Photographies de commandes publicitaires : pas de droits d’auteur

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Photographies de commandes publicitaires : pas de droits d’auteur

Le photographe professionnel qui agit strictement sous la direction de son client et selon les instructions de ce dernier ne dispose pas de droits d’auteur (pas d’originalité possible).

Affaire Bourjois

Les sociétés Coty (société Bourjois) qui produisent et commercialisent des produits cosmétiques et de parfumerie, notamment en France et en Europe, ont obtenu gain de cause contre un photographe publicitaire.

Une société de production a été sollicitée par la société Bourjois (rachetée par Coty) pour la réalisation de photographies de « packshots » (« plans d’identification d’un produit ») sur ses produits cosmétiques.

La société de production a contacté un photographe pour la mise en place d’un packshot haut de gamme illustrant les produits de la marque de cosmétique Bourjois.

Action en contrefaçon du photographe

Après avoir réalisé et transmis ses supports, le photographe a constaté que la marque Bourjois  poursuivait l’exploitation des photographies dont il était l’auteur pour illustrer les produits de maquillage sur tout support et que les photographies qu’il avait réalisées du rouge à lèvres « Velvet » étaient utilisées dans une campagne de publicité de ce produit à grande échelle.

Statut des œuvres de commande

Il résulte des dispositions des articles L. 111-1, L.112-1 et L. 112-2 9° du code de la propriété intellectuelle que l’auteur d’une oeuvre de l’esprit jouit sur cette oeuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous, comportant des attributs d’ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d’ordre patrimonial, que ce droit est conféré à l’auteur de toute oeuvre de l’esprit, quels qu’en soient le genre, la forme d’expression, le mérite ou la destination et que sont considérées comme des oeuvres de l’esprit, les oeuvres photographiques et celles réalisées à l’aide de techniques analogues à la photographie.

Il appartient à celui qui invoque la protection au titre des droits d’auteur d’établir et de caractériser l’originalité de l’oeuvre.

Il appartient au photographe de démontrer l’originalité des clichés sur lesquels il revendique une protection au titre du droit d’auteur. Or, il ressortait du brief adressé par la société Bourjois à la société de production, en réponse à une demande expresse de cette dernière, des instructions précises données par la société Bourjois.  

Il résultait de ces directives très précises de la société Bourjois ainsi que des exemples de présentation de produits (rouge à lèvre ou gloss de même format que le mascara) qu’elle joignait à celles-ci pour illustrer les résultats attendus, que les choix dont se prévalait le photographe (les effets de contraste entre le flacon aux couleurs saturées sur un fond intégralement blanc, la mise en scène et l’orientation du produit, le jeu de brillances et reflets révélant les matières de l’objet, la succession de reflets allant du blanc au gris donnant à penser qu’une lumière parvient de l’arrière du produit …) résultait non pas de  décisions arbitraires mais des indications précises de la société Bourjois.

De même, la liberté du photographe en termes de cadrage (‘3/4 fermé, ¾ ouvert sans capot, ¾ ouvert avec capot attention, nous ne souhaitons pas voir l’intérieur du capot pas d’intérêt’ ou pour le mascara ‘1 prise de vue de face ouvert/fermé – 1 prise de vue focus brosse), de lumière (‘mettre en avant les épaisseurs de verre, l’aspect laqué du produit’ ou ‘Pour la cible couleur de la bague’) et d’ effets (« Pour la texture nous avons un besoin précis celui de notre pub ; nous souhaitons une petite noisette de formule dans la partie en biais de l’applicateur) apparaissait très limitée.

Enfin, le travail de post-production/retouche réalisé pour obtenir la photographie souhaitée apparaissait être non pas dû à un parti pris du photographe, mais à un travail technique destiné à aboutir au résultat souhaité par la société Bourjois notamment en terme de reflet, tel qu’illustré par les clichés qu’elle avait joint à ses directives.

Le photographe ne démontrait donc pas avoir fait des choix personnels et arbitraires du sujet, de la mise en scène de l’objet photographié, de la composition, du cadrage, de l’angle de prise de vue ou des modifications après la prise du cliché, traduisant une démarche propre et une recherche esthétique, révélant ses compétences et sa sensibilité personnelles. Il a suivi les directives précises de la société Bourjois pour reproduire au plus proche les précédents qui lui ont été soumis.

Parasitisme exclu

Le photographe a également fait valoir en vain, à titre subsidiaire, que l’exploitation par les sociétés Coty des photographies qu’il avait réalisées constituait des actes de parasitisme.

Le parasitisme constitue un comportement fautif au sens des dispositions de l’article 1240 du code civil, caractérisé par la circonstance selon laquelle une personne physique ou morale, à titre lucratif et de façon injustifiée, copie ou imite une valeur économique d’autrui, individualisée et procurant un avantage concurrentiel, fruit d’un savoir-faire et d’investissements humains et financiers.

Les factures émises correspondant aux travaux de ‘production/post production prise de vue studio packs ouvert/fermé/close UP/Matière/Décor/bouchon ouvert/shoots produits et retouche image  et portant la mention ‘Droits et royalties’ cession de droits d’exploitation des images réalisées uniquement pour l’utilisation presse/Web.Merchandising’, ne comportaient pas de durée limitée dans le temps et n’excluaient pas les utilisations reprochées aux sociétés Coty, à savoir l’utilisation des clichés dans les vitrines des magasins Bourjois ou à des fins promotionnelles sur son site internet pour illustrer des produits destinés à la vente.

Aussi, aucun comportement fautif n’était établi à l’égard des sociétés Coty, ces dernières n’ayant nullement utilisé de façon injustifiée et sans bourse délier son travail intellectuel, ce travail ayant été rémunéré par la société Bourjois à la société de productions qui a elle-même rémunéré le photographe.


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