Rénovation et obligations contractuelles : enjeux de preuve et contestations des travaux réalisés.

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Rénovation et obligations contractuelles : enjeux de preuve et contestations des travaux réalisés.

L’Essentiel : En 2020, M. [Z] [X] et Mme [V] [X] ont entrepris la rénovation de leur appartement à [Adresse 3]. Ils ont sollicité la société Neves & Guerra pour divers travaux, un devis de 224.400 euros HT étant établi. Cependant, des problèmes sont survenus lorsque des devis supplémentaires ont été présentés, entraînant l’arrêt des travaux. En janvier 2021, une facture de 42.509,57 euros TTC a été émise, mais non réglée par les consorts [X]. Les tensions ont conduit à une assignation en justice, où le tribunal a finalement rejeté les demandes des sociétés, faute de preuves suffisantes.

Contexte de la rénovation

En 2020, M. [Z] [X] et Mme [V] [X] ont décidé de rénover leur appartement situé à [Adresse 3] dans le [Localité 6]. Ils ont contacté la société Neves & Guerra, spécialisée dans les travaux de menuiserie, bois et PVC, pour réaliser ces travaux.

Devis et contrat de sous-traitance

Le 22 janvier 2020, Neves & Guerra a fourni un devis de 224.400 euros HT pour divers travaux, incluant démolition, maçonnerie, électricité, plomberie, et plus. Un contrat de sous-traitance a été signé le 1er juin 2020 avec la société Entreprise Marques pour un montant de 128.000 euros, les travaux devant se dérouler jusqu’au 20 décembre 2020.

Début des travaux et problèmes rencontrés

Les consorts [X] ont remis les clés de l’appartement à Neves & Guerra le 11 juin 2020. Cependant, le 24 juin 2020, deux nouveaux devis ont été présentés, avec des montants supérieurs à ceux initialement convenus. Face à ces augmentations, les consorts [X] ont demandé l’arrêt des travaux.

Facturation et mise en demeure

Le 21 janvier 2021, Neves & Guerra a émis une facture de 42.509,57 euros TTC pour des travaux réalisés. Malgré une mise en demeure envoyée le 10 février 2021, les consorts [X] n’ont pas réglé cette facture, ce qui a conduit à des tensions croissantes entre les parties.

Constats et expertises

Les consorts [X] ont fait appel à la société AMCC pour un diagnostic technique et ont diligenté un huissier pour un état des lieux le 6 avril 2022. Un second constat a été réalisé le 26 avril 2023, montrant que des travaux supplémentaires avaient été effectués par une autre entreprise.

Procédures judiciaires

Le 12 octobre 2023, Neves & Guerra et Entreprise Marques ont assigné M. [Z] [X] et Mme [V] [X] devant le Tribunal judiciaire de Paris, demandant une expertise pour évaluer les travaux réalisés et le paiement d’une provision de 30.000 euros. Les consorts [X] ont contesté ces demandes, arguant qu’aucun contrat d’entreprise n’avait été formellement établi.

Arguments des parties

Les sociétés demanderesses ont soutenu qu’elles avaient un contrat d’entreprise et que les travaux avaient été réalisés, tandis que les consorts [X] ont affirmé n’avoir accepté que des travaux de démolition pour un montant limité. Ils ont également demandé une expertise pour constater des malfaçons et réclamer une provision pour les préjudices subis.

Décision du tribunal

Le tribunal a décidé qu’il n’y avait pas lieu à référé sur les demandes des sociétés Neves & Guerra et Entreprise Marques, en raison de l’absence de preuve d’une obligation non sérieusement contestable. Les demandes reconventionnelles des consorts [X] ont également été rejetées, et les sociétés demanderesses ont été condamnées aux dépens.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la base légale pour demander une expertise judiciaire dans le cadre d’un litige sur des travaux de rénovation ?

La demande d’expertise judiciaire est fondée sur l’article 145 du Code de procédure civile, qui stipule :

« S’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé sur requête ou en référé. »

Cet article précise que la mesure sollicitée ne doit pas nécessairement impliquer un examen de la responsabilité des parties, mais doit simplement établir l’éventualité d’un procès sur un fondement juridique déterminé.

Dans le cas présent, les sociétés demanderesses justifient leur demande d’expertise par la nécessité de prouver la réalité des travaux facturés. Cependant, il est important de noter que la demande en paiement d’un entrepreneur est subordonnée à la preuve de la réalisation des prestations conformément aux règles de l’art et aux engagements contractuels.

Or, dans cette affaire, les parties sont en désaccord sur l’étendue des travaux et leur prix, ce qui rend l’expertise inutile pour déterminer ces éléments.

Quelles sont les conditions pour obtenir une provision en référé selon le Code de procédure civile ?

Les conditions pour obtenir une provision en référé sont énoncées à l’article 835 alinéa 2 du Code de procédure civile, qui dispose :

« Dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, le juge des référés peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire. »

De plus, l’article 1103 du Code civil précise que :

« Les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits. »

Ainsi, pour qu’une provision soit accordée, il faut que l’existence de l’obligation soit incontestable. Dans le cas présent, la société Neves & Guerra a demandé une provision de 30 000 € pour des travaux, mais les défendeurs contestent l’existence d’un contrat d’entreprise et le montant des travaux réalisés.

Les éléments de preuve fournis par les parties montrent des divergences sur les travaux effectués et les montants facturés, ce qui empêche de considérer l’obligation comme non sérieusement contestable.

Quels sont les droits des parties en matière de restitution de biens dans le cadre d’un litige sur des travaux ?

La restitution de biens est généralement régie par les principes du Code civil, notamment l’article 1353 qui stipule :

« Celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de l’obligation. »

Dans le contexte de ce litige, les consorts [X] demandent la restitution de leurs biens, mais il n’existe aucune preuve dans le dossier indiquant que la société Neves & Guerra avait la charge de l’enlèvement et du gardiennage de ces biens.

Les devis et factures présentés ne mentionnent pas cette responsabilité, et les défendeurs n’ont pas fourni de preuve d’une demande de restitution antérieure. Par conséquent, en l’absence de preuve, la demande de restitution des biens est rejetée.

Comment les frais d’expertise sont-ils généralement répartis dans un litige ?

La répartition des frais d’expertise est souvent déterminée par le juge, en fonction des circonstances de l’affaire et des résultats de l’expertise. En général, l’article 700 du Code de procédure civile permet au juge de condamner la partie perdante à payer une somme au titre des frais irrépétibles.

Dans le cas présent, les sociétés Neves & Guerra et Entreprise Marques ont échoué dans leurs demandes, ce qui signifie qu’elles pourraient être condamnées à supporter les frais d’expertise. Cependant, le tribunal a décidé de ne pas appliquer la condamnation au titre des frais irrépétibles, ce qui indique que la décision sur la répartition des frais d’expertise dépendra des éléments de preuve et des arguments présentés par chaque partie.

En conclusion, la décision du tribunal sur les demandes d’expertise et de provision repose sur l’absence de preuve d’une obligation non sérieusement contestable, ainsi que sur le manque de fondement pour les demandes de restitution des biens.

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

N° RG 23/57699

N° Portalis 352J-W-B7H-C264G

N° : 1

Assignation du :
12 octobre 2023

[1]

[1] 2 copies exécutoires
délivrées le :

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ
rendue le 21 novembre 2024

par Nadja GRENARD, Vice-présidente au Tribunal judiciaire de Paris, agissant par délégation du Président du Tribunal,

Assistée de Arnaud FUZAT, Greffier.

DEMANDERESSES

La S.A.R.L. NEVES & GUERRA
[Adresse 7]
[Adresse 2]
PORTUGAL

La S.A.R.L. ENTREPRISE MARQUES
[Adresse 1]
[Localité 5]

représentées par Maître Georges FERREIRA de la SELARL DS L’ORANGERIE, avocats au barreau de PARIS – #E1905

DEFENDEURS

Monsieur [Z] [X]
[Adresse 3]
[Localité 4]

Madame [V] [X]
[Adresse 3]
[Localité 4]

représentés par Maître Thomas AMICO de l’ASSOCIATION VEIL JOURDE, avocats au barreau de PARIS – #T06

DÉBATS

A l’audience du 09 octobre 2024, tenue publiquement, présidée par Nadja GRENARD, Vice-présidente, assistée de Arnaud FUZAT, Greffier,
Nous, Président, après avoir entendu les parties représentées par leur conseil, avons rendu la décision suivante :

EXPOSE DU LITIGE

En 2020, M. [Z] [X] et Mme [V] [X] ont souhaité procéder à la rénovation de leur appartement situé [Adresse 3] dans le [Localité 6].

Ils sont entrés en contact avec la société Neves & Guerra spécialisée dans les travaux de menuiserie, bois et PVC.

Le 22 janvier 2020, la société Neves & Guerra a établi et transmis un premier devis de rénovation de leur appartement d’un montant de 224.400 euros HT comprenant les travaux de démolition, de maçonnerie et revêtements, d’électricité, de plomberie, de climatisation, de menuiseries extérieures, de menuiserie, de faux plafonds, de peinture et de nettoyage.

Par acte sous seing privé du 1er juin 2020, la société NEVES & GUERRA a conclu un contrat de sous-traitance avec la société Entreprise Marques ayant pour activité la maçonnerie, l’isolation des murs, cloison, doublage, faux-plafond, électricité, plomberie, pleinture, carrelage moyennant un prix de 128 000 € pour des travaux devant se dérouler entre le 1er juin 2020 au 20 décembre 2020.

Le 11 juin 2020, les consorts [X] ont confié les clefs de l’appartement à la société Neves & Guerra.

Le 24 juin 2020, la société Neves & Guerra a transmis deux devis détaillés comprenant la démolition et la maçonnerie, l’isolation, les menuiseries extérieures et intérieures, le revêtement de sols, la peinture, la plomberie, l’électricité, le premier pour un montant de 293.763,12 € HT et le second pour un montant de 249 425,62€ HT après remise.

Les consorts [X] ont sollicité l’arrêt des travaux.

La société Neves & Guerra a établi une facture datée du 21 janvier 2021 s’élevant à la somme de 42 509,57 € TTC au titre de travaux de démolition, doublage-cloisonnement, plomberie et électricité qui auraient été réalisés dans l’appartement.

Par courrier recommandé en date du 10 février 2021, la société Neves & Guerra, par l’intermédiaire de son conseil, a mis en demeure les consorts [X] de procéder au règlement de la facture n°2020/495 en date du 27 janvier 2021 d’un montant de 42.509,57 euros TTC.

Le 5 février 2021, la société Entreprise Marques a établi à destination de la société Neves & Guerra une facture n° 794 bis d’un montant de 32 799,90€ TTC au titre des travaux de démolition, isolation, plomberie et électricité qui auraient été réalisés dans l’appartement.

Les consorts [X] ont fait appel à la société AMCC pour procéder à une visite de chantier et à un diagnostic technique.

Par courrier recommandé en date du 10 novembre 2021, la société Neves & Guerra, par l’intermédiaire de son conseil, a mis à nouveau en demeure les consorts [X] de procéder au règlement de la facture n°2020/495 en date du 27 janvier 2021 d’un montant de 42.509,57 euros TTC.

Les consorts [X] ont diligenté un huissier de justice pour effectuer un état des lieux qui a été réalisé le 6 avril 2022.

Par courrier du 24 février 2023, la société Neves & Guerra, par l’intermédiaire de son conseil, a convié M. [Z] [X] à une réunion de réception du chantier le 6 mars 2023.

Les consorts [X] ont à nouveau diligenté un huissier de justice pour effectuer un état des lieux le 26 avril 2023.

*

La société Neves & Guerra et la société Entreprise Marques ont, par exploit de commissaire de justice du 12 octobre 2023, assigné M. [Z] [X] et Mme [V] [X] devant le président du Tribunal judiciaire de Paris, statuant en référé, aux fins de voir :

désigner tout expert en construction avec pour mission d’évaluer les travaux réellement effectués par les entreprises Neves & Guerra et Entreprise marques sur le chantier sis [Adresse 3] afin de pouvoir déterminer si le montant facturé par la société Neves & Guerra correspond à la réalité du travail accompli;
condamner solidairement M.et Mme [X] au paiement d’une provision de 30 000€ à l’égard de la société Neves & Guerra;
condamner solidairement M.et Mme [X] au paiement de la somme de 3 000 € (soit 1500€ à chacune des sociétés) à la société Neves & Guerra et à l’entreprise Marques au titre de l’article 700 du Code de procédure civile;
condamner solidairement M.et Mme [X] aux dépens.
Le dossier a été appelé à l’audience du 6 décembre 2023. Après plusieurs renvois notamment destinés à permettre aux parties d’entamer une médiation, l’affaire a été retenue à l’audience du 9 octobre 2024.

A l’audience, les sociétés demanderesses, représentées par leur conseil, ont réitéré les termes de leur acte introductif d’instance.

A l’appui de leurs prétentions, les sociétés demanderesses exposent :

– au soutien de leur demande d’expertise, justifier d’un motif légitime pour solliciter la désignation d’un expert judiciaire aux fins d’évaluer le montant des travaux réellement effectués dès lors qu’elles sont intervenues au mois de juin 2020 au sein de l’appartement des défendeurs pour y réaliser des travaux de réfection sans qu’elles ne soient payées au titre des travaux réalisés au prétexte qu’aucun devis n’a été signé entre les parties;

– au soutien de leur demande de provision, que l’existence d’un contrat d’entreprise et dès lors de l’obligation ne sont pas sérieusement contestables en ce qu’elles justifient que le gérant de la société Neves & Guerra et M. [X] étaient en lien au cours des mois de juin à juillet 2020 pour coordonner les travaux et que le montant des travaux réalisés sur le chantier lui a été facturé par le sous-traitant à hauteur de la somme de 32 799,90 € TTC.

M.et Mme [X], représentés par leur conseil, ont par conclusions visées et développées oralement, sollicité de :

à titre principal dire n’y avoir lieu à référé sur la demande d’expertise judiciaire et de provision;
à titre subsidiaire de compléter la mission de l’expert afin qu’il constate et se prononce sur les malfaçons, non-façons et non conformités commises par la société Neves & Guerra, la société Entreprise Marques et toute autre entreprise sous-traitante lors des travaux réalisés dans leur appartement;
dire que les frais d’expertise seront à la charge intégrale de sociétés Neves & Guerra et Entreprise Marques;
A titre reconventionnel,

ordonner à la société Neves & Guerra de leur verser une somme de 5000 € à titre de provision à valoir sur l’indemnisation de leur préjudice résultant de la mauvaise exécution des travaux de démolition;
ordonner à la société Neves & Guerra de leur restituer dans un délai de 8 jours à compter du prononcé de l’ordonnance à intervenir leurs biens, à savoir une tête de lit, un équipement complet BOSH de cuisine avec un réfrigérateur, un four, un micro-ondes, un sèche-linge, un lave-linge, un lave-vaisselle et une plaque de cuisson, sous astreinte de 200 € par jour de retard jusqu’à la remise effective des biens entre leurs mains;
En tout état de cause

condamner solidairement les sociétés Neves & Guerra et Entreprise Marques à leur verser une somme de 4000 € chacun au titre des frais irrépétibles et aux entiers dépens.
Au soutien de leur défense, les consorts [X] font valoir que les demandes formées par les sociétés demanderesses se heurtent à une contestation sérieuse dans la mesure où :

– elles ne rapportent nullement la preuve de l’existence d’un contrat d’entreprise conclu entre les parties,

– ils n’ont jamais donné leur accord sur les devis transmis mais uniquement sur les seuls travaux de démolition suivant le devis en date du 22 janvier 2020 pour un montant de 5 500 € HT,

– la facture du 27 janvier 2021 intègre des postes de travaux qu’ils n’ont jamais acceptés;

– la demande de provision et d’expertise pour justifier leur créance sont contradictoires et démontrent que les demanderesses échouent à rapporter la preuve de l’existence d’une obligation non sérieusement contestable,

– une expertise serait inutile dans la mesure où des travaux de rénovation ont été depuis entrepris dans l’appartement par une nouvelle société.

Au soutien de leurs demandes reconventionnelles, les défendeurs exposent que :

– les demanderesses ne peuvent prétendre obtenir le montant des travaux de démolition prévus au devis du 22 janvier 2020 dès lors que celles-ci ne justifient pas avoir réalisé des travaux conformes en ce qu’elles n’ont pas procédé à l’évacuation des gravas et ont détruit la chape recouvrant le sol et créé une tranchée dans la chape,

– ils ont subi un préjudice dès lors que depuis quatre ans ils sont privés de la jouissance de leur appartement et ont dû faire appel à une autre société pour évacuer les gravats et reprendre la chape qui a été détruite.

La décision a été mise en délibéré au 21 novembre 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

I. Sur les demandes formées par les sociétés Neves & Guerra et Entreprises Marques

Sur la demande d’expertise judiciaire

Aux termes de l’article 145 du code de procédure civile, s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé sur requête ou en référé.

Si la mesure sollicitée n’implique pas d’examen de la responsabilité des parties ou des chances de succès du procès susceptible d’être ultérieurement engagé, il suffit que soit constatée l’éventualité d’un procès sur un fondement juridique déterminé dont la solution peut dépendre de la mesure d’instruction sollicitée, à condition que cette mesure ne porte pas une atteinte illégitime aux droits d’autrui.

Les sociétés demanderesses exposent justifier d’un motif légitime de voir ordonner une mesure d’instruction laquelle leur est necessaire pour démontrer la réalité des travaux facturés.

Toutefois la demande en paiement formée par un entrepreneur est subordonnée à la double preuve de la réalisation des prestations facturées conformément aux règles de l’art et aux engagements contractuels.

Or il y a lieu de constater qu’au cas présent les parties sont en désaccord sur l’étendue des travaux confiés à la société Neves & Guerra et leur prix, ce que la mesure d’instruction ne pourra permettre de déterminer.

Par ailleurs, il ressort des éléments du dossier que deux constats d’huissier ont été réalisés à l’initiative des défendeurs :

– un premier constat d’huissier réalisé le 6 avril 2022 avant l’intervention de toute nouvelle entreprise choisie par les consorts [X] permettant de visualiser les travaux réalisés dans l’appartement dont il s’agit;

– un second constat réalisé le 26 avril 2023 démontrant qu’une autre entreprise est intervenue sur les lieux postérieurement à l’intervention de la société Neves & Guerra, l’appartement apparaissant vidé et démontrant que manifestement les travaux précédemment réalisés n’y figurent plus, compte tenu de la disparition de la structure de doublage composée d’éléments métalliques et de laine de verre isover ou et des câbles électriques précédemment observés sur le constat d’huissier du 6 avril 2022.

Dès lors il s’ensuit que l’organisation d’une mesure d’instruction, qui pourrait s’avérer utile uniquement si les demanderesses démontraient au fond un accord des parties sur les travaux facturés, ne peut, en tout état de cause, permettre de déterminer les travaux réalisés dès lors qu’il ressort clairement des deux constats d’huissier qu’une nouvelle entreprise est intervenue postérieurement et à modifier l’état de l’appartement.

Il ne peut en conséquence y avoir lieu à référé sur cette demande.

Sur la demande de provision

Aux termes de l’article 835 alinéa 2 du Code de procédure civile, dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, le juge des référés peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.

Aux termes de l’article 1103 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.

L’article 1353 du code civil dispose que celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le payement ou le fait qui a produit l’extinction de l’obligation.

Tel qu’il a été précédemment rappelé, il incombe à l’entrepreneur qui sollicite le paiement de son solde de marché de démontrer qu’il a réalisé les travaux qui lui ont été confiés conformément aux règles de l’art et à ses engagements contractuels.

La société Neves & Guerra sollicite de voir condamner M.et Mme [X] à lui payer une somme de 30 000 € TTC à titre de provision à valoir sur la facture n°2020/495 du 27 janvier 2021 portant sur des travaux de démolition/maçonnerie, d’isolation-doublage-cloisons, de plomberie-VMC et d’électricité.

M.et Mme [X] soutiennent avoir accepté uniquement que la société Neves & Guerra réalise les travaux de démolition prévus au devis du 22 janvier 2020 pour une somme de 5 500€ HT.

S’agissant des travaux de démolition, force est de constater que le devis du 22 janvier 2020 prévoit “1. démolition: démolition cloisons et mise à nu et évacuation des gravois de l’appartement” pour un montant de 5500 € HT tandis que la facture du 27 janvier 2021 prévoit:

“démolition:
démolition chape : […] 990,50€
démolition doublage en brique creuses : […] 5 636,40 €
démolition cloisons en brique, 7 cm épaisseur : : […] 523,60 €
démolition faux-plafonds : […] 346,50 €
manutention des gravois, chargement et évacuation”: […] 8904 €”

Il s’ensuit compte tenu de la différence entre les prestations décrites sur le devis du 22 janvier 2020 et la facture du 27 janvier 2021 que la société demanderesse ne justifie pas avoir réalisé les travaux confiés de manière conforme à ses engagements contractuels.

Les défendeurs font en outre valoir qu’ayant réalisé des travaux non demandés, ils vont devoir engager des frais pour remettre en l’état l’appartement notamment en raison de la démolition de la chape. Au vu du constat d’huissier du 6 avril 2022, il y a lieu de constater que des tranchées ont été en effet créées dans la chape et que celle-ci a été partiellement démolie, ce que ne prévoyait pas le devis du 22 janvier 2020. Ils exposent en outre que la société Neves & Guerra n’a pas procédé à l’évacuation de tous les gravas ce qui ressort également du constat d’huissier du 6 avril 2022 dès lors que plusieurs sacs étaient présents dans l’appartement.

Il convient en conséquence de dire que la société Neves & Guerra ne justifie pas d’une obligation non sérieusement contestable concernant les travaux de démolition.

S’agissant du surplus des travaux facturés, dans la mesure où en l’absence de devis signé par les parties, les échanges de messages ne permettent pas de manière certaine de démontrer un accord des parties sur les travaux confiés et le prix, ceux-ci étant en outre difficilement exploitables, et où la simple remise des clés et l’établissement de trois devis différents et de deux factures par la société Neves & Guerra ne permettent pas non plus de justifier d’une obligation non sérieusement contestable, il n’y a pas lieu à référé sur la demande de provision ainsi formée.

II. Sur les demandes reconventionnelles formées par les consorts [X]

Sur la demande de provision

Les défendeurs sollicitent de voir condamner la société Neves & Guerra à leur payer une somme de 5 000 € à titre de provision à valoir sur l’indemnisation de leur préjudice résultant de la mauvaise exécution des travaux de démolition.

En l’espèce les défendeurs ne justifient pas que le coût de reprise des travaux mal réalisés ou non conformes ou les éventuels préjudices en résultant excéderaient le montant de la somme de 6 050€ TTC correspondant au coût des travaux confiés à la société demanderesse qui n’ont pas été réglés.

Dès lors les défendeurs échouent à démontrer une obligation non sérieusement contestable de sorte qu’il n’y a pas lieu à référé sur la demande.

Sur la demande de restitution de leurs meubles et électroménagers

Les défendeurs sollicitent de voir ordonner à la société Neves & Guerra de leur restituer dans un délai de 8 jours à compter du prononcé de l’ordonnance à intervenir, leurs biens, à savoir une tête de lit, un équipement complet Bosh de cuisine avec un réfrigérateur, un four, un micro-ondes, un sèche-linge, un lave-linge, un lave-vaisselle et une plaque de cuisson, sous astreinte de 200€ par jour de retard jusqu’à la remise effective des biens entre leurs mains.

Au vu des éléments du dossier, il ne ressort ni du devis du 21 janvier 2020 ni des autres devis ou de la facture du 27 janvier 2020 que la société Neves & Guerra ou son sous-traitant étaient chargés et ont procédé à l’enlèvement et au gardiennage des meubles et électroménager des consorts [X]. En outre force est de constater que les défendeurs ne font état d’aucun courrier sollicitant leur restitution.

Dès lors en l’absence de toute preuve permettant de démontrer que l’électroménager a été conservé par la société Neves & Guerra, il convient de rejeter la demande formée à ce titre.

Sur les demandes accessoires

Les sociétés Neves & Guerra et Entreprise Marques, succombant dans leurs demandes, seront condamnées aux dépens.

L’équité ne commande pas de faire application de la condamnation au titre des frais irrépétibles.

Il convient de rappeler que la présente décision est assortie de plein droit de l’exécution provisoire.

PAR CES MOTIFS

Statuant par ordonnance contradictoire rendue par voie de mise à disposition au greffe, en premier ressort,

Disons n’y avoir lieu à référé sur l’intégralité des demandes formées par la société Neves & Guerra et la société Entreprise Marques;

Disons n’y avoir lieu à référé sur les demandes reconventionnelles formées par M. [Z] [X] et Mme [V] [X];

Condamnons la société Neves & Guerra et la société Entreprise Marques aux dépens ;

Disons n’y avoir lieu à condamnation au titre des frais irrépétibles ;

Rappelons que l’exécution provisoire est de droit.

Fait à Paris le 21 novembre 2024.

Le Greffier, Le Président,

Arnaud FUZAT Nadja GRENARD


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