Prescription de l’action subrogatoire en matière d’indemnisation des victimes d’accidents de la circulation

·

·

Prescription de l’action subrogatoire en matière d’indemnisation des victimes d’accidents de la circulation

L’Essentiel : Madame [D] [V] a été impliquée dans un accident de la circulation le 15 décembre 2010, entraînant l’annulation de son contrat d’assurance avec AXA France IARD par la Cour d’Appel d’Aix-en-Provence en 2015. Le 29 juin 2023, le Fonds de Garantie a exigé le remboursement de 103.256,18 euros versés à la victime. Contestant cette demande, Madame [D] [V] a argué de la prescription de l’action subrogatoire, tout en réclamant 2500 euros pour ses frais de justice. Le tribunal a finalement déclaré l’action irrecevable, chaque partie devant supporter ses propres dépens.

Contexte de l’accident

Madame [D] [V] a été impliquée dans un accident de la circulation survenu le 15 décembre 2010 à [Localité 5]. Suite à cet incident, son contrat d’assurance avec AXA France IARD a été annulé par la Cour d’Appel d’Aix-en-Provence le 24 septembre 2015.

Demande de remboursement

Le 29 juin 2023, le Fonds de Garantie des Assurances Obligatoires de Dommages a mis en demeure Madame [D] [V] de rembourser la somme de 103.256,18 euros, versée à la victime de l’accident. En réponse, Madame [D] [V] a assigné le Fonds devant le Tribunal judiciaire de Nice, contestant la légitimité de cette demande.

Arguments de la défense

Dans ses conclusions, Madame [D] [V] a soutenu que l’action subrogatoire du Fonds était prescrite, car plus de dix ans s’étaient écoulés depuis la date de consolidation de la victime, fixée au 15 juin 2012. Elle a également demandé une indemnité de 2500 euros pour ses frais de justice.

Réponse du Fonds de Garantie

Le Fonds de Garantie a contesté la demande de Madame [D] [V], arguant que ses droits étaient toujours valides en vertu de l’article L.421-3 du Code des Assurances. Il a demandé à ce que Madame [D] [V] soit déboutée de sa demande et qu’elle soit condamnée à lui verser 1.000 euros pour ses frais.

Décision du tribunal

Le tribunal a statué que l’action subrogatoire du Fonds était prescrite, car la mise en demeure avait été faite plus de onze ans après la consolidation de la victime. En conséquence, l’action a été déclarée irrecevable. Le tribunal a également décidé qu’il n’y avait pas lieu d’appliquer les dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile, chaque partie devant supporter ses propres dépens.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la nature de l’action subrogatoire exercée par le Fonds de Garantie des Assurances Obligatoires de Dommages ?

L’action subrogatoire exercée par le Fonds de Garantie des Assurances Obligatoires de Dommages (FGAO) est fondée sur l’article L.421-3 du Code des Assurances, qui stipule que :

« Le Fonds de garantie est subrogé dans les droits que possède le créancier de l’indemnité contre la personne responsable de l’accident. »

Cette disposition permet au FGAO de récupérer les sommes qu’il a versées à la victime de l’accident en se substituant à celle-ci dans ses droits contre le responsable.

En l’espèce, le FGAO a versé une indemnité à la victime, Monsieur [I] [Y], et cherche à obtenir le remboursement de cette somme de la part de Madame [D] [V], considérée comme responsable de l’accident.

Quelles sont les conséquences de la prescription sur l’action subrogatoire ?

La prescription de l’action subrogatoire est régie par l’article 2226 du Code civil, qui dispose que :

« L’action en responsabilité, née à raison d’un événement ayant entraîné un dommage corporel, se prescrit par dix ans à compter de la date de la consolidation du dommage. »

Dans le cas présent, la date de consolidation de la victime a été fixée au 15 juin 2012. Le FGAO a mis en demeure Madame [D] [V] le 29 juin 2023, soit plus de onze ans après la consolidation.

Ainsi, l’action subrogatoire du FGAO est déclarée prescrite, car elle a été engagée après l’expiration du délai de dix ans prévu par la loi.

Quels articles du Code de procédure civile sont pertinents pour la fin de non-recevoir ?

Les articles pertinents du Code de procédure civile concernant la fin de non-recevoir sont les suivants :

– **Article 789 alinéa 6** : « Lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu’à son dessaisissement, seul compétent, à l’exclusion de toute autre formation du tribunal, pour statuer sur les fins de non-recevoir. »

– **Article 122** : « Constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée. »

Dans cette affaire, Madame [D] [V] a soulevé la prescription comme fin de non-recevoir, ce qui a conduit le juge à examiner la recevabilité de l’action du FGAO.

Quelles sont les implications de l’annulation du contrat d’assurance sur l’action du FGAO ?

L’annulation du contrat d’assurance de Madame [D] [V] par la Cour d’Appel d’Aix-en-Provence le 24 septembre 2015 a des implications significatives sur l’action du FGAO. En effet, l’article L.421-3 du Code des Assurances précise que le FGAO est subrogé dans les droits du créancier de l’indemnité.

Cependant, si le contrat d’assurance est annulé, cela peut affecter la capacité du FGAO à se retourner contre l’assuré pour récupérer les sommes versées.

Dans ce cas, bien que le FGAO ait versé une indemnité à la victime, l’annulation du contrat d’assurance pourrait limiter les recours disponibles contre Madame [D] [V], surtout si cette annulation est fondée sur des éléments qui remettent en cause sa responsabilité.

Quelles sont les conséquences de la décision du juge de la mise en état ?

La décision du juge de la mise en état a des conséquences importantes. En déclarant l’action subrogatoire du FGAO irrecevable comme prescrite, le juge a statué sur la fin de non-recevoir soulevée par Madame [D] [V].

Cela signifie que le FGAO ne peut pas récupérer les sommes versées à la victime, car le délai de prescription de dix ans a été dépassé.

De plus, le juge a décidé qu’il n’y avait pas lieu à application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile, ce qui implique que chaque partie conserve la charge de ses dépens, sans indemnisation pour les frais engagés.

Cour d’Appel d’Aix en Provence
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE NICE

3ème Chambre civile
Date : 06 Janvier 2025

MINUTE N°24/
N° RG 23/03697 – N° Portalis DBWR-W-B7H-PGFY

Affaire : [D] [V]
C/ Organisme FONDS DE GARANTIE DES ASSURANCES OBLIGATOIRE

ORDONNANCE DE MISE EN ETAT

Nous, Corinne GILIS, Juge de la Mise en Etat, assistée de Louisa KACIOUI, Greffier

DEMANDERESSE À L’INCIDENT ET AU PRINCIPAL :
Mme [D] [V]
[Adresse 2]
[Localité 1]
représentée par Me Elise GHERSON, avocat au barreau de NICE, avocat plaidant

DEFENDERESSE À L’INCIDENT ET AU PRINCIPAL:
Organisme FONDS DE GARANTIE DES ASSURANCES OBLIGATOIRE
[Adresse 3]
[Localité 4]
représentée par Maître David GERBAUD-EYRAUD de la SELARL TGE, avocats au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, avocats plaidant

Vu les articles 789 et suivants du Code de Procédure Civile,
Vu les conclusions régulièrement signifiées,
Ouïe les parties à notre audience du 05 Novembre 2024

La décision ayant fait l’objet d’une mise à disposition au 06 Janvier 2025 a été rendue le 06 Janvier 2025 par Madame Corinne GILIS Juge de la Mise en état, assisté de Madame Audrey LETELLIER-CHIASSERINI, Greffier,

Grosse :Me Elise GHERSON
, Maître David GERBAUD-EYRAUD de la SELARL TGE

Expédition :

Le

EXPOSE DU LITIGE

Madame [D] [V] a été impliquée dans un accident de la circulation intervenu le 15 décembre 2010 à [Localité 5].

Son contrat d’assurance AXA France IARD a fait l’objet d’une annulation par une décision de la Cour d’Appel d’Aix-en-Provence du 24 septembre 2015.

Par lettre recommandée avec avis de réception du 29 juin 2023, le Fonds de Garantie des Assurances Obligatoires de Dommages a mis en demeure Madame [D] [V] de lui rembourser la somme de 103.256, 18 euros versée en ses lieux et place à la victime de l’accident de la circulation intervenu le 15 décembre 2010.

Par acte de Commissaire de justice signifié le 27 septembre 2023, Madame [D] [V] a assigné le Fonds de garantie des Assurances Obligatoires de Dommages devant le Tribunal judiciaire de Nice aux fins qu’il soit jugé qu’il n’est pas fondé à exercer un recours subrogatoire à son encontre et qu’il soit débouté de sa demande de paiement.

Par conclusions d’incident notifiées par voie électronique le 20 mars 2024, Madame [D] [V] demande au Juge de la mise en état de juger que l’action subrogatoire initiée par le Fonds est prescrite, plus de dix ans s’étant écoulés depuis la date de consolidation de la victime de l’accident litigieux, fixé par l’expert au 15 juin 2012. Elle sollicite la condamnation du FONDS DE GARANTIE à lui payer une somme de 2500 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et sa condamnation aux dépens.

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 28 mars 2024, le Fonds de Garantie des Assurances Obligatoires de Dommages demande au Juge de la mise en état de :
– Débouter Madame [D] [V] de sa demande tendant à faire constater la forclusion,
– La condamner à payer au FONDS DE GARANTIE une indemnité de 1 000 euros au titre de ses frais répétibles sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile.
– La condamner aux entiers dépens.

Il est renvoyé pour un plus ample exposé du litige aux conclusions susvisées en application de l’article 455 du Code de procédure civile.

L’incident a été appelé à l’audience du 5 novembre 2024 mis en délibéré par mise à disposition au greffe au 6 janvier 2025.

MOTIFS DE LA DECISION

Selon les dispositions de l’article 789 alinéa 6 du Code de procédure civile, lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu’à son dessaisissement, seul compétent, à l’exclusion de toute autre formation du tribunal, pour statuer sur les fins de non-recevoir.

Aux termes de l’article 122 de ce même code, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

Madame [D] [V] expose qu’il ressort du jugement correctionnel du 11 janvier 2017 que l’expert judiciaire qui a déposé son rapport le 28 octobre 2013 a arrêté la date de consolidation de la victime de l’accident au 15 janvier 2012 et que la mise en demeure du Fonds d’avoir à rembourser la somme 103.256,18 euros date du 29 juin 2023, soit plus de 11 ans après la consolidation de la victime, de sorte que l’action en subrogation initiée est prescrite.

Le fonds expose que par application de l’article L.421-3 du Code des Assurances, il est subrogé dans les droits que possède le créancier de l’indemnité contre la personne responsable de l’accident. Il précise en outre que les droits de la victime, Monsieur [I] [Y], fondant son action récursoire, ont été fixés par le jugement du Tribunal correctionnel de Nice du 11 janvier 2017.

Il précise enfin que par application de l’article L.111-4 du Code des Procédures Civiles d’Exécution, l’exécution de ce jugement peut être poursuivie pendant dix ans et que ce faisant ni à la date de la mise en demeure, ni à la date des conclusions portant demande reconventionnelle déposées le 5 janvier 2024, la prescription n’était acquise.

Il ressort des éléments versés au débat que Madame [D] [V] a été impliquée dans un accident de la circulation intervenu le 15 décembre 2010 à [Localité 5].

Il ressort des éléments produits que son contrat d’assurance AXA France IARD a fait l’objet d’une annulation par une décision de la Cour d’Appel d’Aix-en-Provence du 24 septembre 2015 confirmant un jugement du Tribunal de grande instance de Nice du 13 mars 2014.

Il ressort également des pièces versées que par jugement du 8 avril 2014, le Tribunal correctionnel de Nice a condamné Madame [D] [V] pour blessures involontaires sous l’empire d’un état alcoolique suite à l’accident survenu le 15 décembre 2010.

De même, il ressort des éléments produits que par jugement rendu sur intérêts civils le 11 janvier 2017, il a été alloué à Monsieur [I] [Y] la somme de 103.221 euros dont à déduire les provisions déjà versées.

Il ressort des éléments produits et notamment des courriers du 19 janvier 2017 et du 5 juin 2018 que le Fonds a réglé à Monsieur [I] [Y] la somme qui lui a été allouée par le Tribunal correctionnel de Nice augmentée des intérêts légaux et a procédé au remboursement de la somme de 14.000 euros à la compagnie AXA France IARD au titre des indemnités provisionnelles par elle réglées à la victime.

Enfin, il ressort des pièces produites au débat que par lettre recommandée avec avis de réception du 29 juin 2023, le Fonds de Garantie des Assurances Obligatoires de Dommages a mis en demeure Madame [D] [V] de lui rembourser la somme de 103.256, 18 euros versée en ses lieux et place à la victime de l’accident de la circulation intervenu le 15 décembre 2010.

Il résulte de l’article 2226 du code civil que l’action en responsabilité, née à raison d’un événement ayant entraîné un dommage corporel, se prescrit par dix ans à compter de la date de la consolidation du dommage, initial ou aggravé, de la victime directe ou indirecte des préjudices. Il s’ensuit que l’action subrogatoire du FGAO en remboursement des sommes versées à la victime est soumise à la même règle.

En l’espèce, il est constaté que la consolidation de l’état de santé de la victime, Monsieur [I] [Y], a été fixée au 15 juin 2012 par le médecin expert dans son rapport du 28 octobre 2013 et que le FGAO a sollicité, par mise en demeure du 29 juin 2023, le remboursement par Madame [D] [V] de la somme de 103.256,18 euros, versées en réparation du préjudice corporel de Monsieur [Y] qui résultait de l’accident du 15 décembre 2010.
Il en résulte que plus de onze ans s’étant écoulés entre ces deux événements, la demande formée a titre subrogatoire par le FGAO contre Madame [D] [V] est prescrite.

En conséquence, doit être déclarée irrecevable comme prescrite l’action exercée par le FGAO à l’encontre de Madame [D] [V].

Il n’y a pas lieu à application des dispositions de l’article 700 du CPC au profit de l’une quelconque des parties. Chacune des parties conservera la charge de ses dépens.

PAR CES MOTIFS

Nous, Juge de la mise en État, statuant par mise à disposition au greffe, par ordonnance contradictoire et susceptible d’appel,

Déclarons irrecevable comme prescrite l’action subrogatoire exercée par le FGAO à l’encontre de Madame [D] [V];

Disons n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Disons que chacune des parties conserve la charge de ses dépens,

Et la juge de la mise en état a signé avec la greffière.

LA GREFFIÈRE LA JUGE DE LA MISE EN ETAT


Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Chat Icon