Reconnaissance de dette et inscription d’hypothèque judiciaire

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Reconnaissance de dette et inscription d’hypothèque judiciaire

M. [P] a reconnu sa dette envers M. [R] d’un montant de 77 611,67 euros, à rembourser en trois versements, avec des pénalités en cas de retard. Une nouvelle reconnaissance de dette a été signée, stipulant un remboursement d’une somme de 21 000 euros. M. [P] a effectué des paiements partiels, mais n’a pas respecté les délais de remboursement. M. [R] a obtenu une hypothèque judiciaire sur des biens de M. [P] et a mis en demeure ce dernier de régler ses dettes. Après l’absence de paiement, M. [R] a assigné M. [P] en justice. Le tribunal a condamné M. [P] à payer les sommes dues, mais a rejeté certaines demandes de M. [R]. M. [P] a interjeté appel, demandant la réformation du jugement. M. [R] a également formulé des demandes en réponse à l’appel, incluant des intérêts et des dommages-intérêts pour résistance abusive. L’ordonnance de clôture a été rendue le 4 mars 2024.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

5 septembre 2024
Cour d’appel de Chambéry
RG n°
22/01299
COUR D’APPEL de CHAMBÉRY

2ème Chambre

Arrêt du Jeudi 05 Septembre 2024

N° RG 22/01299 – N° Portalis DBVY-V-B7G-HBFZ

Décision déférée à la Cour : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de THONON LES BAINS en date du 30 Mai 2022, RG 19/01155

Appelant

M. [L] [P]

né le [Date naissance 3] 1961 à [Localité 10] – SERBIE, demeurant [Adresse 2]

Représenté par Me Jean Pierre BENOIST de la SCP BENOIST, avocat au barreau de THONON-LES-BAINS

Intimé

M. [M] [R]

né le [Date naissance 4] 1979 à [Localité 8] (BOSNIE-HERZEGOVINE), demeurant [Adresse 1]

Représenté par Me Loïc CONRAD, avocat au barreau de THONON-LES-BAINS

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COMPOSITION DE LA COUR :

Lors de l’audience publique des débats, tenue le 07 mai 2024 avec l’assistance de Madame Sylvie DURAND, Greffière présente à l’appel des causes et dépôt des dossiers et de fixation de la date du délibéré,

Et lors du délibéré, par :

– Madame Alyette FOUCHARD, Conseillère faisant fonction de Présidente, à ces fins désignée par ordonnance de Madame la Première Présidente

– Monsieur Edouard THEROLLE, Conseiller,

– Monsieur Fabrice GAUVIN, Conseiller,

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EXPOSÉ DU LITIGE

Par acte manuscrit non-daté, M. [L] [P] s’est reconnu débiteur de M. [M] [R] pour une somme de 77 611,67 euros, reçue selon virement du 17 janvier 2018, laquelle devait être remboursée en trois règlements les 17 juillet 2018, 27 juillet 2018 et 27 août 2018, l’écrit stipulant que ‘tout retard de paiement sera majoré de 10% de la totalité de la somme due’.

Par acte manuscrit et dactylographié du 19 juillet 2018, M. [P] s’est à nouveau reconnu débiteur de M. [R] pour la somme de 77 611,67 euros, en s’engageant à rembourser sa dette en un versement devant intervenir le 27 août 2018 au plus tard. A défaut, l’engagement précise que ‘l’intérêt [sera] de 10% par jour [à partir de cette date]’.

Consécutivement, M. [P] a procédé à quatre règlements les 16, 17 et 20 août 2018, pour un montant cumulé de 23 000 euros.

*

M. [P] étant propriétaire indivis de parcelles cadastrées section A n°[Cadastre 5], [Cadastre 6] et [Cadastre 7] sises sur la commune de [Localité 9], M. [R] a sollicité et obtenu du juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Thonon-les-Bains, par ordonnance du 28 mars 2019, l’autorisation de procéder à une inscription d’hypothèque judiciaire provisoire sur lesdits biens.

Cette sûreté a été publiée le 12 avril 2019 (référence 2019 V n°3197) au service de publicité foncière d’Annecy, puis dénoncée à M. [P] par exploit du 19 avril suivant.

Postérieurement, une nouvelle reconnaissance de dette a été établie le 29 mars 2019 par laquelle M. [P] s’est engagé à rembourser une somme de 21 000 euros, nouvellement empruntée à M. [R], le 15 avril 2019 au plus tard, à défaut de quoi ‘un intérêt de 10% par jour [sera dû] à partir du 14 avril 2019’.

Faute de règlement spontané, M. [R] a mis en demeure M. [P], par courrier du 26 avril 2019, de lui régler sous 8 jours les sommes de 54 611,67 euros au titre de la reconnaissance de dette du 19 juillet 2018 et de 21 000 euros au titre de la reconnaissance de dette du 29 mars 2019, outre intérêts.

Aucun règlement n’étant intervenu, M. [R] a fait assigner en paiement M. [P], par acte du 10 mai 2019, devant le tribunal de grande instance de Thonon-les-Bains.

Par jugement contradictoire du 30 mai 2022, le tribunal judiciaire de Thonon-les-Bains a, sous le bénéfice de l’exécution provisoire :

– condamné M. [P] à payer à M. [R] :

la somme de 54 611,67 euros au titre de la reconnaissance de dette du 19 juillet 2018,

la somme de 21 000 euros au titre de la reconnaissance de dette du 29 mars 2019,

la somme de 435 euros au titre des frais d’hypothèque judiciaire provisoire du 28 mars 2019,

– débouté M. [R] de sa demande tendant à voir appliquer un taux d’intérêt de 10% à compter du 28 août 2018, pour la reconnaissance de dette du 19 juillet 2018, et à compter du 16 avril 2019, pour la reconnaissance de dette du 29 mars 2019,

– condamné M. [P] à payer à M. [R] les sommes de 54 611,67 euros et de 21 000 euros augmentées des intérêts au taux annuel de 5,89% jusqu’à leur complet paiement,

– débouté M. [R] de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive,

– condamné M. [P] à payer à M. [R] la somme de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné M. [P] aux dépens de l’instance, dont distraction au profit de Me Conrad, en application de l’article 699 du code de procédure civile.

Par acte du 11 juillet 2022, M. [P] a interjeté appel de la décision.

Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 1er mars 2024, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens, M. [P] demande à la cour de :

– réformer le jugement en toutes ses dispositions, précisément en ce que la décision l’a condamné au paiement des sommes ci-dessus mentionnées ainsi qu’au dépens :

la somme de 54 611,67 euros au titre de la reconnaissance de dette du 19 juillet 2018,

la somme de 21 000 euros au titre de la reconnaissance de dette du 29 mars 2019,

la somme de 435 euros au titre des frais d’hypothèque judiciaire provisoire du 28 mars 2019,

les sommes de 54 611,67 euros et de 21 000 euros augmentées des intérêts au taux annuel de 5,89% jusqu’à leur complet paiement,

la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700,

aux dépens,

– infirmer la décision en toutes ses dispositions et conclure que M. [R] soit débouté de toutes ses demandes,

Subsidiairement,

– confirmer le jugement sur les intérêts mais l’infirmer sur le taux usuraire qui doit être fixé en fonction du taux en vigueur au jour de la décision,

– condamner M. [R] à payer la somme de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner M. [R] aux entiers dépens,

– dire que conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile, Me Benoist pourra recouvrer directement les frais dont il a fait l’avance sans avoir reçu provision.

En réplique, dans ses conclusions adressées par voie électronique le 6 janvier 2023, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens, M. [R] demande à la cour de :

In limine litis,

– prononcer la caducité de la déclaration d’appel,

A titre principal,

– confirmer le jugement déféré en ce qu’il a condamné M. [P] à payer à M. [R] les sommes suivantes :

54 611,67 euros au titre de la reconnaissance de dette du 19 juillet 2018,

21 000 euros au titre de la reconnaissance de dette du 29 mars 2019,

435 euros au titre des frais d’hypothèque judiciaire provisoire du 28 mars 2019,

2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre dépens,

Et, statuant à nouveau,

– juger qu’un taux d’intérêt de 10% doit être appliqué à compter du 28 août 2018 pour la reconnaissance de dette du 19 juillet 2018, et à compter du 16 avril 2019 pour la reconnaissance de dette du 29 mars 2019, et ce jusqu’à parfait paiement,

– condamner M. [P] à lui payer une somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,

– condamner le même à lui payer la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, outre dépens de la présente instance distraits au profit du cabinet soussigné en vertu de l’article 699 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 4 mars 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la caducité de la déclaration d’appel

Conformément aux articles 542 et 954 du code de procédure civile, l’appel tend, par la critique du jugement rendu par une juridiction du premier degré, à sa réformation ou à son annulation par la cour d’appel. Les conclusions d’appel contiennent, en en-tête, les indications prévues à l’article 961. Elles doivent formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées et de leur numérotation. Un bordereau récapitulatif des pièces est annexé.

Les conclusions comprennent distinctement un exposé des faits et de la procédure, l’énoncé des chefs de jugement critiqués, une discussion des prétentions et des moyens ainsi qu’un dispositif récapitulant les prétentions. Si, dans la discussion, des moyens nouveaux par rapport aux précédentes écritures sont invoqués au soutien des prétentions, ils sont présentés de manière formellement distincte.

La cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion.

Les parties doivent reprendre, dans leurs dernières écritures, les prétentions et moyens précédemment présentés ou invoqués dans leurs conclusions antérieures. A défaut, elles sont réputées les avoir abandonnés et la cour ne statue que sur les dernières conclusions déposées.

La partie qui conclut à l’infirmation du jugement doit expressément énoncer les moyens qu’elle invoque sans pouvoir procéder par voie de référence à ses conclusions de première instance.

La partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s’en approprier les motifs.

En l’espèce, la cour observe que l’appelant sollicite expressément, dans le dispositif de ses conclusions, lequel reprend les moyens exposés dans la partie ‘discussion’ de ses écritures, la réformation du jugement ‘en toutes ses dispositions’ et ‘précisément […] en ce que la décision l’a condamné au paiement des sommes ci-dessous mentionnées ainsi qu’aux dépens :

la somme de 54 611,67 euros au titre de la reconnaissance de dette du 19 juillet 2018,

la somme de 21 000 euros au titre de la reconnaissance de dette du 29 mars 2019,

la somme de 435 euros au titre des frais d’hypothèque judiciaire provisoire du 28 mars 2019,

les sommes de 54 611,67 euros et de 21 000 euros augmentées des intérêts au taux annuel de 5,89% jusqu’à leur complet paiement,

la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700,

aux dépens’.

Il en résulte que ses écritures ne souffrent d’aucune imprécision quant au détail des chefs de jugement contestés pour lesquels une réformation est sollicitée.

Dans ces conditions, M. [R] doit être débouté de sa demande visant au prononcé de la caducité de la déclaration d’appel de M. [P].

Sur la demande en paiement

Selon l’article 1376 du code civil, l’acte sous signature privée par lequel une seule partie s’engage envers une autre à lui payer une somme d’argent ou à lui livrer un bien fongible ne fait preuve que s’il comporte la signature de celui qui souscrit cet engagement ainsi que la mention, écrite par lui-même, de la somme ou de la quantité en toutes lettres et en chiffres. En cas de différence, l’acte sous signature privée vaut preuve pour la somme écrite en toutes lettres.

Il échet de constater, à titre liminaire, que M. [R] ne fonde sa demande en paiement que sur les reconnaissances de dette des 19 juillet 2018 et 29 mars 2019, aux termes desquelles M. [P] s’engage à titre individuel, en se reconnaissant personnellement débiteur des obligations mentionnées dans chacun des documents, quoique le versement de la somme de 77 611,67 euros aurait été opéré sur un compte professionnel. En ce sens, aucune stipulation particulière ne permet de rattacher la dette à la SAS FRSRB aujourd’hui liquidée et antérieurement dirigée par M. [P].

Par ailleurs, la signature de ce dernier et la mention, écrite manuscritement, de la somme en toutes lettres et en chiffres sont présentes pour chacune des reconnaissances de dette. Au surplus, l’absence de remise des fonds, n’est pas démontrée par l’appelant étant observé, d’une part, que l’épouse et la belle-mère de M. [R], par ailleurs tante de M. [P], ont l’une et l’autre attesté de la remise, en leur présence, de la somme de 21 000 euros et, d’autre part, que le remboursement partiel de la première dette est intervenu selon virements des 16, 17 et 20 août 2018 d’un montant cumulé de 23 000 euros.

Le caractère violent, agressif, intrusif ou malhonnête des protagonistes fait l’objet d’attestations contradictoires d’épouses ou de proches de ces derniers lesquelles sont insusceptibles d’étayer l’existence de manoeuvres ou de violences ayant vicié le consentement de M. [P] concernant la rédaction des reconnaissances de dette susvisés.

En tout état de cause, il est acquis aux débats que M. [P] n’a jamais déposé plainte à l’encontre de M. [R] malgré le fait qu’il conclut dans ses motifs à une ‘exploitation [de son] état de faiblesse’.

Les certificats médicaux concernant l’état de santé de M. [P], lequel aurait été dans l’incapacité ‘de s’occuper de ses affaires administratives dans la période de février à juin 2019’ concernent au surplus une période non contemporaine à la première reconnaissance de dette et n’offrent aucun élément de contexte sur l’état de santé physique ou psychologique de ce dernier pour apprécier l’existence d’un éventuel vice du consentement ou étayer son absence de capacité juridique, étant au surplus précisé qu’aucune mesure de protection n’a été sollicitée ou prise en sa faveur pour cette même période.

Enfin, la cour retient que l’appelant ne sollicite aucunement de la cour le prononcé de la nullité des engagements produits aux débats de sorte que la condamnation à paiement, en principal, des sommes dont il s’est reconnu débiteur, doit être confirmée sous déduction des 23 000 euros réglés les 16, 17 et 20 août 2018.

Au titre des intérêts, le premier juge a, par une motivation pertinente que la cour adopte, retenu le caractère usuraire de la stipulation d’intérêts pour réduire cette dernière au taux maximum applicable au jour de la signature de l’acte.

Dès lors, le jugement déféré sera confirmé de ce chef, M. [P] étant ainsi condamné à régler M. [R], en sus des frais d’hypothèque judiciaire provisoire, les sommes de 54 611,67 euros et de 21 000 euros augmentées des intérêts au taux annuel de 5,89% jusqu’à leur complet paiement.

Sur les demandes annexes

Le droit d’agir ou de défendre ses droits en justice ne peut dégénérer en abus que s’il est exercé de mauvaise foi, avec malice ou en cas d’erreur grossière.

En l’espèce, le fait que M. [P] ait été débouté de ses demandes ne suffit pas à le constituer de mauvaise foi ou à établir son intention de nuire. Il ne peut davantage être retenu qu’il a commis une erreur grossière ouvrant droit à indemnisation.

En conséquence, la cour déboute M. [R] de sa demande indemnitaire pour résistance abusive.

M. [P], qui succombe en principal, est condamné aux dépens d’appel dont distraction au profit de Me Conrad s’agissant des frais dont il a fait l’avance sans avoir reçu provision. Il est en outre condamné à payer à M. [R] la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, par décision contradictoire,

Déboute M. [M] [R] de sa demande visant au prononcé de la caducité de la déclaration d’appel de M. [L] [P],

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Déboute M. [L] [P] de l’ensemble de ses demandes,

Condamne M. [L] [P] aux dépens d’appel dont distraction au profit de Me Conrad s’agissant des frais dont il a fait l’avance sans avoir reçu provision,

Condamne M. [L] [P] à payer à M. [M] [R] la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Déboute M. [L] [P] du surplus de ses demandes.

Ainsi prononcé publiquement le 05 septembre 2024 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile, et signé par Madame Alyette FOUCHARD, Conseillère faisant fonction de Présidente et Madame Sylvie DURAND, Greffière.

La Greffière La Présidente


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