestations contractuellement convenues, ni le caractère strictement nécessaire des réparations sollicitées.
Pour ces raisons, ces chefs de demande seront rejetés.
Sur les sommes engagées par la SCCV pour faire réaliser les ouvrages non exécutés
La société NP [Localité 6] 1 ayant sollicité la résiliation du contrat à la date du 2 avril 2021, la SAC se trouve ainsi libérée des obligations contractuelles à compter de cette date, de sorte qu’il ne peut lui être reproché de n’avoir pas achevé le chantier.
En effet, la société NP [Localité 6] 1, qui n’est plus tenue au complet paiement du marché compte tenu de la résiliation, ne peut, en pareille hypothèse, que solliciter l’indemnisation de la perte de chance de terminer plus rapidement les travaux ou bien d’achever son chantier à moindre coût, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.
Ainsi, les demandes relatives à l’indemnisation du coût d’achèvement du chantier seront rejetées.
Sur les montants réglés par la SCCV à la société SAC
Si la SCCV soutient que, par suite de la défaillance de la SAC, elle s’est trouvée contrainte de passer directement commande auprès des sous-traitants de cette dernière, elle ne permet pas au tribunal d’établir que les coûts ainsi supportés correspondent à des prestations payées à la SAC avant la résiliation du contrat – lesquels pourraient être indemnisés, ou s’il s’agit du coût d’achèvement de travaux non payés et indus par l’effet de la résolution.
Sur les pénalités contractuelles
En l’espèce, la SCCV se contente de viser la clause pénale en cas d’absence lors des rendez-vous de chantier sans viser aucune pièce, de sorte que la demande sera rejetée.
S’agissant des pénalités de retard, force est de constater que le contrat stipule une date de réception fixée au 30 décembre 2018 alors qu’il a été signé en mars 2019. Le tribunal n’est donc pas en mesure d’apprécier le retard.
La demande sera ainsi rejetée.
Sur le coût supplémentaire des travaux de gros œuvre en raison de la défaillance de la SAC
En l’espèce, si la SCCV peut légitimement réclamer le montant du coût supplémentaire des travaux de gros œuvre, il sera néanmoins observé qu’elle ne rapporte pas la preuve de son préjudice. En effet, un calcul est proposé sans que ne soit visée aucune pièce et, à considérer qu’il faille se reporter aux différents devis versés, il a déjà été établi qu’ils ne suffisent à rapporter la preuve du strict coût des réparations supportées par suite de la résiliation.
Il en résulte que la demande sera rejetée.
Sur les demandes reconventionnelles de la SELARL Evolution
En l’espèce, il sera d’abord observé que le contrat prévoit, en ses articles 70 et 71, que les situations de travaux ne sont réglées qu’après un processus de validation impliquant notamment celle du maître d’œuvre.
Il ne suffit ainsi au constructeur d’établir ses situations de travaux pour être fondé à en réclamer le paiement. Il doit au contraire apporter la preuve de ce que les travaux ont effectivement été réalisés.
C’est d’ailleurs par une inversion de la charge de la preuve que la SELARL Evolution renvoie à sa contradictrice l’absence de preuve de ce que les travaux n’auraient pas été réalisés, étant observé que les courriers du maître d’œuvre pointent un défaut de diligence de la part de la SAC dans les semaines ayant précédé la résiliation.
Il sera en outre opposé à la SELARL Evolution que le caractère forfaitaire du marché n’implique nullement que la SAC ait automatiquement droit au paiement de l’entier prix convenu dès lors d’une part que le règlement des prestations fait lui-même l’objet de clauses spéciales et d’autre part que cela signifie seulement que le prix est global, peu important la variation économique du coût des prestations.
La demande reconventionnelle en paiement des situations de travaux sera rejetée.
La demande en fourniture d’une garantie de paiement sera rejetée compte tenu de la résiliation du marché.
Du tout, il résulte que la demande indemnitaire sera rejetée.
Sur les frais du procès et l’exécution provisoire
Sur les dépens
Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.
En l’espèce, les dépens seront mis à la charge de la SCCV NP [Localité 6] 1, succombant à l’instance.
Sur les frais irrépétibles
En application de l’article 700 du code de procédure civile, le tribunal condamne la partie tenue aux dépens ou la partie perdante à payer à l’autre la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
Par principe, le tribunal alloue à ce titre une somme correspondant aux frais réellement engagés, à partir des justificatifs produits par les parties, ou, en l’absence de justificatif, à partir des données objectives du litige (nombre de parties, durée de la procédure, nombre d’écritures échangées, complexité de l’affaire, incidents de mise en état, mesure d’instruction, etc.).
Par exception et de manière discrétionnaire, le tribunal peut, considération prise de l’équité ou de la situation économique des parties, allouer une somme moindre, voire dire qu’il n’y a lieu à condamnation.
En l’espèce, la SCCV NP [Localité 6] 1, condamnés aux dépens, sera condamnés à payer à la SELARL Evolution une somme qu’il est équitable de fixer à 3 500 euros.
Sur l’exécution provisoire
Il convient de rappeler qu’en application de l’article 514 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019 applicable aux instances introduites à compter du 1er janvier 2020, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement.
Le tribunal, statuant publiquement par jugement réputé contradictoire et en premier ressort, par mise à disposition au greffe,
RESILIE le contrat du 26 mars 2019 à la date du 2 avril 2021 ;
DEBOUTE la SCCV NP [Localité 6] 1 de ses demandes en paiement ;
DEBOUTE la SELARL Evolution de ses demandes en paiement ;
MET les dépens à la charge de la SCCV NP [Localité 6] 1 ;
CONDAMNE la SCCV NP [Localité 6] 1 à payer à la SELARL Evolution la somme de 3 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
DEBOUTE la SCCV NP [Localité 6] 1 de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
RAPPELLE que le présent jugement est assorti de l’exécution provisoire de droit.
La minute a été signée par Monsieur David BRACQ-ARBUS, Juge, et par Madame Reine TCHICAYA, Greffier.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
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