L’Essentiel : Le 15 juin 2015, une banque a accordé un prêt immobilier de 152 000 euros à un emprunteur et une co-emprunteuse pour l’acquisition de leur résidence principale. Suite au décès de l’emprunteur en 2022, la co-emprunteuse a manqué à ses obligations de remboursement, entraînant une demande d’activation de la garantie par la caution. En septembre 2024, la caution a assigné la co-emprunteuse devant le tribunal pour le paiement d’une somme due. Le tribunal a condamné la co-emprunteuse à rembourser la somme sans intérêts, tout en rejetant la demande de capitalisation des intérêts et en ordonnant le remboursement avec intérêts.
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Prêt immobilier consenti par le Crédit LyonnaisLe 15 juin 2015, la société le Crédit Lyonnais a accordé un prêt immobilier de 152 000 euros à M. [S] [Z] et Mme [K] [Z] pour l’acquisition de leur résidence principale. Ce prêt était remboursable sur 180 mois avec un taux d’intérêt de 2,15 %. La société Crédit Logement a agi en tant que caution solidaire pour ce prêt. Décès de M. [S] [Z] et défaillance de Mme [Z]M. [S] [Z] est décédé le [Date décès 3] 2022. Par la suite, Mme [Z] a manqué à ses obligations de remboursement, ce qui a conduit le Crédit Lyonnais à demander l’activation de la garantie fournie par le Crédit Logement. Assignation de Mme [Z] par le Crédit LogementLe 4 septembre 2024, le Crédit Logement a assigné Mme [Z] devant le tribunal, réclamant le paiement de 93 987,39 euros, ainsi que des intérêts et des frais de justice. Mme [Z] n’a pas constitué avocat et l’affaire a été clôturée le 18 novembre 2024. Recours subrogatoire de la cautionSelon le code civil, la caution qui a payé la dette a le droit de se retourner contre le débiteur principal. Dans ce cas, le Crédit Logement a réglé un total de 93 335,82 euros au Crédit Lyonnais, mais n’a pas pu justifier l’application d’intérêts sur ces sommes. Par conséquent, Mme [Z] a été condamnée à rembourser 93 335,82 euros sans les intérêts. Intérêts de retard et capitalisationLes intérêts de retard sont dus à partir de la première réclamation, soit le 4 septembre 2024. Toutefois, la demande de capitalisation des intérêts a été rejetée, conformément à la législation en vigueur qui limite les indemnités en cas de défaillance de l’emprunteur. Frais de justice et décision finaleMme [Z] a été condamnée aux dépens de l’instance, tandis que le Crédit Logement a vu sa demande de frais irrépétibles rejetée. Le tribunal a ordonné le remboursement de la somme due avec intérêts, tout en rappelant que l’exécution provisoire est de droit. |
Q/R juridiques soulevées :
1. Sur le recours subrogatoire de la cautionLe recours subrogatoire de la caution est régi par les articles 2288 et 2305 du code civil. Selon l’article 2288 ancien du code civil, « celui qui se rend caution d’une obligation, se soumet envers le créancier à satisfaire à cette obligation, si le débiteur n’y satisfait pas lui-même. » Cela signifie que la caution, en l’occurrence le Crédit logement, a l’obligation de payer la dette si le débiteur principal, ici Mme [Z], ne s’exécute pas. L’article 2305 ancien précise que « la caution qui a payé a son recours contre le débiteur principal, soit que le cautionnement ait été donné au su ou à l’insu du débiteur. » Ainsi, le Crédit logement, ayant réglé la somme due au créancier, peut exercer un recours contre Mme [Z] pour récupérer ce qu’il a payé. Il est également important de noter que l’article 2306 ancien stipule que « la caution qui a payé la dette est subrogée à tous les droits qu’avait le créancier contre le débiteur. » Cela renforce le droit du Crédit logement à se retourner contre Mme [Z] pour obtenir le remboursement de la somme versée. Cependant, l’article 2308 alinéa 2 ancien indique que « lorsque la caution aura payé sans être poursuivie et sans avoir averti le débiteur principal, elle n’aura point de recours contre lui dans le cas où au moment du paiement, ce débiteur aurait eu des moyens pour faire déclarer la dette éteinte. » Dans cette affaire, il n’est pas établi que le Crédit logement ait omis d’avertir Mme [Z] avant de procéder au paiement. Ainsi, le tribunal a jugé que Mme [Z] devait rembourser la somme principale de 93 335,82 euros, car elle n’a pas contesté le montant réclamé après mise en demeure de payer. 2. Sur les frais du procèsLes frais du procès sont régis par l’article 696 du code de procédure civile, qui stipule que « la partie qui succombe est condamnée aux dépens. » Dans cette affaire, Mme [Z], en tant que défenderesse, a succombé à l’instance, ce qui entraîne sa condamnation aux dépens. De plus, l’article 700 du code de procédure civile prévoit que « la partie qui gagne le procès peut demander à l’autre partie le remboursement des frais irrépétibles. » Cependant, le tribunal a décidé de rejeter la demande du Crédit logement au titre de cet article, en raison de l’équité liée à la situation économique des parties. Cela signifie que, bien que le Crédit logement ait gagné le procès, il ne pourra pas récupérer ses frais d’avocat, car le tribunal a jugé que cela ne serait pas juste compte tenu des circonstances. En conséquence, Mme [Z] est condamnée à payer les dépens de l’instance, avec droit de recouvrement au profit de la SCP RSD AVOCATS, tandis que la demande de remboursement des frais irrépétibles a été déboutée. |
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
TRIBUNAL JUDICIAIRE D’ EVREUX
CHAMBRE CIVILE
MINUTE N° : 2025/
N° RG 24/02988 – N° Portalis DBXU-W-B7I-H2OM
NAC : 53J Cautionnement – Recours de la caution contre le débiteur principal ou contre une autre caution
CIVIL – Chambre 1
JUGEMENT DU 03 FEVRIER 2025
DEMANDEURS :
S.A. CREDIT LOGEMENT
Immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro n°302 493 275
Dont le siège social est sis :
[Adresse 5]
– [Localité 6]
Représentée par Me Emmanuelle LAILLET-TOUFLET, membre du cabinet RSD avocats, avocat au barreau de l’EURE
DEFENDEURS :
Madame [K] [Z]
née le [Date naissance 1] 1955 à [Localité 7] (GUINÉE),
demeurant [Adresse 2]
– [Localité 4]
N’ayant pas constitué avocat
JUGE UNIQUE : Marie LEFORT, Présidente
Statuant conformément aux articles 801 et suivants du code de procédure civile.
GREFFIER : Aurélie HUGONNIER
AUDIENCE :
En application de l’article 779 al 3 du code de procédure civile, le dépôt du dossier au greffe a été autorisé et fixé au 02 Décembre 2024.
Conformément à l’article 786-1 du code de procédure civile, l’avocat a été avisé du nom du juge amené à délibérer et de la date à laquelle le jugement sera rendu, soit le 03 Février 2025.
JUGEMENT :
– au fond,
– réputé contradictoire, rendu publiquement et en premier ressort,
– mis à disposition au greffe,
– rédigé par Marie LEFORT,
– signé par Marie LEFORT, juge et Aurélie HUGONNIER greffier
RG N° : N° RG 24/02988 – N° Portalis DBXU-W-B7I-H2OM jugement du 03 février 2025
Par acte sous seing privé en date du 15 juin 2015, la société le Crédit Lyonnais (ci-après le Crédit lyonnais) a consenti à M. [S] [Z] et Mme [K] [Z] un prêt immobilier destiné à l’acquisition de leur résidence principale d’un montant de 152 000 euros remboursable sur une durée de 180 mois au taux contractuel de 2,15 %.
La société Crédit Logement (ci-après le Crédit logement) s’est portée caution solidaire en garantie de ce prêt.
Le [Date décès 3] 2022, M. [S] [Z] est décédé.
Suite à la défaillance de Mme [Z] dans le remboursement des échéances du prêt, le Crédit lyonnais a sollicité la garantie du Crédit logement en sa qualité de caution.
Par acte en date du 4 septembre 2024, le Crédit logement a assigné Mme [Z] devant ce tribunal, au visa des articles 2288 et suivants et 2305 du code civil, aux fins de la voir condamner à lui payer la somme de 93 987,39 euros avec intérêts au taux légal à compter du 25 juillet 2024, date du décompte de créance, au titre de son recours subrogatoire.
Il a également sollicité :
– la capitalisation des intérêts une fois par an et pour la première fois le 25 juillet 2025 pour produire eux-mêmes intérêts, sur le fondement de l’article 1154 du code de procédure civile,
– la condamnation de Mme [Z] à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens avec droit de recouvrement au profit de son conseil.
Assignée à étude, Mme [Z] n’a pas constitué avocat.
La clôture de l’affaire a été prononcée le 18 novembre 2024.
En application de l’article 472 du code de procédure civile, lorsque le défendeur ne comparaît pas, le juge ne fait droit à la demande que s’il l’estime régulière, recevable et bien fondée.
1. Sur le recours subrogatoire de la caution
Aux termes de l’article 2288 ancien du code civil dans sa version applicable au présent litige (rédaction antérieure à l’ordonnance du 15 septembre 2021), celui qui se rend caution d’une obligation, se soumet envers le créancier à satisfaire à cette obligation,si le débiteur n’y satisfait pas lui-même.
Aux termes de l’article 2305 ancien du code précité, la caution qui a payé a son recours contre le débiteur principal, soit que le cautionnement ait été donné au su ou à l’insu du débiteur. Ce recours a lieu tant pour le principal que pour les intérêts et les frais; néanmoins la caution n’a de recours que pour les frais par elle faits depuis qu’elle a dénoncé au débiteur principal les poursuites dirigées contre elle. Elle a aussi recours pour les dommages et intérêts, s’il y a lieu.
Selon l’article 2306 ancien la caution qui a payé la dette est subrogée à tous les droits qu’avait le créancier contre le débiteur.
La caution qui a payé aux lieu et place du débiteur principal défaillant dispose donc à l’encontre de celui-ci d’un recours personnel et d’un recours subrogatoire.
Toutefois, l’article 2308 alinéa 2 ancien précise que lorsque la caution aura payé sans être poursuivie et sans avoir averti le débiteur principal, elle n’aura point de recours contre lui dans le cas où au moment du paiement, ce débiteur aurait eu des moyens pour faire déclarer la dette éteinte ; sauf son action en répétition contre le créancier.
En l’espèce, il est établi que Mme [Z] a souscrit solidairement avec son époux un prêt immobilier auprès du Crédit Lyonnais le 15 juin 2015, prêt garanti par le Crédit logement suivant accord de cautionnement joint au contrat de prêt.
Les obligations nées du contrat de prêt ayant été contractées solidairement par les emprunteurs, Mme [Z] reste tenue de leur exécution conformément aux termes des dispositions contractuelles.
Il est établi qu’à compter du mois d’août 2023, Mme [Z] a cessé de payer les échéances du prêt lequel a été résilié par la banque un mois après mise en demeure de payer, soit le 3 avril 2024.
Le Crédit logement justifie par les quittances subrogatives des 2 août 2023 et 15 juillet 2024, qu’il a, en sa qualité de caution, réglé au Crédit lyonnais la somme totale de 93 335,82 euros (10 503,31 + 82 832,51) due au titre du prêt immobilier résilié.
Suivant décompte du 25 juillet 2024, le Crédit logement établit sa créance à la somme totale de 93 987,39 euros décomposée comme suit:
– premier règlement quittancé du 2 août 2023 de 10 503,31 euros,
– second règlement quittancé du 15 juillet 2024 de 82 832,51 euros,
– intérêts à hauteur de 651,57 euros.
Toutefois, le Crédit logement ne justifie pas de dispositions contractuelles lui permettant d’appliquer des intérêts aux sommes versées au créancier originaire.
Dès lors, Mme [Z], dont il n’apparaît pas qu’elle ait contesté le montant réclamé par la caution après mise en demeure de payer, ne sera pas tenue au paiement de la somme de 651,57 euros au titre des intérêts.
Mme [Z] sera en conséquence condamnée à payer au Crédit logement la somme principale de 93 335,82 euros (93 987,39 – 651,57).
Les intérêts de retard sur le montant de la créance sont dus au taux légal à compter de la première réclamation valant mise en demeure conformément aux articles 1231-6 et 1346-4 du code civil, soit en l’espèce à compter de l’assignation du 4 septembre 2024, le décompte des sommes dues ne valant pas mise en demeure de payer.
En vertu de l’article L312-23 ancien du code de la consommation (nouvel article L313-52), applicable au présent litige, qui limite les indemnités mises à la charge de l’emprunteur en cas de défaillance dans le remboursement du prêt et qui s’applique au recours personnel et subrogatoire exercé par la caution (civ.1ère 20 avril 2022 – pourvoi N°J 20-23.617), il n’y a pas lieu d’ordonner la capitalisation des intérêts. Le Crédit Logement sera donc débouté de sa demande de ce chef.
2. Sur les frais du procès
Mme [Z], qui succombe à l’instance, sera condamnée aux dépens en application de l’article 696 du code de procédure civile, avec droit de recouvrement au profit de la SCP RSD AVOCATS.
L’équité liée à la situation économique des parties justifie que le Crédit logement supporte la charge de ses frais irrépétibles. Sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile sera rejetée.
Le tribunal,
CONDAMNE Mme [K] [Z] à payer à la société Crédit Logement en remboursement du prêt immobilier contracté auprès de la société Crédit Lyonnais la somme totale de 93 335,82 euros avec intérêts au taux légal à compter du 4 septembre 2024,
DEBOUTE la société Crédit logement de sa demande de capitalisation des intérêts,
CONDAMNE Mme [K] [Z] aux dépens de l’instance avec droit de recouvrement au profit de la SCP RSD AVOCATS,
DEBOUTE la société Crédit logement de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
RAPPELLE que l’exécution provisoire est de droit.
En foi de quoi, le présent jugement a été signé par la Présidente et le greffier.
Le greffier La Présidente
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