Photographies de mariage : responsabilité du photographe engagée

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Photographies de mariage : responsabilité du photographe engagée

Dans le cadre du contrat de commande de couverture photographique et vidéo d’un mariage, le photographe a l’obligation de fournir des clichés de qualité et procéder à une sélection de ces derniers, sous peine de voir sa responsabilité engagée.

Obligations du photographe  

Le devis établi prévoyait les prestations suivantes :

— mise en ligne des photos choisies par les clients sur un ‘blog’ personnel,

— réalisation d’un ‘book’ (20 pages offertes en grand format de luxe)

— réalisation d’un DVD en fond musical des photos sélectionnées,

— montage d’un film en version longue et en format clip, sous pochette en trois éditions,

— et fourniture d’un ‘DVD master’ contenant toutes les photographies en haute définition et libres de droits.

Seule la dernière prestation leur a été fournie, sous la forme de deux DVD contenant près de 2.000 photographies en vrac et difficilement sélectionnables en raison de la mauvaise qualité de l’image.

Manquements du photographe

Le photographe n’a produit aucun élément de nature à contredire ces affirmations, et a reconnu qu’il n’a pas fourni l’ensemble des prestations prévues au contrat, alors qu’aux termes de son courrier il s’était engagé à effectuer lui-même la sélection des clichés en l’absence de choix de la part de ses clients.

Il ne pouvait donc pas invoquer la carence des époux pour s’exonérer de sa propre responsabilité.

Responsabilité contractuelle du photographe

En vertu des dispositions de l’article 1184 (ancien) du code civil, dans sa rédaction applicable au présent litige, la partie au contrat envers laquelle l’engagement n’a pas été rempli conserve le droit d’en poursuivre en justice l’exécution forcée lorsque celle-ci demeure possible, comme tel est le cas en l’espèce.

Le photographe a été condamné à fournir aux époux lésés l’ensemble des prestations prévues au contrat, sous peine d’astreinte, ainsi qu’à leur payer une somme de 500 euros en réparation de leur préjudice moral.

Pour rappel, en vertu des dispositions de l’article 1147 (ancien) du code civil, dans leur rédaction antérieure à l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 10 février 2016 et applicable, le débiteur est condamné à raison de l’inexécution de son obligation toutes les fois qu’il ne justifie pas que celle-ci provient d’une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu’il n’y ait aucune mauvaise foi de sa part.

C’est à bon droit que les époux ont fait valoir qu’en exigeant que soit rapportée la preuve d’une faute du photographe, le premier juge a ajouté aux conditions prévues par ce texte, alors qu’il incombe au contraire au photographe de rapporter la preuve d’une cause exonératoire de responsabilité.

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
 
COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-8
ARRÊT DU 19 OCTOBRE 2022
 
N° 2022/ 464
 
N° RG 20/10797
 
N° Portalis DBVB-V-B7E-BGPQK
 
[G] [O]
 
[J] [X] épouse [O]
 
C/
 
[P] [F]
 
Décision déférée à la Cour :
 
Jugement du Tribunal d’Instance de NICE en date du 08 Novembre 2018 enregistrée au répertoire général sous le n° 1117001049.
 
APPELANTS
 
Monsieur [G] [O]
 
né le 19 Juillet 1933 à [Localité 5], demeurant [Adresse 2]
 
Madame [J] [X] épouse [O], demeurant [Adresse 2]
 
représentée par Monsieur le Bâtonnier Thierry TROIN, membre de la SELARL BENSA & TROIN AVOCATS ASSOCIÉS, avocat au barreau de NICE substituée par Me Carla STARACE, avocat au barreau de NICE
 
INTIME
 
Monsieur [P] [F]
 
né le 09 Janvier 1960 à [Localité 4], demeurant [Adresse 1], exerçant à l’enseigne ISO AGENCE DE L’IMAGE
 
représenté par Me Cindy MARAFICO, avocat au barreau de NICE
 
*-*-*-*-*
 
COMPOSITION DE LA COUR
 
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 05 Septembre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Jean-Paul PATRIARCHE, Conseiller, chargé du rapport.
 
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
 
Monsieur Philippe COULANGE, Président
 
Madame Céline ROBIN-KARRER, Conseillère
 
Monsieur Jean-Paul PATRIARCHE, Conseiller
 
Greffier lors des débats : Mme Maria FREDON.
 
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 19 Octobre 2022.
 
ARRÊT
 
Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 19 Octobre 2022, signé par Monsieur Philippe COULANGE, Président et Madame Maria FREDON, greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
 
***
 
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE ANTÉRIEURE
 
Suivant devis transmis le 28 juin 2013, les époux [G] [O] et [J] [X] ont confié à Monsieur [P] [F] la couverture photo et vidéo de leur cérémonie de mariage célébrée le 5 juillet 2013 à [Localité 4] et de la réception qui s’en est suivie le 20 juillet à [Localité 3], moyennant le prix forfaitaire de 3.700 euros TTC qui a été intégralement réglé.
 
Par courrier en date du 20 février 2014, les époux [O] ont mis en demeure le photographe de leur fournir les prestations prévues au contrat.
 
Monsieur [F] leur a répondu par écrit le 4 mars 2014 qu’il leur appartenait au préalable d’effectuer une sélection des clichés qu’ils souhaitaient retenir.
 
La situation étant demeurée en l’état, les époux [O] ont assigné Monsieur [P] [F] à comparaître devant le tribunal d’instance de Nice par acte délivré le 13 avril 2017, afin de l’entendre condamner à exécuter ses obligations sous peine d’astreinte, ainsi qu’à leur payer la somme de 1.500 euros en réparation de leur préjudice moral.
 
Le défendeur a conclu au rejet de cette action et réclamé reconventionnellement paiement d’une somme de 2.000 euros pour procédure abusive, faisant valoir que ses clients n’avaient jamais effectué la sélection demandée, en dépit de plusieurs relances de sa part.
 
Par jugement rendu le 8 novembre 2018, le tribunal a débouté les époux [O] de l’ensemble de leurs prétentions, en retenant qu’il n’était pas établi que l’inexécution des prestations mises à la charge du photographe revêtait un caractère fautif, à défaut de connaître la teneur des échanges intervenus entre les parties postérieurement au 4 mars 2014.
 
Monsieur [F] a été également débouté de sa demande reconventionnelle en dommages-intérêts.
 
Enfin les demandeurs ont été condamnés aux dépens, ainsi qu’au paiement d’une indemnité de 800 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
 
Les époux [O] ont interjeté appel de cette décision par déclaration adressée le 7 novembre 2020 au greffe de la cour, soit juste avant l’expiration du délai de deux ans prévu par l’article 528-1 du code de procédure civile.
 
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
 
Par conclusions notifiées le 6 février 2021, les époux [O] font essentiellement valoir qu’en exigeant que soit rapportée la preuve d’une faute de la part de leur cocontractant, le premier juge a ajouté aux conditions prévues par l’article 1147 (ancien) du code civil, dans sa rédaction applicable au litige.
 
Ils font observer en outre que le devis ne prévoyait pas un nombre limité de photographies, et qu’en tout état de cause M. [F] leur avait indiqué qu’en l’absence de choix de leur part, la sélection serait effectuée par ses soins.
 
Sur le fondement de l’article 1184 (ancien) du même code, ils entendent poursuivre l’exécution en nature de l’obligation contractée à leur égard.
 
Ils demandent en conséquence à la cour d’infirmer le jugement entrepris, et de condamner M. [F] à leur fournir l’intégralité des prestations prévues au devis sous peine d’une astreinte de 150 euros par jour de retard, ainsi qu’à leur payer une somme de 1.500 euros en réparation de leur préjudice moral, outre une indemnité de 2.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et leurs entiers dépens.
 
Par conclusions en réplique notifiées le 5 mai 2021, Monsieur [P] [F] maintient que l’absence de sélection des photographies par ses clients l’a placé dans l’impossibilité d’honorer la totalité des prestations convenues, ajoutant que plus de 1.200 clichés ont été pris par ses soins, et qu’il est ‘ techniquement impossible de monter un mur d’images aussi lourd ‘.
 
Il invoque l’exception d’inexécution de l’obligation de ses cocontractants comme cause exonératoire de sa propre responsabilité.
 
Il ajoute toutefois qu’il reste disposé à terminer son travail une fois en possession de la sélection qui sera opérée par les époux [O].
 
Il conclut à la confirmation du jugement querellé en ce qu’il a débouté la partie adverse de l’ensemble de ses prétentions, mais à son infirmation s’agissant du rejet de sa demande reconventionnelle, et réclame paiement d’une somme de 2.000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive sur le fondement de l’article 32-1 du code de procédure civile, outre 2.000 euros au titre de ses frais irrépétibles et ses entiers dépens.
 
La clôture de l’instruction est intervenue le 22 août 2022.
 
DISCUSSION
 
En vertu des dispositions de l’article 1147 (ancien) du code civil, dans leur rédaction antérieure à l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 10 février 2016 et applicable au présent litige, le débiteur est condamné à raison de l’inexécution de son obligation toutes les fois qu’il ne justifie pas que celle-ci provient d’une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu’il n’y ait aucune mauvaise foi de sa part.
 
C’est à bon droit que les époux [O] font valoir qu’en exigeant que soit rapportée la preuve d’une faute de leur cocontractant, le premier juge a ajouté aux conditions prévues par ce texte, alors qu’il incombe au contraire à Monsieur [F] de rapporter la preuve d’une cause exonératoire de responsabilité.
 
Il est constant que le devis établi le 28 juin 2013 prévoyait les prestations suivantes :
 
— mise en ligne des photos choisies par les clients sur un ‘blog’ personnel,
 
— réalisation d’un ‘book’ (20 pages offertes en grand format de luxe)
 
— réalisation d’un DVD en fond musical des photos sélectionnées,
 
— montage d’un film en version longue et en format clip, sous pochette en trois éditions,
 
— et fourniture d’un ‘DVD master’ contenant toutes les photographies en haute définition et libres de droits.
 
Les époux [O] soutiennent que seule cette dernière prestation leur a été fournie, sous la forme de deux DVD contenant près de 2.000 photographies en vrac et difficilement sélectionnables en raison de la mauvaise qualité de l’image.
 
Monsieur [F] ne produit aucun élément de nature à contredire ces affirmations, et reconnaît en tout état de cause qu’il n’a pas fourni l’ensemble des prestations prévues au contrat, alors qu’aux termes de son courrier en date du 4 mars 2014 il s’était engagé à effectuer lui-même la sélection des clichés en l’absence de choix de la part de ses clients.
 
Il ne peut donc utilement invoquer la carence des époux [O] pour s’exonérer de sa propre responsabilité.
 
En vertu des dispositions de l’article 1184 (ancien) du code civil, dans sa rédaction applicable au présent litige, la partie au contrat envers laquelle l’engagement n’a pas été rempli conserve le droit d’en poursuivre en justice l’exécution forcée lorsque celle-ci demeure possible, comme tel est le cas en l’espèce.
 
Le jugement déféré sera donc infirmé en ce qu’il a débouté les époux [O] des fins de leur action, et [P] [F] sera condamné à fournir l’ensemble des prestations prévues au contrat, sous peine d’astreinte, ainsi qu’à payer aux demandeurs une somme de 500 euros en réparation de leur préjudice moral.
 
La décision du premier juge sera au contraire confirmée en ce qu’elle a débouté [P] [F] de sa demande reconventionnelle en dommages-intérêts du chef d’abus de procédure.
 
PAR CES MOTIFS
 
La cour, statuant par arrêt contradictoire,
 
Confirme le jugement entrepris en ce qu’il a débouté M. [P] [F] de sa demande en dommages-intérêts pour procédure abusive,
 
L’infirme pour le surplus, et statuant à nouveau :
 
Condamne M. [P] [F] à fournir aux époux [O] l’ensemble des prestations prévues au contrat, à savoir :
 
— la mise en ligne d’une sélection de photographies sur un ‘blog’ personnel,
 
— un album de 20 pages en grand format de luxe,
 
— un DVD en fond musical des photos sélectionnées,
 
— un film en version longue et en format clip, sous pochette en trois éditions,
 
— un ‘DVD master’ contenant toutes les photographies en haute définition et libres de droits,
 
Dit que faute pour le débiteur de s’exécuter dans le délai d’un mois à compter de la signification qui lui sera faite du présent arrêt, il sera redevable d’une astreinte provisoire de 50 euros par jour de retard,
 
Condamne en outre M. [P] [F] à payer aux époux [O], pris solidairement, la somme de 500 euros en réparation de leur préjudice moral,
 
Condamne l’intimé aux entiers dépens de première instance et d’appel, ainsi qu’au paiement d’une somme de 1.500 euros au titre des frais irrépétibles exposés par la partie adverse.
 
LA GREFFIERELE PRESIDENT
 

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