L’Essentiel : La SASU AQUITAINE DECORS PEINTURE a été engagée par la SCCV [Adresse 2] pour des travaux de peinture, réceptionnés en mai 2014. En mai 2016, elle a réclamé un solde de 31 689,54 euros TTC, mais la SCCV a contesté cette demande pour cause de prescription. Le juge a confirmé que le délai de prescription de cinq ans avait débuté le 13 mai 2014, rendant l’action en paiement irrecevable depuis le 13 mai 2019. En conséquence, la SASU a été condamnée à verser 800 euros à la SCCV pour frais de justice.
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Contexte de l’affaireLa SASU AQUITAINE DECORS PEINTURE a été engagée par la SCCV [Adresse 2] pour réaliser des travaux de peinture, selon un contrat signé le 24 avril 2012. Les travaux ont été réceptionnés par procès-verbaux en mai 2014. Demande de paiementLe 19 mai 2016, la SASU AQUITAINE DECORS PEINTURE a soumis un décompte général définitif à la SCCV [Adresse 2], réclamant un solde de 31 689,54 euros TTC. En décembre 2022, elle a assigné la SCCV pour obtenir le paiement de cette somme et une indemnisation pour préjudice. Arguments de la défenderesseLa SCCV [Adresse 2] a contesté la demande de la SASU AQUITAINE DECORS PEINTURE, invoquant la prescription des demandes de paiement. Elle a demandé au juge de mettre fin à l’instance et de condamner la SASU AQUITAINE DECORS PEINTURE à payer des frais. Réponse de la demanderesseEn réponse, la SASU AQUITAINE DECORS PEINTURE a soutenu que son action était recevable et fondée, arguant que le délai de prescription n’avait pas commencé à courir en raison des conditions stipulées dans le contrat concernant l’acceptation du décompte général. Analyse juridiqueLe juge a examiné les articles du code de procédure civile et du code civil relatifs à la prescription. Il a noté que le délai de prescription de cinq ans avait commencé à courir le 13 mai 2014, date de la réception des travaux, et que l’action en paiement était donc prescrite depuis le 13 mai 2019. Décision du jugeLe juge a déclaré irrecevables les demandes de la SASU AQUITAINE DECORS PEINTURE, condamnant cette dernière à payer 800 euros à la SCCV [Adresse 2] au titre des frais de justice, ainsi qu’aux dépens. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelle est la nature de la fin de non-recevoir invoquée par la SCCV [Adresse 2] ?La SCCV [Adresse 2] invoque une fin de non-recevoir pour cause de prescription des demandes de paiement formulées par la SASU AQUITAINE DECORS PEINTURE. Selon l’article 122 du Code de procédure civile, « Constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée ». Dans ce cas, la SCCV [Adresse 2] soutient que l’action en paiement de la SASU AQUITAINE DECORS PEINTURE est prescrite, car le délai de prescription de cinq ans, prévu par l’article 2224 du Code civil, a expiré. L’article 2224 stipule que « Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer ». Ainsi, la SCCV [Adresse 2] fait valoir que la SASU AQUITAINE DECORS PEINTURE aurait dû connaître les faits permettant d’exercer son action au plus tard le 13 mai 2014, date de la signature des procès-verbaux de réception des travaux. Comment la SASU AQUITAINE DECORS PEINTURE justifie-t-elle le point de départ de la prescription ?La SASU AQUITAINE DECORS PEINTURE soutient que le point de départ de la prescription de son action en paiement n’a pas commencé à courir en raison des conditions stipulées dans le Cahier des Clauses Administratives Particulières (CCAP). L’article 3.15 du CCAP précise que « pour pouvoir prétendre au paiement du solde, les conditions énumérées ci-après doivent être toutes réunies : Le Décompte Général et Définitif doit être accepté par le Maître d’œuvre et le Maître de l’Ouvrage ». Cela signifie que tant que le décompte général n’est pas accepté, la créance de la SASU AQUITAINE DECORS PEINTURE n’est pas exigible, et donc le délai de prescription ne commence pas à courir. Cependant, le tribunal a noté que cet article ne prévoit pas que le délai de prescription soit différé en raison de l’achèvement des travaux ou de l’exécution des prestations. Il a également été précisé que le fait que certaines réserves n’aient pas été levées ne constitue pas une cause de suspension ou d’interruption de la prescription de la demande en paiement. Quelles sont les conséquences de la décision du juge de la mise en état ?Le juge de la mise en état a déclaré irrecevables les demandes de la SASU AQUITAINE DECORS PEINTURE, en raison de la prescription de son action en paiement. Cette décision repose sur le fait que le délai de prescription de cinq ans, prévu par l’article 2224 du Code civil, a commencé à courir le 13 mai 2014, date à laquelle la SASU AQUITAINE DECORS PEINTURE a eu connaissance des faits lui permettant d’exercer son action. En conséquence, l’action se trouve prescrite depuis le 13 mai 2019. Le juge a également condamné la SASU AQUITAINE DECORS PEINTURE à payer à la SCCV [Adresse 2] la somme de 800 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, qui prévoit que « la partie perdante peut être condamnée à payer à l’autre partie une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ». Enfin, la SASU AQUITAINE DECORS PEINTURE a été condamnée aux dépens, ce qui signifie qu’elle devra également supporter les frais de la procédure. |
7EME CHAMBRE CIVILE
INCIDENT
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BORDEAUX
7EME CHAMBRE CIVILE
50B
N° RG 22/09682
N° Portalis DBX6-W-B7G-XJ2O
N° de Minute 2025/
AFFAIRE :
SASU AQUITAINE DECORS PEINTURE
C/
SCCV [Adresse 2]
Grosse Délivrée
le :
à
SAS DELTA AVOCATS
AARPI RIVIERE – DE KERLAND
ORDONNANCE DU JUGE DE LA MISE EN ETAT
Le SEIZE JANVIER DEUX MIL VINGT CINQ
Nous, Madame BOULNOIS, Vice-Président, Juge de la Mise en état de la 7ème Chambre Civile,
assistée de Monsieur ROUCHEYROLLES, Greffier,
DEMANDERESSE
SASU AQUITAINE DECORS PEINTURE
[Adresse 3]
[Adresse 3]
représentée par Me Fernando SILVA de la SAS DELTA AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX
DÉFENDERESSE
SCCV [Adresse 2]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représentée par Me Vianney LE COQ DE KERLAND de l’AARPI RIVIERE DE KERLAND, avocat au barreau de BORDEAUX
Suivant marché de travaux en date du 24 avril 2012, la SCCV [Adresse 2] a confié à la SASU AQUITAINE DECORS PEINTURE des travaux de peinture.
Des procès-verbaux de réception datés des 20 février 25 mars et 30 avril 2014 ont été signés le 13 mai 2014, notamment par la SASU AQUITAINE DECORS PEINTURE.
Le 19 mai 2016, la SASU AQUITAINE DECORS PEINTURE a adressé à la SCCV [Adresse 2] un décompte général définitif faisant apparaître un solde dû d’un montant de 31 689,54 euros TTC.
Par acte en date du 19 décembre 2022, la SASU AQUITAINE DECORS PEINTURE a fait assigner au fond la SCCV [Adresse 2] aux fins de la voir condamnée à lui payer le solde de son marché et à l’indemniser d’un préjudice.
Suivant conclusions d’incidents notifiées par voie électronique le 11 mai 2023 et le 23 novembre 2023, la SCCV [Adresse 2] demande au juge de la mise en état de :
Vu les articles 122 et 789 du code de procédure civile,
– Prononcer une fin de non-recevoir pour cause de prescription des demandes de paiement formulées par l’assignation du 19 décembre 2022,
– Mettre fin à l’instance ;
– Condamner la société ADP au paiement d’une somme de 1500 Euros sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile.
– La condamner aux entiers dépens.
Suivant dernières conclusions notifiées par voie électronique le 22 novembre 2023, la SASU AQUITAINE DECORS PEINTURE demande au Tribunal de :
Vu les articles 1103, 1104 ; 1231-1, 2224, 2240, 2254 du Code civil, Vu les articles 122 et 700 du Code de procédure civile,
DECLARER la Société AQUITAINE DECORS PEINTURE recevable et bien fondée en son action,
En conséquence,
DEBOUTER la SCCV [Adresse 2] de sa demande visant à voir déclarer irrecevable l’action initiée par la Société AQUITAINE DECORS PEINTURE car prescrite,
CONDAMNER la SCCV [Adresse 2] au paiement de la somme de 1.500 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile
CONDAMNER la SCCV [Adresse 2] aux entiers dépens,
L’article 789 du code de procédure civile dispose que : « Lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu’à son dessaisissement, seul compétent, à l’exclusion de toute autre formation du tribunal, pour :
1° Statuer sur les exceptions de procédure, les demandes formées en application de l’article 47 et les incidents mettant fin à l’instance
Les parties ne sont plus recevables à soulever ces exceptions et incidents ultérieurement à moins qu’ils ne surviennent ou soient révélés postérieurement au dessaisissement du juge ;
(…)
6°Statuer sur les fins de non-recevoir (…)
Les parties ne sont plus recevables à soulever ces fins de non recevoir au cours de la même instance à moins qu’elles ne surviennent ou ne soient révélées postérieurement au dessaisissement du juge de la mise en état ».
Aux termes de l’article 122 du code de procédure civile : « Constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée ».
En application de l’article 2224 du code civil, « Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer ».
L’article 2254 du code civil prévoit que : « La durée de la prescription peut être abrégée ou allongée par accord des parties. Elle ne peut toutefois être réduite à moins d’un an ni étendue à plus de dix ans. Les parties peuvent également, d’un commun accord, ajouter aux causes de suspension ou d’interruption de la prescription prévues par la loi. Les dispositions des deux alinéas précédents ne sont pas applicables aux actions en paiement ou en répétition des salaires, arrérages de rente, pensions alimentaires, loyers, fermages, charges locatives, intérêts des sommes prêtées et, généralement, aux actions en paiement de tout ce qui est payable par années ou à des termes périodiques plus courts ».
Il y a lieu de prendre en compte la date de la connaissance des faits qui permet au professionnel d’exercer son action, laquelle est caractérisée, hormis les cas où le contrat ou la loi en disposent autrement, par l’achèvement des travaux ou l’exécution des prestations, cette circonstance rendant sa créance exigible (1re Civ., 19 mai 2021, pourvoi n°20-12.520, 3e Civ., 1er mars 2023, pourvoi n°21-23.176 ).
La SCCV [Adresse 2] a fait délivrer assignation en référé à la SASU AQUITAINE DECORS PEINTURE le 31 mars 2015, assignation en référé ayant donné lieu à une ordonnance de désignation d’expert en date du 02 novembre 2015.
N° RG 22/09682 – N° Portalis DBX6-W-B7G-XJ2O
Cependant, il n’est pas contesté que le premier acte interruptif de prescription relativement à la demande en paiement est l’assignation du 19 décembre 2022, la SASU AQUITAINE DECORS PEINTURE n’ayant pas dans le cade de la procédure de référé présenté de demandes en paiement par conclusions ou assignation.
La SASU AQUITAINE DECORS PEINTURE fait valoir que le point de départ de la prescription de l’action en paiement du décompte général définitif n’a pas commencé à courir dans la mesure où les termes du CCAP prévoient notamment que celui-ci doit être accepté par le maître d’œuvre et instaurent une procédure notamment quant à la levée des réserves.
L’article 3.15 du CCAP stipule quant à la procédure d’établissement du décompte général définitif : « Par dérogation à la norme NF P 03.001 et notamment à ses articles 19.6.2, 20.4.1 et 20.4.2, le Décompte Général et Définitif est réglé de la manière suivante : pour pouvoir prétendre au paiement du solde, les conditions énumérées ci-après doivent être toutes réunies :
• Le Décompte Général et Définitif doit être accepté par le Maître d’œuvre et le Maître de l’Ouvrage. Il est précisé que par dérogation à la Norme NF P 03.001 et notamment à ses articles 19.6.2, 20.4.1 et 20.4.2 conjugués, la notification d’un Décompte Général et Définitif proposé par l’Entreprise directement au maître d’œuvre n’a aucune valeur juridique.
Ainsi le décompte n’est pas réputé accepté même s’il est présenté par l’entrepreneur et que le Maître d’œuvre et le Maître de l’ouvrage restent silencieux plus de 30 jours, et ce en dérogation à l’Article 19.6.2. de même, par dérogation aux articles 19.6.2 et 20.4.1, l’entrepreneur ne pourra se prévaloir de ce que le Décompte Général et Définitif est réputé accepté ni prétendre à un quelconque règlement sur la base de sa proposition.
• Retourner une proposition de Décompte Général et Définitif dans les 15 jours suivant la réception du marché pour avis du Maître de l’ouvrage. Le document à remplir est annexé au présent CCAP.
• Avoir levé l’ensemble des réserves notifiées au Procès-Verbal de réception ainsi que celles mentionnées sur la lettre à un mois.
• Avoir levé l’ensemble des réserves au Bureau de contrôle afin que ce dernier soit en mesure de fournir au Maître d’ouvrage un rapport de fin de chantier vierge d’observations.
• Avoir transmis l’ensemble des exemplaires de son Dossier des Ouvrages Exécutés.
Il est rappelé que l’ensemble de ces conditions doit être rempli pour que le Maître d’œuvre traite le décompte Général et Définitif de l’entrepreneur. Le paiement du solde se décalera d’autant.
Passé le délai contractuel de levée de réserves, le décompte restera pendant jusqu’à son règlement total par des intervenants extérieurs des conditions non remplies par l’entrepreneur défaillant. Ce n’est qu’à l’issue du solde des conditions du traitement du Décompte Général et Définitif que le Maître d’œuvre sera en mesure d’établir une nouvelle proposition de Décompte Général et Définitif, les montants correspondants aux prestations des intervenants extérieurs suite à la défaillance de l’Entreprise ne pouvant être connus qu’après exécution. Dans l’intervalle, l’Entreprise ne pourra prétendre à aucun règlement et subira à l’issue les déductions afférentes. Également, les pénalités prévues au marché courant, le Maître d’ouvrage restant seul décisionnaire de leur application ».
Cependant, cet article ne prévoit pas que le délai de prescription soit différé relativement à l’achèvement des travaux ou l’exécution des prestations, précisant notamment que l’entrepreneur doit retourner une proposition de Décompte Général et Définitif dans les 15 jours suivant la réception du marché pour avis du Maître de l’ouvrage.
Le fait que certaines réserves n’aient pas été levées ne constitue pas une cause de suspension ou d’interruption de la prescription de la demande en paiement.
Enfin, le projet de protocole transactionnel n’est pas interruptif de prescription dans la mesure où il n’a pas été accepté et signé par les parties.
En conséquence, le délai de l’action en paiement de la SASU AQUITAINE DECORS PEINTURE a commencé à courir le 13 mai 2014 et l’action se trouve prescrite depuis le 13 mai 2019.
Dès lors il y a lieu de déclarer irrecevables les demandes de la SASU AQUITAINE DECORS PEINTURE.
Celle-ci sera tenue aux dépens et au titre de l’équité, condamnée à payer à la SCCV [Adresse 2] la somme de 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Le juge de la mise en état,
DÉCLARE irrecevables les demandes de la SASU AQUITAINE DECORS PEINTURE.
CONDAMNE la SASU AQUITAINE DECORS PEINTURE à payer à la SCCV [Adresse 2] la somme de 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
CONDAMNE la SASU AQUITAINE DECORS PEINTURE aux dépens.
La présente décision est signée par Madame BOULNOIS, Vice-Président, Juge de la Mise en état de la 7ème Chambre Civile, et par Monsieur ROUCHEYROLLES, Greffier.
LE GREFFIER LE JUGE DE LA MISE EN ÉTAT
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