L’appréciation de l’originalité de photographies est à échelle variable d’une juridiction à l’autre, privilégier l’appel peut être judicieux.
Contester l’absence d’originalité
Une photographe professionnelle depuis 1978, qui a participé à l’illustration de nombreux ouvrages d’architecture et d’objets d’arts, a fait appel avec succès d’une décision qui avait conclu à l’absence d’originalité de certaines de ses photographies.
Savoir-faire technique ou originalité
Un premier jugement avait conclu à tort que les choix de luminosité et de cadrage étaient inhérents à l’activité du photographe professionnel, et que les photos litigieuses révélaient seulement un savoir-faire technique sans démonstration d’un parti-pris esthétique de sorte qu’elles n’étaient pas protégeables au titre du droit d’auteur.
A l’opposé, la Cour d’appel a considéré qu’il importe peu que les photographies invoquées au titre du droit d’auteur soient des photographies réalistes représentant comme en l’espèce des monuments, l’artiste photographe conservant sa liberté créative d’effectuer des choix qui lui sont propres sur tous types de sujet, lesdits choix portant notamment sur des éléments de mise en scène, d’éclairage, de cadrage, d’angle de prise de vue ou d’atmosphère recherchée reflétant l’empreinte de sa personnalité.
Ainsi pour chacune des 48 photographies représentant des façades, des intérieurs, des visions générales ou des détails de nombreux monuments de Paris, le photographe justifiait avoir procédé à des choix délibérés tenant à l’instant et à l’angle de prise de vue, au cadrage, au jeu de la lumière et des volumes accentuant le caractère plat ou modelé d’une façade, conférant un effet de relief inattendu aux intérieurs pour que l’oeil circule dans l’image comme lors d’une visite guidée, donnant ainsi à voir un même monument de façon différente, selon sa touche personnelle, révélant à la fois grandeur et familiarité, les parti-pris singuliers de son regard de photographe.
L’auteur justifiait pour chaque photographie, chacune d’entre elles étant référencée par un nombre en pièce 5-1, notamment des choix suivants : un angle de vue arrière et de 3/4 de côté mettant en avant la diversité des volumes, exacerbée par une luminosité rasante du fait de l’horaire de la prise de vue ; l’éclairage naturel de face par temps clair avec un grand ciel bleu de loin en fond mettant en avant les dimensions imposantes de la façade et des volumes de la cathédrale, en contraste avec la taille des passants en contrebas, la suppression des zones d’ombre conférant un caractère plat à ladite façade ; l’angle de vue de face mettant en lumière les détails du tympan dans son ensemble, et l’éclairage extérieur spécifique du mois de juin améliorant la lisibilité des personnages et de l’histoire représentée dans les voussures ; le cadrage et l’angle de vue accentuant la perception en une seule prise de vue des perspectives multiples à travers les différents piliers autour desquels ont été disposés des éclairages à des emplacements choisis, l’ajout de plusieurs projecteurs permettant une circulation vagabonde ; un éclairage et une prise de vue de face du tympan légèrement en hauteur conférant une dimension historique particulière et une appréhension des personnages singulière, sans zones d’ombre ; un angle de vue lointain afin de conférer de la profondeur et de la sérénité à l’ensemble de la nef et permettre une lecture architecturale de la voûte à la base des piliers, le retrait des milliers de chaises de la cathédrale, tôt le matin à un moment où il faisait encore nuit, et les éclairages placés à la croisée du transept et dans le chœur réalisant un contraste des perspectives.
Charge de la preuve de l’originalité
En application de l’article L.111-1 du code de la propriété intellectuelle, l’auteur d’une oeuvre de l’esprit jouit sur cette oeuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous, et selon l’article L.112-1 du même code, ce droit est conféré à l’auteur de toutes les oeuvres de l’esprit, quels qu’en soient le genre, la forme d’expression, le mérite ou la destination. Sont notamment considérées comme oeuvres de l’esprit aux termes de l’article L 112-2 9° du code de la propriété intellectuelle ‘les oeuvres photographiques et celles réalisées à l’aide de techniques analogues à la photographie’. Il se déduit de ces dispositions le principe de la protection d’une oeuvre sans formalité du seul fait qu’elle constitue une création originale. Néanmoins, lorsque cette protection est contestée en défense, l’originalité de l’oeuvre doit être explicitée par celui qui se prévaut d’un droit d’auteur. Télécharger la décision