Prescription et opposabilité dans le cadre d’une cession de créance : enjeux et implications.

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Prescription et opposabilité dans le cadre d’une cession de créance : enjeux et implications.

L’Essentiel : La société AFL CAPITAL LIMITED a assigné Monsieur [Y] [G] pour le paiement de 500.000 dollars, en tant que provision sur un prêt contracté en 2017. Monsieur [Y] [G] conteste cette demande, invoquant la prescription de l’action, car la créance était exigible depuis 2019. Le tribunal examine la validité de la cession de créance, notant que celle-ci doit être notifiée au débiteur pour être opposable. En conséquence, le juge des référés a décidé qu’il n’y avait pas lieu à référé, condamnant AFL CAPITAL LIMITED aux dépens et concluant que l’obligation de paiement était sérieusement contestée.

Contexte de l’Affaire

La société AFL CAPITAL LIMITED, enregistrée à Chypre, a assigné Monsieur [Y] [G] devant le tribunal judiciaire de Draguignan par acte du 20 juin 2024. Elle réclame le paiement d’une somme de 500.000 dollars, soit 467.273,81 euros, en tant que provision sur un prêt contracté le 19 octobre 2017, suite à une cession de créance. En plus de cette somme, AFL CAPITAL LIMITED demande la capitalisation des intérêts depuis le 5 avril 2024 et une indemnité de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Réponses de Monsieur [Y] [G]

Monsieur [Y] [G] a contesté les demandes de la société AFL CAPITAL LIMITED par conclusions notifiées le 2 octobre 2024. Il a demandé le rejet des demandes de la société et a sollicité une indemnité de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. Il a également demandé à ce que l’exécution provisoire soit écartée.

Arguments Juridiques

La société AFL CAPITAL LIMITED soutient que la société PREMIER MFO CAPITAL LTD, qui a cédé la créance, n’est pas un établissement de crédit, mais a consenti un prêt à un particulier. Monsieur [Y] [G] invoque la prescription de l’action, arguant que la créance était exigible depuis le 19 octobre 2019, conformément à l’article L.218-2 du code de la consommation.

Analyse de la Prescription

Le tribunal examine la question de la prescription, notant que l’action en paiement du capital restant dû se prescrit à compter de la déchéance du terme. Le contrat de prêt stipule que le remboursement devait être effectué au plus tard le 19 octobre 2019. La cession de créance a été effectuée après la déchéance du terme, ce qui soulève des questions sur la validité de la demande de paiement.

Notification de la Cession de Créance

Il est précisé que pour qu’une cession de créance soit opposable au débiteur, elle doit lui avoir été notifiée. Le tribunal souligne que le délai de prescription est lié à la créance elle-même et non à la notification. Cela signifie que la prescription de l’action ne peut être écartée, ce qui remet en question la légitimité de la demande de la société AFL CAPITAL LIMITED.

Décision du Tribunal

Le juge des référés a décidé qu’il n’y avait pas lieu à référé, condamnant la société AFL CAPITAL LIMITED aux dépens de l’instance. De plus, il a statué qu’il n’y avait pas lieu d’appliquer l’article 700 du code de procédure civile, concluant ainsi que l’obligation de paiement était contestée sérieusement.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la nature de la créance et la qualité de prêteur selon le code de la consommation ?

La créance en question est liée à un prêt consenti par la société PREMIER MFO CAPITAL LTD à Monsieur [Y] [G] pour financer des travaux sur un bien immobilier.

Selon l’article L.311-1 du code de la consommation, « constitue un prêteur toute personne qui consent ou s’engage à consentir un crédit mentionné au présent titre dans le cadre de l’exercice de ses activités commerciales ou professionnelles. »

Cet article précise également que l’intermédiaire de crédit est une personne qui, contre rémunération, aide à réaliser une opération de crédit sans agir en qualité de prêteur.

Il est important de noter que le prêteur n’a pas besoin d’être un établissement de crédit, le critère étant l’habitude d’agir en tant que tel, et non la profession.

Quelles sont les implications de la prescription de l’action en paiement selon le code de la consommation ?

Monsieur [Y] [G] soulève la prescription de l’action en paiement sur le fondement de l’article L.218-2 du code de la consommation, qui stipule que « l’action des professionnels, pour les biens ou les services qu’ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans. »

Il soutient que la créance était exigible à compter du 19 octobre 2019, ce qui signifie que l’action en paiement aurait dû être intentée dans ce délai.

La société AFL CAPITAL LIMITED, en tant que cessionnaire, doit prouver que la créance est toujours valable et non prescrite.

Il est également précisé que l’action en paiement du capital restant dû se prescrit à compter de la déchéance du terme, ce qui a été constaté dans le contrat de prêt.

Quelles sont les conditions de la cession de créance selon le code civil ?

L’article 1324 du code civil stipule que « la cession n’est opposable au débiteur, s’il n’y a déjà consenti, que si elle lui a été notifiée ou s’il en a pris acte. »

Cela signifie que pour que la cession de créance soit opposable à Monsieur [Y] [G], elle doit lui avoir été notifiée.

De plus, le débiteur peut opposer au cessionnaire des exceptions inhérentes à la dette, telles que la nullité ou la compensation de dettes connexes.

Il est donc crucial que la société AFL CAPITAL LIMITED prouve que la cession a été notifiée à Monsieur [Y] [G] pour que sa demande soit recevable.

Quelles sont les conséquences de la décision du juge des référés sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile ?

Le juge des référés a décidé de condamner la société AFL CAPITAL LIMITED aux dépens de l’instance, conformément à l’article 699 du code de procédure civile, qui prévoit que « les dépens sont à la charge de la partie perdante. »

En ce qui concerne l’article 700 du même code, qui permet au juge d’allouer une somme à titre de frais irrépétibles, le juge a décidé qu’il n’y avait pas lieu d’appliquer cet article dans cette affaire.

Cela signifie que la société AFL CAPITAL LIMITED ne pourra pas récupérer les frais engagés pour sa défense, ce qui peut avoir un impact financier significatif sur elle.

T R I B U N A L J U D I C I A I R E
D E D R A G U I G N A N
____________

O R D O N N A N C E D E R E F E R E

REFERE n° : N° RG 24/04857 – N° Portalis DB3D-W-B7I-KJML

MINUTE n° : 2025/ 05

DATE : 03 Janvier 2025

PRESIDENT : Madame Laetitia NICOLAS

GREFFIER : M. Alexandre JACQUOT

DEMANDERESSE

Société AFL CAPITAL LIMITED, dont le siège social est sis [Adresse 3] (CYPRUS)
représentée par Me Elena KROTOVA, avocat au barreau de NICE

DEFENDEUR

Monsieur [Y] [G], demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Olivier SINELLE, avocat au barreau de TOULON, substitué par Me AZOULAY, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

DEBATS : Après avoir entendu à l’audience du 20/11/2024, les parties comparantes ou leurs conseils ont été avisées que la décision serait rendue le 11/12/2024 et prorogée au 18/12/2024 et 03/01/2025. L’ordonnance a été rendue ce jour par la mise à disposition de la décision au greffe.

copie exécutoire à
Me Olivier SINELLE
Me Elena KROTOVA

copie dossier

délivrées le

Envoi par Comci à Me Olivier SINELLE
Me Elena KROTOVA

EXPOSE DU LITIGE

Par acte du 20 juin 2024, auquel il est expressément fait référence pour un plus ample exposé des faits, de ses moyens, prétentions et demandes, la société de droit chypriote AFL CAPITAL LIMITED a fait assigner Monsieur [Y] [G], à comparaître par devant le président du tribunal judiciaire de Draguignan, en référé, aux fins d’obtenir sa condamnation au paiement de la somme de 500.000 dollars étasuniens soit 467.273,81 euros à titre de provision, à valoir sur le remboursement d’un prêt contracté le 19 octobre 2017, suite à la cession de créance au bénéfice de la société AFL CAPITAL LIMITED. Elle a sollicité en outre, la capitalisation des intérêts à compter du 5 avril 2024 ainsi que sa condamnation au paiement de la somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Par conclusions notifiées par RPVA le 18 octobre 2024, la société de droit chypriote AFL CAPITAL LIMITED a réitéré ses demandes.

Par conclusions notifiées par RPVA le 2 octobre 2024, Monsieur [Y] [G] a sollicité le rejet des demandes ainsi que la condamnation de la société de droit chypriote AFL CAPITAL LIMITED à lui verser la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens, distraits au profit de Maître Olivier SINELLE, en application des dispositions de l’article 699 du même code. Il est sollicité par ailleurs, d’écarter l’exécution provisoire.

SUR QUOI,

Aux termes de l’article 122 du code de procédure civile, « constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée ».

L’article L.311-1 du code de la consommation définit la qualité de prêteur comme toute personne qui consent ou s’engage à consentir un crédit mentionné au présent titre dans le cadre de l’exercice de ses activités commerciales ou professionnelles. Il prévoit par ailleurs, la notion de d’intermédiaire de crédit, qui est toute personne qui, dans le cadre de ses activités commerciales ou professionnelles habituelles et contre une rémunération ou un avantage économique, apporte son concours à la réalisation d’une opération mentionnée au présent titre, sans agir en qualité de prêteur.

Il n’est pas nécessaire que le prêteur ait la qualité d’établissement de crédit, le critère étant celui de l’habitude et non celui de la profession.

Monsieur [Y] [G] expose sur le fondement de l’article L.218-2 du code de la consommation, qui prévoit que « l’action des professionnels, pour les biens ou les services qu’ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans », que la créance était exigible à compter du 19 octobre 2019 en principal et soulève la prescription de l’action.

La société de droit chypriote AFL CAPITAL LIMITED, cessionnaire, soutient à l’appui d’une attestation de fonction (pièce 11) que la société PREMIER MFO CAPITAL LTD, cédant, n’est pas un établissement de crédit, n’étant pas agrée conformément à la règlementation française mais qu’elle est une société commerciale ayant consenti un prêt à un particulier, sans pour autant justifier de la nature de son activité commerciale au moment du prêt, de sorte qu’il n’est pas exclu qu’elle a agi en qualité de prêteur habituel.

De plus, il résulte du contrat de prêt du 19 octobre 2017, la PREMIER MFO CAPITAL LTD a consenti un prêt à Monsieur [Y] [G] pour financer la rénovation ou l’amélioration de son bien immobilier situé [Adresse 2] à [Localité 4], rendant vraisemblable que la société PREMIER MFO CAPITAL LTD a pris l’engagement de fournir, à certaines conditions, un prêt à des fins non professionnelles, l’immeuble pour lequel des travaux ont été fiancés étant désigné comme le lieu du domicile de Monsieur [Y] [G] au moment de la souscription du prêt et de la cession de créance et le délai biennal s’appliquant aux services de toute nature fournis à des consommateurs, de sorte que l’application de l’article L.218-2 du code de la consommation ne peut être exclue.

Par ailleurs, si l’action en paiement des mensualités impayées se prescrit à compter de leurs dates d’échéance successives, l’action en paiement du capital restant dû se prescrit à compter de la déchéance du terme, qui emporte son exigibilité.

En l’espèce, il résulte de l’article 1.1 du contrat que « le montant du prêt principal et les intérêts courus doivent être remboursées par l’emprunteur au plus tard le 19 octobre 2019 »., faisant courir l’éventuelle prescription à compter de cette date. Par ailleurs, la cession de créance intervenue entre la société Premier Capital MFO Ldt et la société AFL Capital Limited atteste de la déchéance du terme du contrat de prêt prononcé antérieurement à la date de cette cession le 30 septembre 2024.

Il convient de préciser que s’agissant d’une cession de créance, il résulte de l’article 1324 du code civil que la cession n’est opposable au débiteur, s’il n’y a déjà consenti, que si elle lui a été notifiée ou s’il en a pris acte.
Le débiteur peut opposer au cessionnaire les exceptions inhérentes à la dette, telles que la nullité, l’exception d’inexécution, la résolution ou la compensation des dettes connexes. Il peut également opposer les exceptions nées de ses rapports avec le cédant avant que la cession lui soit devenue opposable, telles que l’octroi d’un terme, la remise de dette ou la compensation de dettes non connexes.

Si pour être opposable au débiteur, la cession de créance doit lui avoir été notifiée, le délai de l’article L.218-2 du code de la consommation se rattache à la prescription extinctive de la créance et non à la notification de la créance.

Dans ces conditions, la prescription de l’action ne pouvant être exclue, l’obligation se heurte à une contestation sérieuse, de sorte qu’il n’y a lieu à référé.

La société de droit chypriote AFL CAPITAL LIMITED conservera la charge des dépens, distraits au profit de Maître Olivier SINELLE, en application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile, sans que l’équité ne commande de faire droit à la demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Nous, juge des référés, statuant par ordonnance de référé, mise à disposition au greffe contradictoire et en premier ressort,

Vu l’article 835 du code de procédure civile,

DISONS n’y avoir lieu à référé ;

CONDAMNONS la société de droit chypriote AFL CAPITAL LIMITED aux dépens de l’instance ;

DISONS n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile.

Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition au greffe, les jours, mois et an susdits.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE


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