Obligations de preuve et responsabilité dans le cadre d’un contrat de construction

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Obligations de preuve et responsabilité dans le cadre d’un contrat de construction

L’Essentiel : Les époux [F] ont engagé la SARL Les Maisons Michel Delplanque pour construire leur maison, pour un montant de 370.000,00 €. Les travaux, réceptionnés le 27 juillet 2017 avec réserves, ont donné lieu à un litige sur une facture impayée de 36.347,16 €. La SARL a assigné les époux devant le tribunal de Lille en mars 2019. D’autres parties ont été impliquées, et des demandes de communication de pièces ont été formulées concernant la société Deroubaix Dhont Blanquart. Le juge a ordonné la production de documents sous astreinte, et une mise en état est prévue pour janvier 2025.

Contexte de la construction

Les époux [F] ont signé un contrat de construction de maison individuelle avec la SARL Les Maisons Michel Delplanque pour la réalisation d’une maison sur leur terrain, pour un montant total de 370.000,00 € toutes charges comprises. Plusieurs entreprises ont été impliquées dans les travaux, notamment la SASU Activ’Façade pour les enduits, la SAS Deroubaix Dhont Blanquart pour la plomberie, et la société Polat Bat pour les enduits extérieurs. Les travaux ont été réceptionnés le 27 juillet 2017, mais avec des réserves.

Litige sur le paiement

Suite à la réception des travaux, la SARL Les Maisons Michel Delplanque a réclamé le paiement d’une facture de 36.347,16 euros, qui n’a pas été réglée. En conséquence, la société a assigné les époux [F] devant le tribunal de grande instance de Lille le 8 mars 2019 pour obtenir le règlement de cette somme. Cette affaire a été enregistrée sous le numéro RG 19/02223.

Multiplication des assignations

Par la suite, la SARL Les Maisons Michel Delplanque a également assigné plusieurs autres parties, dont la SASU Activ’Façade et la SA MMA Iard, en décembre 2019, dans le cadre d’une autre instance enregistrée sous le numéro RG 19/09236. Ces deux affaires ont été jointes par ordonnance du juge de la mise en état le 5 juin 2020.

Demandes de communication de pièces

Le 5 février 2021, une nouvelle ordonnance a ordonné la jonction des instances. En mai et juin 2024, des demandes de communication de pièces ont été formulées par la SA Generali Iard et la SA MMA Iard, concernant la société Deroubaix Dhont Blanquart, qui n’avait pas produit ses attestations d’assurance pour les années 2017 à 2019.

Décision du juge de la mise en état

Le juge a rappelé que, selon le code de procédure civile, il peut ordonner la production de documents détenus par des tiers. La société Generali a contesté son statut d’assureur de la SAS Deroubaix Dhont Blanquart au moment des faits. Malgré les demandes, cette dernière n’a pas produit les documents requis, ce qui a conduit le juge à ordonner leur production sous astreinte de 50 euros par jour de retard.

Conclusion et prochaines étapes

Le juge a réservé les dépens en attendant une décision sur le fond et a renvoyé les parties à une mise en état prévue pour le 10 janvier 2025, afin de permettre aux parties de présenter leurs conclusions.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la compétence du juge de la mise en état concernant la demande de communication de pièces ?

Le juge de la mise en état est compétent pour ordonner la production de pièces, même d’office, jusqu’à son dessaisissement.

L’article 789 du Code de procédure civile précise que :

« Le juge de la mise en état est, jusqu’à son dessaisissement, seul compétent pour ordonner, même d’office, toute mesure d’instruction. »

De plus, l’article 10 du même code stipule que :

« Le juge a le pouvoir d’ordonner d’office toutes les mesures d’instruction légalement admissibles. »

Ainsi, dans le cadre de l’instance, le juge peut exiger la production de documents détenus par une partie ou un tiers, comme le prévoit l’article 11 :

« Si une partie détient un élément de preuve, le juge peut, à la requête de l’autre partie, lui enjoindre de le produire, au besoin à peine d’astreinte. »

En l’espèce, la société Generali a demandé la production des attestations d’assurance de la société Deroubaix Dhont Blanquart, ce qui est conforme aux prérogatives du juge de la mise en état.

Quelles sont les conséquences du non-respect de l’ordonnance de production de pièces ?

Le non-respect de l’ordonnance de production de pièces peut entraîner des sanctions sous forme d’astreinte.

L’article 789 du Code de procédure civile, déjà cité, permet au juge d’ordonner des mesures d’instruction, et l’article 11 précise que :

« Le juge peut, à la requête de l’une des parties, demander ou ordonner, au besoin sous la même peine, la production de tous documents détenus par des tiers s’il n’existe pas d’empêchement légitime. »

Dans le cas présent, la société Deroubaix Dhont Blanquart a été condamnée à produire ses attestations d’assurance sous astreinte de 50 euros par jour de retard, conformément à l’ordonnance rendue.

Cette astreinte est une mesure coercitive qui vise à inciter la partie à se conformer à l’ordonnance dans un délai imparti, ici de trois mois après la signification de l’ordonnance.

Comment sont déterminés les dépens dans une procédure judiciaire ?

Les dépens sont généralement à la charge de la partie perdante, sauf décision motivée du juge.

L’article 696 du Code de procédure civile stipule que :

« La partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie. »

Dans le litige en question, le juge a décidé de réserver les dépens, ce qui signifie qu’il attendra la décision du juge du fond pour déterminer qui sera responsable des frais de la procédure.

Cette approche permet de prendre en compte l’issue finale du litige avant de statuer sur la répartition des frais engagés par les parties.

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE
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Chambre 02
N° RG 19/02223 – N° Portalis DBZS-W-B7D-TNUG

ORDONNANCE D’INCIDENT
DU 19 NOVEMBRE 2024

DEMANDERESSE :

S.A.R.L. LES MAISONS MICHEL DELPLANQUE, prise en la personne de son gérant
[Adresse 1]
[Localité 8]
représentée par Me François-xavier LAGARDE, avocat au barreau de LILLE, Me Laurent HEYTE, avocat au barreau de PARIS

DÉFENDEURS :

S.A.S. AXELLIANCE CREATIVE SOLUTIONS, actuellement dénommée ENTORIA
[Adresse 12]
[Localité 9]
défaillant

M. [C] [F]
[Adresse 4]
[Localité 6]
représenté par Me Thierry LORTHIOIS, avocat au barreau de LILLE

S.A.S.U. ACTIV’FACADE, prise en la personne de son gérant
[Adresse 14]
[Localité 5]
défaillant

Mme [D] [T] épouse [F]
[Adresse 4]
[Localité 6]
représentée par Me Thierry LORTHIOIS, avocat au barreau de LILLE

S.A. MMA IARD, prise en la personne de son gérant
[Adresse 2]
[Localité 10]
représentée par Me Arnaud VERCAIGNE, avocat au barreau de LILLE

S.A.S. DEROUBAIX DHONDT BLANQUART, exerçant sous l’enseigne Etablissements DEROUBAIX, prise en la personne de son gérant
[Adresse 13],
[Adresse 13]
[Localité 7]
défaillant

S.A. GENERALI IARD, prise en la personne de son gérant
[Adresse 3]
[Localité 11]
représentée par Me Marianne DEVAUX, avocat au barreau de DUNKERQUE

COMPOSITION

Juge de la mise en État : Sarah RENZI, Juge,

GREFFIER

Dominique BALAVOINE, Greffier

DÉBATS :

A l’audience publique du 15 octobre 2024 , date à laquelle l’affaire a été mise en délibéré,les avocats ont été avisés que l’ordonnance serait rendue le 19 Novembre 2024.

Ordonnance : réputé contradictoire, mise à disposition au Greffe le 19 Novembre 2024, et signée par Sarah RENZI, Juge de la Mise en État, assistée de Dominique BALAVOINE, Greffier.

EXPOSE DU LITIGE

Par contrat de construction de maison individuelle (CCMI) M. [C] [F] et Mme [D] [F] (ci-après dénommés les époux [F]) a confié à la SARL Les Maisons Michel Delplanque la réalisation d’une maison habitation sur un terrain leur appartenant sis [Adresse 4] à [Localité 6], moyennant la somme de 370.000,00 € toutes charges comprises.

A ce titre, sont intervenues :
-la SASU Activ’Façade, en charge du lot « enduits » et assurée par la SA MMA Iard ;
-la SAS Deroubaix Dhont Blanquart, en charge du lot « plomberie sanitaires » ;
-la société Polat Bat, en charge des enduits extérieurs, et assurée par la société Axelliance, aux droits de laquelle intervient désormais la SAS Entoria.

Ces travaux de construction ont fait l’objet d’une réception le 27 juillet 2017, avec réserves.

La SARL Les Maisons Michel Delplanque s’est ensuite plainte du non-paiement d’une facture d’un montant de 36.347,16 euros.

*

Par actes signifiés le 8 mars 2019, la SARL Les Maisons Michel Delplanque a fait assigner Mme [D] [F] et M. [C] [K] devant le tribunal de grande instance de Lille aux fins de règlement du solde de sa prestation.

Cette instance a été enregistrée sous le n° RG 19/02223.

Par actes signifiés les 9, 11 et 18 décembre 2019, la société Les Maisons Michel Delplanque a assigné la SASU Activ’Façade, la SA MMA Iard, la SAS Deroubaix Dhont Blanquart et la SA Generali Iard, es qualité d’assureur de la SA Generali Iard, devant le tribunal de grande instance de Lille.

Cette instance a été enregistrée sous le n° RG 19/09236.

Par ordonnance en date du 5 juin 2020, le juge de la mise en état a ordonné la jonction de ces instances, désormais enregistrées sous le seul n° RG 19/02223.

Par acte signifié le 17 avril 2020, la SA MMA Iard a assigné la SAS Axelliance Creative Solutions, aujourd’hui dénommée la société Entoria, devant le tribunal judiciaire de Lille.

Cette instance a été enregistrée sous le n° RG 20/2167.

Par ordonnance en date du 5 février 2021, le juge de la mise en état a ordonné la jonction de ces instances sous le seul n° RG 19/02223.

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Par conclusions d’incident notifiées par voie électronique le 6 mai 2024, la SA Generali Iard demande au juge de la mise en état, au visa des dispositions de l’article 789 du code de procédure civile, de :
-condamner la société Deroubaix Dhont Blanquart sous astreinte de 50€ / jour passé un délai de 15 jours suivant la signification de l’ordonnance de mise en état à intervenir à produire son attestation responsabilité civile professionnelle pour les années 2017, 2018 et 2019 ;
-réserver les dépens.

Lesdites conclusions d’incident ont été signifiées à étude par voie d’huissier à la SAS Deroubaix Dhont Blanquart le 7 mai 2024.

Par conclusions d’incident notifiées par voie électronique le 7 juin 2024, la SA MMA Iard et la MMA Iard Assurances Mutuelles, intervenant volontairement à l’instance es qualité de co-assureurs de la société Activ’Façade, demandent au juge de la mise en état de :
-leur donner acte de ce qu’elles s’en rapportent à l’appréciation du tribunal quant au bien-fondé des arguments invoqués par la société Generali Iard à l’appui de sa demande de production de pièces à l’encontre de la société Deroubaix Dhont Blanckaert ;
-condamner la société Deroubaix Dhont Blanckaert ou à défaut, la société Generali Iard, aux dépens.

Par conclusions d’incident notifiées par voie électronique le 27 juin 2024, [C] [F] et Mme [D] [F] demandent au juge de la mise en état de statuer ce que de droit sur la demande de communication de pièces formulées par la SA Generali Iard à l’encontre de la SAS Deroubaix Dhont Blanquart.

Par message notifié par voie électronique le 11 octobre 2024, la SARL Maisons Michel Delplanque indique au juge de la mise en état s’en rapporter concernant l’incident soulevé.

La SAS Axelliance Creative Solutions, la SASU Activ’Façade et la SAS Deroubaix Dhont Blanquart, bien que régulièrement assignées, n’ont pas constitué avocat. Par conséquent, il sera statué par ordonnance réputée contradictoire conformément aux dispositions de l’article 474 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

A titre liminaire, il convient de rappeler que, selon les dispositions de l’article 472 du code de procédure civile, si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond. Le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l’estime régulière, recevable et bien fondée.

Il convient également d’acter l’intervention volontaire de la société MMA Iard Assurances Mutuelles, es qualité de co-assureur de la société Activ’Façade, qui n’est discutée par aucune des parties, conformément aux dispositions des articles 328 et 329 du code de procédure civile.

Sur la demande de communication de pièces

L’article 789 5° prévoit que lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu’à son dessaisissement, seul compétent pour ordonner, même d’office, toute mesure d’instruction.

L’article 10 du code de procédure civile dispose que le juge a le pouvoir d’ordonner d’office toutes les mesures d’instruction légalement admissibles.

L’article 11 prévoit que si une partie détient un élément de preuve, le juge peut, à la requête de l’autre partie, lui enjoindre de le produire, au besoin à peine d’astreinte. Il peut, à la requête de l’une des parties, demander ou ordonner, au besoin sous la même peine, la production de tous documents détenus par des tiers s’il n’existe pas d’empêchement légitime.

L’article 138 du code de procédure civile indique que si, au cours d’une instance, une partie entend faire état d’un acte sous seing privé auquel elle n’a pas été partie ou d’une pièce détenue par un tiers, elle peut demander au juge saisi de l’affaire d’ordonner la délivrance d’une expédition ou la production de l’acte ou de la pièce.

L’article 139 précise que la demande est faite sans forme et que le juge, s’il l’estime fondée, ordonne la délivrance ou la production de l’acte ou de la pièce, en original ou en copie ou en extrait selon les cas, dans les conditions et sous les garanties qu’il fixe, au besoin sous peine d’astreinte.

En l’état, la société Generali conteste être l’ assureur de la SAS Deroubaix Dhont Blanquart au jour de la survenance du fait dommageable, ainsi qu’au jour de la réclamation.

Pour rappel, la SARL Les Maisons Michel Delplanque s’en rapporte à justice et la société Deroubaix Dhont Blanquart n’est pas constituée.

En l’espèce, la société Generali a intérêt à la production des attestations d’assurance de la société Deroubaix Dhont Blanquart pour les années 2017, 2018 et 2019, utiles à l’issue du litige, compte tenu des dispositions de l’article L.124-5 du code des assurances.

La société Deroubaix Dhont Blanquart, dûment informée de la demande de communication de pièces, ne s’est pas exécutée spontanément, de sorte qu’il apparaît utile de la condamner à ce faire, et ce sous astreinte de 50 euros par jour de retard, pendant un délai de trois mois, débutant un mois après la signification de l’ordonnance.

Sur les dépens

L’article 696 du code de procédure civile dispose que la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.
En l’état, il convient de réserver les dépens dans l’attente d’une décision du juge du fond.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement et par ordonnance réputée contradictoire, par mise à disposition au greffe, par ordonnance non susceptible d’appel :

ORDONNONS à la société Deroubaix Dhont Blanquart de produire ses attestations d’assurance pour les années 2017, 2018 et 2019, sous astreinte provisoire 50 euros par jour de retard à compter de l’expiration d’un délai d’un mois suivant la signification de la présente ordonnance, et ce pour une période de trois mois ;

RÉSERVONS les dépens ;

RENVOYONS les parties à la mise en état du 10 janvier 2025 pour conclusions au fond des parties.

LE GREFFIER LE JUGE DE LA MISE EN ÉTAT

Dominique BALAVOINE Sarah RENZI


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