L’Essentiel : La société civile immobilière de construction-vente [Adresse 5] a engagé la société ENTREPRISE LACHANA pour la construction d’un immeuble comprenant vingt logements. Après des retards et des réserves lors de la réception des travaux, ENTREPRISE LACHANA a réclamé le paiement de 27.676,57 euros, ainsi qu’une indemnisation pour préjudice. Le tribunal a ordonné à la SCCV de régler cette somme, tout en rejetant les demandes de pénalités et d’indemnisation de la part d’ENTREPRISE LACHANA. La SCCV a également été condamnée à verser des frais de justice, avec exécution provisoire du jugement maintenue.
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Contexte de l’affaireLa société civile immobilière de construction-vente [Adresse 5] (SCCV [Adresse 5]) a entrepris la construction d’un immeuble d’habitation comprenant vingt logements et un commerce dans la commune de [Localité 4]. La déclaration d’ouverture du chantier a été faite le 27 juillet 2017, avec la société ENTREPRISE LACHANA responsable des travaux de gros œuvre, charpente et VRD. Les bâtiments A et B ont été réceptionnés avec réserves respectivement le 1er août et le 29 juillet 2019. Procédures judiciairesEn raison d’un non-paiement du solde des travaux, la société ENTREPRISE LACHANA a saisi la commission d’arbitrage de l’OFFICE DÉPARTEMENTAL DU BTP DU RHÔNE le 22 mars 2021, sans succès. Elle a ensuite assigné la SCCV [Adresse 5] devant le Tribunal de commerce de LYON le 10 juin 2021, demandant le paiement de 27.676,57 euros. Le tribunal s’est déclaré incompétent et a renvoyé l’affaire au Tribunal judiciaire de LYON, où deux procédures ont été jointes. Parallèlement, la société ENTREPRISE LACHANA a été placée en redressement judiciaire le 20 décembre 2022, puis en liquidation judiciaire le 11 avril 2023. Prétentions des partiesLa société ENTREPRISE LACHANA réclame le paiement de 27.676,57 euros pour le solde des factures, ainsi qu’une indemnisation de 5.000 euros pour préjudice et 3.500 euros pour les frais de justice. Elle soutient que les réserves signalées lors de la réception des travaux ont été levées et que les retards étaient dus à des intempéries et à des tiers. En réponse, la SCCV [Adresse 5] conteste ces demandes, invoquant des retards de chantier et des désordres dans les travaux, et demande une pénalité de retard de 10.000 euros. Décision du tribunalLe tribunal a statué que la SCCV [Adresse 5] devait payer 27.676,75 euros à la société ENTREPRISE LACHANA, avec intérêts à compter du 9 juillet 2020. La demande de pénalité de retard de 10.000 euros a été rejetée, tout comme la demande d’indemnisation de 5.000 euros de la société ENTREPRISE LACHANA. La SCCV [Adresse 5] a été condamnée aux dépens et à verser 2.200 euros pour les frais irrépétibles. L’exécution provisoire du jugement a été maintenue. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelles sont les obligations contractuelles des parties en vertu des articles 1103 et 1799 du Code civil ?Les articles 1103 et 1799 du Code civil établissent les fondements des obligations contractuelles entre les parties dans le cadre d’un contrat de construction. L’article 1103 stipule que : “Les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.” Cela signifie que les parties sont tenues de respecter les engagements qu’elles ont pris dans le cadre de leur contrat. En ce qui concerne l’article 1799, il précise que : “Le maître de l’ouvrage est tenu de payer le prix convenu, à moins qu’il ne prouve que l’entrepreneur n’a pas exécuté son obligation.” Ainsi, le maître de l’ouvrage, en l’occurrence la société [Adresse 5], est tenu de régler le montant convenu pour les travaux réalisés, sauf à prouver que l’entrepreneur, ici la société ENTREPRISE LACHANA, n’a pas respecté ses obligations contractuelles. Dans le cas présent, la société ENTREPRISE LACHANA a exécuté les travaux et a demandé le paiement du solde des factures, ce qui engage la société [Adresse 5] à respecter ses obligations de paiement. Quels sont les effets du retard de paiement selon l’article 1231-6 du Code civil ?L’article 1231-6 du Code civil traite des conséquences du retard de paiement dans le cadre d’une obligation de somme d’argent. Il dispose que : “Les dommages et intérêts dus à raison du retard dans le paiement d’une obligation de somme d’argent consistent dans l’intérêt au taux légal, à compter de la mise en demeure.” Cet article précise que le créancier a droit à des intérêts au taux légal à partir de la date de mise en demeure, sans qu’il soit nécessaire de prouver un préjudice. Il ajoute également que : “Le créancier auquel son débiteur en retard a causé, par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant de ce retard, peut obtenir des dommages et intérêts distincts de l’intérêt moratoire.” Dans le litige en question, la société ENTREPRISE LACHANA a mis en demeure la société [Adresse 5] de payer le solde des travaux. En conséquence, la société [Adresse 5] est redevable d’intérêts au taux légal à compter de cette mise en demeure, en plus du montant principal dû. Quelles sont les conditions pour obtenir des dommages et intérêts distincts en cas de retard de paiement ?Pour obtenir des dommages et intérêts distincts en raison d’un retard de paiement, il est nécessaire de prouver l’existence d’un préjudice indépendant du retard, causé par la mauvaise foi du débiteur. L’article 1231-1 du Code civil stipule que : “Le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, s’il ne justifie pas que l’exécution a été empêchée par la force majeure.” Ainsi, pour que la société ENTREPRISE LACHANA puisse obtenir des dommages et intérêts distincts, elle doit démontrer que le retard de paiement a causé un préjudice qui ne se limite pas à l’absence de paiement, mais qui est dû à la mauvaise foi de la société [Adresse 5]. Dans le cas présent, le tribunal a constaté que la société ENTREPRISE LACHANA n’a pas prouvé l’existence d’un préjudice distinct du retard de paiement, ce qui a conduit au rejet de sa demande d’indemnisation. Comment sont déterminés les dépens et les frais irrépétibles selon le Code de procédure civile ?Les dépens et les frais irrépétibles sont régis par les articles 696 et 700 du Code de procédure civile. L’article 696 précise que : “La partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.” Cela signifie que la partie qui succombe dans ses prétentions doit généralement supporter les frais de la procédure. L’article 700, quant à lui, dispose que : “Le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer : Ainsi, la société [Adresse 5], ayant succombé dans ses demandes, est condamnée à payer les dépens et à verser une somme de 2.200,00 euros à la société ENTREPRISE LACHANA au titre des frais irrépétibles, conformément à l’article 700. Ces dispositions visent à garantir que la partie qui a raison dans le litige ne supporte pas les frais de la procédure. |
JUDICIAIRE
DE LYON
Chambre 10 cab 10 H
N° RG 22/00211 – N° Portalis DB2H-W-B7F-WI45
Jugement du 16 janvier 2025
Notifié le :
Grosse et copie à :
la SELAS FIDAL – 708
la SARL OCTOJURIS – MIFSUD – PESSON – AVOCATS – 2596
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Le Tribunal judiciaire de LYON, statuant publiquement et en premier ressort, a rendu, le 16 janvier 2025 devant la Chambre 10 cab 10 H le jugement contradictoire suivant,
Après que l’instruction eut été clôturée le 07 novembre 2024, et que la cause eut été débattue à l’audience publique du 07 novembre 2024 devant :
Marlène DOUIBI, Président,
siégeant en formation Juge Unique,
Assistée de Jessica BOSCO BUFFART, Greffier,
Et après qu’il en eut été délibéré par le magistrat ayant assisté aux débats dans l’affaire opposant :
DEMANDERESSES
S.E.L.A.R.L. [S] [F], intervenante volontaire, prise en la personne de Maître [S] [F], en qualité de liquidateur judiciaire de la société LACHANA
dont le siège social est sis [Adresse 2]
représentée par Maître Romain MIFSUD de la SARL OCTOJURIS – MIFSUD – PESSON – AVOCATS, avocats au barreau de LYON
S.A.S.U. ENTREPRISE LACHANA
prise en la personne de son représentant légal
dont le siège social est sis [Adresse 3]
représentée par Maître Romain MIFSUD de la SARL OCTOJURIS – MIFSUD – PESSON – AVOCATS, avocats au barreau de LYON
DEFENDERESSE
S.C.C.V. [Adresse 5]
prise en la personne de son représentant légal
domiciliée : chez CBS PATRIMOINE, dont le siège social est sis [Adresse 1]
représentée par Maître Julien COMBIER de la SELAS FIDAL, avocats au barreau de LYON
Les faits et la procédure
La société civile immobilière de construction-vente [Adresse 5] (ci-après dénommée “SCCV [Adresse 5]”) a entrepris, en qualité de maître de l’ouvrage, l’édification d’un immeuble d’habitation composé de vingt logements et d’un commerce sur la commune de [Localité 4].
La déclaration réglementaire d’ouverture du chantier a été établie le 27 juillet 2017.
Sont notamment intervenus à cette opération de construction :
le bureau d’études BATISPHERE, en charge d’une mission OPC ; la société par actions simplifiée unipersonnelle ENTREPRISE LACHANA, en charge des lots “gros oeuvre”, “charpente” et “VRD”.
La réception du bâtiment B est intervenue le 29 juillet 2019 et celle du bâtiment A le 1er août 2019, toutes deux avec des réserves.
A défaut de paiement du solde des travaux, la société ENTREPRISE LACHANA a saisi la commission d’arbitrage de l’OFFICE DÉPARTEMENTAL DU BTP DU RHÔNE par courrier daté du 22 mars 2021, ce sans parvenir à une résolution amiable du litige l’opposant à la SCCV [Adresse 5].
En conséquence, par acte d”huissier de justice signifié le 10 juin 2021, la société ENTREPRISE LACHANA a fait assigner la SCCV [Adresse 5] devant le Tribunal de commerce de LYON aux fins, pour l’essentiel, de solliciter le règlement d’une somme de 27.676,57 euros et l’indemnisation d’un préjudice.
Par jugement rendu le 25 octobre 2021, le Tribunal de commerce de LYON s’est notamment déclaré incompétent et a renvoyé l’affaire devant le Tribunal judiciaire de LYON, auprès duquel elle a été enrôlée sous le numéro de répertoire général 22/00160.
En parallèle, par acte d’huissier de justice signifié le 22 novembre 2021, la société ENTREPRISE LACHANA a fait assigner la SCCV [Adresse 5] devant le Tribunal judiciaire de LYON dans une même finalité. La procédure a été enregistrée sous le numéro de répertoire général 22/00211.
Le juge de la mise en état a ordonné, le 24 janvier 2022, la jonction des deux procédures précitées sous le numéro de répertoire général 22/00211.
Par jugement daté du 20 décembre 2022, le Tribunal de commerce de LYON a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l’encontre de la société ENTREPRISE LACHANA. Cette procédure a été convertie en liquidation judiciaire le 11 avril 2023.
La SELARL [S] [F], désignée liquidateur judiciaire de la société ENTREPRISE LACHANA, est intervenue volontairement à l’instance par conclusions notifiées le19 juin 2023.
L’affaire a été fixée à l’audience de plaidoirie en formation à juge unique du 7 novembre 2024, dans le cadre de laquelle la clôture définitive de l’instruction a été ordonnée et à l’issue de laquelle la décision a été mise en délibéré au 16 janvier 2025.
Les prétentions et les moyens
Aux termes des dernières conclusions récapitulatives notifiées le 19 juin 2023, auxquelles il sera expressément renvoyé pour un plus ample exposé des prétentions émises et des moyens invoqués, la société ENTREPRISE LACHANA demande au Tribunal de :
condamner la société [Adresse 5] à lui régler la somme de 27.676,57 euros correspondant au solde des factures qui lui sont dues, avec intérêts à taux légal à compter de la première mise en demeure du 9 mars 2020,
condamner la société [Adresse 5] à verser à la société LACHANA la somme de 5.000,00 euros au titre du préjudice subi,condamner la société [Adresse 5] à régler à la société LACHANA la somme de 3.500,00 euros en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile,condamner la société [Adresse 5] aux entiers dépens de l’instance,ordonner l’exécution provisoire du jugement à intervenir.
Reprenant les dispositions des articles 1103 et 1799 du Code civil, la société ENTREPRISE LACHANA fait valoir qu’en acceptant les offres formulées au titre des lots numérotés un, deux et onze, la société [Adresse 5] s’est engagée à lui régler la somme totale de 384.000,00 euros hors taxes. Elle précise que les réserves mineures signalées lors de la réception des travaux ont toutes été levées et que les garanties de parfait achèvement lui ont été accordées le 22 novembre 2019. Elle expose que la société BATISPHERE a conséquemment délivré un certificat de paiement d’un montant de 14.952,44 euros à la charge de la société [Adresse 5] le 1er février 2020. Elle indique que des certificats de paiement antérieurs n’ont pas davantage été réglés en totalité par la société défenderesse, portant la dette totale de celle-ci au montant de 27.676,57 euros. En réponse aux moyens adverses, elle soutient que les désordres ayant persisté postérieurement à la livraison des appartements ne lui sont pas imputables. Elle affirme, par ailleurs, que les retards accumulés sur le chantier sont le fait d’intempéries et d’une société tierce. Elle souligne que les certificats n’ont pas été contestés au moment de leur émission par la société [Adresse 5], alors que cette dernière était parfaitement informée desdits retards. Elle signale, au surplus, que la société BATISPHERE, dont la société [Adresse 5] demande présentement la garantie, n’est pas partie à la présente instance.
En parallèle, elle explique qu’elle a souffert d’un préjudice important généré par le défaut de paiement d’une somme de 30.000,00 euros pourtant due depuis une année par la société [Adresse 5], dont elle dénonce la mauvaise foi et les manoeuvres dilatoires.
Aux termes des dernières conclusions récapitulatives notifiées le 21 septembre 2022, auxquelles il sera expressément renvoyé pour un plus ample exposé des prétentions émises et des moyens invoqués, la société [Adresse 5] demande au Tribunal :
à titre principal, de rejeter l’ensemble des moyens, fins et prétentions de la société LACHANA,à titre subsidiaire, de dire qu’une pénalité de retard de 10.000,00 euros doit être appliquée à la société LACHANA,en tout état de cause, de condamner la société LACHANA à lui payer la somme de 3.500,00 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens et dire n’y avoir lieu à assortir la décision à intervenir de l’exécutoire provisoire.
La société [Adresse 5] soutient que le chantier a accusé un retard de cinq mois imputable pour moitié à la société ENTREPRISE LACHANA, en charge notamment du lot gros oeuvre. Elle considère, en conséquence, qu’il doit lui être appliqué une pénalité de retard de 10.000,00 euros (soit 50 jours ouvrés x 200,00 euros/jour). Elle fait valoir, à cet égard, que le montant de 22.126,00 euros hors taxes, dont le paiement est présentement sollicité par la société ENTREPRISE LACHANA, correspond à la pénalité forfaitaire prévue dans le marché de travaux (soit 5,76% d’une enveloppe totale de 384.000,00 euros HT). Elle estime qu’elle peut légitimement se prévaloir desdites pénalités, dès lors que le retard pris l’a contrainte à accorder des remises commerciales à ses clients. Elle affirme ensuite que prestations réalisées par la société ENTREPRISE LACHANA souffrent de plusieurs désordres. Elle assure également que des réserves n’ont pas été levées et la privent de tout recouvrement du solde de 5% du prix de vente. Elle réfute, par ailleurs, toute reconnaissance du bien-fondé des sommes réclamées par la société ENTREPRISE LACHANA.
En parallèle, se fondant sur l’article 10 du décret n°93-1268 du 29 novembre 1993 et sur la jurisprudence de la Cour de cassation, elle fait valoir que la société BATISPHERE doit la relever et la garantir des éventuelles condamnations la visant, en raison d’une faute commise dans l’exécution de la mission d’OPC qui lui a été confiée.
Il est rappelé qu’en application des dispositions de l’article 4 du Code de procédure civile, l’objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties. De plus, en vertu de l’article 768 dudit code, le tribunal statue sur les seules prétentions énoncées au dispositif et examine uniquement les moyens invoqués dans la discussion. Les demandes de « déclarer », « dire et juger », « constater », « prendre acte » ou de « préserver des droits » ne constituant pas, sauf exceptions liées à une rédaction erronée de la demande, des revendications au sens du code de procédure civile, il n’y a pas lieu d’y apporter une réponse.
En parallèle, il est observé que les moyens soulevés par la société [Adresse 5] à l’encontre de la société BATISPHERE sont inopérants, dès lors que cette dernière n’est aucunement partie à la présente procédure, pas davantage que la société ANTHONY BIMOZ, à laquelle il est fait référence aux fins de solliciter qu’il ne soit pas ordonné l’exécution provisoire.
Sur les demandes de paiement formées par la société ENTREPRISE LACHANA
Sur la demande de paiement du solde des factures
A titre liminaire, il apparaît, à la lecture des moyens invoqués, que la société ENTREPRISE LACHANA entend obtenir la condamnation du maître de l’ouvrage à lui payer les factures qu’elle estime dues, et non la garantie de celui-ci par paiement direct de l’établissement bancaire auprès duquel le financement de l’opération de construction a été obtenu ou cautionnement solidaire.
Dès lors, il n’y a pas lieu de faire application des dispositions de l’article 1799-1 du Code civil.
L’article 1103 du Code civil prévoit que “les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.”
En parallèle, l’article 1231-6 dudit code précise par ailleurs que :
“Les dommages et intérêts dus à raison du retard dans le paiement d’une obligation de somme d’argent consistent dans l’intérêt au taux légal, à compter de la mise en demeure.
Ces dommages et intérêts sont dus sans que le créancier soit tenu de justifier d’aucune perte.
Le créancier auquel son débiteur en retard a causé, par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant de ce retard, peut obtenir des dommages et intérêts distincts de l’intérêt moratoire.”
En l’occurrence, il s’avère, à la lecture des pièces n°1 et 3 à 5 versées au débat par la société ENTREPRISE LACHANA, qu’elle s’est vu confier par la société [Adresse 5] l’exécution des lots n°1 “terrassements – gros oeuvre”, n°2 “charpente – couverture – zinguerie” et n°11 “VRD” dans le cadre de l’opération de construction dénommée “[Adresse 5]”, pour un montant total de 384.000,00 euros hors taxes. En outre, il s’ensuit du certificat de paiement n°13 que six devis complémentaires sont venus compléter le marché attribué à la société ENTREPRISE LACHANA, pour un montant supplémentaire de 41.542,78 euros hors taxes (pièce n°13 du demandeur).
La réception des travaux réalisés au sein des bâtiments A et B du programme “[Adresse 5]” est intervenue par procès-verbaux respectivement datés du 1er août 2019 et du 27 juillet 2019, tous deux assortis de réserves, dont certaines d’entre elles concernaient effectivement les prestations de la société ENTREPRISE LACHANA (pièces n°7 et 9 du demandeur).
Toutefois, il résulte du procès-verbal de réception des travaux du bâtiment B à jour au 20 janvier 2020 que l’ensemble des réserves précédemment signalées étaient levées à cette date (pièce n°10 du demandeur). De plus, il ressort du procès-verbal de réception des travaux du bâtiment A à jour au 20 janvier 2020 que les réserves portant sur les prestations de la société ENTREPRISE LACHANA étaient pareillement levées à la date susdite, à l’exception d’une problématique de finition de l’enrobé en reprise extérieure, qui n’est cependant pas soulevée par la société [Adresse 5] dans le cadre de la présente instance pour justifier l’absence de règlement du solde du marché de travaux. En outre, la mention “Grand Lyon” accolée à la réserve subsistant laisse entendre que la reprise requise n’incombait pas à la société ENTREPRISE LACHANA (pièce n°8 du demandeur).
Il est observé, au reste, que les désordres dont se prévaut la société [Adresse 5] pour s’opposer au paiement des sommes réclamées par la société ENTREPRISE LACHANA, soit les non-conformités de la largeur des réserves pour les gaines techniques, des trémies de certains escaliers et des essences d’arbres, ainsi que la forme non-rectiligne d’un mur porteur situé au rez-de-chaussée du bâtiment A, n’apparaissent pas dans les procès-verbaux de réception mis à jour au 20 janvier 2020, alors qu’ils ont été dénoncés antérieurement par le maître de l’ouvrage. De ce fait, il n’est pas rapporté la preuve de leur persistance.
Par suite, la société ENTREPRISE LACHANA est fondée à solliciter le règlement du solde du marché de travaux.
Il ressort ensuite de l’extrait de Grand livre général de la société ENTREPRISE LACHANA établi sur la période du 1er octobre 2019 au 30 septembre 2019 que la société [Adresse 5] demeure redevable d’une somme de 27.676,57 euros toutes taxes comprise (pièce n°15 du demandeur).
La société [Adresse 5] considère qu’il doit y être soustrait une pénalité de 10.000,00 euros correspondant à la moitié des cinq mois de retard accumulés sur le chantier de construction.
Or, elle ne produit pas d’élément confirmant d’une part la réalité et le quantum du retard allégué, d’autre part qu’il est imputable pour moitié à la société ENTREPRISE LACHANA, en charge du lot “gros oeuvre”. A l’inverse, il résulte du courrier du conseil de la société BATISPHERE en date du 24 septembre 2020 que le planning du chantier a été perturbé d’une part par “une immixtion de la maîtrise d’ouvrage dans le déroulement du projet et les ordres contradictoires donnés à l’entreprise R2B”, d’autre part par “les paiements des situations mensuelles différées et/ou retardées”, enfin par “la défaillance financière de la société en charge du lot électricité”, soit un intervenant autre que la société ENTREPRISE LACHANA (pièce n°18 du défendeur).
De ce fait, l’application de pénalités de retard n’est pas justifiée.
En définitive, la société [Adresse 5] sera condamnée à payer à la société ENTREPRISE LACHANA, représentée par Maître [S] [F], liquidateur judiciaire la somme de 27.676,75 euros toutes taxes comprises, outre intérêts au taux légal à compter du 9 juillet 2020[1], date de la dernière mise en demeure.
[1] Aucun accusé de réception n’étant produit pour les mises en demeure antérieures
Sur la demande d’indemnisation
Aux termes de l’article 1231-1 du Code civil, pris dans sa rédaction postérieure à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, « le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, s’il ne justifie pas que l’exécution a été empêchée par la force majeure ».
L’article 1231-6 dudit code précise par ailleurs que :
“Les dommages et intérêts dus à raison du retard dans le paiement d’une obligation de somme d’argent consistent dans l’intérêt au taux légal, à compter de la mise en demeure.
Ces dommages et intérêts sont dus sans que le créancier soit tenu de justifier d’aucune perte.
Le créancier auquel son débiteur en retard a causé, par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant de ce retard, peut obtenir des dommages et intérêts distincts de l’intérêt moratoire.”
Il est constant qu’il ne peut être alloué de dommages-intérêts distincts des intérêts moratoires sans constater l’existence, pour le créancier, d’un préjudice indépendant du retard apporté au paiement par le débiteur et causé par sa mauvaise foi.
En l’occurrence, il résulte des développements précédents que la société [Adresse 5] a manqué à l’obligation de paiement du solde de travaux lui incombant.
Or, si la résistance injustifiée a nécessairement été préjudiciable à la société ENTREPRISE LACHANA, ainsi privée de recettes nécessaires à la préservation de l’équilibre budgétaire, celle-ci ne démontre pas qu’elle a subi un préjudice distinct du retard de paiement.
En conséquence, la demande d’indemnisation sera rejetée.
Sur les frais du procès et sur l’exécution provisoire
Aux termes de l’article 696 du Code de procédure civile, « la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie. »
Succombant à l’instance, la société [Adresse 5] sera condamnée aux entiers dépens.
Aux termes de l’article 700 du Code de procédure civile :
« Le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer :
1° A l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
2° Et, le cas échéant, à l’avocat du bénéficiaire de l’aide juridictionnelle partielle ou totale une somme au titre des honoraires et frais, non compris dans les dépens, que le bénéficiaire de l’aide aurait exposés s’il n’avait pas eu cette aide. Dans ce cas, il est procédé comme il est dit aux alinéas 3 et 4 de l’article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 .
Dans tous les cas, le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à ces condamnations.
Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu’elles demandent.
La somme allouée au titre du 2° ne peut être inférieure à la part contributive de l’Etat majorée de 50 %. »
Tenue de payer les dépens, la société [Adresse 5] sera également condamnée à payer à la société ENTREPRISE LACHANA, représentée par Maître [S] [F] en qualité de liquidateur judiciaire, la somme de 2.200,00 euros en indemnisation des frais irrépétibles.
Aux termes de l’article 514 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement.
Toutefois, selon l’article 514-1 du même code, le juge peut écarter l’exécution provisoire de droit, en tout ou partie, s’il estime qu’elle est incompatible avec la nature de l’affaire. Il statue, d’office ou à la demande d’une partie, par décision spécialement motivée.
En l’occurrence, si la société [Adresse 5] demande au Tribunal d’écarter l’exécution provisoire, elle fonde cette demande sur des moyens étrangers à l’affaire présentement jugée.
Au reste, la nature du litige n’apparaissant pas incompatible avec l’exécution provisoire et la créance de la société ENTREPRISE LACHANA présentant une certaine ancienneté, il n’y a pas lieu de l’écarter.
Le Tribunal, statuant publiquement en formation à juge unique après débats publics par jugement contradictoire rendu en premier ressort par mise à disposition au Greffe,
Condamne la société civile de construction-vente [Adresse 5] à payer à la société par actions simplifiée ENTREPRISE LACHANA, représentée par Maître [S] [F], liquidateur judiciaire de celle-ci, la somme de 27.676,75 euros toutes taxes comprises, outre intérêts au taux légal à compter du 9 juillet 2020, en règlement du solde du marché de travaux ;
Rejette la demande de la société civile de construction-vente [Adresse 5] par laquelle elle sollicitait l’application d’une pénalité de retard de 10.000,00 ;
Rejette la demande de la société par actions simplifiée ENTREPRISE LACHANA, représentée par Maître [S] [F], liquidateur judiciaire, tendant à obtenir la condamnation de la société civile de construction-vente [Adresse 5] à l’indemniser d’un préjudice évalué à 5.000,00 euros ;
Condamne la société civile de construction-vente [Adresse 5] aux entiers dépens de l’instance ;
Condamne la société civile de construction-vente [Adresse 5] à payer à la société par actions simplifiée ENTREPRISE LACHANA, représentée par Maître [S] [F], liquidateur judiciaire de celle-ci, la somme de 2.200,00 euros en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ;
Rejette la demande formée par la société civile de construction-vente [Adresse 5] sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;
Dit qu’il n’y a pas lieu d’écarter l’exécution provisoire du présent jugement.
En foi de quoi le présent jugement a été signé par la Présidente, Marlène DOUIBI, et la Greffière, Jessica BOSCO BUFFART.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE
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