Péremption d’instance et conséquences financières dans un contexte de liquidation judiciaire

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Péremption d’instance et conséquences financières dans un contexte de liquidation judiciaire

L’Essentiel : Madame [U] [M] a engagé la SARL BATICLEM pour des travaux de rénovation en août 2018. Suite à la liquidation judiciaire de la société en mai 2019, elle a saisi le juge des référés à plusieurs reprises, signalant l’abandon du chantier. En octobre 2019, elle a assigné monsieur [F] et le liquidateur pour faire reconnaître sa créance. En avril 2021, un sursis à statuer a été ordonné, en attendant un rapport d’expertise déposé en août 2022. En décembre 2024, le juge a constaté la péremption de l’instance, déboutant monsieur [F] de ses demandes et condamnant madame [M] aux dépens.

Exposé du Litige

Madame [U] [M] a engagé la SARL BATICLEM pour des travaux de rénovation de sa résidence principale en août 2018. La société a été placée en liquidation judiciaire le 22 mai 2019, avec la SELARL MALMEZAT-PRAT désignée comme liquidateur.

Exposé des Faits et de la Procédure

Madame [M] a saisi le juge des référés du tribunal judiciaire de Bordeaux en mai 2019 et juillet 2020, signalant l’abandon du chantier et demandant une expertise. En septembre 2019, elle a inscrit une hypothèque judiciaire sur le bien de monsieur [F], ce qui a été annulé par un jugement en mars 2021. En octobre 2019, elle a assigné monsieur [F] et le liquidateur pour faire reconnaître sa créance et obtenir des dommages et intérêts. Un sursis à statuer a été ordonné en avril 2021, en attendant le rapport d’expertise, déposé en août 2022. En octobre 2024, monsieur [F] a demandé la péremption de l’instance, qui a été fixée pour audience en décembre 2024.

Prétentions et Moyens des Parties

Monsieur [F] a demandé au juge de condamner madame [M] à une amende civile de 3.000 euros, ainsi qu’à des dommages et intérêts pour préjudices matériel et moral, et à payer des dépens. Il soutient que madame [M] a abusé de son droit d’agir en engageant des procédures sans fondement. Madame [M] n’a pas répondu aux demandes du juge et son avocat a indiqué qu’il ne souhaitait plus intervenir.

Motivation

Le juge a constaté la péremption de l’instance, car aucune diligence n’a été effectuée depuis le dépôt du rapport d’expertise. Les demandes de dommages et intérêts de monsieur [F] ont été jugées hors des compétences du juge de la mise en état. Concernant l’amende civile, le juge a estimé qu’il n’y avait pas de preuve d’une intention abusive de la part de madame [M]. En ce qui concerne les frais, madame [M] a été condamnée à payer les dépens de l’instance périmée et 1.500 euros à monsieur [F] pour les frais irrépétibles.

Conclusion

Le juge a prononcé la péremption de l’instance, a débouté monsieur [F] de ses demandes indemnitaires et d’amende, et a condamné madame [M] à payer les dépens ainsi qu’une somme pour frais irrépétibles.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la nature de la péremption de l’instance selon le Code de procédure civile ?

La péremption de l’instance est régie par les articles 386 et 388 du Code de procédure civile.

L’article 386 stipule que :

« L’instance est périmée lorsque aucune des parties n’accomplit de diligences pendant deux ans. »

Cet article établit donc un délai de deux ans sans aucune action de la part des parties pour que l’instance soit considérée comme périmée.

L’article 388 précise que :

« Le juge peut constater d’office la péremption de l’instance après avoir invité les parties à présenter leurs observations. »

Dans le cas présent, le juge a constaté la péremption de l’instance engagée par madame [M] le 1er octobre 2019, car aucune diligence n’a été effectuée depuis le dépôt du rapport d’expertise le 4 août 2022.

Ainsi, la péremption a été constatée conformément aux dispositions des articles précités.

Quelles sont les conditions pour demander des dommages et intérêts selon le Code civil ?

Les demandes de dommages et intérêts sont principalement régies par l’article 1240 du Code civil, qui dispose que :

« Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. »

Pour qu’une demande de dommages et intérêts soit recevable, il faut prouver l’existence d’une faute, d’un dommage et d’un lien de causalité entre les deux.

Dans le cas présent, monsieur [F] a demandé des dommages et intérêts en raison de ce qu’il considère comme un abus de droit de la part de madame [M]. Cependant, le juge de la mise en état a constaté que les demandes de dommages et intérêts excédaient ses pouvoirs, car celles-ci ne relèvent pas de sa compétence selon les articles 780 et suivants du Code de procédure civile.

Ainsi, la demande de monsieur [F] n’a pas été accueillie.

Quelles sont les conditions pour condamner une partie à une amende civile ?

L’article 32-1 du Code de procédure civile prévoit que :

« Celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d’un maximum de 10 000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés. »

Pour qu’une amende civile soit prononcée, il faut établir que la partie a agi de manière dilatoire ou abusive.

Dans cette affaire, le juge a estimé que monsieur [F] ne prouvait pas l’intention abusive de madame [M], qui avait agi pour faire valoir ses droits dans le cadre de plusieurs instances.

Ainsi, la demande d’amende civile a été rejetée, car il n’a pas été démontré que madame [M] avait abusé de son droit d’agir.

Comment sont déterminés les dépens et les frais irrépétibles dans le cadre d’une instance ?

Les dépens sont régis par l’article 696 du Code de procédure civile, qui stipule que :

« La partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie. »

En ce qui concerne les frais irrépétibles, l’article 700 du même code précise que :

« Le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. »

Dans cette affaire, madame [M] a été condamnée à payer les dépens de l’instance périmée, ainsi qu’une somme de 1.500 euros à monsieur [F] au titre des frais irrépétibles, car il serait inéquitable de laisser ces frais à sa charge.

Ces décisions ont été prises en conformité avec les articles mentionnés.

N° RG 19/09290 – N° Portalis DBX6-W-B7D-TYLJ

INCIDENT

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BORDEAUX
5EME CHAMBRE CIVILE

54Z

N° RG 19/09290 – N° Portalis DBX6-W-B7D-TYLJ

Minute n° 2025/00

AFFAIRE :

[U] [M]

C/

[T] [F], S.E.L.A.R.L. MALMEZAT-PRAT -LUCAS-DABADIE

Grosse Délivrée
le :

à
Avocats :
Me Pierre DE OLIVEIRA
l’AARPI RIVIERE – DE KERLAND

ORDONNANCE DU JUGE DE LA MISE EN ETAT

Le QUATORZE JANVIER DEUX MIL VINGT CINQ

Nous, Madame Myriam SAUNIER, Vice-Présidente,
Juge de la Mise en Etat de la 5EME CHAMBRE CIVILE,

Greffier, lors des débats et du prononcé :
Isabelle SANCHEZ

DÉBATS
A l’audience d’incident du 03/12/2024

Vu la procédure entre :

DEMANDERESSE AU FOND
DEMANDERESSE A L’INCIDENT

Madame [U] [M]
née le 17 Mai 1951 à Tunis
24 rue des Pignots
33121 CARCANS

représentée par Maître Thomas RIVIERE de l’AARPI RIVIERE – DE KERLAND, avocats au barreau de BORDEAUX

DEFENDEURS AU FOND
DEFENDEURS A L’INCIDENT

Monsieur [T] [F]
né le 12 Août 1983 à NOGENT SUR MARNE (94)
6 lotissement des grands horizons
33360 QUINSAC

représenté par Me Pierre DE OLIVEIRA, avocat au barreau de BORDEAUX

S.E.L.A.R.L. MALMEZAT-PRAT-LUCAS-DABADIE inscrite sous le N°444 809 792 RCS BORDEAUX, es qualité de mandataire liquidateur de la SARL associé unique BATICLEM,
Prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège,
123 avenue Thiers
33100 BORDEAUX

défaillant

EXPOSE DU LITIGE

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Madame [U] [M] a confié au mois d’août 2018 une partie de la rénovation de sa résidence principale à la SARL BATICLEM, représentée par son gérant monsieur [T] [F].
La SARL BATICLEM a fait l’objet d’une procédure de liquidation judiciaire par jugement du 22 mai 2019 désignant la SELARL MALMEZAT-PRAT en qualité de liquidateur.

Le juge des référés du tribunal judiciaire de Bordeaux, saisi par actes des 20 mai 2019 et 10 juillet 2020 par madame [M] exposant l’abandon du chantier et la nécessité d’établir les comptes entre les parties, a ordonné une mesure d’expertise au contradictoire de la société BATICLEM et de monsieur [F] mis en cause en sa qualité de dirigeant.

Le 23 septembre 2019, madame [M] a fait procéder à l’inscription d’une hypothèque judiciaire provisoire sur le bien immobilier de monsieur [F], après avoir été autorisée au préalable par ordonnance du juge de l’exécution du 23 juillet 2019. Par jugement du 2 mars 2021, confirmé par arrêt de la cour d’appel de Bordeaux du 16 décembre 2021, le juge de l’exécution a fait droit à la demande de mainlevée de l’inscription d’hypothèque provisoire.

Par actes délivrés les 1er et 3 octobre 2019, madame [U] [M] a fait assigner monsieur [T] [F] et la SELARL MALMEZAT-PRAT-LUCAS-DABADIE en qualité de mandataire liquidateur de la SARL BATICLEM devant le tribunal de grande instance de Bordeaux aux fins de voir fixer sa créance au passif de la liquidation judiciaire et condamner monsieur [F] au paiement de dommages et intérêts au titre de la commission de fautes de gestionnaire.
Par ordonnance du 13 avril 2021, le juge de la mise en état a ordonné un sursis à statuer dans l’attente du dépôt du rapport d’expertise.

En l’absence d’élément nouveau plus de deux ans après le dépôt du rapport d’expertise, intervenu le 4 août 2022, le juge de la mise en état a envisagé de constater la péremption de l’instance et invité les parties sur le fondement de l’article 388 du code de procédure civile à présenter leurs observations.
Le 02 octobre 2024, monsieur [F] a sollicité du juge de la mise en état de constater la péremption de l’instance et de condamner madame [M] au paiement des frais de l’instance périmée.

Une audience d’incident a été fixée le 3 décembre 2024 aux fins qu’il soit statué sur les frais de l’instance.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par conclusions d’incident notifiées par voie électronique le 2 décembre 2024, monsieur [T] [F] demande au juge de la mise en état de condamner madame [M] :

– au paiement d’une amende civile d’un montant de 3.000 euros,
– à lui payer les sommes de :
11.400 euros de dommages et intérêts au titre des préjudices matériels, 3.000 euros de dommages et intérêts au titre du préjudice moral, – au paiement des dépens,
– à lui payer la somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

A l’appui de ses prétentions indemnitaires et de paiement d’une amende civile, fondées sur les dispositions des articles 32-1 du code de procédure civile et 1240 du code civil, monsieur [F] fait valoir que madame [M] a abusé de son droit d’agir, conformément à l’article 30 du code de procédure civile, en engageant de multiples procédures dénuées de tout bien fondé. Ainsi, il soutient que la procédure de référé était manifestement arbitraire puisqu’aucun lien contractuel ne le rattachait à madame [M], de même que pour la procédure fond laquelle est à ce jour périmée en raison de l’inaction de celle-ci. Il affirme avoir subi de ce fait, d’une part, un préjudice matériel caractérisé par l’engagement de frais importants et, d’autre part, un préjudice moral puisque sa résidence principale a été hypothéquée et qu’il a fait l’objet d’une plainte pénale.

Madame [M] n’a pas répondu à la demande d’observation formulée par le juge de la mise en état ni conclu dans le cadre de l’incident, son conseil ayant adressé un message RPVA le 03 décembre 2024 indiquant ne plus intervenir dans cette affaire.

MOTIVATION

1/ Sur la péremption de l’instance

En vertu de l’article 386 du code de procédure civile, l’instance est périmée lorsque aucune des parties n’accomplit de diligences pendant deux ans. L’article 388 du code de procédure civile autorise le juge à la constater d’office après avoir invité les parties à présenter leurs observations.

En l’espèce, il convient de constater que le sursis à statuer ordonné le 13 avril 2021 a pris fin le jour du dépôt du rapport d’expertise le 04 août 2022, qu’aucune diligence interruptive du délai de péremption de l’instance n’est intervenue depuis cette date.

Il convient par conséquent de constater la péremption de l’instance engagée par madame [U] [M] le 1er octobre 2019.

2/ Sur la demande indemnitaire formée par monsieur [T] [F]

Les pouvoirs du juge de la mise en état sont strictement et limitativement énumérées aux articles 780 et suivants du code de procédure civile, et notamment par les dispositions de l’article 789 du code de procédure civile, qui ne prévoient pas la possibilité pour celui-ci de statuer sur une demande de dommages et intérêts fondée sur les dispositions de l’article 1240 du code civil et de l’abus du droit d’agir.

En conséquence, il sera constaté que les demandes de dommages et intérêts formulées par monsieur [F] au titre des préjudices moral et matériel excèdent les pouvoirs du juge de la mise en état, qui ne peut pas statuer sur ces demandes.

2/ Sur la demande au titre de l’amende civile

Aux termes de l’article 32-1 du code de procédure civile, celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d’un maximum de 10 000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés.

En l’espèce, monsieur [F] ne démontre pas l’existence d’une intention abusive ou dilatoire de la part de madame [M], laquelle ne saurait résulter du fait qu’elle a agi dans le cadre de plusieurs instances pour faire valoir ses droits en urgence (procédure devant le juge de l’exécution et devant le juge des référés qui a ordonné une expertise) ni du fait d’avoir laissé l’instance au fond se périmer.

En conséquence, il convient de débouter monsieur [F] de sa demande de condamnation de madame [M] au paiement d’une amende civile.

3/ Sur les frais du procès

En application de l’article 790 du code de procédure civile, le juge de la mise en état peut statuer sur les dépens et les demandes formées par application de l’article 700.
L’article 393 du code de procédure civile prévoit que les frais de l’instance périmée sont supportés par celui qui a introduit cette instance.

– Dépens

En vertu de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.

En l’espèce, madame [U] [M] qui a introduit l’instance périmée, sera condamnée au paiement des dépens de l’instance.

– Frais irrépétibles

En application de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.[…]. Dans tous les cas, le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations dire qu’il n’y a pas lieu à ces condamnations. Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu’elles demandent.

En l’espèce, madame [U] [M], tenue au paiement des frais de l’instance périmée, sera condamnée à payer à monsieur [T] [F] une somme de 1.500 euros au titre des frais irrépétibles qu’il serait inéquitable de laisser à sa charge.

PAR CES MOTIFS

Le juge de la mise en état, statuant par ordonnance réputé contradictoire, susceptible de recours selon les modalités de l’article 795 du code de procédure civile, prononcée par mise à disposition au greffe,

Constate la péremption de l’instance engagée les 1er et 03 octobre 2019 par madame [U] [M] à l’encontre de monsieur [T] [F] et la SELARL MALMEZAT-PRAT-LUCAS-DABADIE en qualité de mandataire liquidateur de la SARL BATICLEM et le dessaisissement de la juridiction ;

Constate que la demande indemnitaire formée par monsieur [T] [F] n’entre pas dans les pouvoirs du juge de la mise en état ;

Déboute monsieur [T] [F] de sa demande formulée au titre de l’amende civile ;

Condamne madame [U] [M] au paiement des dépens de l’instance périmée ;

Condamne [U] [M] à payer monsieur [T] [F] la somme de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

La présente décision a été signée par Madame Myriam SAUNIER, Juge de la mise en état, et par Madame Isabelle SANCHEZ, Greffier.

LE GREFFIER, LE JUGE DE LA MISE EN ETAT,


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