L’Essentiel : Le 12 août 2021, la caisse primaire d’assurance-maladie de l’Eure a décidé de prendre en charge un accident survenu le 27 juillet 2021, impliquant Mme [Y] [C], salariée de la société [5]. La société a contesté cette décision, mais la commission de recours amiable a rejeté son recours. Le tribunal judiciaire d’Evreux a ensuite débouté la société, qui a interjeté appel. En appel, la société a argué que la matérialité de l’accident n’était pas établie, mais la caisse a soutenu que les lésions étaient cohérentes avec les faits. La cour a confirmé le jugement initial, condamnant la société aux dépens.
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Décision de prise en charge de l’accidentLe 12 août 2021, la caisse primaire d’assurance-maladie de l’Eure a décidé de prendre en charge un accident survenu le 27 juillet 2021, impliquant Mme [Y] [C], salariée de la société [5]. Le certificat médical initial a révélé un trait de fracture de la tête humérale droite. Contestation de la sociétéLa société a contesté cette décision devant la commission de recours amiable, qui a rejeté son recours le 31 mai 2022. Par la suite, la société a saisi le tribunal judiciaire d’Evreux pour demander l’inopposabilité de la décision de prise en charge. Jugement du tribunalLe 13 octobre 2022, le tribunal a débouté la société de sa demande et l’a condamnée aux dépens. La société a interjeté appel de ce jugement le 14 octobre 2022. Prétentions de la société en appelDans ses conclusions du 17 juin 2024, la société a demandé à la cour de déclarer inopposable la décision de prise en charge, arguant que la matérialité de l’accident n’était pas établie. Elle a souligné que Mme [C] avait informé son employeur le lendemain de l’accident et qu’aucun témoin n’avait vu l’incident. Réponse de la caisseLa caisse a demandé la confirmation du jugement, soutenant que l’accident s’était produit pendant le temps de travail et que les lésions étaient cohérentes avec les faits décrits. Elle a également fait valoir que le délai d’un jour pour informer l’employeur n’était pas excessif. Analyse de la matérialité de l’accidentLe tribunal a rappelé que les déclarations d’un salarié doivent être corroborées par des indices pour établir la matérialité de l’accident. Dans ce cas, les éléments fournis par Mme [C] et les constatations médicales ont été jugés suffisants pour établir la présomption d’imputabilité de l’accident au travail. Décision finale de la courLa cour a confirmé le jugement du tribunal d’Evreux, condamnant la société aux dépens et lui ordonnant de verser 2 000 euros à la caisse au titre de l’article 700 du code de procédure civile. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelle est la présomption d’imputabilité d’un accident du travail selon le Code de la sécurité sociale ?La présomption d’imputabilité d’un accident du travail est régie par l’article L. 411-1 du Code de la sécurité sociale, qui stipule que : « Tout accident survenu à un salarié dans le temps et le lieu de travail est présumé être un accident du travail. » Cette présomption est en faveur du salarié, ce qui signifie que, en cas de litige, il appartient à l’employeur de prouver que l’accident ne s’est pas produit dans le cadre du travail. Dans l’affaire en question, la cour a confirmé que les déclarations de Mme [C] étaient corroborées par des éléments médicaux et temporels, établissant ainsi la matérialité de l’accident. La société n’a pas réussi à renverser cette présomption, ce qui a conduit à la confirmation du jugement initial. Quels sont les éléments nécessaires pour établir la matérialité d’un accident du travail ?Pour établir la matérialité d’un accident du travail, il est nécessaire de se référer à la jurisprudence qui exige que les déclarations du salarié soient complétées par des indices ou éléments de preuve. Ces éléments peuvent inclure des constatations médicales, des témoignages, ou des preuves documentaires. En l’espèce, le tribunal a noté que : – Mme [C] a informé son employeur le lendemain de l’accident. Ces éléments ont été jugés suffisants pour corroborer les déclarations de la salariée et établir la matérialité de l’accident. Quelles sont les conséquences de l’absence de réserves de l’employeur lors de la déclaration d’accident ?L’absence de réserves de l’employeur lors de la déclaration d’accident est sans incidence sur la prise en charge de l’accident par la caisse primaire d’assurance-maladie. L’article L. 441-1 du Code de la sécurité sociale précise que : « L’employeur doit déclarer tout accident du travail dont il a eu connaissance. » Cependant, si l’employeur ne formule pas de réserves au moment de la déclaration, cela ne remet pas en cause la présomption d’imputabilité de l’accident au travail. Dans cette affaire, la caisse a pu procéder à la prise en charge de l’accident, car la société n’a pas contesté la déclaration dans les délais impartis. Quels sont les frais de justice et leur indemnisation selon le Code de procédure civile ?Les frais de justice, ou dépens, sont régis par l’article 696 du Code de procédure civile, qui stipule que : « La partie qui perd le procès est condamnée aux dépens. » De plus, l’article 700 du même code permet à la cour d’accorder une indemnité à la partie qui a dû faire face à des frais non compris dans les dépens. Dans le cas présent, la société a été condamnée à payer 2 000 euros à la caisse au titre de l’article 700, en raison de sa perte dans le procès. Cette indemnisation vise à compenser les frais engagés par la caisse pour défendre ses droits. |
COUR D’APPEL DE ROUEN
CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE
SECURITE SOCIALE
ARRET DU 31 JANVIER 2025
DÉCISION DÉFÉRÉE :
22/00021
Jugement du POLE SOCIAL DU TJ D’EVREUX du 13 Octobre 2022
APPELANTE :
S.A.S. [5]
[Adresse 3]
[Localité 4]
représentée par Me Roselyne ADAM-DENIS, avocat au barreau de ROUEN
INTIMEE :
CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE L’EURE
[Adresse 1]
[Localité 2]
représentée par Me François LEGENDRE, avocat au barreau de ROUEN
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 945-1 du Code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 12 Décembre 2024 sans opposition des parties devant Madame ROGER-MINNE, Conseillère, magistrat chargé d’instruire l’affaire.
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame BIDEAULT, Présidente
Madame ROGER-MINNE, Conseillère
Madame DE BRIER, Conseillère
GREFFIER LORS DES DEBATS :
M. GUYOT, Greffier
DEBATS :
A l’audience publique du 12 décembre 2024, où l’affaire a été mise en délibéré au 31 janvier 2025
ARRET :
CONTRADICTOIRE
Prononcé le 31 Janvier 2025, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,
signé par Madame BIDEAULT, Présidente et par Mme WERNER, Greffière.
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
Par décision du 12 août 2021, la caisse primaire d’assurance-maladie de l’Eure (la caisse) a pris en charge, au titre de la législation sur les risques professionnels, un accident dont aurait été victime Mme [Y] [C], salariée de la société [5] (la société), le 27 juillet 2021, en trébuchant et tombant sur le sol. Le certificat médical initial mentionnait un trait de fracture de la tête humérale droite.
La société a contesté cette décision devant la commission de recours amiable de la caisse qui a rejeté le recours, par décision du 31 mai 2022.
Entre-temps, elle avait saisi le pôle social du tribunal judiciaire d’Evreux d’une demande d’inopposabilité de la décision de prise en charge de la caisse.
Par jugement du 13 octobre 2022, le tribunal a :
– débouté la société sa demande,
– condamné celle-ci aux dépens de l’instance.
Cette dernière a relevé appel du jugement le 14 octobre 2022.
EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par conclusions remises le 17 juin 2024, soutenues oralement à l’audience, la société demande à la cour de lui déclarer inopposable la décision de prise en charge de l’accident de Mme [C] du 27 juillet 2021.
Elle considère que la matérialité de l’accident n’est pas établie en faisant valoir que la salariée, qui prétend s’être blessée le 27 juillet à 14h30, ne l’a prévenue que le lendemain, alors qu’elle était en mesure de le faire le jour même ; qu’aucun témoin ne l’a vue se blesser, alors qu’elle se trouvait sur un chantier où travaillaient d’autres salariés ; qu’elle n’a informé personne de l’accident le jour même et a continué à travailler jusqu’à la fin de son poste à 17 heures, alors qu’au regard de la lésion constatée et de sa profession de manutentionnaire, il est difficile d’admettre qu’elle ait pu continuer à travailler sans difficulté pendant 2h30, ni qu’elle ne se soit pas rendue aux urgences le jour même, la lésion nécessitant une prise en charge immédiate. Elle considère qu’il est vraisemblable que la salariée se soit blessée après avoir regagné son domicile, dans le cadre de ses activités privées. Elle rappelle que l’absence de réserves par l’employeur au moment de la déclaration d’accident du travail est sans incidence.
Par conclusions remises le 13 novembre 2024, soutenues oralement à l’audience, la caisse demande à la cour de :
– confirmer le jugement,
– débouter la société de ses demandes,
– la condamner au paiement de la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– juger ce que de droit en ce qui concerne les dépens.
Elle fait valoir que le fait accidentel s’est produit au temps et au lieu du travail et que les lésions sont cohérentes avec les faits décrits à l’origine de la blessure ; qu’il est également cohérent pour la salariée, qui a fini de travailler à 17 heures, de prévenir son employeur le lendemain à 11 heures. Elle considère qu’il ne peut lui être reproché de continuer à travailler après la survenance d’un accident et que cette circonstance ne suffit pas à remettre en cause la matérialité des faits décrits, dès lors qu’au regard de la nature de la lésion la salariée était en mesure de continuer à travailler, même en ayant mal. Elle estime que celle-ci a pu penser que la douleur allait s’estomper ; que l’accident a pu ne pas être remarqué par les autres salariés occupés à leurs tâches et que le délai d’un jour entre l’accident et la constatation médicale n’est ni disproportionné, ni tardif au regard de l’heure à laquelle la salariée a quitté son travail. Elle soutient qu’en l’absence de réserves émises par l’employeur, elle a pu procéder à une prise en charge d’emblée de l’accident et que la société ne renverse pas la présomption d’imputabilité de celui-ci au travail.
Il est renvoyé aux conclusions des parties pour l’exposé détaillé de leurs moyens.
1/ Sur la matérialité de l’accident du travail
C’est à juste titre que le tribunal a rappelé que les seules déclarations d’un salarié sur l’accident qu’il aurait subi sont insuffisantes pour en établir la matérialité et qu’elles devaient être complétées par un ou plusieurs indices susceptibles d’être retenus à titre de présomption, et de nature à établir le caractère professionnel de l’accident.
En l’espèce, Mme [C] a déclaré être tombée sur son épaule droite, alors qu’elle manipulait des objets en marchant, le 27 juillet 2021 à 14h30. Elle a travaillé l’après-midi de 13 heures à 17 heures et a informé son employeur de l’accident le lendemain à 11 heures. Le trait de fracture de la tête humérale droite a été médicalement constaté le 28 juillet et un arrêt de travail lui a été prescrit par le centre hospitalier de [Localité 6].
C’est à juste titre qu’au vu de ces éléments, le tribunal a fait application de la présomption résultant de l’article L. 411-1 du code de la sécurité sociale, en retenant que Mme [C] avait informé son employeur le lendemain du fait accidentel, que les constatations médicales étaient également intervenues le lendemain et que les éléments factuels réunis par la caisse étaient suffisants pour corroborer les déclarations de l’assurée et établir la matérialité du fait accidentel. Par ailleurs, aucun élément ne permet de retenir que la lésion constatée médicalement rendait impossible la poursuite de la journée de travail.
En conséquence, les déclarations de la salariée sont corroborées par des éléments extérieurs tenant aux constatations médicales et à l’information de l’employeur dans un temps rapproché de l’accident. Il s’ensuit que la présomption d’imputabilité de l’accident au travail s’applique. La société ne renverse pas cette présomption. Ainsi, le jugement qui a rejeté sa demande d’inopposabilité est confirmé.
2/ Sur les frais du procès
La société qui perd le procès est condamnée aux dépens. Il est équitable qu’elle indemnise la caisse des frais exposés qui ne sont pas compris dans les dépens, en lui versant une somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
La cour, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, contradictoirement, en dernier ressort :
Confirme le jugement du pôle social du tribunal judiciaire d’Évreux du 13 octobre 2022 ;
Y ajoutant :
Condamne la société [5] aux dépens d’appel ;
La condamne à payer à la caisse primaire d’assurance-maladie de l’Eure la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LA PRESIDENTE
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