Prescription et garantie d’assurance : enjeux de la connaissance du sinistre

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Prescription et garantie d’assurance : enjeux de la connaissance du sinistre

L’Essentiel : Madame [V] a assigné la MAIF devant le tribunal de Metz, demandant la reconnaissance de ses droits pour des sinistres déclarés depuis 2008 et une indemnité de 3000€ selon l’article 700 du Code de procédure civile. La MAIF a contesté la recevabilité de l’action, invoquant la prescription. Cependant, le tribunal a conclu que le délai de prescription commençait à la date de consolidation de l’état de santé de Madame [V], fixée au 28 février 2017. L’action a été déclarée recevable, et la MAIF a été condamnée à verser 1500€ à Madame [V] pour les frais irrépétibles.

Contexte de l’Affaire

Madame [V] a assigné la société d’assurance mutuelle MAIF devant le tribunal judiciaire de Metz le 28 avril 2022, demandant la reconnaissance de ses droits et la mobilisation des garanties pour des sinistres déclarés depuis 2008. Elle a également réclamé une indemnité de 3000,00€ sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile, ainsi que le remboursement des frais et dépens.

Réponse de la MAIF

La MAIF a contesté la recevabilité de l’action de Madame [V], arguant que celle-ci était prescrite selon l’article L.114-1 du code des assurances. Elle a demandé au juge de déclarer irrecevables toutes les demandes de Madame [V] et a sollicité la production de documents relatifs à ses arrêts de travail antérieurs à 2008, ainsi que des justificatifs concernant des événements survenus en 2013.

Arguments de Madame [V]

En réponse, Madame [V] a soutenu que son action était recevable et non prescrite, demandant le rejet des demandes de la MAIF. Elle a également réclamé le versement de 3000,00€ et la prise en compte de l’expertise médicale pour établir la date de consolidation de son état de santé, qui déterminerait le point de départ de la prescription.

Analyse de la Prescription

Le tribunal a examiné la question de la prescription, concluant que le point de départ du délai biennal ne pouvait pas être la date du refus de garantie par la MAIF, mais plutôt la date de consolidation de l’état de santé de Madame [V]. Cette date a été fixée au 28 février 2017, et la connaissance de cette consolidation a été établie au 24 juin 2017, permettant à Madame [V] de respecter le délai de prescription pour son action.

Décision du Tribunal

Le tribunal a rejeté la fin de non-recevoir soulevée par la MAIF concernant la prescription, déclarant recevable l’action de Madame [V]. Les demandes de communication de pièces formulées par la MAIF ont également été rejetées, le tribunal considérant que ces pièces n’étaient pas nécessaires à la résolution du litige.

Conséquences Financières

La MAIF a été condamnée à payer 1500€ à Madame [V] au titre des frais irrépétibles, conformément à l’article 700 du Code de procédure civile, et à supporter les dépens de l’incident. La demande de la MAIF pour obtenir une indemnité au titre de l’article 700 a été rejetée.

Prochaines Étapes

L’affaire a été renvoyée à une audience de mise en état prévue pour le 7 janvier 2025, avec une exécution provisoire de la décision rendue.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la portée de l’article L.114-1 du Code des assurances concernant la prescription des actions dérivant d’un contrat d’assurance ?

L’article L.114-1 du Code des assurances stipule que :

« Toutes actions dérivant d’un contrat d’assurance sont prescrites par deux ans à compter de l’événement qui y donne naissance. Toutefois, ce délai ne court : (…) 2° En cas de sinistre, que du jour où les intéressés en ont eu connaissance, s’ils prouvent qu’ils l’ont ignoré jusque-là. »

Cet article établit un délai de prescription de deux ans pour les actions liées à un contrat d’assurance,

ce qui signifie que l’assuré doit agir dans ce délai pour faire valoir ses droits.

La prescription commence à courir à partir de l’événement générateur du sinistre,

mais elle peut être suspendue si l’assuré n’a pas eu connaissance de cet événement.

Dans le cas présent, la question de la prescription est centrale, car la MAIF soutient que l’action de Mme [V] est prescrite,

tandis que cette dernière argue que le point de départ de la prescription doit être la date à laquelle elle a eu connaissance du refus de garantie,

et non la date du sinistre lui-même.

Quelles sont les conséquences de la désignation d’un expert sur le délai de prescription selon le Code des assurances ?

L’article L. 114-2 du Code des assurances précise que :

« Toute désignation d’expert ou d’un technicien, à la suite d’un sinistre, par une compagnie d’assurance, a un effet interruptif de prescription. »

Cela signifie que la désignation d’un expert interrompt le délai de prescription,

qui recommence à courir à compter de cette désignation.

Dans le litige en question, la MAIF a désigné un expert avant l’expiration du délai de prescription,

ce qui a eu pour effet d’interrompre ce délai.

Ainsi, un nouveau délai de prescription a commencé à courir à partir de la date de désignation de l’expert,

ce qui a permis à Mme [V] de faire valoir ses droits dans le cadre de son action en paiement de l’indemnité d’assurance.

Il est donc crucial de déterminer la date de désignation de l’expert pour évaluer la validité de l’action de Mme [V].

Quels sont les critères de recevabilité des demandes de communication de pièces en vertu du Code de procédure civile ?

Les articles 11 alinéa 2, 138, 139, 142 et 788 du Code de procédure civile régissent la communication de pièces.

L’article 11 alinéa 2 stipule que :

« Les parties doivent communiquer à l’autre partie les pièces sur lesquelles elles se fondent. »

Cela implique que la demande de communication de pièces doit être justifiée et pertinente par rapport au litige.

Dans le cas présent, la MAIF a demandé la communication de relevés annuels d’arrêt de travail antérieurs à 2008,

mais le tribunal a jugé que cette demande n’était pas utile à la solution du litige,

car les parties avaient déjà convenu de recourir à un arbitrage médical pour déterminer les préjudices.

Ainsi, la demande de communication de pièces a été rejetée,

car elle ne répondait pas aux critères de nécessité et de pertinence établis par le Code de procédure civile.

Comment le tribunal a-t-il statué sur les dépens et l’article 700 du Code de procédure civile ?

L’article 696 du Code de procédure civile dispose que :

« La partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie. »

De plus, l’article 700 du même code précise que :

« Le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer : 1° A l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. »

Dans cette affaire, la MAIF a été condamnée aux dépens de l’incident,

et à verser à Mme [V] la somme de 1500 € au titre des frais irrépétibles selon l’article 700.

Cela signifie que, en raison de sa défaite, la MAIF doit supporter les frais de la procédure,

tandis que Mme [V] est indemnisée pour les frais qu’elle a engagés dans le cadre de ce litige.

Le tribunal a également rejeté la demande de la MAIF au titre de l’article 700,

confirmant ainsi la responsabilité de la MAIF dans les frais de la procédure.

Quelles sont les implications de l’exécution provisoire dans le cadre de cette décision ?

Le décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 a instauré le principe de l’exécution provisoire de droit.

Cela signifie que, dans certaines conditions, une décision de justice peut être exécutée immédiatement,

même si elle est susceptible d’appel.

Dans cette affaire, le tribunal a déclaré que l’exécution provisoire de la présente ordonnance est de droit,

ce qui permet à Mme [V] de bénéficier immédiatement des effets de la décision,

tandis que la MAIF peut contester cette décision en appel.

L’exécution provisoire vise à garantir l’effectivité des droits reconnus par le tribunal,

en évitant que la partie gagnante ne soit lésée par un éventuel retard dans l’exécution de la décision.

Ainsi, Mme [V] peut obtenir rapidement le paiement de l’indemnité d’assurance,

tandis que la MAIF a la possibilité de faire appel de la décision.

Minute n° 24/784

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE METZ

1ère CHAMBRE CIVILE

N° de RG : 2022/00999
N° Portalis DBZJ-W-B7G-JPNE

ORDONNANCE DE LA MISE EN ÉTAT
DU 21 NOVEMBRE 2024

I PARTIES

DEMANDERESSE :

Madame [Y] [V], née le [Date naissance 1] 1954 à [Localité 4], demeurant [Adresse 3]

représentée par Maître Loïc DE GRAËVE, avocat au barreau de METZ, vestiaire : C600

DÉFENDERESSE :

La Société MAIF, société d’assurance mutuelle, prise en la personne de son représentant légal, dont le siège social est sis [Adresse 2]

représentée par Maître Blanche SZTUREMSKI de la SCP BERTRAND BECKER BLANCHE SZTUREMSKI ARNAUD VAUTHIER ET MARINE KLEIN-DESSERRE, avocat au barreau de METZ, vestiaire : C 300

II COMPOSITION DU TRIBUNAL

Nous, Michel ALBAGLY, Premier Vice-Président, Juge de la mise en état, assisté de Caroline LOMONT, Greffier

Après audition le 20 septembre 2024 des avocats des parties.

III PROCÉDURE

EXPOSE DU LITIGE

Vu l’acte d’huissier signifié le 28 avril 2022 et déposé au greffe par RPVA le 02 mai 2022 par lequel Madame [V] a assigné la société d’assurance mutuelle MAIF devant la Première chambre civile du tribunal judiciaire de METZ pour la voir :
-Déclarer Mme [V] recevable et bien fondée en ses demandes, fins et prétentions ;
-Condamner la MAIF à mobiliser ses garanties au titre des sinistres déclarés dès 2008 par Madame [Y] [V],
En tout état de cause,
-Condamner la MAIF au versement de la somme de 3000,00€ à Madame [Y] [V] et ce sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile,
-Condamner la MAIF aux entiers frais et dépens.

Vu la constitution d’avocat de la société d’assurance mutuelle Mutuelle assurance des instituteurs de France (MAIF) prise en la personne de son représentant légal notifiée par RPVA le 13 mai 2022 ;

Vu les conclusions d’incident notifiées par la société d’assurance mutuelle MAIF le 27 avril 2022, le 14 novembre 2023, le 14 mars 2024 (N°2), le 16 mai 2024 (N°3) par RPVA par lesquelles elle a demandé au Juge de la mise en état de la juridiction de céans, selon les moyens de fait et de droit exposés, au visa des articles L.114-1 du code des assurances, de l’article 122 du code de procédure civile, de l’article 142 du code de procédure civile, de :
-Déclarer la présente requête recevable et bien fondée,
Y faisant droit,
-Déclarer prescrite l’action de Madame [V] [Y],
En conséquence ;
-Déclarer irrecevables l’ensemble des demandes de Madame [V] [Y] à l’encontre de la MAIF ;
Plus subsidiairement,
-Enjoindre Madame [V] [Y] d’avoir à produire l’ensemble de ses relevés annuels d’arrêt de travail antérieurs à 2008, et ce à peine d’astreinte de 15€ par jour de retard à l’expiration d’un délai d’un mois suivant la signification de décision à intervenir ;
-Enjoindre Madame [V] [Y] d’avoir à produire tout justificatif se rapportant aux événements survenu le 18 janvier 2013, en particulier la plainte ou déclaration de main courante régularisée à l’issue et ce à peine d’astreinte de 15€ par jour de retard à l’expiration d’un délai d’un mois suivant la signification de décision à intervenir ;
En tout état de cause,
-Condamner Madame [V] [Y] à verser à la MAIF la somme de 3000€ au titre des frais irrépétibles de l’article 700 du code de procédure civile,
-La condamner aux entiers frais et dépens,

Vu les conclusions d’incident en réponse de Mme [Y] [V] notifiées le 15 septembre 2023 (N°1), le 15 février 2024 (N°2) , le 19 avril 2024 (N°3), le 21 juin 2024 (N°4) par RPVA par lesquelles, selon les moyens de fait et de droit exposés, elle a demandé au juge de la mise en état au visa des articles 1101 et suivants et 2251 du code civil, de l’article L. 114-1 du code des assurance, de l’article 122 et 700 du code de procédure civile de :
-DÉBOUTER la MAIF de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;
En conséquence,
-DÉCLARER l’action de Madame [V] recevable car non prescrite ;
En tout état de cause,
-CONDAMNER la MAIF au versement de la somme de 3 000,00 € à Madame [Y] [V] et ce sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
-CONDAMNER la MAIF aux entiers frais et dépens de l’instance ;
-DIRE la décision à intervenir exécutoire par provision.

L’affaire a été appelée une dernière fois à l’audience du 20 septembre 2024 lors de laquelle elle a été mise en délibéré au 21 novembre 2024 à 9 heures par mise à disposition au greffe;

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la fin de non-recevoir :

Vu les dispositions de l’article 789 6° du Code de procédure civile;

Vu l’article 122 du code de procédure civile ;

Selon l’article L.114-1 du code des assurances : « Toutes actions dérivant d’un contrat d’assurance sont prescrites par deux ans à compter de l’événement qui y donne naissance. Toutefois, ce délai ne court : (…) 2° En cas de sinistre, que du jour où les intéressés en ont eu connaissance, s’ils prouvent qu’ils l’ont ignoré jusque-là. »

Selon les termes de son assignation introductive d’instance, Mme [Y] [V] fait grief à la société MAIF, son assureur, d’avoir refusé de mobiliser ses garanties à la suite de la déclaration de sinistre qui est intervenue en 2018.

Il ressort des ses productions qu’elle a souscrit un contrat d’assurance « Offre Métiers de l’Education » (OME) à effet au 1er septembre 2008 portant la référence N°1196458 P.

En effet, à l’appui de sa réclamation, la demanderesse évoque des faits de harcèlements dont elle aurait été victime à partir de blogs internet en décembre 2008, alors qu’elle exerçait comme professeur de mathématiques.

La MAIF a soulevé la fin de non-recevoir tirée de la prescription biennale qu’elle estime déjà acquise. En réplique, Mme [V] soutient que la société d’assurance aurait renoncé à se prévaloir de la prescription biennale.

Il est de principe que l’on ne peut que renoncer à une prescription déjà acquise.

Dès lors il y a lieu d’examiner la fin de non-recevoir soulevée par la société d’assurance.

Mme [V] soutient que le délai de prescription biennale a pour point de départ le jour de la notification de la décision du refus de garantie qui a été portée à sa connaissance par la MAIF soit un courrier daté du 29 avril 2020.

Cependant, en l’espèce, l’assignation introduite par Mme [V] ne saurait s’analyser en un recours formé contre une décision de nature privée telle que le refus de garantie opposé par l’assureur alors que, en raison de ce dernier, son action cherche à voir consacrer, selon les règles du droit commun en matière contractuelle, un droit à la garantie d’assurance, ce qui est l’objet du présent litige.

Ainsi, comme la MAIF le relève à bon droit, pour l’examen de la prescription biennale, l’événement à l’origine de la demande de garantie ne saurait être la la prise de position de l’assureur mais bien le sinistre comme cela est mentionné à l’article L.114-1 du code des assurances sauf à dénaturer les termes de telles dispositions. C’est ce que retient constamment la jurisprudence en censurant les juges qui admettent comme point de départ du délai de prescription de l’action de l’assuré en garantie du sinistre la date à laquelle l’assureur a refusé de prendre en charge le sinistre (Civ. 1re, 3 mars 1982: Bull. civ. I, n°96 ; Civ. 1er, 29 oct. 1990,n° 88-13.535 P ; 22 mai 2002, n°99-14.766 P). Dès lors le point de départ ne saurait être le 29 avril 2020.

En effet en matière d’assurance de dommages corporels, le point de départ du délai biennal de prescription est reporté à la date de consolidation de l’état de santé, date à laquelle le sinistre est constitué (Cassation Civ. 2e, 26 octobre 2006 n°05-15.504).

Il s’agit de rechercher la date à laquelle Mme [V] a eu connaissance de cette consolidation.

En l’espèce, il ressort de l’expertise psychiatrique du docteur [S] [C] du 26 août 2013 que celle-ci n’a pas fixé de date de consolidation. Il ne ressort pas de son examen du 20 mai 2014 que son rapport en face état.

En revanche, il ressort du rapport du docteur [N] du 29 janvier 2015, lequel a examiné Mme [V] par rapport à l’accident de service du 30 décembre 2008, lequel correspond au sinistre déclaré à l’assurance, que celui-ci a fixé la date de consolidation au jour de la reprise qui pourra se faire pour un temps partiel pour raisons thérapeutiques à partir du 15 février 2015.

Néanmoins le même psychiatre a fixé, le 24 juin 2017, la date de consolidation au 28 février 2017, soit à la veille de la retraite de Mme [V].

Il ressort de ce rapport que le psychiatre avait alors pour mission de se prononcer sur l’accident de service du 30 décembre 2008 afin de justifier des arrêts de travail du 15 février 2016 au 28 février 2016, de l’imputabilité des soins prescrits, de fixer une date de consolidation et, le cas échéant, le taux d’IPP. Il lui était également demandé de statuer sur l’imputabilité des soins éventuels après la date de consolidation.

Il s’en déduit qu’antérieurement à ce compte-rendu définitif du 24 juin 2017 il existait encore un doute pour le médecin et donc pour Mme [V] sur la date à prendre en compte pour la consolidation.

Eu égard à ce dernier rapport, il apparaît que le sinistre a été constitué au jour de la consolidation de l’état de l’assuré, soit le 28 février 2017, et que la connaissance par Mme [V] de la réalisation de son dommage était le 24 juin 2017, date du certificat définitif de l’expert agréé par l’Agence Régionale de Santé, constatant la consolidation de son état médical.

Dès lors que, pour les besoins de la prescription biennale et la détermination de son point de départ, cette connaissance doit s’analyser en fonction des informations dont disposait Mme [V], il importe peu que le rapport du docteur [N] n’ait pas été établi au contradictoire de la MAIF.

La date du 30 décembre 2008 invoquée par la MAIF, qui est celle du fait générateur, ne peut donc être retenue puisqu’elle ne correspond pas à la consolidation.

La date du 30 mars 2009, qui correspond à la date de consolidation fixée par le docteur [X] a été portée à la connaissance de Mme [V] bien postérieurement au certificat du docteur [N] du 24 juin 2017, le rapport du docteur [C] étant daté du 28 mars 2020.

Mme [V] disposait par conséquent d’un délai de deux ans à compter du 24 juin 2017 pour réclamer la garantie de l’assureur.

Or, il ressort de la généralité des termes de L. 114-2 du Code des assurances, invoqué par Mme [V] dans ses conclusions d’incident, que toute désignation d’expert ou d’un technicien, à la suite d’un sinistre, par une compagnie d’assurance, a un effet interruptif de prescription (Cass. 1re civ. 4 mars 1997, Bull. civ. I, n° 7).

Il résulte de ces dispositions que la désignation de l’expert a pour seul effet d’interrompre le délai biennal de prescription, qui recommence à courir à compter de cette désignation, et non d’en suspendre les effets pendant la durée des opérations d’expertise.

En conséquence de quoi, c’est la désignation de l’expert et non la fin de l’expertise ou le dépôt du rapport qui constitue l’acte interruptif de sorte que la prescription est interrompue au jour de cette désignation et recommence à courir ce même jour.

En l’espèce, il apparaît que la MAIF a désigné M. le docteur [K] avant l’expiration du délai de prescription le 24 juin 2019 pour un examen réalisé le 14 janvier 2019.

Si un nouveau délai de prescription biennal a couru à compter de cette date, il s’avère que le docteur [H] a examiné Mme [V] à la demande du docteur [K] et de la MAIF le 22 janvier 2019, date de sa désignation.

A la suite du protocole amiable d’expertise médicale du 29 novembre 2019, le docteur [X] a été désigné conjointement à cette date.

Un nouveau délai biennal de prescription a donc couru à compter de cette date jusqu’au 29 novembre 2021.

Le délai de prescription biennale de l’article L. 114-1 du code des assurances est suspendu pendant le temps de saisine du médiateur.

En l’espèce, Mme [V] rapporte la preuve que le conseil qu’elle a mandaté a saisi la Médiation de l’assurance le 30 avril 2021.

La mise en place d’un médiateur par les sociétés d’assurance caractérise la volonté de recourir, par principe, dans l’hypothèse d’un litige, à la médiation, de sorte qu’en l’absence de dispositions conventionnelles contraires, la saisine de son médiateur par lettre d’un cocontractant formalise l’accord écrit prévu à l’article 2238 du code civil, de sorte que la prescription a été suspendue à compter du 30 avril 2021.

Au 30 avril 2021, il restait un délai de prescription à courir jusqu’au 29 novembre 2021 d’une durée de sept mois moins un jour.

Il ressort d’un courrier de la Médiation de l’assurance du 18 mai 2021 produit par Mme [V] qu’il lui a été indiqué que sa demande faisait l’objet d’un nouvel examen avec cette précision que si la réponse ne la satisfaisait pas ou en l’absence de réponse à sa réclamation, à l’issue d’un délai de deux mois, il lui appartiendrait de la saisir.

Le délai de deux mois se terminait le 18 juillet 2021.

En l’espèce, Mme [V] rapporte la preuve que son conseil a saisi la Médiation de l’assurance par une lettre recommandée avec accusé de réception que son représentant a signé le 02 juillet 2021 avec cachet d’entrée de sorte que la suspension s’est poursuivie.

Il ressort d’un courrier de la MAIF adressé au conseil de l’assurée le 22 novembre 2021 que, le 16 novembre 2021, le Médiateur de l’Assurance a fait connaître qu’il ne pouvait examiner la demande dans la mesure où tous les niveaux de traitement de la réclamation prévus par le contrat n’avaient pas été mis en œuvre.

Il est donc acquis que la suspension de la prescription a pris fin le 16 novembre 2021.

Ainsi, postérieurement à la fin de la suspension du délai de prescription le 16 novembre 2021, il s’avère que Mme [V] a signifié son assignation à la MAIF le 28 avril 2022 soit antérieurement à l’expiration du délai de prescription qui était le 15 juin 2022 (16 novembre 2021 + 7 mois moins un jour compte tenu de la suspension).

Dans ces conditions, il y a lieu de rejeter la fin de non-recevoir tirée de la prescription et de déclarer recevable l’action en paiement de l’indemnité d’assurance formée par Mme [V].

Dès lors que la prescription n’est pas acquise, le moyen tirée de la renonciation à celle-ci, qui est sans objet, n’a pas lieu d’être examiné.

Sur la communication de pièces :

Vu les articles 11 alinéa 2, 138, 139, 142 et 788 du Code de procédure civile;

a) Sur les arrêts de travail antérieurs à l’année 2018

La société d’assurance MAIF sollicite la communication sous astreinte par Mme [V] de l’ensemble de ses relevés annuels d’arrêt de travail antérieurs à l’année 2008.

Mme [V] demande à bénéficier de la garantie « Protection corporelle professionnelle » du contrat d’assurance laquelle est définie, dans les conditions générales, comme suit : « Accident de travail ou de service ou maladie professionnelle, survenu(e) dans le cadre de l’activité professionnelle garantie et reconnu(e) comme tel(le) par l’autorité compétente ». Il est indiqué que la « protection corporelle professionnelle contribue à réparer les dommages corporels résultants : d’un accident en relation directe et exclusive avec l’activité professionnelle garantie par ce contrat ». En outre, le contrat stipule que : «Les prestations vous restent acquises si ces affections sont reconnues comme maladie professionnelle ou comme accident de travail ou de service par l’autorité compétente ».

S’agissant d’un accident en relation directe et exclusive avec l’activité professionnelle garantie par ce contrat, une partie est légitime à disposer des éléments permettant d’apprécier ce lien de causalité.

Néanmoins, en l’espèce, il ressort du courrier du 17 mai 2019 adressé par la MAIF à Mme [V] que les parties ont entendu mettre en œuvre un arbitrage en désignant un tiers expert de sorte, comme indiqué expressément dans la correspondance, que les conclusions de ce tiers arbitre s’imposent à Mme [V] et à la MAIF. Le 29 novembre 2019 les parties ont signé le compromis d’arbitrage médical amiable.

Les parties admettent dans leurs écritures d’incident qu’elles ont entendu s’en remettre à l’analyse de l’expert arbitre pour déterminer le taux d’IPP à retenir, les souffrances endurées, les préjudices esthétiques, d’agrément et sexuel, les préjudices professionnels, une fois la date de consolidation déterminée.

L’effet s’attachant à la convention d’arbitrage et à l’expertise médicale réalisée en vertu de celle-ci revêt une autorité de chose jugée.

Dans ces conditions, la MAIF ne pouvant plus contester à l’évidence les conclusions résultant du rapport du docteur [X] du 28 mars 2020, qui avaient pour objet de permettre à ce dernier d’émettre un avis médical sur l’état de santé de Mme [V] au regard des conditions médicales de mise en œuvre des garanties, la demande de production de pièce n’apparaît pas utile à la solution du litige. Elle sera rejetée.

b) Sur les demandes de pièces justificatives des faits du 18 janvier 2013

La société d’assurance relève que notamment dans les rapports du docteur [C], Mme [V] a dénoncé d’autres faits que ceux de décembre 2008, datés de 2013. Elle s’estime fondée à demander sous astreinte à Mme [V] de « produire tout justificatif se rapportant aux événements survenus le 18 janvier 2013, en particulier la plainte ou déclaration de main-courante régularisée ».

Le juge de la mise en état ne peut statuer sur une demande de communication de pièces que dans le cas où celles-ci peuvent être identifiées. En l’espèce, il ne pourrait donc s’agir que de la plainte ou de la main courante.

Or, il ressort du rapport du docteur [X] que, pour établir ses conclusions, celui-ci a pris connaissance des deux expertises du docteur [C] des 25 avril 2013 et 19 mars 2013, qu’il a analysé l’arrêt de travail de 2013 et les événements qui en sont à l’origine et a conclu en faisant la part entre les troubles réactionnels spécifiques des faits du 30 décembre 2008 par rapport à d’autres événements dont ceux de 2013 (les congés longues durée à partir de 2013 figurent dans la partie examen).

Par voie de conséquence, la demande de production de pièce n’apparaît pas utile à la solution du litige. Elle sera rejetée.

L’instruction de l’affaire se poursuivra comme indiqué au dispositif de la présente ordonnance.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile :

Selon l’article 696 du code de procédure civile, « La partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie. »

L’article 700 du code de procédure civile, « Le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer : 1° A l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. »

Dès lors que la société d’assurance mutuelle Mutuelle assurance des instituteurs de France (MAIF) succombe, il y a lieu de la condamner aux dépens de l’incident ainsi qu’à payer à Mme [Y] [V] la somme de 1500 € au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

La demande formée par la société d’assurance mutuelle Mutuelle assurance des instituteurs de France (MAIF) au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile sera rejetée.

Sur l’exécution provisoire ;

Le décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 réformant la procédure civile a instauré le principe de l’exécution provisoire de droit. Les dispositions du décret relatives à l’exécution provisoire de droit sont applicables aux instances introduites à compter du 1er janvier 2020. Tel est le cas en l’espèce pour une instance introduite par RPVA le 02 mai 2022.

PAR CES MOTIFS

Nous, Michel ALBAGLY, Premier Vice-Président, Juge de la Mise en état, après en avoir délibéré, statuant publiquement par ordonnance contradictoire, susceptible d’appel sur la prescription, par mesure d’instruction judiciaire sur la communication de pièces ;

REJETONS la fin de non-recevoir tirée de la prescription présentée par la société d’assurance mutuelle MAIF ;

DECLARONS recevable l’action en paiement de l’indemnité d’assurance formée par Mme [V] ;

REJETONS les demandes de communication de pièces ;

CONDAMNONS la société d’assurance mutuelle Mutuelle assurance des instituteurs de France (MAIF) prise en la personne de son représentant légal aux dépens de l’incident ainsi qu’à payer à Mme [Y] [V] la somme de 1500 € au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

REJETONS la demande formée par la société d’assurance mutuelle Mutuelle assurance des instituteurs de France (MAIF) prise en la personne de son représentant légal au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

RENVOYONS la cause et les parties à l’audience du juge de la mise en état qui se tiendra le Mardi 07 janvier 2025 à 9 heures (mise en état silencieuse – Bureau du juge M. [P]) pour les conclusions de la société d’assurance mutuelle Mutuelle assurance des instituteurs de France (MAIF) ;

DISONS que l’exécution provisoire de la présente ordonnance est de droit.

Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition au greffe le 21 novembre 2024 par Monsieur Michel ALBAGLY, Premier Vice-Président, assisté de Madame Caroline LOMONT, Greffier.

Le Greffier Le Juge de la mise en état


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