L’Essentiel : Le 28 janvier 2001, M. [O] [S] a accordé un prêt de 52 512 francs à Mme [W] [H], remboursable en 48 mensualités. Après le décès de M. [O] [S] en 2016, ses héritiers ont assigné Mme [H] en justice pour obtenir le paiement de la créance. Celle-ci a contesté la demande, invoquant la prescription de l’action. Les consorts [S] ont soutenu que des paiements effectués après 2018 interrompaient la prescription. Cependant, le tribunal a jugé leur action prescrite, faute de preuves suffisantes, et a condamné les consorts à verser 800 euros à Mme [H] pour frais de justice.
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Contexte de l’affaireM. [O] [S] a accordé un prêt à Mme [W] [H] le 28 janvier 2001, d’un montant de 52 512 francs, remboursable en 48 mensualités de 1 488 francs avec un taux d’intérêt de 16%. M. [O] [S] est décédé le 12 mars 2016, et ses héritiers, M. [K] [S], Mme [T] [X] née [S] et Mme [D] [S], ont hérité de cette créance. Procédure judiciaireLes consorts [S] ont assigné Mme [H] devant le tribunal judiciaire de Mulhouse le 31 mars 2023, demandant son condamnation au paiement de la somme due. En réponse, Mme [H] a soulevé plusieurs moyens d’irrecevabilité, notamment la prescription de l’action. Arguments de Mme [H]Mme [H] a soutenu que M. [O] [S] avait un délai d’action de cinq ans, qui avait expiré le 17 juin 2013. Elle a également affirmé que les consorts [S] ne justifiaient pas des paiements effectués après le 7 avril 2018 et que la dernière échéance payée remontait à décembre 2001. Arguments des consorts [S]Les consorts [S] ont rétorqué que Mme [H] avait cessé de rembourser depuis le 7 avril 2018 et que les paiements effectués constituaient des actes interruptifs de prescription. Ils ont affirmé que leur action, introduite le 31 mars 2023, n’était pas prescrite. Décision du tribunalLe tribunal a jugé que l’action des consorts [S] était prescrite, car ils n’avaient pas prouvé les paiements interruptifs de la prescription. En conséquence, l’action a été déclarée irrecevable, et les consorts [S] ont été condamnés à verser 800 euros à Mme [H] au titre de l’article 700 du Code de procédure civile. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelle est la durée de prescription applicable à l’action en recouvrement d’une reconnaissance de dette ?La durée de prescription applicable à l’action en recouvrement d’une reconnaissance de dette est régie par l’article 2224 du Code civil, qui stipule que : « Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. » Dans le cas présent, la reconnaissance de dette a été établie le 28 janvier 2001, et le dernier paiement effectué par Mme [H] a eu lieu le 7 avril 2018. Ainsi, les consorts [S] ont introduit leur action le 31 mars 2023, soit après l’expiration du délai de cinq ans, ce qui entraîne la prescription de leur action. Il est également important de noter que, selon la jurisprudence, la charge de la preuve d’un délai de prescription incombe à celui qui invoque cette fin de non-recevoir (Cass com 24 janvier 2024 numéro 22-10.492). Les consorts [S] n’ont pas réussi à prouver que des paiements interruptifs de la prescription avaient eu lieu après le 7 avril 2018, ce qui aurait pu prolonger le délai de prescription. Quels sont les effets des paiements sur la prescription ?Les effets des paiements sur la prescription sont précisés par les articles 2240 et 2242 du Code civil. L’article 2240 dispose que : « Les actes interruptifs de prescription sont ceux qui, par leur nature, interrompent le cours de la prescription. » L’article 2242 précise que : « Le délai de prescription recommence à courir à compter de l’acte interruptif. » Dans cette affaire, les consorts [S] soutiennent que les paiements effectués par Mme [H] constituent des actes interruptifs de la prescription. Ils affirment que le dernier paiement effectué le 7 avril 2018 a relancé le délai de prescription. Cependant, la décision souligne que la preuve du paiement, qui est un fait juridique, peut être rapportée par tous moyens (Cass Civ 1ère 6 juillet 2004 numéro 01-14.618). Les consorts [S] n’ont pas produit de preuves suffisantes pour attester de la réalité des paiements effectués par Mme [H] après le 7 avril 2018. Ainsi, même si des paiements avaient été réalisés, les consorts [S] n’ont pas pu prouver que ces paiements avaient eu lieu, ce qui a conduit à la prescription de leur action. Quelles sont les conséquences de la prescription sur l’action des consorts [S] ?Les conséquences de la prescription sur l’action des consorts [S] sont déterminées par l’article 122 du Code de procédure civile, qui énonce que : « Constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée. » Dans ce cas, la prescription a conduit à la déclaration d’irrecevabilité de l’action intentée par les consorts [S] à l’encontre de Mme [H]. Le tribunal a constaté que l’action en recouvrement était prescrite, car les consorts [S] n’ont pas pu prouver que des paiements interruptifs avaient eu lieu après le 7 avril 2018. En conséquence, les consorts [S] ont été condamnés à verser à Mme [H] la somme de 800 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens de l’incident. Cette décision rappelle l’importance de la preuve dans les actions en justice, notamment en matière de prescription, où le demandeur doit établir la réalité des faits allégués pour éviter la prescription de son action. |
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[Adresse 3]
[Adresse 3]
[Localité 5]
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Première Chambre Civile
MINUTE n° 25/01
N° RG 23/00206
N° Portalis DB2G-W-B7H-IGKP
KG/JLD
République Française
Au Nom Du Peuple Français
ORDONNANCE
du 09 janvier 2025
Dans la procédure introduite par :
Madame [D] [C], [A] [S]
demeurant [Adresse 4]
Monsieur [K] [L], [G] [S]
demeurant [Adresse 6]
Madame [T] [U] [S] épouse [X]
demeurant [Adresse 1]
représentés par Me Hervé KUONY, avocat au barreau de MULHOUSE, vestiaire : 76
– partie demanderesse –
A l’encontre de :
Madame [W] [H]
demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Estelle BOUCARD, avocat au barreau de MULHOUSE,
vestiaire : 95
– partie défenderesse –
CONCERNE : Demande en paiement relative à un contrat non qualifié
Nous, Jean-Louis DRAGON, Juge au Tribunal judiciaire de céans, Juge de la mise en état, assisté de Thomas SINT, Greffier, avons rendu l’ordonnance suivante, par mise à disposition au greffe ce jour :
Aux termes d’un acte sous seing privé portant reconnaissance de dette en date du 28 janvier 2001, M. [O] [S] a prêté à Mme [W] [H] la somme de 52512 francs remboursable en 48 mensualités de 1488 francs au taux de 16% à compter du 28 février 2001 jusqu’au 28 janvier 2005.
M. [K] [S], Mme [T] [X] née [S] et Mme [D] [S] (les consorts [S]) sont les héritiers de M. [O] [S] décédé le 12 mars 2016, tel qu’il est établi par une attestation de Me [N], notaire à [Localité 7], en date du 9 septembre 2016.
Par acte de commissaire de justice en date du 31 mars 2023, les consorts [S] ont assigné Mme [H] devant le tribunal judiciaire de MULHOUSE aux fins de condamnation en paiement.
Par conclusions d’incident dont les dernières ont été notifiées par RPVA le 11 septembre 2024, Mme [H] sollicite du juge de la mise en état de :
– juger que les consorts [S] irrecevables et mal fondés en leurs demandes ;
– juger que feu M. [S] disposait d’un délai d’action quinquennal expirant le 17 juin 2013 ;
– constater qu’aucune demande en justice n’a été introduite à son encontre avant le 17 juin 2013 ;
– juger prescrite l’action des consorts [S] sur le fondement de la reconnaissance de dette établie le 28 janvier 2001 ;
– condamner les consorts [S] au paiement de la somme de 2000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.
Au soutien de ses dernières conclusions, Mme [H] expose que :
– au visa des articles 2224 et 1342-10 du Code civil, M. [O] [S] avant l’entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, disposait d’un délai de 30 ans pour agir, réduit à 5 ans à compter de la promulgation de cette dernière ;
– les demandeurs ne justifient pas des dates auxquelles les règlements ont pu être réalisés en vertu du principe “nul ne peut se constituer de preuve à soi même” ;
– ils ne justifient pas de règlements intervenus après le 7 avril 2018 ;
– à titre subsidiaire, aucune déchéance du terme n’a jamais été prononcée : si 11 versements ont été effectués sur les 48 mensualités, la dernière échéance payée date de décembre 2001. Dès lors, si le dernier paiement a lieu le 8 février 2015 ou le 7 avril 2018, celui-ci aurait dû être imputé sur la dernière échéance impayée qui était bien antérieure à 2015, voire 2013.
Dans leurs dernières conclusions notifiées par RPVA le 26 juin 2024, les consorts [S] sollicitent du tribunal de :
– débouter Mme [H] de l’intégralité de ses fins, moyens et conclusions ;
– constater que leur action en recouvrement n’est pas prescrite ;
– renvoyer l’affaire à une audience de mise en état ;
– condamner Mme [H] à leur verser la somme de 2000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, outre les dépens de l’incident ;
– rappeler que la décision à intervenir sera de droit exécutoire à titre provisoire.
Au soutien de leurs conclusions, les consorts [S] exposent que :
– Mme [H] a cessé tout remboursement depuis le 7 avril 2018 ;
– au visa des articles 2240,2242 du Code civil, tous les paiements effectués par Mme [H] constituent des actes interruptifs de la prescription : dès lors, le délai de 5 ans a recommencé à courir à compter 7 avril 2018 ;
– l’action ayant été introduite le 31 mars 2023, elle n’est pas prescrite ;
– la preuve du point de départ de la prescription doit être rapportée par le demandeur à la fin de non-recevoir ;
– Mme [H] ne peut contester le dernier paiement d’avril 2018 alors qu’elle a établi un chèque de 100 euros à cette date ;
– l’imputation des paiements n’a aucun effet sur les actes interruptifs de prescription qui sont intervenus.
ll est, en application de l’article 455 du Code de procédure civile, pour plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, renvoyé au dossier de la procédure, aux pièces versées aux débats et aux conclusions des parties ci-dessus visées.
L’incident a été appelé à l’audience du 16 mai 2024 et a été mis en délibéré au 29 aout 2024.
Aux termes de l’article 789 du Code de procédure civile, lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu’à son dessaisissement, seul compétent, à l’exclusion de toute autre formation du tribunal, pour statuer sur les fins de non recevoir.
L’article 122 du Code de procédure civile dispose que constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.
Selon l’article 2224 du Code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.
La charge de la preuve d’un délai de prescription incombe à celui qui invoque cette fin de non-recevoir (Cass com 24 janvier 2024 numéro 22-10.492).
La preuve du paiement qui est un fait juridique peut être rapportée par tous moyens (Cass Civ 1ère 6 juillet 2004 numéro 01-14.618)
En l’espèce, le point de départ de l’action doit être fixé non pas à la date du dernier paiement mais à la date du dernier incident de paiement, preuve que Mme [H] ne peut rapporter.
Les demandeurs fournissent un décompte établi par leurs soins des paiements qui auraient été réalisés par Mme [H]. Si ce dernier peut être retenu comme moyen de preuve d’un fait juridique, il est insuffisant à lui seul pour attester de la réalité des paiements. Les consorts [S] ne produisent pas les comptes bancaires du défunt qui auraient éventuellement permis d’apprécier l’existence des versements interruptifs de la prescription et des incidents de paiements.
Par conséquent, eu égard aux dates de la reconnaissance de dette et de la dernière échéance de remboursement prévue le 28 janvier 2005, il y a lieu de considérer l’action des consorts [S] intentée à l’encontre de Mme [H] par assignation en date du 31 mars 2023 comme étant prescrite.
Les consorts [S] seront condamnés au paiement de la somme de 800 euros à Mme [H] au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, outre les dépens de l’incident.
Il sera rappelé le caractère exécutoire de la présente ordonnance.
Nous, Jean-Louis DRAGON, juge de la mise en état, statuant publiquement, par ordonnance contradictoire mise à disposition au greffe et en premier ressort,
DECLARONS irrecevable l’action intentée par M.[K] [S], Mme [T] [X] née [S] et Mme [D] [S] à l’encontre de Mme [W] [H];
CONDAMNONS M.[K] [S], Mme [T] [X] née [S] et Mme [D] [S] au paiement de la somme de 800,00 € (HUIT CENTS EUROS) à Mme [W] [H] au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,
CONDAMNONS M.[K] [S], Mme [T] [X] née [S] et Mme [D] [S] aux dépens;
RAPPELONS le caractère exécutoire de la présente ordonnance.
Et la présente ordonnance a été signée par le Juge de la mise en état et le Greffier.
Le Greffier, Le Juge,
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