Prescription et nullité des contrats : enjeux de la protection du consommateur face aux irrégularités formelles.

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Prescription et nullité des contrats : enjeux de la protection du consommateur face aux irrégularités formelles.

L’Essentiel : M. [D] [R] a commandé une installation photovoltaïque auprès de SUNNCO en mai 2009, financée par un crédit de BNP PARIBAS. Après la liquidation judiciaire de SUNNCO en mars 2011, il a assigné la SCP BTSG et BNP PARIBAS en octobre 2023, demandant la nullité des contrats. Lors de l’audience de septembre 2024, la banque a contesté la recevabilité des demandes, invoquant la prescription. Le tribunal a conclu que M. [D] [R] avait jusqu’en mai 2014 pour agir, rendant ses demandes irrecevables. Toutes ses demandes, y compris celles de dommages et intérêts, ont été rejetées, et il a été condamné aux dépens.

Exposé du litige

M. [D] [R] a commandé une installation photovoltaïque auprès de la société SUNNCO le 12 mai 2009 pour un montant de 19 900 euros, financée par un crédit souscrit auprès de la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE. Le tribunal de commerce de Paris a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l’égard de SUNNCO le 6 mars 2011. En octobre 2023, M. [D] [R] a assigné la SCP BTSG, mandataire liquidateur de SUNNCO, et la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE, demandant la nullité des contrats de vente et de crédit.

Développements judiciaires

L’affaire a été appelée à l’audience le 14 novembre 2023, avec plusieurs renvois pour permettre aux parties de se préparer. Lors de l’audience du 6 septembre 2024, M. [D] [R] a présenté ses demandes, incluant la nullité des contrats et des demandes de remboursement. La SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE a contesté la recevabilité des demandes, invoquant la prescription.

Arguments des parties

M. [D] [R] a soutenu que la prescription ne s’appliquait pas, arguant qu’il n’avait pris connaissance des irrégularités qu’après la conclusion des contrats. En revanche, la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE a affirmé que les demandes étaient prescrites, car elles avaient été introduites plus de cinq ans après la signature des contrats.

Prescription des actions en nullité

Le tribunal a examiné la prescription des actions en nullité pour irrégularités formelles et dol. Il a conclu que M. [D] [R] avait jusqu’au 12 mai 2014 pour agir, rendant ses demandes de nullité introduites en octobre 2023 irrecevables.

Nullité du contrat de crédit affecté

La demande de nullité du contrat de crédit affecté a également été déclarée irrecevable, car elle dépendait de la nullité du contrat de vente, qui était elle-même prescrite.

Responsabilité de la banque

Concernant la responsabilité de la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE, le tribunal a noté que même si la demande était recevable, elle était prescrite. M. [D] [R] n’a pas prouvé que le point de départ de la prescription devait être décalé.

Demande de dommages et intérêts

La demande de M. [D] [R] pour préjudice moral a été rejetée, car elle était fondée sur des arguments déjà déclarés irrecevables.

Déchéance du droit aux intérêts

La demande de déchéance du droit aux intérêts a été jugée prescrite, car elle n’avait pas été soulevée dans les délais impartis.

Décision finale

Le tribunal a déclaré irrecevables les demandes de M. [D] [R] en nullité des contrats, a débouté ses demandes de responsabilité et de dommages et intérêts, et a condamné M. [D] [R] aux dépens. La décision a été rendue exécutoire à titre provisoire.

Q/R juridiques soulevées :

Sur la prescription de l’action en nullité exercée sur le fondement d’irrégularités formelles

La SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE soutient que les demandes de M. [D] [R] sont prescrites, en vertu de l’article 2224 du Code civil, qui dispose que « l’action en nullité d’un contrat se prescrit par cinq ans ».

En l’espèce, les contrats de vente et de crédit ont été signés le 12 mai 2009, et les assignations ont été signifiées les 11 et 12 octobre 2023, soit plus de cinq ans après la signature.

Ainsi, le point de départ de la prescription est la date de la signature du contrat, car l’acquéreur était en mesure de vérifier la conformité du contrat à ces dispositions.

M. [D] [R] ne peut donc pas invoquer un « délai utile » pour justifier un report de la prescription, car cela rendrait l’action imprescriptible, ce qui n’est pas conforme à la législation en vigueur.

Sur la prescription de l’action en nullité pour dol

Concernant la nullité pour dol, l’article 1304 du Code civil précise que « l’action en nullité d’une convention se prescrit par cinq ans à compter du jour où l’erreur ou le dol a été découvert ».

La SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE argue que M. [D] [R] n’a pas prouvé qu’il a découvert des éléments constitutifs du dol après la signature des contrats.

M. [D] [R] soutient que le point de départ de la prescription doit être décalé à la date de la première facture, mais il n’a pas produit cette facture.

Ainsi, le point de départ de la prescription pour dol est la date de signature du contrat, soit le 12 mai 2009, et l’action est donc prescrite.

Sur la nullité du contrat de crédit affecté

La SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE fait valoir que la demande de nullité du contrat de crédit affecté est irrecevable, car elle dépend de la nullité du contrat de vente.

L’article L.311-32 du Code de la consommation stipule que « le contrat de crédit est indissociable du contrat de vente ».

Ainsi, si la demande de nullité du contrat de vente est déclarée prescrite, la demande de nullité du contrat de crédit l’est également.

En conséquence, la demande de M. [D] [R] en nullité du contrat de crédit est déclarée irrecevable.

Sur la responsabilité de la banque

M. [D] [R] invoque la responsabilité de la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE pour avoir débloqué des fonds sur un contrat nul.

L’article 1147 du Code civil prévoit que « le débiteur est tenu de réparer le dommage causé par son inexécution ».

Cependant, la banque argue que la reconnaissance de dette résultant du remboursement anticipé du crédit rend irrecevable l’action de M. [D] [R].

Néanmoins, M. [D] [R] n’agit pas en répétition de l’indu, mais en nullité des contrats, ce qui permet de maintenir sa demande de responsabilité.

Sur la prescription de la demande d’engagement de la responsabilité de la banque

La SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE soutient que l’action en responsabilité est prescrite, car le préjudice résulte du déblocage des fonds en 2009.

L’article 1304 du Code civil précise que l’action se prescrit par cinq ans à compter de la réalisation du dommage.

En l’espèce, le point de départ de la prescription est la date de déblocage des fonds, qui doit être considérée comme étant au plus tard le 12 février 2010.

Ainsi, M. [D] [R] avait jusqu’au 12 février 2015 pour intenter son action, et celle-ci est donc prescrite.

Sur la demande de dommages et intérêts

M. [D] [R] demande des dommages et intérêts pour préjudice moral, mais cette demande est fondée sur les mêmes motifs que ceux ayant conduit à la nullité des contrats.

Étant donné que ces demandes ont été déclarées irrecevables, la demande de dommages et intérêts ne saurait prospérer.

En conséquence, M. [D] [R] sera débouté de sa demande d’indemnisation au titre du préjudice moral.

Sur la demande de déchéance du droit aux intérêts

M. [D] [R] sollicite la déchéance du droit aux intérêts pour manquement de la banque à ses obligations de conseil.

Cependant, l’obligation de mise en garde ne s’applique que si l’emprunteur est en situation de risque d’endettement excessif.

L’article L.110-4 du Code de commerce précise que les obligations se prescrivent par cinq ans.

La demande de déchéance du droit aux intérêts est donc prescrite, car elle a été introduite après le délai de cinq ans suivant la signature du contrat.

Sur les demandes accessoires

M. [D] [R], partie perdante, sera condamné aux dépens en application de l’article 696 du Code de procédure civile.

Il sera également condamné à verser à la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE la somme de 800 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

La décision est exécutoire à titre provisoire, conformément à l’article 514 du Code de procédure civile.

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copie conforme délivrée
le :
à :
Maître BOULAIRE Jérémie
S.C.P. BTSG par Maître [F] [X]
es qualité de mandataire liquidateur de la SAS SUNNCO
Copie exécutoire délivrée
le :
à : Maître Sébastien MENDES GIL

Pôle civil de proximité

PCP JCP fond

N° RG 23/08366 – N° Portalis 352J-W-B7H-C3FEW

N° MINUTE :
1 JCP

JUGEMENT
rendu le mardi 31 décembre 2024

DEMANDEUR
Monsieur [D] [R], demeurant [Adresse 3] – [Localité 1]
représentée par Maître BOULAIRE Jérémie, avocat au barreau de DOUAI, [Adresse 5] [Localité 6]

DÉFENDERESSES
S.A. BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE, dont le siège social est sis [Adresse 2] – [Localité 7]
représentée par Maître Sébastien MENDES GIL, avocat au barreau de PARIS, vestiaire P0173

S.C.P. BTSG par Maître [F] [X]
es qualité de mandataire liquidateur de la SAS SUNNCO, dont le siège social est sis [Adresse 4] – [Localité 8]
non comparante, ni représentée

COMPOSITION DU TRIBUNAL
Blanche GUERRIER, Juge, juge des contentieux de la protection
assistée de Inès CELMA-BERNUZ, Greffier,

DATE DES DÉBATS
Audience publique du 06 septembre 2024

JUGEMENT
réputé contradictoire, en premier ressort, prorogé du 05 décembre 2024 puis 17 décembre 2024 prononcé par mise à disposition le 31 décembre 2024 par Blanche GUERRIER, Juge assistée de Inès CELMA-BERNUZ, Greffier
Décision du 31 décembre 2024
PCP JCP fond – N° RG 23/08366 – N° Portalis 352J-W-B7H-C3FEW

EXPOSE DU LITIGE
 
M. [D] [R] a commandé le 12 mai 2009, selon bon de commande auprès de la société SUNNCO, une installation photovoltaïque moyennant la somme de 19 900 euros après démarchage à domicile.
 
L’opération a été financée par un crédit affecté d’un montant de 19 900 euros souscrit 12 mai 2009 par M. [D] [R] auprès de la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE exerçant sous l’enseigne CETELEM, remboursable en 120 mensualités de 252,68 euros au taux nominal fixe de 6,40% l’an (soit un TAEG de 6,59%).

Par jugement du 6 mars 2011, le tribunal de commerce de Paris a prononcé l’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire à l’égard de la société SUNNCO et désigné la SCP BTSG, représentée par Me [F] [X], en qualité de mandataire liquidateur.
 
Par actes de commissaire de justice en date des 11 et 12 octobre 2023, M. [D] [R] a fait assigner la SCP BTSG en la personne de Me [F] [X] ès qualité de mandataire liquidateur de la société SUNNCO et la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris afin, à titre principal, que soit prononcée la nullité des contrats de vente et de crédit affecté du 12 mai 2009.

L’affaire a été appelée pour la première fois à l’audience du 14 novembre 2023 et a fait l’objet de plusieurs renvois afin de permettre aux parties de se mettre en état.

A l’audience du 6 septembre 2024, l’affaire prête à être plaidée a été retenue.

M. [D] [R] représenté par son conseil a déposé des écritures visées par le greffier, aux termes desquelles il demande au juge de céans de :
Déclarer ses demandes recevables et bien fondées,Prononcer la nullité du contrat de vente conclu entre M. [D] [R] et la société SUNNCO,Mettre à la charge de la liquidation judiciaire de la société SUNNCO l’enlèvement de l’installation litigieuse et la remise en état de l’immeuble à ses frais,Prononcer en conséquence la nullité du contrat de prêt affecté conclu entre M. [D] [R] et la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE,Constater que la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE a commis une faute dans le déblocage des fonds et doit être privée de sa créance de restitution du capital emprunté, et la condamner à procéder au remboursement de l’ensemble des sommes versées par M. [D] [R] au titre de l’exécution normale du contrat de prêt litigieux,Condamner la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE à verser à M. [D] [R] les sommes suivantes :◦
19 900 euros correspondant à l’intégralité du prix de vente de l’installation,◦10 421,60 euros correspondant aux intérêts conventionnels et frais payés par M. [D] [R] à la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE en exécution du prêt souscrit,◦5 000 euros au titre du préjudice moral,◦4 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,En tout état de cause, prononcer la déchéance du droit aux intérêts contractuels à l’encontre de la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE,Débouter la société SUNNCO et la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE de l’intégralité de leurs prétentions, fins et conclusions contraires,Condamner la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE à supporter les dépens de l’instance.
La SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE, représentée par son conseil, a déposé des écritures visées par le greffier, aux termes desquelles elle demande au juge de céans de :
A titre principal :◦
Déclarer irrecevable la demande de l’acquéreur en nullité du contrat conclu avec la société SUNNCO sur le fondement d’irrégularités formelles comme prescrite,◦Déclarer irrecevable la demande de l’acquéreur en nullité du contrat conclu avec la société SUNNCO sur le fondement du dol comme prescrite,◦Déclarer irrecevable l’ensemble des demandes de l’acquéreur du fait du remboursement anticipé du contrat de crédit valant reconnaissance de dette,◦Dire et juger que la nullité du bon de commande pour une irrégularité formelle n’est pas encourue,◦Dire et juger subsidiairement que l’acquéreur a renoncé à se prévaloir d’une irrégularité purement formelle du contrat et a confirmé la nullité relative alléguée,◦Dire et juger que le dol allégué n’est nullement établi et que les conditions du prononcé de la nullité de ce chef ne sont pas remplies,◦En conséquence, déclarer la demande de nullité des contrats irrecevable ; A tout le moins, débouter l’acquéreur de sa demande de nullité,A titre subsidiaire, en cas de nullité des contrats :◦
Déclarer irrecevable comme prescrite la demande de M. [D] [R] visant à ce que la banque soit privée de sa créance de restitution,◦Dire et juger que la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE aux droits de laquelle vient la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE n’a commis aucune faute dans la vérification du bon de commande ni dans le versement des fonds prêtés,◦Dire et juger, de surcroît, que l’acquéreur n’établit pas le préjudice qu’il aurait subi en lien avec l’éventuelle irrégularité alléguée du bon de commande ou le versement des fonds, et donc avec la faute alléguée à l’encontre de la banque, ce alors même que l’installation fonctionne,◦Dire et juger en conséquence, qu’il ne justifie pas des conditions d’engagement de la responsabilité de la banque,◦Dire et juger que, du fait de la nullité, l’emprunteur est tenu de restituer le capital prêté au préteur ; Condamner, en conséquence, M. [D] [R] à régler à la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE la somme de 19 900 euros en restitution du capital prêté,A titre très subsidiaire :◦
Limiter la réparation qui serait due par la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE eu égard au préjudice effectivement subi par l’emprunteur à charge pour lui de l’établir et égard à la faute de l’emprunteur ayant encouru à son propre préjudice,◦Dire et juger que l’acquéreur reste tenu de restituer l’entier capital à hauteur de 19 900 euros et ordonner la compensation des créances réciproques à due concurrence,A titre infiniment subsidiaire, si le Tribunal devait prononcer la nullité des contrats et ne pas ordonner la restitution du capital prêté à charge de l’emprunteur :◦
Condamner M. [D] [R] à payer à la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE la somme de 19 900 euros correspondant au capital perdu à titre de dommages et intérêts en réparation de sa légèreté blâmable,◦Lui enjoindre de restituer, à ses frais, le matériel installé chez lui à Me [F] [X], ès qualité de mandataire liquidateur de la société SUNNCO, dans un délai d’un mois à compter de la signification du jugement, ainsi que les revenus perçus au titre de la revente d’électricité,◦Dire et juger qu’à défaut de restitution, il restera tenu du remboursement du capital prêté,En tout état de cause,◦
Dire et juger que les autres griefs formés par l’acquéreur ne sont pas fondés,◦Débouter M. [D] [R] de sa demande de dommages et intérêts,◦Débouter le demandeur de toutes autres demandes, fins et conclusions formées à l’encontre de la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE,◦Ordonner le cas échéant la compensation des créances réciproques à due concurrence,◦Condamner M. [D] [R] au paiement à la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE de la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles de l’article 700 du Code de la procédure civile,◦Le condamner aux entiers dépens de l’instance avec distraction au profit de la SELAS CLOIX et MENDES-GIL.
La SCP BTSG représentée par Me [F] [X] ès qualité de mandataire liquidateur de la société SUNNCO, bien que régulièrement citée à personne morale puis convoquée par le Greffe du tribunal judiciaire, n’a pas comparu et ne s’est pas fait représenter.

Conformément à l’article 473 du Code de procédure civile, le jugement à intervenir sera réputé contradictoire à l’égard de tous.

M. [D] [R] a été autorisé à verser le contrat de revente d’électricité qu’il a conclu avec la société EDF par note en délibéré, au plus tard le 30 septembre 2024.

Il sera référé aux écritures de M. [D] [R] et de la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE déposées à l’audience pour un plus ample exposé de leurs moyens en application des dispositions de l’article 455 du Code de procédure civile.

À l’issue des débats, l’affaire a été mise en délibéré jusqu’à ce jour, où elle a été mise à disposition des parties au greffe.

 
MOTIFS DE LA DECISION

Il sera rappelé que les demandes des parties tendant à voir « dire et juger » ne constituent pas des prétentions au sens de l’article 4 du code de procédure civile en ce qu’elles ne tendent aucunement à ce que soit tranché un point litigieux et se trouvent dépourvues de tout effet juridictionnel. Il ne sera donc pas statué sur celles-ci dans le présent jugement et elles ne donneront pas davantage lieu à mention au dispositif de celui-ci.
 
Il convient, par ailleurs, de rappeler que, eu égard à l’article 2 du code civil selon lequel « la loi ne dispose que pour l’avenir ; elle n’a point d’effet rétroactif », les contrats demeurent régis par les dispositions légales sous l’empire desquelles ils ont été passés.

Ainsi, compte tenu de la date des contrats (12 mai 2009), il sera fait application pour l’ensemble de la décision des dispositions du Code de la consommation, applicables antérieurement à la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation conformément aux dispositions transitoires de cette loi qui prévoient une entrée en vigueur pour les contrats conclus à compter du 14 juin 2014 (article 34 de la loi du 17 mars 2014).
 
De plus, les dispositions applicables en l’espèce sont celles du code civil dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, qui est entrée en vigueur le 1er octobre 2016.
 
Enfin, l’article 472 du code de procédure civile énonce que si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond : le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l’estime régulière, recevable et bien fondée.

I/ Sur l’action en nullité du contrat de vente

Selon la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE, les demandes de M. [D] [R] ne sont pas recevables puisque celles-ci aussi bien sur le fondement d’irrégularités formelles du bon de commande que sur le fondement du dol sont prescrites.

S’agissant de la prescription en nullité exercée sur le fondement d’irrégularités formelles du bon de commande, la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE invoque la prescription quinquennale prévue à l’article 2224 du code civil et considère l’action comme prescrite dans la mesure où les contrats de vente et de crédit affecté ont été signés le 12 mai 2009 et les assignations ont été signifiées les 11 et 12 octobre 2023, soit plus de 5 ans après.
 
La banque fait valoir que le point de départ de la nullité du contrat de vente pour irrégularité formelle en raison du non-respect des dispositions du code de la consommation débute au jour de la signature du contrat puisqu’à ce moment, l’acquéreur était en mesure de vérifier la conformité du contrat à ces dispositions.
 
En outre, la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE estime que le « délai utile » invoqué par le demandeur aurait pour conséquence de rendre imprescriptible l’action en nullité du contrat et considère que le requérant n’est pas davantage fondé à faire état d’arrêts rendus par la Cour de Justice de l’Union Européenne ou de commentaires de l’Avocat Général à la Cour de Justice de l’Union Européenne car cela n’est pas applicable au présent litige, puisqu’aucune directive n’est en cause et que seule une réglementation interne et ne résultant pas d’une transposition d’une directive est contestée.
 
En conséquence, selon la banque, l’action en nullité exercée sur le fondement d’irrégularités formelles du bon de commande est prescrite.
 
S’agissant de la prescription en nullité exercée sur le fondement du dol et concernant le point de départ du délai de prescription du dol, la banque indique que le requérant ne justifie nullement qu’il aurait découvert des éléments à même de caractériser une erreur postérieurement à la souscription des contrats et susceptibles de générer le report du point de départ du délai pour agir. Elle soulève au surplus que le bon de commande ne contient aucun engagement contractuel de nature à penser que l’installation aurait une rentabilité spécifique ou un autofinancement, d’autant plus qu’il n’est pas contesté que l’installation est bien fonctionnelle et qu’aucune expertise sérieuse n’est produite. Il ne serait donc pas établi que le point de départ de la prescription puisse être reporté dès lors que l’emprunteur a eu connaissance dès la réalisation du raccordement de la quantité d’électricité produite au vu du chiffre figurant sur son compteur.

Par ailleurs, la banque estime qu’à supposer même que le point de départ de la prescription du dol serait décalé à la date de la première facture, l’action serait néanmoins prescrite.

En conséquence, selon la banque, l’action en nullité sur le fondement du dol est prescrite.

M. [D] [R] oppose le fait que, depuis l’entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008 raccourcissant le délai de prescription de 30 ans à 5 ans, le point de départ court désormais non pas à compter de la date de la signature du contrat mais à compter du jour où le titulaire du droit a eu connaissance du manquement qu’il invoque.

Il en déduit que le point de départ de la prescription est décalé, par la faute de la banque, au moment de la connaissance du préjudice subi dans toute son ampleur ainsi que du fait générateur puisque le consommateur ignore légitimement, au moment de la conclusion du contrat de vente, les vices pouvant affecter le contrat :
Sur la connaissance du préjudice, le demandeur estime que cela correspond au moment où l’acquéreur découvre que l’opération est désavantageuse et basée sur de fausses promesses, de sorte qu’il est nécessaire d’attendre plusieurs années pour s’en apercevoir.S’agissant de la connaissance du fait générateur de la responsabilité cela résulte du déblocage des fonds, à la suite au manquement de la banque à son devoir d’information et d’alerte, puisqu’elle n’a pas vérifié le bon de commande. 
De plus, le requérant estime que selon la jurisprudence européenne, le consommateur doit disposer d’un « délai utile » pour avoir la connaissance des irrégularités du contrat, qui doit être une connaissance effective de l’irrégularité, justifiant le report du point de départ de la prescription de l’action.
 
En conséquence, M. [D] [R] estime que son action n’est pas prescrite.

A. Sur la prescription de l’action en nullité exercée sur le fondement du non-respect des dispositions impératives du code de la consommation

M. [D] [R] fonde à titre principal sa demande de nullité du contrat de vente sur le fondement de la méconnaissance des dispositions de l’article L.121-23 du code de la consommation.

L’article 1304 du code civil, dans sa version antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, applicable au contrat litigieux, dispose que dans tous les cas où l’action en nullité ou en rescision d’une convention n’est pas limitée à un moindre temps par une loi particulière, cette action dure cinq ans. Ce temps ne court dans le cas de violence que du jour où elle a cessé ; dans le cas d’erreur ou de dol, du jour où ils ont été découverts.

En présence d’un non professionnel, le point de départ de la prescription est la date de la convention lorsque l’examen de sa teneur permet de constater l’irrégularité.

En cas d’octroi d’un crédit à un consommateur ou à un non-professionnel, le point de départ de la prescription est la date de la convention lorsque l’examen de sa teneur permet de constater l’erreur (Civ. 1re, 11 juin 2009, n° 08.11-755).

Or, en l’espèce, il ressort du bon de commande du 12 mai 2009 que les conditions générales de vente, contiennent la reproduction apparente des articles L.121-1 à L. 121-26 du code de la consommation. Dès lors, l’acquéreur était en mesure de vérifier au jour de la remise de leur exemplaire du bon de commande, soit le 12 mai 2009, que ce contrat était incomplet comme ne comportant pas certaines mentions qu’il jugeait essentielles pour la validité de celui-ci.

Il convient, en outre, de relever que le droit de la consommation protège les consommateurs, notamment en leur octroyant un délai de rétractation après la signature du contrat de vente. La possibilité de ce délai de rétractation est clairement mentionnée sur le bon de commande de sorte que M. [D] [R] pouvait agir en consommateur diligent et profiter de ce délai pour se renseigner quant à la validité de son contrat, par exemple en consultant un professionnel du droit.

De plus, en enfermant la prescription dans un délai de cinq ans, le législateur a entendu garantir la sécurité juridique et ne pas permettre que tout acte puisse être remis en cause au-delà. Le requérant bénéficiait en réalité d’un délai de cinq années à compter de la signature du bon de commande pour consulter un conseiller juridique et prendre la décision d’agir en nullité du contrat de vente s’il estimait que ledit contrat était affecté d’une cause de nullité depuis le moment de sa formation, ce qu’il n’a pas fait. Il ne peut désormais invoquer à l’appui de ses prétentions son propre manque de diligence, quand bien même il est effectivement un consommateur.

Concernant la jurisprudence de la CJUE invoquée par M. [D] [R], il convient de relever que le principe d’effectivité signifie que les dispositions du droit interne ne doivent pas rendre impossible ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par l’ordre juridique de l’Union européenne. En l’espèce, et compte tenu des développements précédents, il convient de constater que M. [D] [R] n’apporte pas d’élément sur les droits issus de l’ordre juridique de l’UE qu’il serait empêché d’exercer.

Dès lors, le bon de commande ayant été signé le 12 mai 2009, M. [D] [R] avait jusqu’au 12 mai 2014 à minuit pour introduire une action en nullité du contrat de vente sur le fondement du non-respect des dispositions impératives du code de la consommation.

En conséquence, l’action introduite sur le fondement du non-respect des dispositions impératives du code de la consommation par assignation en date des 11 et 12 octobre 2023 est prescrite.

B. Sur la prescription de l’action en nullité pour dol

Le requérant demande que le contrat de vente soit déclaré nul pour cause de dol, au motif que la société SUNNCO a présenté l’installation photovoltaïque comme étant rentable, voire autofinancée ce qui, selon lui, n’est pas le cas et constitue une promesse mensongère. Il évoque une manœuvre dolosive de la part de la société venderesse qui aurait présenté l’installation photovoltaïque comme permettant de réaliser des économies d’énergie et d’obtenir des avantages fiscaux en lui produisant une série de documents commerciaux et de promesses.

Au surplus, M. [D] [R] estime que la nature même du contrat induit une rentabilité puisque l’achat est motivé par le gain financier espéré ou à tout le moins par l’économie substantielle qu’il doit permettre de réaliser, de sorte que la rentabilité de l’installation serait une condition déterminante du consentement dans l’achat d’un tel système de production d’électricité.

En application de l’article 1304 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, l’action en nullité d’une convention se prescrit par cinq ans à compter du jour où l’erreur ou le dol a été découvert. Cette découverte est un fait juridique, qui se prouve donc par tous moyens. Il appartient au juge qui déclare l’action irrecevable comme prescrite de constater la date de la découverte de l’erreur alléguée (Civ. 1re, 14 octobre 2010, n° 09-13.646).

Par principe, le point de départ de la prescription quinquennale pour dol est celui de la signature du contrat, puisque la promesse d’autofinancement et de rentabilité de l’installation doit être formalisée par une mention dans le bon de commande signé par l’acquéreur, ce qui n’est pas le cas en l’espèce, la puissance indiquée de 2450 Wc étant celle des panneaux et non une indication de rentabilité. La promesse de rentabilité de l’installation ne peut pas plus résulter d’une simulation de projet ou des documents commerciaux non versés au débat.

Toutefois, il est admis que ce point de départ est décalé au moment où l’acquéreur a pu connaître la rentabilité effective de l’installation, notamment grâce à la réception des factures de production d’électricité. La preuve de la rentabilité effective ne peut résulter que de l’envoi de la première facture de revenus d’électricité, seul document pouvant permettre au demandeur d’évaluer la rentabilité de son installation photovoltaïque.
 
Sur ce point, le demandeur produit plusieurs factures de revente d’électricité, dont la plus ancienne est datée du 28 janvier 2015 pour une période annuelle allant du 21 janvier 2014 au 20 janvier 2015. La date du contrat de vente, le 12 mai 2009, et la mention d’un précédent relevé en date du 20 janvier 2014 sur la facture de revente d’électricité du 28 janvier 2015 permettent d’établir que cette dernière, bien qu’étant la plus ancienne facture versée par le demandeur, n’est pas la première facture de revente qu’il a reçu de la part d’EDF.

Ainsi, en ne produisant pas la première facture de revente d’électricité, à la lecture de laquelle il était en mesure de constater que le rendement de son installation n’était pas celui qu’il attendait et donc du préjudice subi, M. [D] [R] ne démontre pas que le point de départ de la prescription pour dol doit être décalé dans le temps à une date postérieure à la signature du contrat, de sorte que c’est bien la date de signature du contrat de vente qui doit être retenue comme point de départ.

Il sera souligné qu’en tout état de cause, le délai pour agir en nullité du contrat de vente pour dol aurait expiré le 28 janvier 2020 à minuit si la date de la facture de revente d’électricité la plus ancienne versée par le demandeur avait été retenue comme point de départ de la prescription.

Dès lors, l’action en nullité pour ce motif pouvait être exercée jusqu’au 12 mai 2014 à minuit de sorte que l’action introduite par assignation en date des 11 et 12 octobre 2023 est prescrite.

III/ Sur l’action en nullité du contrat de crédit affecté

Selon la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE, le fait que la demande de nullité du contrat de vente pour non-respect des dispositions impératives du code de la consommation et pour dol soit prescrite rend la demande de nullité du contrat de crédit affecté également irrecevable, à tout le moins infondée. La SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE conclut donc à l’irrecevabilité de la demande d’annulation du contrat de crédit affecté, ou à tout le moins à son rejet.
 

En l’espèce, il résulte des développements précédents et de l’interdépendance des contrats de vente et de prêt prévue par les dispositions de l’article L. 311-32 du code de la consommation devenu L. 312-55 que les demandes d’annulation du contrat de prêt conclu le 12 mai 2009 ne pourront prospérer tant qu’elles sont fondées sur le lien entre le contrat principal de vente et l’affectation du contrat de crédit à ce contrat principal.
 
La demande de nullité du contrat de prêt souscrit par M. [D] [R], subséquente à la demande d’annulation du contrat de vente, est donc également irrecevable.

IV/ Sur la demande d’engagement de la responsabilité de la banque

A. Sur la fin de non recevoir tirée de la reconnaissance de dette
 
La banque invoque la reconnaissance de dette résultant du remboursement anticipé complet du crédit et en déduit une irrecevabilité de l’action du demandeur visant à remettre en cause le paiement effectué et à obtenir des dommages et intérêts au titre d’un contrat de crédit définitivement éteint. 
 
Elle cite à cet effet deux décisions (Soc., 11 avril 1991, pourvoi n° 89-13.068, Bulletin 1991 V N° 192 et Com.,1er juin 2010, pourvoi n°09-14353) rendues, pour la première décision, en matière de paiement de cotisations personnelles d’allocations familiales, ayant posé en principe que le paiement volontaire d’une dette qui, même prescrite, conserve sa cause dans l’obligation de cotiser, ne peut donner lieu à répétition et pour la seconde, en matière de droit de succession, ayant jugé que la prescription de la créance de droits de succession ne permet pas aux héritiers d’agir en répétition des acomptes spontanément versés, peu important qu’à la date du paiement ils aient ignoré que le bénéfice de la prescription leur était acquis.

Cependant, M. [D] [R] n’agit pas en répétition de l’indu suite à une prescription du titre dont se prévaudrait la banque mais en nullité des contrats de vente et de prêt et invoque la responsabilité de la banque pour avoir participé au dol et délivré des fonds sur la base d’un bon de commande nul, de sorte que la jurisprudence invoquée n’est pas transposable en l’espèce.

En outre, s’il est possible de renoncer au bénéfice d’une disposition d’ordre public notamment en droit de la consommation, c’est à la condition qu’une telle renonciation soit non équivoque et qu’elle porte sur un droit acquis.
 
Or, en payant les sommes dues au titre du contrat de prêt qu’il avait contracté, M. [D] [R] n’a fait qu’exécuter les clauses de ce contrat. Ainsi, il n’a pas manifesté de manière non équivoque une volonté de renoncer à appliquer les dispositions du code de la consommation.

En conséquence, la fin de non-recevoir tirée du remboursement anticipé du prêt sera rejetée.

B. Sur le principe de la recevabilité de la demande d’engagement de la responsabilité de la banque

La SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE argue du fait que l’action en responsabilité initiée par les demandeurs n’est que la conséquence de l’action en nullité du contrat de vente, de sorte que la prescription de l’action en nullité rend irrecevable la demande d’engagement de responsabilité de la banque et la privation de la créance de restitution qui en découle, d’autant plus que le maintien des contrats rend sans objet cette demande.
 
L’absence d’annulation du contrat principal empêche de retenir la faute de la banque, quant à l’absence de vérification de la validité du contrat principal.
 
Cependant, la responsabilité de la banque peut toujours être engagée en raison d’une faute qu’elle aurait pu commettre si celle-ci a causé un préjudice né et actuel.
 
En effet, la résolution du contrat de crédit, à la suite de l’annulation du contrat de vente, n’est pas un préalable obligatoire à la sanction d’une faute de la banque (Ccass 1re Civ., 22 mai 2019 n°18-16.150).
 
En conséquence, même en l’absence d’annulation des contrats de vente, il convient de déclarer recevable en leur principe les demandes d’engagement de la responsabilité de la banque.

C. Sur la prescription de la demande d’engagement de la responsabilité de la banque

La SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE estime que l’action en responsabilité à son encontre est prescrite car le préjudice invoqué par le demandeur résulte du déblocage fautif des fonds alors que le bon de commande est nul ou que la prestation n’est pas achevée. En conséquence, elle fait valoir que le point de départ de la prescription est la date du déblocage des fonds qui est intervenu en 2009, de sorte que la demande d’engagement de la responsabilité est prescrite.

M. [D] [R] soulève deux fautes de la banque tirées de sa participation au dol de la société venderesse et du déblocage des fonds pour le financement d’un contrat nul sans s’assurer de l’exécution du contrat principal.

L’article 1304 du code civil, dans sa version antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, dispose que dans tous les cas où l’action en nullité ou en rescision d’une convention n’est pas limitée à un moindre temps par une loi particulière, cette action dure cinq ans. Ce temps ne court dans le cas de violence que du jour où elle a cessé ; dans le cas d’erreur ou de dol, du jour où ils ont été découverts.

L’action visant à engager la responsabilité contractuelle se prescrit par cinq ans à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime, c’est-à-dire le moment où la victime prend conscience du manquement de la banque et de son dommage, soit les faits lui permettant d’agir.

Concernant tout d’abord la prescription de l’action en responsabilité de la banque pour participation au dol de la société venderesse, il apparaît que le point de départ de la prescription est le même que celui retenu pour le dol.

Ainsi, le requérant n’ayant pas démontré que le point de départ de la prescription du dol était repoussé à une date ultérieure à celle du contrat de vente intervenu le 12 mai 2009, il convient de déclarer la demande d’engagement de la responsabilité de la banque sur le fondement de la participation au dol comme prescrite puisqu’engagée selon assignations en date des 11 et 12 octobre 2023.

S’agissant ensuite du point de départ de la faute de la banque permettant d’engager sa responsabilité pour avoir débloqué les fonds pour le financement d’un contrat nul sans s’assurer de l’exécution complète du contrat principal, il est constant que le point de départ de la prescription est décalé à la date de la libération des fonds par la banque, puisqu’il s’agit du fait générateur de la faute.

En l’espèce, la date de déblocage des fonds n’a pas été communiquée par les parties, qui n’ont produit aucun historique de compte. Elle n’apparaît pas dans les pièces versées au débat. Le prêt en date du 12 mai 2009 stipule toutefois que la durée totale du crédit était de 125 mois, pour un total de 120 mensualités dont le calcul de la première devait intervenir 180 jours après la date de la mise à disposition des fonds (3ème page du contrat de prêt en date du 12 mai 2009). Le contrat de vente en date du 12 mai 2009 précise que le versement de la première mensualité devait intervenir le 12 février 2010 (1ère page du contrat de vente du 12 mai 2009).

Il y a donc lieu de considérer que le déblocage des fonds par la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE a eu lieu au plus tard à cette date.

Dès lors, M. [D] [R] avait jusqu’au 12 février 2015 à minuit pour intenter son action en responsabilité à l’encontre de la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE.

En conséquence, bien que recevable en son principe, la demande d’engagement de la responsabilité de la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE en raison du déblocage fautif des fonds sera déclarée prescrite.

D. Sur la demande de dommages et intérêts complémentaire
 
M. [D] [R] demande qu’une indemnisation lui soit versée par la banque pour préjudice moral du fait de la prise de conscience d’avoir été dupé par le vendeur et de s’être engagé dans un système qui le contraint sur de nombreuses années, compte-tenu de la non-réalisation des performances et du rendement annoncés par le vendeur. Il soutient également que la violation des dispositions du code de la consommation engendre nécessairement un préjudice qui doit être réparé.
 
Toutefois, étant fondée sur le dol commis par le vendeur et sur le non-respect des dispositions impératives du code de la consommation et rejoignant ainsi les prétentions soulevées à ces titres, qui ont été déclarées irrecevables, cette demande de dommages et intérêts ne saurait prospérer.
 
En conséquence, M. [D] [R] sera débouté de sa demande d’indemnisation au titre du préjudice moral.

V/ Sur la demande de déchéance du droit aux intérêts

M. [D] [R] sollicite la déchéance du droit de la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE aux intérêts contractuels du crédit souscrit pour manquement de la banque à ses obligations de conseil, de mise en garde quant à l’opportunité économique du projet et de contrôles préalables obligatoires.
 
L’obligation de mise en garde à laquelle peut être tenu un établissement de crédit à l’égard d’un emprunteur non averti ne porte que sur le risque d’endettement excessif né de l’octroi du prêt et il faut en déduire que si le crédit est adapté au regard des capacités financières de l’emprunteur et du risque de l’endettement né de l’octroi du prêt à la date de la conclusion du contrat, la banque n’est tenue à aucune obligation de mise en garde.
 
Ainsi, le devoir de mise en garde de la banque s’applique uniquement lorsque l’emprunteur non averti est en situation de risque d’endettement excessif, compte tenu de son patrimoine, ses revenus, et son éventuel passif.

La sanction de ce manquement n’est pas la déchéance du droit aux intérêts mais la mise en cause de la responsabilité contractuelle de la banque en application de l’article 1147 du code civil.
 
M. [D] [R] sera par conséquent débouté de sa demande en déchéance du droit aux intérêts sur ce fondement.
 
La banque soulève la prescription quinquennale de la demande de déchéance du droit aux intérêts tirée du défaut d’accréditation de la société venderesse et du défaut de contrôles préalables obligatoires de la banque en qualité de dispensateur de crédit, considérant que le point de départ de la prescription est la date du contrat de crédit soit le 12 mai 2009, cette action expirant le 12 mai 2014 à minuit.
 
L’article L.110-4 du code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi du 17 juin 2008 et dans sa version applicable à l’espèce, dispose que « I. Les obligations nées à l’occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants se prescrivent par cinq ans si elles ne sont pas soumises à des prescriptions spéciales plus courtes. ».

Il sera rappelé que toutes les obligations d’information doivent être accomplies au moment de la souscription du crédit. La banque n’est pas tenue d’un devoir de conseil général, étant tenue seulement de procéder à des vérifications pour la régularité de l’offre de crédit qui permettent au débiteur de comprendre la portée de son engagement.

L’offre de crédit ayant en l’espèce été conclue le 12 mai 2009, le délai quinquennal pour soulever les motifs de la déchéance du droit aux intérêts expirait le 12 mai 2014 à minuit.
 
Si les assignations initiales ont été délivrées les 11 et 12 octobre 2023, le demandeur n’a pas soulevé ce point ni formulé de demande à ce titre dans son acte introductif d’instance. La demande de déchéance du droit aux intérêts formée par le demandeur est donc une demande additionnelle formalisée postérieurement à l’assignation des 11 et 12 octobre 2023 et pour la première fois dans les conclusions communiquées au défendeur au cours de la mise en état et visées le 6 septembre 2024.

En outre, si le juge peut relever d’office toutes les dispositions du code de la consommation dans les litiges nés de son application (article L.141-4 du code de la consommation devenu R.632-1), étant rappelé que le moyen de la déchéance du droit aux intérêts n’est pas soumis à la prescription qu’à la condition qu’il tende à faire rejeter comme non justifiée la demande en paiement du prêteur ayant consenti un crédit à la consommation (article 72 du code de procédure civile et Avis n°15014 du 18 septembre 2019 de la première chambre civile de la Cour de cassation), ce n’est pas le cas en l’espèce, la déchéance du droit aux intérêts étant formée à titre de demande et non de défense au fond.

La demande de déchéance du droit aux intérêts contractuels du crédit souscrit pour manquement de la banque à ses obligations de conseil et de contrôles préalables obligatoires est donc prescrite sans qu’il soit besoin de l’examiner au fond.

VI/ Sur les demandes accessoires
 
M. [D] [R], partie perdante, sera condamné aux entiers dépens, en application de l’article 696 du code de procédure civile.
 
M. [D] [R] sera condamné à payer à la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE la somme de 800 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
 
La présente décision est exécutoire à titre provisoire, conformément à l’article 514 du code de procédure civile.

La demande de distraction des dépens formée par la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE sera toutefois rejetée s’agissant d’une instance pour laquelle la représentation par avocat n’est pas obligatoire.

PAR CES MOTIFS
 
Le juge des contentieux de la protection statuant publiquement et en premier ressort, par jugement réputé contradictoire mis à disposition au greffe,
 
DÉCLARE irrecevable comme prescrite la demande de M. [D] [R] en nullité du contrat de vente conclu le 12 mai 2009 avec la société SUNNCO pour irrégularité formelle,
 
DÉCLARE irrecevable comme prescrite la demande de M. [D] [R] en nullité du contrat de vente conclu le 12 mai 2009 avec la société SUNNCO pour dol,

DÉBOUTE, en conséquence, M. [D] [R] de l’ensemble de ses demandes à l’encontre de la société SUNNCO, représentée par Me [F] [X], ès qualité de mandataire liquidateur,

REJETTE la fin de non recevoir tirée de la reconnaissance de dette,
 
DÉCLARE irrecevable la demande de M. [D] [R] en nullité du contrat de crédit affecté conclu le 12 mai 2009 avec la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE exerçant sous l’enseigne CETELEM,
 
DÉCLARE irrecevable comme prescrite l’action en responsabilité envers la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE pour participation au dol de la société SUNNCO et pour faute dans le déblocage des fonds,
 
DÉBOUTE, en conséquence, M. [D] [R] de l’ensemble de ses demandes fondées sur la responsabilité à l’encontre de la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE,
 
DÉCLARE irrecevable comme prescrite la demande de déchéance du droit aux intérêts contractuels envers la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE formée par M. [D] [R],
 
DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples et contraires,
 
CONDAMNE M. [D] [R] aux entiers dépens,
 
CONDAMNE M. [D] [R] à verser à la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE la somme de 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

RAPPELLE l’exécution provisoire de la présente décision.
 
Ainsi jugé et prononcé par jugement signé les jour, mois et an susdits par le juge des contentieux de la protection et la Greffière susnommés et mis à disposition au greffe.

 
La Greffière La juge des contentieux
de la protection


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