Photographies de commande : l’originalité difficile à établir

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Photographies de commande : l’originalité difficile à établir

Contrat de cession ou contrat de commande ?

D’aucuns s’interrogent sur l’opportunité de conclure des contrats de commande et non des contrats de cession de droits avec les photographes. La différence entre les deux contrats est importante. En effet, le contrat de commande met le photographe dans une position de faiblesse dès lors qu’il suppose un pouvoir de direction et de contrôle de la part du commanditaire, ce qui exclut (sauf exception) l’originalité et donc les droits d’auteur.

Exemple pratique

Dans cette affaire, un auteur a réalisé des photographies dans le cadre de reportages systématiquement destinés à présenter et à valoriser l’activité de son client (inauguration, visite officielle du ministre de la culture, expositions, séances d’expériences et d’expérimentations culinaires …).

Il a été jugé que l’activité du photographe était ainsi contrainte par le respect des termes de la commande, promotionnelle (et non publicitaire au sens de l’article L 132-31 du code de la propriété intellectuelle) de son client. La commande photographique emporte une limitation significative de la liberté créatrice dont il doit être tenu compte pour apprécier l’originalité alléguée.

Charge de la preuve de l’originalité

Quelle que soit la nature du contrat conclu avec le photographe, l’article L 111-1 du code de la propriété intellectuelle reste applicable : l’auteur d’une œuvre de l’esprit jouit sur cette œuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous comportant des attributs d’ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d’ordre patrimonial. Et, en application de l’article L 112-1 du même code, ce droit appartient à l’auteur de toute œuvre de l’esprit, quels qu’en soient le genre, la forme d’expression, le mérite ou la destination.

Dans ce cadre, si la protection d’une œuvre de l’esprit est acquise à son auteur sans formalité et du seul fait de la création d’une forme originale en ce sens qu’elle porte l’empreinte de la personnalité de son auteur et n’est pas la banale reprise d’un fonds commun non appropriable, il appartient à celui qui se prévaut d’un droit d’auteur dont l’existence est contestée de définir et d’expliciter les contours de l’originalité qu’il allègue.

En effet, seul l’auteur photographe, dont le juge ne peut suppléer la carence, est en mesure d’identifier les éléments traduisant sa personnalité et qui justifient son monopole. Le principe de la contradiction posé par l’article 16 du code de procédure civile commande que la personne poursuivie pour contrefaçon de photographie,  puisse connaître précisément les caractéristiques qui fondent l’atteinte qui lui est imputée et apporter la preuve qui lui incombe de l’absence d’originalité.

Critères indifférents à l‘originalité d’une photographie

La détermination de l’originalité de l’œuvre photographique relève exclusivement de l’appréciation souveraine du tribunal en considération des caractéristiques de l’œuvre et n’est pas liée par le statut fiscal d’un bien ou par la qualification contractuelle retenue par les parties.

Celle-ci, dont le sort est réglé par l’article 12 du code de procédure civile, ne peut asseoir l’aveu extrajudiciaire invoqué, qui ne peut porter au sens de l’article 1354 du code civil que sur un point de fait et non un point de droit tel que l’existence d’un droit d’auteur, ou fonder l’application du principe de l’estoppel.

En outre, la bonne ou la mauvaise foi dans l’exécution des contrats se résout dans un cadre indemnitaire et est sans incidence sur la caractérisation de l’originalité d’une œuvre, le débat sur l’interprétation d’une stipulation contractuelle étant d’ailleurs distinct de celui portant sur son exécution et étant étranger à la notion de bonne foi.

Enfin, conformément à l’article L 112-1 du code de la propriété intellectuelle, le mérite d’une œuvre, qui comprend ses qualités esthétiques, est sans incidence sur la détermination de son originalité : le fait qu’une série de photographies ait fait l’objet de « tirages originaux en séries limitées » est sans pertinence.

Limites tenant au savoir-faire technique

Toujours en matière de commande de photographies, originalité et savoir-faire technique peuvent être confondus, de surcroît pour les photographies de produits. La CJUE (affaire C145/10, Eva Maria P. c/ Standard Verlags GmbH, 01/12/2010) a rappelé qu’une création intellectuelle est propre à son auteur lorsqu’elle reflète la personnalité de celui-ci, «tel est le cas si l’auteur a pu exprimer ses capacités créatives lors de la réalisation de l’œuvre en effectuant des choix libres et créatifs ». Au stade de la phase préparatoire, l’auteur photographe pourra choisir la mise en scène, la pose de la personne à photographier ou l’éclairage. Lors de la prise de la photographie de portrait, il pourra choisir le cadrage, l’angle de prise de vue ou encore l’atmosphère créée. Lors du tirage du cliché, il pourra choisir parmi diverses techniques de développement qui existent celle qu’il souhaite adopter, ou encore procéder, le cas échéant, à l’emploi de logiciels. A travers ces différents choix, l’auteur d’une photographie de portrait est ainsi en mesure d’imprimer sa « touche personnelle » à l’œuvre créée.

L’originalité pourra ainsi être paralysée lorsque le décor et l’éclairage sont, comme les tenues des personnes, leurs postures et leur positionnement, imposés par le contexte (réunions publiques …) et l’objet du reportage. Ce contexte conditionne des choix techniques : l’utilisation d’un grand angle pour intégrer les personnes dans l’installation, la contreplongée, l’exploitation de la lumière naturelle et une prise de vue lente, un angle masquant un interlocuteur …

Il a été jugé que ces choix imposées par le contexte, ne reflètent pas la personnalité du photographe mais traduisent les contraintes de son action.

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