Madame [N] [K] [D] épouse [T] et Monsieur [P] [V] [T] ont versé 1 000 euros en espèces et 24 000 euros sur le compte de la fille de Monsieur [Y] pour l’acquisition d’une parcelle de terrain. Ils ont ensuite assigné Monsieur [B] [Y] et Madame [G] [Y] devant le tribunal pour obtenir le remboursement de ces sommes, affirmant que Monsieur [Y] n’était pas propriétaire du terrain et que celui-ci était non constructible. Les époux [T] demandent également des dommages et intérêts pour préjudices matériels et moraux. Madame [G] [Y] conteste les demandes, arguant que la reconnaissance de dette n’est pas valide et qu’elle n’a pas d’engagement envers les époux [T]. Monsieur [B] [C] [Y] n’a pas constitué avocat. L’ordonnance de clôture a été rendue, et le jugement sera disponible au greffe à une date ultérieure.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Tribunal judiciaire de Saint-Denis de La Réunion
RG n°
23/00460
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE ST DENIS
MINUTE N°
1ERE CHAMBRE
AFFAIRE N° RG 23/00460 – N° Portalis DB3Z-W-B7G-GGX3
NAC : 53D
JUGEMENT CIVIL
DU 27 AOUT 2024
DEMANDEURS
Mme [N] [K] [D] épouse [T]
Née le [Date naissance 1] 1972 à [Localité 8]
[Adresse 7]
[Adresse 7]
[Localité 4]
Rep/assistant : Me Fabian GORCE, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION
M. [P] [V] [T]
Né le [Date naissance 2] 1966 à [Localité 8]
[Adresse 7]
[Adresse 7]
[Localité 4]
Rep/assistant : Me Fabian GORCE, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION
DÉFENDERESSES
Mme [G] [Y]
[Adresse 3],
[Localité 5] (REUNION)
Rep/assistant : Maître Léopoldine SETTAMA de l’AARPI VSH AVOCATS, avocats au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2023/00682 du 14/03/2023 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de ST DENIS REUNION)
M. [B] [C] [Y]
[Adresse 3],
[Localité 5] (REUNION)
Non représenté
Copie exécutoire délivrée le : 27.08.2024
CCC délivrée le :
à Me Fabian GORCE, Maître Léopoldine SETTAMA de l’AARPI VSH AVOCATS
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Le Tribunal était composé de :
Madame Sophie PARAT, Juge Unique
assistée de Madame Isabelle SOUNDRON, greffière
LORS DES DÉBATS
L’affaire a été évoquée à l’audience du 27 Juin 2024.
LORS DU DÉLIBÉRÉ ET DU PRONONCÉ
A l’issue des débats, les parties présentes et leurs conseils ont été avisés que le jugement serait mis à leur disposition le 27 Août 2024.
JUGEMENT : Réputé contradictoire, du 27 Août 2024 , en premier ressort
Prononcé par mise à disposition par Madame Sophie PARAT, Vice-présidente assistée de Madame Isabelle SOUNDRON, greffière
En vertu de quoi, le Tribunal a rendu le jugement dont la teneur suit :
Madame [N] [K] [D] épouse [T] et Monsieur [P] [V] [T] ont versé à Monsieur [B] [C] [Y] la somme de 1000 euros en espèces le 19 mars 2022 et ont viré la somme de 24 000 euros sur le compte bancaire d’[G] [Y], la fille de monsieur [Y], le 16 avril 2022.
C’est dans ce contexte que, par actes de commissaire de justice en date du 20 janvier 2023, les époux [T] ont fait assigner Monsieur [B] [Y] et Madame [G] [Y] devant le tribunal judiciaire de Saint-Denis afin d’obtenir leur condamnation solidaire notamment à leur rembourser les sommes qu’ils leur ont versées.
Aux termes de leurs dernières écritures notifiées électroniquement le 6 mars 2024, les époux [T] demandent au tribunal de:
– Condamner solidairement Monsieur [B] [C] [Y] et Madame [G] [Y] à payer à Madame [N] [K] [D] épouse [T] et Monsieur [P] [V] [T], sous astreinte de 1.000,00 € par jour de retard depuis le jugement à intervenir, les sommes de :
– 25.000.00 € en principal, assortie des intérêts au taux légal à compter du jour de la demande,
– 1.500.00 € à titre de dommages et intérêts pour les préjudices matériels subis
– 5.000.00 € à titre de dommages et intérêts pour les préjudices moraux subis
– 3.000.00 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.
– Condamner solidairement Monsieur [B] [C] [Y] et Madame [G] [Y] aux entiers dépens.
– Et dire que, conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile, Maître Fabian GORCE pourra recouvrer directement les frais dont il a fait l’avance sans en avoir reçu provision.
Au soutien de leurs prétentions, ils font valoir qu’ils se sont rapprochés de monsieur [Y] pour acquérir une parcelle cadastrée [Cadastre 6] à [Localité 5], que dans ce cadre ils lui ont versé la somme totale de 25 000 euros, pour laquelle il leur a signé une reconnaissance de dette. Ils prétendent avoir découvert lors d’un rendez-vous chez le notaire que le défendeur n’était pas propriétaire de la parcelle qu’ils convoitaient, qui s’est en outre avéré être non constructible. Ils soutiennent avoir vainement mis en demeure monsieur [Y] de les rembourser. En réponse à Madame [Y], ils font valoir qu’elle a indûment perçu une somme pour le compte de son père et qu’elle a agi pour le compte de celui-ci soit au titre d’un mandat tacite soit au titre de la gestion d’affaires.
Aux termes de ses dernières écritures notifiées électroniquement le 24 janvier 2024, Madame [G] [Y] demande au tribunal de débouter les époux [T] de toutes leurs demandes.
Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir que la reconnaissance de dette versée ne respecte pas les formes légales, qu’elle n’a par ailleurs pris aucun engagement vis à vis des époux [T]. S’agissant du remboursement au titre des frais de géomètre, elle fait valoir qu’il n’est pas établi qu’elle ait encouragé une telle dépense. S’agissant des demandes de dommages et intérêts, elle fait valoir qu’il n’y a aucun lien de causalité avec le préjudice subi par les demandeurs, puisqu’elle n’est nullement impliquée dans la vente d’un terrain qu’elle ne possède pas.
Monsieur [B] [C] [Y], pourtant assigné à domicile, n’a pas constitué avocat.
Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il sera renvoyé aux écritures des parties pour un plus ample exposé des moyens développés au soutien de leurs prétentions.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 13 mai 2024. Les parties ont été autorisées à déposer leur dossier au greffe le 27 juin 2024.
Les conseils des parties ont été informés que le jugement serait mis à disposition au greffe à la date du 27 août 2024, conformément aux dispositions de l’article 450 du Code de procédure civile.
Il convient de rappeler, à titre liminaire, qu’aux termes de l’article 472 du code de procédure civile, « Si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond. Le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l’estime régulière, recevable et bien fondée. »
En application de ces dispositions, le juge doit notamment vérifier la régularité de sa saisine à l’égard des parties non comparantes.
Sur la régularité de la saisine de ce tribunal à l’égard de la partie non comparante:
Il résulte de la combinaison des articles 14, 471 et 655 à 659 du code de procédure civile et 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, que lorsqu’une partie, citée à comparaître par acte d’huissier de justice, ne comparaît pas, le juge, tenu de s’assurer de ce que cette partie a été régulièrement appelée, doit vérifier que l’acte fait mention des diligences prévues, selon les cas, aux articles 655 à 659 susvisés ; et qu’à défaut pour l’acte de satisfaire à ces exigences, le juge ordonne une nouvelle citation de la partie défaillante (en ce sens : Civ. 2, 1er octobre 2020, n° 18-23.210).
L’article 655 du code de procédure civile prévoit, dans ses deux premiers alinéas, que: “Si la signification à personne s’avère impossible, l’acte peut être délivré soit à domicile, soit, à défaut de domicile connu, à résidence.
L’huissier de justice doit relater dans l’acte les diligences qu’il a accomplies pour effectuer la signification à la personne de son destinataire et les circonstances caractérisant l’impossibilité d’une telle signification.”
Force est de constater en l’espèce que le procès-verbal de l’assignation mentionne précisément les diligences opérées par le commissaire de justice pour effectuer la signification à personne (transport au domicile, où la fille du défendeur a été rencontrée et a confirmé l’actualité du domicile de l’intéressé) et précise que les raisons rendant impossible une telle signification (absence lors du passage du commissaire de justice et lieu de travail inconnu).
Par suite, le tribunal est régulièrement saisi à l’égard de Monsieur [Y], non comparant.
Sur la demande en paiement :
Aux termes de l’article 1376 du code civil: “L’acte sous signature privée par lequel une seule partie s’engage envers une autre à lui payer une somme d’argent ou à lui livrer un bien fongible ne fait preuve que s’il comporte la signature de celui qui souscrit cet engagement ainsi que la mention, écrite par lui-même, de la somme ou de la quantité en toutes lettres et en chiffres. En cas de différence, l’acte sous signature privée vaut preuve pour la somme écrite en toutes lettres.”
Il est de jurisprudence constante que la reconnaissance de dette qui ne satisfait pas à ces exigences, faute de mention manuscrite en chiffres de la somme due, ne constitue qu’un commencement de preuve par écrit de cette dette (1re Civ., 21 mars 2006, pourvoi n° 04-18.673, Bull. 2006, I, n° 167).
Aux termes de l’article 1361 du code civil: “Il peut être suppléé à l’écrit par (…) un commencement de preuve par écrit corroboré par un autre moyen de preuve.”
Aux termes de l’article 1302 du même code : “Tout paiement suppose une dette; ce qui a été reçu sans être dû est sujet à restitution.”
Aux termes de l’article 1302-1 du même code: “Celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû doit le restituer à celui de qui il l’a indûment reçu.”
En l’espèce, les demandeurs versent aux débats une reconnaissance de dette portant sur la somme de 25 000 euros, signée le 30 avril 2022 par Monsieur [C] [Y], et souscrite sous la condition suspensive de la non-réalisation de la vente totale du terrain cadastré [Cadastre 6] au prix de 75 000 euros (l’écrit étant rédigé de façon étonnante, prévoyant l’extinction de la dette en cas de réalisation de la cession totale du terrain [Cadastre 6] au prix de 75 000 euros). Cette reconnaissance de dette fait référence au transfert d’argent opéré sur le compte bancaire de sa fille [G] [Y].
Si cette reconnaissance de dette ne satisfait pas à l’ensemble des exigences de l’article 1376 précité, puisque, bien que signée de la main de monsieur [Y], elle ne comporte pas de mention manuscrite ni en chiffres ni en lettres, de la somme due, elle constitue néanmoins un commencement de preuve par écrit de cette dette.
En outre, elle est corroborée par plusieurs pièces versées par les demandeurs. Il s’agit de la pièce n°1, qui est un billet manuscrit, signé de monsieur [Y], dans lequel il atteste, le 19 mars 2022, recevoir 1 000 euros en espèces des époux [T], de la pièce n°3 qui est la preuve du virement bancaire de 24 000 euros réalisé le 16 avril 2022 par madame [T] sur le compte d’[G] [Y], la fille de monsieur [C] [Y] et de la pièce n°8 qui est un courrier signé de monsieur [Y] le 21 juin 2022, dans lequel il propose de rembourser aux époux [T] la somme de 25 000 euros.
Au vu de ces éléments, la demande en paiement, en ce qu’elle est dirigée contre monsieur [Y], est fondée s’agissant des 25 000 euros qui lui ont été versés, à lui ou à sa fille pour lui.
En ce qui concerne madame [Y], qui n’a signé aucune reconnaissance de dette, il est néanmoins établi qu’elle a reçu sur son compte bancaire la somme de 24 000 euros qui ne lui était pas due. Dès lors, en application des articles 1302 et 1302-1 précités, elle en doit restitution aux époux [T]. Elle sera donc condamnée, in solidum avec son père, à leur payer la somme de 24 000 euros.
Ces condamnations à paiement seront assorties des intérêts au taux légal à compter de la date de l’assignation, en l’absence de demande plus explicite sur un autre point de départ dans les conclusions des demandeurs (“date de la demande” et non date de la mise en demeure de payer).
Sur les demandes indemnitaires:
Quoique fondées exclusivement sur l’article 1240 du code civil dans les écritures des demandeurs, ces demandes de dommages et intérêts relèvent de l’application de l’article 1217 du code civil s’agissant de monsieur [Y], qui avait souscrit, ainsi que le tribunal l’a retenu, un engagement à l’égard des demandeurs.
Aux termes de l’article 1217 du code civil: “La partie envers laquelle l’engagement n’a pas été exécuté, ou l’a été imparfaitement, peut :
– refuser d’exécuter ou suspendre l’exécution de sa propre obligation ;
– poursuivre l’exécution forcée en nature de l’obligation ;
– obtenir une réduction du prix ;
– provoquer la résolution du contrat ;
– demander réparation des conséquences de l’inexécution.
Les sanctions qui ne sont pas incompatibles peuvent être cumulées ; des dommages et intérêts peuvent toujours s’y ajouter.”
Aux termes de l’article 1240 du même code: “Tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer”.
En l’espèce, en ne remboursant pas la somme de 25 000 euros aux époux [T] alors que la vente de la parcelle [Cadastre 6] – qui ne lui appartenait pas – ne s’était pas réalisée, monsieur [Y] a engagé sa responsabilité contractuelle. Les époux [T] justifient avoir subi un préjudice matériel consistant dans les frais de géomètre qu’ils ont inutilement payés (1 500 euros), mais ne justifient nullement d’un quelconque préjudice moral, d’autant qu’ils ont agi avec une certaine légèreté en versant de telles sommes pour une vente immobilière relevant de la compétence d’un notaire.
Madame [Y], dont il est établi qu’elle a participé à la mise en vente du terrain et qu’elle a échangé avec les époux [T] pour obtenir le versement des
24 000 euros, a commis également une faute délictuelle qui a contribué au préjudice matériel subi par les époux [T].
Monsieur et madame [Y] seront condamnés, in solidum, à payer la somme de 1500 euros aux demandeurs au titre de leur préjudice matériel.
Sur la demande d’astreinte:
Cette demande, qui n’est nullement motivée par les demandeurs, est prématurée, notamment au regard des intérêts qui assortissent déjà les différents chefs de condamnation, et pourra, le cas échéant, être présentée au juge de l’exécution en cas de difficulté à recouvrer.
Sur les demandes annexes :
Les défendeurs, qui perdent, seront condamnés aux dépens, ainsi qu’à payer aux époux [T] la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.L’avocat des demandeurs sera autorisé, conformément à l’article 699 du code de procédure civile, à recouvrer directement les frais dont il a fait l’avance.
Le tribunal,
CONDAMNE Monsieur [B] [C] [Y] à payer à Madame [N] [K] [D] épouse [T] et Monsieur [P] [V] [T] la somme de 25 000 (vingt-cinq mille) euros, in solidum avec Madame [G] [Y] à hauteur de 24 000 (vingt-quatre mille) euros, avec intérêts au taux légal à compter du 20 janvier 2023 ;
CONDAMNE in solidum Monsieur [B] [C] [Y] et Madame [G] [Y] à payer à Madame [N] [K] [D] épouse [T] et Monsieur [P] [V] [T] la somme de 1 500 (mille cinq cents) euros de dommages et intérêts au titre de leur préjudice matériel ;
REJETTE la demande de dommages et intérêts au titre du préjudice moral ;
REJETTE la demande d’astreinte ;
REJETTE toutes les demandes plus amples ou contraires des parties ;
CONDAMNE in solidum Monsieur [B] [C] [Y] et Madame [G] [Y] aux dépens de l’instance et dit que Maître Fabian GORCE pourra recouvrer directement les frais dont il a fait l’avance sans en avoir reçu provision;
CONDAMNE in solidum Monsieur [B] [C] [Y] et Madame [G] [Y] à payer à Madame [N] [K] [D] épouse [T] et Monsieur [P] [V] [T] la somme de 2 000 (deux mille) euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile;
RAPPELLE que l’exécution provisoire est de droit;
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE
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