Principe de la protection
L’article L. 111-1 du code de la propriété intellectuelle dispose que l’auteur d’une œuvre de l’esprit jouit sur cette œuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposables à tous, comportant des attributs d’ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d’ordre patrimonial. Le droit ainsi conféré l’est, selon l’article L. 112-1 dudit code, à l’auteur de toute œuvre de l’esprit, quels qu’en soit le genre, la forme d’expression, le mérite ou la destination. Il se déduit de ces dispositions le principe de la protection d’une œuvre sans formalité et du seul fait de la création d’une forme originale.
Charge de la preuve
L’auteur / photographe doit être en mesure d’expliciter les éléments permettant de comprendre son effort créatif et ce qu’il revendique comme étant l’empreinte qu’il a imprimée à cette œuvre et qui ressort de sa personnalité.
Cette obligation résulte notamment de l’arrêt de la Cour de Justice de l’Union Européenne en date du ler décembre 2011 dans l’affaire C-145/10, Eva-Maria P. c/ Standard Verlags GmbH et a. qui est venu préciser que : « il résulte du dix-septième considérant de la directive n° 93/98, qu’une création intellectuelle est propre à son auteur lorsqu’elle reflète la personnalité de celui-ci. Or tel est le cas si l’auteur a pu exprimer ses capacités créatives lors de la réalisation de l’oeuvre, en effectuant des choix libres et créatifs (…). S’agissant d’une photographie de portrait, il y a lieu de relever que l’auteur pourra effectuer ses choix libres et créatifs de plusieurs manières et à différents moments lors de sa réalisation. Au stade de la phase préparatoire, l’auteur pourra choisir la mise en scène, la pose de la personne à photographier ou l’éclairage. Lors de la prise de la photographie de portrait, il pourra choisir le cadrage, l’angle de prise de vue ou encore l’atmosphère créée. Enfin, lors du tirage du cliché, l’auteur pourra choisir parmi diverses techniques de développement qui existent celle qu’il souhaite adopter, ou encore procéder, le cas échéant, à l’emploi de logiciels. A travers ces différents choix, l’auteur d’une photographie de portrait est ainsi en mesure d’imprimer sa `touche personnelle’ à l’oeuvre créée ».
En l’espèce, un photographe n’a pas obtenu la protection de ses créations : si le photographe s’est bien appliqué à décrire le processus créatif allégué derrière chacune des photographies invoquées, il ressort de l’étude, et surtout de la comparaison de celles-ci que ces photographies n’ont été prises que dans le seul but de démontrer les effets et capacités de filtres photographiques (COKIN).
En effet, chaque photographie est au moins prise en double, une version avec filtre et une sans filtre, et chacune d’entre elles porte sur un sujet traité de façon volontairement basique. Ainsi le photographe se trouve à chaque fois face au sujet, et la prise de vue est centrée sur ce dernier, l’angle de vue étant lui aussi rigoureusement le même pour l’ensemble des photographies (pas de plongée ou de contre-plongée, etc.). Aucun choix arbitraire n’a donc été fait par le photographe quant à la composition de ces clichés, portant sur des sujets on ne peut plus communs (plage avec coucher de soleil, portraits, fleurs). On retrouve d’ailleurs plusieurs fois un même sujet pris à plusieurs reprises, exactement de la même manière, seul le filtre COKIN utilisé changeant entre les différentes « déclinaisons ». Il ressort donc de l’analyse des photographies que celles-ci ont été réalisées à seule fin de démontrer les effets de l’usage du filtre et ne portent pas l’empreinte de la personnalité de leur auteur. Aucune originalité n’étant retenue pour ces clichés, le photographe n’a pas la qualité d’auteur.
Difficulté de prouver l’originalité
A titre surabondant, il a été précisé que si le tribunal reconnaît la difficulté consistant à exposer dans l’assignation et les écritures la description de ce que l’auteur considère comme conférant à ces photographies leur originalité et ce œuvre par œuvre, il n’en demeure pas moins qu’il s’agit conformément aux dispositions des articles 56 et 753 du code de procédure civile d’une obligation à peine de nullité, à la charge du photographe qui doit établir les éléments du litige et exposer de façon suffisamment claire ses droits de façon à permettre aux défendeurs de pouvoir organiser de façon loyale et totale leurs moyens de défense ; le photographe ne peut se soustraire à cette obligation en versant aux débats une pièce reprenant ce travail descriptif, à moins que le juge de la mise en état ne lui en ait donné l’autorisation après accord des parties en défense.