→ Résumé de l’affaireMme [P] a saisi la commission de surendettement pour bénéficier de la procédure de surendettement des particuliers. La commission a recommandé une procédure de rétablissement personnel sans liquidation judiciaire, mais la CNAV a demandé l’exclusion de sa créance de la procédure en raison d’une prétendue mauvaise foi de la débitrice. L’affaire a été renvoyée à une audience ultérieure où la CNAV a argumenté que la débitrice avait dissimulé des informations lors de sa demande de versement. Mme [P] a affirmé ne pas comprendre le français et que la demande avait été remplie par le centre communal d’action sociale. La décision finale a été mise en délibéré pour le 5 août 2024. |
→ L’essentielIrrégularité de la procédureLa contestation de la CNAV formée dans les formes et délais légaux est recevable. Conditions de recevabilité au bénéfice de la procédure de surendettementL’article 711-1 du code de la consommation prévoit les conditions de recevabilité au bénéfice de la procédure de surendettement pour les personnes physiques de bonne foi. La bonne foi du débiteur est présumée et il appartient au créancier qui excipe de sa mauvaise foi de la démontrer. Déclaration frauduleuse et irrecevabilité de Mme [P]La CNAV a démontré l’absence de bonne foi de Mme [P] suite à des déclarations frauduleuses concernant ses revenus, entraînant un trop-perçu important. En conséquence, Mme [P] est déclarée irrecevable au bénéfice de la procédure de surendettement. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Tribunal judiciaire de Pontoise
RG n°
23/00132
Chambre de proximité
Service Surendettement
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 7]
☎ : [XXXXXXXX01]
[Courriel 13]
N° RG 23-00132 – N° Portalis DB3U-W-B7H-NFII
N° Minute :
DEMANDERESSE :
CNAV
Débiteur(s), trice(s) :
Mme [P] [V] née [E]
Copie délivrée le :
à :
Copie exécutoire délivrée le :
à :
JUGEMENT du 05 août 2024
DEMANDERESSE :
CNAV
[Adresse 2]
[Localité 5]
représentée par Mme [L] (Autre) muni d’un pouvoir spécial
DÉFENDERESSES :
Madame [V] [E] épouse [P]
[Adresse 3]
Appart.2 B – appart.203
[Localité 8]
comparante en personne assistée de Me Marie-france PAUTONNIER, avocat au barreau de VAL D’OISE, vestiaire : 291
[12]
– [10] – [9]
[Adresse 11]
[Localité 6]
non comparante, ni représentée
COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Président : SAUVE Florence
Greffier : PASCAL Stéphane
DÉBATS :
Audience publique du : 24 juin 2024
Après que les formalités des articles 430 et suivants du code de procédure civile eurent été respectées, le Tribunal a rendu le jugement suivant :
au nom du peuple français :
Mme [P] [V] née [E] a saisi la commission de surendettement de particuliers du Val d’Oise afin de bénéficier de la procédure de surendettement des particuliers le 16 janvier 2023 pour la première fois.
La commission de surendettement a déclaré sa demande recevable le 7 février 2023 puis, considérant que la débitrice se trouvait dans une situation irrémédiablement compromise, la commission a recommandé une procédure de rétablissement personnel sans liquidation judiciaire lors de sa séance du 4 avril 2023.
Cette décision a été notifiée à la débitrice et à ses créanciers et notamment à la CNAV par lettre recommandée avec accusé de réception reçue le 17 avril 2023.
Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 24 avril 2023, la CNAV a souhaité que sa créance qui est d’origine frauduleuse soit exclue de la procédure en application de l’article L114-17 du code de la consommation.
La débitrice et ses créanciers ont été convoqués à l’audience du 13 mai 2024 par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, adressée quinze jours avant l’audience. L’affaire a été renvoyée à l’audience du 24 juin 2024.
A l’audience, la CNAV, représentée par une personne habilitée, a précisé que sa créance était constituée d’un indu et de pénalités, que la sanction administrative n’a pas été contestée en son temps, que lors de la demande de versement Mme [P] n’a pas déclaré le montant de son livret A et de sa rente accident du travail et a perçu l’allocation spécifique pour personne âgée depuis 2012, que peu importe qu’elle n’ait pas rempli elle-même la demande et qu’elle ne maîtrise pas le français.
Elle demande en conséquence d’une part que Mme [P] soit déclarée irrecevable au bénéfice de la procédure de surendettement pour cause de mauvaise foi et d’autre part, l’exclusion de sa créance de la procédure de surendettement.
Mme [P], assistée de son conseil, a expliqué qu’elle ne comprenait pas le français, que la demande avait été remplie par le centre communal d’action sociale.
Elle explique que la mauvaise foi de la débitrice n’est pas démontrée et demande le maintien des mesures de surendettement telles que prescrites par la commission.
L’affaire a été mise en délibéré au 5 août 2024, la décision étant prononcée par mise à disposition au greffe de la juridiction.
Sur la recevabilité de la contestation de la CNAV
La contestation de la CNAV formée dans les formes et délais légaux est recevable.
Sur la recevabilité de Mme [P] au bénéfice de la procédure de surendettement
L’article 711-1 du code de la consommation prévoit que « Le bénéfice des mesures de traitement des situations de surendettement est ouvert aux personnes physiques de bonne foi. La situation de surendettement est caractérisée par l’impossibilité manifeste de faire face à l’ensemble de ses dettes, professionnelles et non professionnelles, exigibles et à échoir. Le seul fait d’être propriétaire de sa résidence principale dont la valeur estimée à la date du dépôt du dossier de surendettement est égale ou supérieure au montant de l’ensemble des dettes professionnelles et non professionnelles exigibles et à échoir ne fait pas obstacle à la caractérisation de la situation de surendettement. L’impossibilité de faire face à un engagement de cautionner ou d’acquitter solidairement la dette d’un entrepreneur individuel ou d’une société caractérise également une situation de surendettement.
La bonne foi du débiteur est présumée et il appartient au créancier qui excipe de sa mauvaise foi de la démontrer. La simple négligence ou imprévoyance du débiteur ne permet pas de caractériser sa mauvaise foi. La mauvaise foi du débiteur est caractérisée par la volonté systématique et irresponsable de recourir au crédit pour réaliser des dépenses somptuaires ou mener un train dispendieux.
Elle s’apprécie tant au niveau procédural qu’au regard des circonstances qui ont conduit à l’endettement et suppose la preuve d’un élément intentionnel- à tout le moins d’une inconséquence assimilable à une faute- chez le débiteur visant dans le premier cas à tromper la commission et/ou le juge sur la réalité de sa situation personnelle et financière et dans le second à créer ou aggraver consciemment sa situation de surendettement ou essayer d’échapper à ses engagements en fraude des droits des créanciers. Une simple erreur négligence ou légèreté blâmable du débiteur sont des éléments insuffisants pour retenir sa mauvaise foi.
La notion de bonne foi s’apprécie au travers de la personne de chacun des débiteurs. Ainsi la mauvaise foi d’un membre du couple ne peut justifier l’irrecevabilité de la demande de son conjoint.
La bonne foi du débiteur s’apprécie au jour où le juge statue.
Les faits constitutifs de la mauvaise foi antérieurs au dépôt du dossier de surendettement doivent être en lien direct avec la situation de surendettement. Une faute même intentionnelle du débiteur est impropre à caractériser sa mauvaise foi en l’absence d’un tel rapport direct.
La CNAV fonde la démonstration de l’absence de bonne foi de Mme [P] sur le fait que lors de la demande de bénéfice de l’allocation spécifique pour personne âgée,
Mme [P] n’a pas déclaré le montant de son livret A et de sa rente accident du travail et a perçu l’allocation spécifique pour personne âgée depuis 2012 de façon indue.
Il n’est pas contesté que le CERFA a été rempli par le conseil communal d’action sociale mais a été signé par Mme [P], que c’est à la suite d’un contrôle opéré par les agents de la CNAV qu’ont été constatées les non déclarations de revenus entraînant la diminution du montant de l’allocation et ainsi le trop-perçu de 16 730,34 euros correspondant aux versements du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2020.
Il est précisé que Mme [P] s’engageait à informer la caisse de tout changement de sa situation et a signé des questionnaires ressources de contrôle le 25 mars 2013 et le 23 décembre 2014 sans déclarer les sommes omises précédemment.
A la suite du contrôle, le directeur de la CNAV a prononcé une pénalité financière de
1 028 euros qui n’a pas été contestée par Mme [P].
En apposant sa signature aux différentes déclarations et formulaires, elle a engagé sa responsabilité, les documents ayant été rédigés en son nom. Par ailleurs, elle a réitéré ses agissements, n’a pas contesté la sanction et n’a pas commencé à régler sa dette comme une preuve de sa bonne foi et de sa naiveté dans ces déclarations.
L’absence de maîtrise de la langue française n’est pas démontrée, Mme [P] semblant comprendre la langue française à l’audience.
Cette dette d’origine frauduleuse représentant une somme de 17 190,08 euros sur un endettement global de Mme [P] est de 20 189,54 euros selon l’état déclaré des dettes établi le 2 mai 2023.
En conséquence, Mme [P] est déclarée irrecevable au bénéfice de la procédure de surendettement.
Il y a lieu de laisser les dépens à la charge du Trésor public.
Le tribunal judiciaire statuant par jugement réputé contradictoire, rendu par mise à disposition au greffe à la date indiquée aux parties et en premier ressort;
DECLARE recevable la contestation formée par la CNAV à l’encontre de la décision du 4 avril 2023 par la commission de surendettement du Val d’Oise et la dit bien fondée ;
INFIRME la décision de recevabilité du 4 avril 2023 ;
DECLARE Mme [P] irrecevable au bénéficie de la procédure de rétablissement personnel;
DECLARE Mme [P] irrecevable au bénéficie de la procédure de surendettement;
RENVOIE l’affaire à la commission de surendettement pour clôture ;
LAISSE les dépens à la charge du Trésor public.
Fait et jugé au Tribunal judiciaire, le 05 août 2024;
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
Stéphane PASCAL Florence SAUVE
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